Articles tagués ‘effet’

Pharmacovigilance : l’IGAS enfonce le clou

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

PharmacovigilanceAprès un premier rapport accablant et sans concessions en janvier 2011 sur l’affaire du Mediator, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a poursuivi la mission que lui avait confiée Xavier Bertrand : comprendre les dysfonctionnements de la pharmacovigilance française révélés ces derniers mois et faire des propositions pour l’avenir. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce second rapport de l’IGAS, publié le 21 juin 2011, adopte un ton tout aussi critique à l’égard de l’industrie, des agences de santé gouvernementales et des politiques que le premier et que les propositions sont audacieuses. Y a-t-il de quoi se réjouir pour autant ? Pas nécessairement lorsque l’on connaît le sort réservé par les pouvoirs publics à bon nombre de rapports une fois que les effets d’annonce se sont estompés…

Concernant l’affaire du Mediator, l’IGAS persiste et signe. Quelques mois de recul n’y changent rien, l’IGAS réitère les conclusions de son rapport précédent : le benfluorex (Mediator) est bien un anorexigène (coupe-faim) ; le laboratoire Servier a, dès l’origine, « déployé une stratégie de positionnement du Mediator en décalage avec la réalité pharmacologique de ce médicament, utilisant tous les moyens à sa disposition pour faire prévaloir sa position » ; l’Agence chargée du médicament a été « incompréhensiblement tolérante à l’égard du Mediator et a fait preuve d’une grave défaillance dans les méthodes et l’organisation de son système de pharmacovigilance » ; les pouvoirs publics ont été trop lents à dérembourser ce médicament et globalement trop faibles dans leur pilotage de la « chaîne du médicament ». Pour l’IGAS, il ne faut pas se voiler la face : « Au-delà des anomalies particulières qu’elle a relevées, la mission tient à souligner que de graves défaillances globales des politiques et autorités publiques du médicament au général, du système français de pharmacovigilance au particulier […] existent et qu’elles résultent à la fois d’un affaiblissement du rôle de l’État depuis la fin des années 90, et d’un retard pris par rapport aux pays comparables. »

Les propositions pour faire évoluer ou pour réformer le système sont nombreuses. Simplifier les déclarations et apporter un retour concret aux déclarants sont au nombre de celles-ci. Déconnecter celui qui déclare, qu’il soit professionnel de santé ou patient, de l’industrie semble aussi important aux rapporteurs : « Au Royaume-Uni, un courrier d’accompagnement précise à la personne qui notifie qu’elle ne sera pas inquiétée. L’anonymat du notificateur et du patient doit être respecté ». Mais il faut aussi donner une véritable indépendance à l’Afssaps vis-à-vis de l’industrie en lui permettant de ne plus tenir compter de l’avis des fabricants quant à l’imputabilité de leurs produits dans la survenue d’un effet indésirable et en donnant les moyens à l’Agence de réaliser des méta-analyses indépendantes afin qu’elle « n’accorde plus aux analyses fournies par les laboratoires pharmaceutiques un poids prépondérant dans la prise des décisions ».
Développer des signaux d’alerte automatisés et repenser la doctrine du risque individuel, c’est aussi ce que propose l’Igas. « L’Afssaps pour l’heure conduit plutôt un raisonnement sur le risque individuel. Elle s’est comportée comme une agence des produits de santé qui va, à tous les temps, juger si un médicament mérite ou pas de demeurer sur le marché. C’est probablement cette logique qui aboutit à l’inversion de la charge de la preuve avec un doute qui profite souvent au médicament. Il lui faut désormais développer une culture d’analyse populationnelle du risque. » Procéder ainsi, c’est ternir compte du fait que « les données de sécurité d’emploi disponibles lors des autorisations de mise sur le marché [AMM, NDLR] sont par essence limitées du fait notamment du nombre de personnes concernées par les essais cliniques et de la sous-représentation de certains groupes de population (personnes âgées, enfants, etc.). Les effets indésirables observés lors des essais cliniques ne représentent donc pas réellement les réactions dans la population une fois l’AMM obtenue. Dès lors, il est indispensable de disposer de données de sécurité d’emploi post AMM. »
D’autres propositions sont faites par l’Igas comme, par exemple, de renforcer le niveau d’expertise interne de l’Afssaps en lui permettant de se constituer un noyau d’experts. Ce dernier comprendrait des spécialistes de pharmacovigilance, des cliniciens et des spécialistes de santé publique. Ces experts cesseraient tous liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique dès qu’ils prennent leur fonction.

Pour l’Igas, il faut une politique du médicament globale, car il n’existe pas de véritable chaîne organisée du médicament actuellement. « L’Afssaps, chargée par la loi de l’évaluation et de la sécurité sanitaires, applique les indulgentes règles européennes d’autorisation de mise sur le marché et a progressivement relâché sa vigilance, faisant donc la part trop belle à l’offre industrielle, participant d’une politique d’encombrement thérapeutique, devenant au fil du temps une « agence enregistreuse » sur le modèle de l’agence européenne, l’EMA ; la Commission de la transparence, ne disposant ni des règles précises, ni des moyens de pratiquer une véritable évaluation médico-économique s’est trop longtemps contentée de reprendre les données issues de la commission d’AMM pour accorder de façon trop peu sélective les autorisations de remboursement ; le CEPS [Comité économique des produits de santé, NDLR] agit de façon isolée, sans contact réel et formalisé avec la Commission de la transparence, et fixe les prix des médicaments et sur des fondements discutables. »
Le constat est dur quant à la dérive qu’a connue le système de pharmacovigilance ces dernières années : « Dans le cas particulier du médicament, le projet d’éloigner la décision relative au médicament vers des agences autonomes, dotées de fortes compétences et que l’on concevait comme incorruptibles, afin de créer des lieux de résistance aux firmes plus forts que l’État, ce projet a échoué. La coupure entre le sanitaire et l’économique n’a pas diminué l’emprise des firmes, bien au contraire. La « dépolitisation » voulue de la décision n’a pas donné entière satisfaction, loin de là.
Le risque de « capture » du régulateur par les entreprises régulées s’est réalisé et, progressivement, une banalisation de l’Afssaps s’est opérée, aboutissant à ce constat dangereux : une agence de sécurité sanitaire non seulement n’inspirant plus la crainte, mais trop souvent entravée elle-même par la peur du recours juridique ; une agence fascinée et dominée par son « modèle », l’agence européenne. »

Il est aussi question de valeur thérapeutique ajoutée pour les nouveaux médicaments afin d’éviter un « encombrement thérapeutique ». « La mission réaffirme la logique d’un nombre suffisant de médicaments, logique s’opposant à l’idée d’une infinité de choix possible en matière de protection sociale, financièrement non accessible, paradoxalement inefficace et inéquitable, potentiellement dangereuse. »

L’Igas propose enfin une meilleure formation des jeunes médecins à ce qu’elle appelle « une médecine sobre », susceptible de privilégier autant les stratégies de santé non médicamenteuses que les médicamenteuses. Elle demande que la mascarade sur l’indépendance de la formation médicale continue vis-à-vis de l’industrie cesse et que de vraies réformes interviennent dans ce domaine.

Cerise sur le gâteau : « La mission estime qu’il n’y pas d’alternative à l’interdiction de la visite médicale comme les tentatives de régulation menées depuis quelques années l’ont montré. » Elle « propose l’affichage de toutes les contributions des firmes pharmaceutiques aux parties prenantes de la politique de santé, quelle qu’en soit la nature, sur le modèle du Sunshine Act américain » et insiste sur « le maintien d’une opposition absolue de notre pays dans le concert européen à toute amodiation des règles actuelles de non-promotion des médicaments vers le public ».

À quelques mois d’une élection présidentielle où la santé publique passe souvent bien après d’autres sujets et disparaît devant les intérêts des uns et des autres, on peut se demander qui pourrait avoir le courage de mener une telle réforme de la pharmacovigilance et de la politique du médicament sur la base de ces propositions qui n’ont rien de consensuel. Ces rapports de l’Igas ont le mérite de poser de vraies questions, mais y aura-t-il quelqu’un pour y répondre ?

Signalement des effets indésirables des médicaments par le patient à l’Afssaps

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Effets indésirables des médicamentsLa pharmacovigilance, selon l’article R 5121-150 du code de la santé publique, a pour objet la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain mentionnés au sein de ce même code. À cet effet, la loi prévoit, depuis les décrets 95-278 du 13 mars 1995, 2004-99 du 29 janvier 2004 et 2007-1860 du 26 décembre 2007, qu’en plus de toute entreprise ou tout organisme exploitant un médicament ou un produit mentionné à l’article R 5121-150, le médecin, chirurgien-dentiste ou la sage-femme ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à l’un de ces produits, qu’il l’ait ou non prescrit, en fasse la déclaration immédiate au centre régional de pharmacovigilance.
De même, le pharmacien ayant eu connaissance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article R 5121-150 qu’il a délivré le déclare aussitôt au centre régional de pharmacovigilance, au titre de l’article R 5121-170 de ce même code. Des obligations du même type reposent sur les établissements de santé publics et privés, ainsi que sur les centres antipoison et d’autres organismes.
Les autres professionnels de santé ayant eu connaissance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article R 5121-150 peuvent également en informer le centre régional de pharmacovigilance, sans que cela soit pour eux une obligation.

Bien que la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ait posé le principe d’une pharmacovigilance ouverte aux patients, il n’était pas possible pour ces derniers ou les associations les représentant de déclarer les effets indésirables des médicaments qu’ils étaient à même de constater, alors qu’ils en sont les premières victimes. Il aura fallu le scandale du Mediator pour que le décret d’application relatif à ces déclarations voie enfin le jour. Le décret nº 2011-655 du 10 juin 2011 relatif aux modalités de signalement par les patients ou les associations agréées de patients d’effets indésirables susceptibles d’être liés aux médicaments et produits mentionnés à l’article L 5121-1 du code de la santé publique a été publié au Journal officiel du 12 juin 2011. Il est accompagné de l’arrêté du 10 juin 2011 pris pour l’application des articles R 5121-154, R 5121-167 et R 5121-179 du code de la santé publique et relatif aux modalités de signalement des effets indésirables par les patients et les associations agréées de patients.
Si les obligations restent les mêmes pour les professions médicales, l’industrie, les établissements de santé, et qu’il n’y a toujours rien d’obligatoire pour les autres professionnels de santé, les patients et les associations agréées de patients peuvent désormais eux aussi informer un centre régional de pharmacovigilance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à l’un des ces produits. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une simple possibilité.

L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qui au final est chargée de traiter toutes ces données a déjà mis en ligne un mode d’emploi à l’usage des patients afin qu’ils sachent quoi déclarer et comment le faire. Un formulaire spécifique est prévu à cet usage. Selon l’Afssaps, les patients ou leur représentant (dans le cas d’un enfant, les parents par exemple), ainsi que les associations agréées que pourrait solliciter le patient, peuvent déclarer les effets indésirables que le patient ou son entourage suspecte d’être liés à l’utilisation d’un ou plusieurs médicaments, y compris lors de la grossesse ou de l’allaitement, mais aussi les mésusages, abus ou erreurs médicamenteuses (avérés ou potentiels).
Il est évident qu’un mode d’emploi n’est pas superflu lorsqu’on lit l’annexe de l’Arrêté du 10 juin. Certes, il est logique de demander le maximum de précisions au patient afin de pouvoir agir efficacement, mais une nouvelle fois rien ne semble avoir été fait pour simplifier le recueil et le traitement de ces informations. Stylo et fax sont au rendez-vous. Comparée au système de télédéclaration des impôts ou aux moyens donnés à la Hadopi, la pharmacovigilance fait pâle figure ; elle est pourtant destinée à sauver des vies…
Dénoncés depuis de nombreuses années par les professions médicales, la complexité et le traitement erratique des dossiers de pharmacovigilance sont-ils inévitables ? Tout dépend de la volonté des différents acteurs de la filière de voir les problèmes résolus. L’industrie a-t-elle intérêt à ce qu’un effet indésirable soit toujours pris en compte ? Après l’affaire du Mediator, on est en droit d’en douter. Les agences de santé ont-elles les moyens humains et financiers de traiter ces informations ? Ont-elles la volonté ou la possibilité de le faire alors qu’elles ne sont pas à l’abri de pressions diverses et variées ?

Si ce décret peut apparaître comme un progrès pour ce qui est appelé la démocratie sanitaire, il ne doit pas faire oublier les limites imposées à la pharmacovigilance. Seuls les effets indésirables graves ou inattendus sont pris en compte à l’heure actuelle. Deux notions définies par la loi et qui ont bien souvent tendance à se confondre dans l’esprit des industriels ou des personnels des agences de santé. Par « effet indésirable », le code de la santé publique entend « une réaction nocive et non voulue, se produisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou pour la restauration, la correction ou la modification d’une fonction physiologique, ou résultant d’un mésusage du médicament ou produit » ; par « effet indésirable grave », il entend « un effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité importantes ou durables, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale » et par « effet indésirable inattendu », « un effet indésirable dont la nature, la sévérité ou l’évolution ne correspondent pas aux informations contenues dans le résumé des caractéristiques du produit ».
En pratique et faute d’avoir à tous les niveaux les compétences nécessaires, l’Afssaps s’en remet bien souvent aux fabricants pour savoir, dans un premier temps, si les effets indésirables signalés sont graves ou non, et s’ils sont inattendus si leur sévérité nécessite ou non de donner suite…
Offrir la possibilité aux patients et aux professionnels de santé de déclarer est une chose, mais prendre en compte ces déclarations en est une autre.

Le problème n’est pas propre aux médicaments, il existe aussi pour les dispositifs médicaux et la matériovigilance. Dans ce domaine, le code de la santé publique prévoit d’ailleurs que « le fabricant, les utilisateurs d’un dispositif et les tiers ayant connaissance d’un incident ou d’un risque d’incident mettant en cause un dispositif ayant entraîné ou susceptible d’entraîner la mort ou la dégradation grave de l’état de santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’un tiers doivent le signaler sans délai à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » (art. L 5212-2). On peut donc estimer que les patients sont déjà concernés et qu’ils peuvent déclarer, mais là aussi la pratique est très éloignée de la théorie et les obstacles auxquels sont confrontés professionnels de santé et patients les font très vite renoncer.

Seule l’expérience permettra de savoir si l’application des textes mis en place pour la pharmacovigilance est à la hauteur des espérances des patients, des patients qui en ont assez de voir les scandales sanitaires se succéder…

Pas de faute pour les fabricants de vaccins aux États-Unis

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'injection est prêteLes fabricants de vaccins pour les enfants ne peuvent être poursuivis pour des défauts de conception de leurs produits aux États-Unis, ainsi en ont décidé les membres de la Cour suprême de ce pays par 6 voix contre 2.

Cette décision fait suite à la plainte des parents d’une enfant ayant souffert de convulsions après avoir reçu une injection de vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (affaire Bruesewitz v Wyeth Inc). Pour la Cour, une loi adoptée par le Congrès des États-Unis en 1986 exclut toutes poursuites contre les fabricants de vaccins dans un tel cas : ce texte prévoit en effet qu’aucune faute ne pourra être reprochée à un laboratoire si un enfant est victime des effets secondaires d’un vaccin.
La loi, appelée The National Childhood Vaccine Injury Act, « écarte toutes réclamations contre les fabricants pour des défauts de conception de vaccins par des plaignants qui demandent une indemnisation pour des blessures ou des décès causés par les effets secondaires du vaccin ».

Russell et Robalee Bruesewitz voulaient voir reconnue la responsabilité du laboratoire Wyeth après que leur fille de 6 mois ait présenté de nombreuses crises convulsives après avoir été vaccinée en 1992. Cette injection n’a rien de particulier et est pratiquée de façon habituelle chez les enfants de cet âge. Malheureusement, chez cette enfant, les médecins ont diagnostiqué en 2003 un trouble épileptique résiduel et une encéphalopathie.
La loi exclut les plaintes pour les effets secondaires “inévitables”, mais pour les avocats de la famille, au moment où a été réalisée l’injection, ce produit était dépassé, mal conçu et ses effets secondaires évitables.
Pour le juge Antonin Scalia, membre de la Cour suprême qui a voté pour cette décision, « à condition que la fabrication soit correcte et qu’il n’y ait pas de mise en garde, les autres effets secondaires, y compris ceux résultant de défauts de conception, sont réputés avoir été inévitables ».

Comment expliquer qu’un tel texte ait pu être adopté ? Tout simplement parce qu’il a été voté à un moment où les États-Unis étaient confrontés à une pénurie de vaccins pour les enfants après que les fabricants aient décidé de se retirer de ce marché face à l’augmentation du nombre de plaintes auxquels ils avaient à faire face justement pour le vaccin tout-en-un diphtérie-coqueluche-tétanos. L’adoption de cette loi s’est accompagnée de la création d’un tribunal dédié à ces produits, appelé Vaccine court et financé par les fabricants par le biais d’une taxe sur chaque dose, qui doit déterminer si les dommages d’un plaignant sont dus à un vaccin ou non. Dans le cas d’Hannah Bruesewitz, ce tribunal a estimé que le produit n’était pas en cause.

Le jugement de la Cour suprême a été salué par l’Académie américaine de pédiatrie, qui s’était jointe à 21 autres associations du monde de la santé, y compris l’American Medical Association, pour déposer un amicus curiae, contribution versée spontanément au débat, exhortant le tribunal à rendre une décision qui sauvegarde l’approvisionnement du pays en vaccins.

« Les vaccins destinés aux enfants font partie des plus grands progrès de la médecine du siècle dernier », a déclaré la présidente de l’Académie de pédiatrie, Marion Burton. « La décision de la Cour suprême protège les enfants par le renforcement de notre système national de vaccination et veille à ce que les vaccins continuent à empêcher la propagation de maladies infectieuses dans ce pays. »

Pour le juge Scalia, les fabricants sont déjà obligés par la loi de financer un programme informel et efficace d’indemnisation des victimes des vaccins. « En échange, il faut leur éviter de coûteux litiges et de se voir de temps en temps condamner de façon disproportionnée par un jury ».

Le laboratoire Wyeth a fait valoir pour sa part que si la décision lui était défavorable, cela pourrait ouvrir la voie à une déferlante de poursuites alléguant un lien de causalité entre les vaccins et l’autisme.

Sonia Sotomayor et Ruth Bader Ginsberg, juges à la Cour suprême elles aussi, ont quant à elles voté contre cette décision. Pour Sonia Sotomayor, ce jugement « laisse un vide réglementaire dans lequel personne ne veille à ce que les fabricants de vaccins tiennent compte de manière adéquate des progrès scientifiques et technologiques lors de la conception ou de la distribution de leurs produits. »

Cette affaire montre bien à quel point il est difficile pour les autorités d’un pays, fût-il aussi puissant que les États-Unis, de ne pas plier face à l’industrie pharmaceutique qui semble ne pas hésiter à arrêter la production de produits indispensables à la santé publique si elle se sent menacée. Un procédé auquel les assureurs ont eux aussi eu recours quand leurs intérêts ont été attaqués. Volià qui pourrait expliquer, sans le justifier, que de nombreuses victimes soient encore sacrifiées pour ne pas nuire à des intérêts qui les dépassent…

[Source : BMJ 2011;342:d1292]

Plus de cas de narcolepsie chez les enfants vaccinés contre la grippe A(H1N1)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un vaccin à la mainLe Comité consultatif mondial sur la sécurité des vaccins qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu le 8 février 2011 que l’apparition de cas de narcolepsie chez des enfants et des adolescents vaccinés contre la grippe A(H1N1) dans 12 pays différents méritait que des études complémentaires soient menées à ce propos. La narcolepsie est une affection neurologique grave se caractérisant par des envies de dormir irrépressibles et des épisodes de perte brusque du tonus musculaire sans altération de la conscience et survenant à un moment quelconque de la journée chez la plupart des patients. Cette pathologie, encore appelée maladie de Gélineau, est habituellement rare qui a tendance à toucher plus les adolescents et les quadragénaires.

Suite aux campagnes de vaccinations contre la grippe A(H1N1) en 2009, plusieurs pays, comme la Suède, la Finlande ou l’Islande, ont rapporté des taux plus élevés que d’habitude de jeunes patients souffrant de narcolepsie. En Finlande, après avoir étudié les cas recensés sur son territoire, l’Institut national de la santé et du bien-être de ce pays a même décidé de publier une déclaration préliminaire, le 1er février 2011. En effet, en 2009-2010, les équipes de cet institut ont mis en évidence un risque plus élevé de narcolepsie chez les 4—19 ans qui avaient reçu la vaccination contre la grippe A(H1N1) 2009 par rapport à ceux qui n’avaient pas été vaccinés. Il faut savoir que le seul vaccin utilisé en Finlande au cours de la pandémie a été le Pandemrix, un vaccin monovalent avec adjuvant fabriqué par les le laboratoire GlaxoSmithKline, utilisé dans 47 pays à travers le monde à la même période.

Dans son communiqué, l’OMS reconnaît que « l’Institut national finlandais (sur les conseils de la Finnish National Narcolepsy Task Force) a conclu que le risque de développement de la narcolepsie chez les personnes vaccinées âgées de 4 à 19 ans est environ neuf fois plus élevé que ceux non vaccinés pour une même tranche d’âge, ce qui correspond à un risque d’environ 1 cas de narcolepsie par 12 000 vaccinés. » Cette augmentation n’a pas été retrouvée pour les autres tranches d’âge.
Une prédisposition génétique a été retrouvée chez les patients atteints, cette maladie étant presque exclusivement observées chez des personnes qui ont un génotype (HLA) DQB1 * 0602, comme c’est le cas pour tous les jeunes Finlandais diagnostiqués. Au 24 janvier 2011, la Finlande comptait 56 cas de narcolepsie associée au Pandemrix, dont 54 dans la tranche d’âge 4—19 ans. Dans la plupart des cas les symptômes sont apparus dans les deux mois ayant suivi cette vaccination.
L’Institut national estime qu’il est possible que le vaccin Pandemrix soit un facteur contribuant à l’augmentation observée et a appelé à une enquête plus poussée sur les autres cofacteurs qui peuvent être associés à ce risque accru. Les chercheurs considèrent qu’il est probable que le vaccin Pandemrix augmente le risque de narcolepsie chez des patients prédisposés génétiquement et qui seraient aussi soumis à d’autres facteurs environnementaux ou génétiques qu’il reste à découvrir. Le rapport final du groupe de travail finlandais est prévu d’ici le 31 août 2011.

L’OMS considère que, bien que ce phénomène n’a pas été constaté dans tous les pays ayant utilisé ce vaccin, il est nécessaire de mener à bien des travaux à ce sujet. Il convient de rester prudent, car en Islande à la même période, l’apparition d’un plus grand nombre de cas de narcolepsie semble aussi avoir été constaté chez les enfants non vaccinés.

En France, 50 millions de doses de vaccins Pandemrix ont été commandées pour une valeur totale de 350 millions d’euros. Une partie de cette commande a été annulée et seules 18 millions de doses de ce vaccin avec adjuvant ont été livrées. Normalement, dans l’Hexagone, les enfants de moins de 10 ans n’ont pas été vaccinés avec ce vaccin, puisque les indications vaccinales à propos de la vaccination contre la grippe A(H1N1) imposaient d’utiliser pour eux le vaccin Panenza. Par contre, pour les enfants de 10 ans et plus, c’est le vaccin Pandemrix qui était recommandé. En pratique, on sait que ces indications n’ont pas toujours été respectées et il est possible que des enfants de moins de 10 ans aient reçu une injection de Pandemrix. En raison des dysfonctionnements dans l’organisation de la campagne de vaccination sur le territoire national, il risque malheureusement d’être difficile dans certains cas de savoir quel vaccin a été utilisé chez tel ou tel enfant en raison d’une traçabilité incorrecte rendant la pharmacovigilance difficile. Voilà une nouvelle affaire qui risque d’être embarrassante pour les pouvoirs publics…

L’Agence européenne du médicament lève le voile

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Comprimés blancsL’Agence européenne des médicaments, encore appelée EMA (ou EMEA) pour European Medicines Agency, est « un organe décentralisé de l’Union européenne (UE) dont le siège est à Londres. Sa principale mission est la protection et la promotion de la santé publique et animale à travers l’évaluation et la supervision des médicaments à usage humain et vétérinaire », comme l’explique le portail de l’UE sur Internet. « L’EMA est chargée de l’évaluation scientifique des demandes d’autorisation européennes de mise sur le marché des médicaments (procédure centralisée). Lorsqu’il est recouru à la procédure centralisée, les sociétés ne soumettent à l’EMA qu’une seule demande d’autorisation de mise sur le marché. » La documentation qui lui est fournie à cette occasion est donc un élément qui peut être particulièrement important lorsqu’un effet indésirable est suspecté par des professionnels de santé. Si certains procédés de fabrication peuvent révéler du secret industriel et ne pas avoir à être exposés aux yeux de tous et tout particulièrement de la concurrence, beaucoup aimeraient que les essais cliniques des molécules demandant leur mise sur le marché fassent l’objet d’une plus grande transparence. Poussée en cela par le Médiateur de l’Union européenne suite à plusieurs refus opposés ces dernières années à des demandes justifiées, l’EMA a annoncé qu’elle rendrait accessible aux professionnels de santé et au public un plus grand nombre de documents en sa possession.

Pour les responsables de cette organisation, cette nouvelle politique répond à une volonté croissante de transparence et d’ouverture des citoyens de l’Union, des valeurs fondamentales qui sont inscrites dans le cadre réglementaire de l’Agence. Si ces principes ne sont pas respectés, il n’est pas possible de savoir sur quelles bases les décisions de l’EMA sont prises et de leur accorder le crédit qu’elles méritent. Néanmoins, afin de protéger les prises de décisions de toute influence extérieure, l’Agence ne publiera les documents qu’une fois la procédure concernant un médicament arrivé à son terme.

Les nouvelles consignes au sein de l’Agence sont de donner accès à tous les documents fournis par les entreprises à moins qu’il n’y ait nécessité de respecter des accords avec des instances de régulation non communautaires ou des organisations internationales, ou qu’il faille protéger la confidentialité et l’intégrité d’une personne physique ou morale. La consultation des documents soumis à l’Agence dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, tels que les rapports d’essais cliniques, est maintenant possible, à condition que le processus de décision concernant cette demande ait été finalisé. Lorsque seules certaines parties d’un document contenant des informations ne peuvent être divulguées, l’Agence expurgera le document à protéger des données personnelles et des renseignements commerciaux confidentiels et offrira l’accès aux parties non confidentielles. Savoir si une information est confidentielle ou non est laissé à la discrétion de l’agence et il est question « de toute information qui n’est pas dans le domaine public ou accessible au public et dont la divulgation pourrait porter atteinte à l’intérêt économique ou la position concurrentielle du propriétaire de l’information » dans les nouvelles directives de l’EMEA. Les notes internes, les documents préparatoires ou tous les documents qui font apparaître un avis à usage interne à l’Agence ne seront pas non plus communiqués.

Par la même occasion, l’Agence européenne du médicament a annoncé qu’elle revenait sur le refus qu’elle avait opposé à des chercheurs danois concernant des résultats d’essais cliniques et des protocoles relatifs à deux médicaments destinés à lutter contre l’obésité. Elle avait jusque-là interdit l’accès à ces documents au motif qu’ils étaient susceptibles de porter atteinte aux intérêts commerciaux des fabricants. Ces données sont désormais disponibles.

Vaccination contre l’hépatite B, sclérose en plaques, responsabilité du laboratoire et nouvelle jurisprudence

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Vaccin et lien de causalitéSerait-ce le début d’une nouvelle ère dans la jurisprudence concernant le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ? La première chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 25 novembre 2010 (pourvoi nº 09-16556) a estimé qu’une cour d’appel pouvait souverainement considérer qu’en l’absence de consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination et les affections démyélinisantes, le fait qu’une patiente ne présente aucun antécédent personnel ou familial et le fait que les premiers symptômes apparaissent quinze jours après la dernière injection ne constituent pas des présomptions graves, précises et concordantes en sorte que n’est pas établie une corrélation entre l’affection de la patiente et la vaccination. Très clairement, même si l’injection immunisante ne date que de quelques semaines quand le patient développe une sclérose en plaques (SEP) et même s’il n’a eu aucun signe avant d’être vacciné ou qu’aucun membre de sa famille n’a eu cette maladie, le vaccin contre l’hépatite B n’est plus systématiquement mis en cause : la seule présomption d’un lien de causalité ne suffit plus à faire pencher la balance de la justice du côté du malade.
La jurisprudence du 25 novembre 2010 rappelle aussi que si le lien de causalité n’est pas établi, le patient ne peut se prévaloir du droit relatif à un produit défectueux.

Il s’agit bien là d’un changement dans l’approche que peuvent avoir les juges de ce problème. Dans une affaire récente, la première chambre civile de la Cour de cassation avait suivi le jugement d’une cour d’appel estimant que l’absence de certitude scientifique, des études concluant à l’absence de lien de causalité, et le fait qu’un patient ne présente pas d’antécédent personnel ou familial de SEP, en plus d’un défaut d’information sur la notice du produit, suffisaient à faire reconnaître la responsabilité du fabricant de vaccins. Quelques mois plus tard, dans une affaire concernant un militaire, le Conseil d’État, quant à lui, estimait qu’une cour d’appel avait eu raison de juger que « le délai qui s’était ainsi écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes constituait un bref délai [4 mois, NDLR] de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques ».

Faut-il y voir là une victoire de la puissante industrie pharmaceutique ? Est-ce une décision qui arrive à point nommé pour protéger l’État d’éventuelles indemnisations en raison de graves effets secondaires liés à un vaccin, qu’il soit destiné à immuniser contre l’hépatite B ou la grippe, par exemple ? Ou est-ce tout simplement le triomphe de la raison et la reconnaissance d’études scientifiques concordantes sur un sujet polémique ? Face à la détresse de ceux qui cherchent à trouver une raison aux malheurs qui les frappent, la question est aussi de savoir s’il faut à tout prix indemniser cette souffrance quand la responsabilité des uns ou des autres est discutable.
Face à des scandales sanitaires comme ceux de l’amiante, du sang contaminé, de l’hormone de croissance ou plus récemment du Mediator, montrant à quel point les enjeux économiques sont puissants face à la santé publique, il est facile de comprendre les doutes des patients et de leur famille. Justice et vérité ne vont pas forcément de pair…

Ne pas nuire à la réputation des laboratoires

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Ouvrage

Couverture censurée du livre Mediator 150 mg - Combien de morts ?En France, se poser des questions sur les effets indésirables d’un médicament, même quand ils sont avérés, semble être bien compliqué.

Il n’est pas question ici des vaccins contre la grippe A(H1N1) ou de ceux contre l’hépatite B, mais d’un médicament prescrit pour perdre du poids : le Mediator des laboratoires Servier. Dans un ouvrage intitulé Mediator 150 mg, initialement sous titré « Combien de morts ? », le docteur Irène Frachon, pneumologue hospitalier à Brest, raconte le combat qu’elle a dû mener pour que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en arrive à suspendre l’autorisation de mise sur le marché d’un produit dont les effets toxiques pouvaient être fortement soupçonnés en raison de sa métabolisation proche de celle de l’isoméride, un autre coupe-faim de triste mémoire.

Comment expliquer qu’un praticien ait été obligé de dépenser autant d’énergie, d’affronter une bureaucratie censée protéger le public et non des intérêts privés et passer du temps à lutter contre un système qui lui impose pourtant de déclarer les effets indésirables graves ? Si les médecins sont habitués à sauver des vies en toute discrétion et à accompagner des malades qui souffrent, pourquoi ont-ils l’impression de ne plus être aidés pour ce faire ? Pourquoi l’actuel dispositif de pharmacovigilance donne-t-il l’impression d’être fait pour décourager les médecins de l’utiliser ? Pourquoi l’industrie a-t-elle un tel poids en son sein sans que cela soit vraiment transparent ? Combien de morts sont nécessaires pour que les pouvoirs publics osent remettre en question les investissements réalisés par un laboratoire sans trop traîner dans l’espoir que le seuil de rentabilité ait été atteint ? Ce sont des questions que l’on peut se poser à la lecture de cet ouvrage.

À noter l’initiative de l’éditeur qui offre gracieusement divers formats numériques de son ouvrage à l’acheteur de la version papier.

 

La couverture de l’ouvrage a été censurée par le tribunal des référés de Brest, le 7 juin 2010, à la demande du laboratoire Servier. Malgré la suspension de l’AMM par l’Afssaps pour un risque avéré de valvulopathie du Benfluorex (nom du principe actif contenu dans le Mediator), le juge a estimé que « la relation entre la valvulopathie et un décès n’est pas pour l’instant établie par l’Afssaps. » L’éditeur a fait appel de ce jugement.

 


 

Résumé

« Le 25 novembre 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé — Afssaps — annonce la suspension de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament. Il s’agit du Mediator, commercialisé depuis plus de trente ans par le laboratoire Servier, alors consommé quotidiennement par près de 300 000 Français. Cette décision fait suite à la révélation d’une toxicité grave directement liée au médicament : une atteinte des valves du coeur, aux conséquences parfois mortelles.

Les premiers éléments laissant suspecter la possibilité d’une telle toxicité remontent à 1997, date à laquelle un médicament proche et commercialisé par le même laboratoire, le coupe-faim Isoméride, est interdit pour les mêmes raisons.

Médecin, j’ai été pendant vingt ans témoin puis acteur de cet épisode dramatique. La transparence est une condition de la qualité de la politique de santé des populations. C’est pourquoi je témoigne dans ce livre de ce que j’ai vécu, de la manière la plus factuelle possible. Mon objectif est de permettre à chacun de comprendre comment sont prises certaines décisions de santé publique en France et de contribuer ainsi au débat public, constitutif de l’exercice de la démocratie. »

Irène Frachon

 

Irène Frachon.
Mediator 150 mg — Combien de morts ?
Editions-dialogues.fr, 2010.
ISBN 9782918135142 — 152 pages – 15,90 €.

 

Conseil constitutionnel et LFSS 2010

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le stop du Conseil constitutionnel à la LFSS 2010Les agapes de ces fêtes de fin d’année ont presque réussi à faire oublier que le Conseil constitutionnel devait encore rendre un avis sur la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2010. Cette décision était d’autant plus attendue que plus de soixante députés avaient saisi les Sages le 27 novembre 2009 en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, afin qu’ils exercent « une vigilance particulière sur les dispositions de la loi qui n’entreraient pas dans le domaine des lois de financement de la sécurité sociale afin qu’elles ne deviennent pas des lois portant diverses dispositions d’ordre social ». Bien leur en a pris puisque, malgré les observations du gouvernement précisant que cette saisine ne soulevait aucun grief tiré d’une absence de conformité de la loi à la Constitution et demandant aux Sages de la rejeter, plusieurs articles de la petite loi ont été reconnus contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a considéré que les paragraphes III à V de l’article 11 modifiant les conditions de vente des médicaments non consommés en France et susceptibles d’être vendus en dehors du territoire national n’avaient pas d’effet ou avaient un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement pour qu’elles trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale.
C’est, par contre, parce qu’elles n’avaient pas d’effet ou avaient un effet trop indirect sur les dépenses de ces mêmes régimes et organismes que d’autres dispositions ont été jugées contraires à la Constitution. Tel est le cas de l’article 36 de la loi déférée limitant les droits du titulaire d’un droit de propriété intellectuelle protégeant l’apparence et la texture des formes orales d’une spécialité pharmaceutique ; de son article 38 supprimant l’attribution systématique au médecin traitant de la surveillance et du suivi biologique de la contraception locale ou hormonale prescrite par une sage-femme ; de son article 50 autorisant la diffusion, sur les sites informatiques des établissements de santé, d’informations relatives aux tarifs et honoraires des professionnels de santé qui y exercent ; de son article 51 procédant à la coordination de la rédaction des articles L. 6111-3 et L. 6323-1 du code de la santé publique et de son article 57 validant les reclassements intervenus en application de la rénovation de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif.

L’article 80 de la petite loi précisant le régime d’autorisation des établissements et services gérés par une personne physique ou morale de droit privé accueillant des enfants de moins de six ans ainsi que les conditions d’agrément des assistants maternels et assistants familiaux ; son article 81 prévoyant la possibilité de délivrer, pour ces établissements, des agréments fixant des capacités d’accueil variables dans le temps ; son article 82 élargissant les missions des « relais assistants maternels » et son article 83 fixant, d’une part, à deux le nombre d’enfants susceptibles d’être accueillis par un assistant maternel lors de son premier agrément et modifiant, d’autre part, les conditions de formation initiale et continue des assistants maternels, ont aussi été considérés comme contraires à la Constitution.

La décision n° 2009-596 DC du 22 décembre 2009 du Conseil constitutionnel est parue au Journal officiel du 27 décembre 2009.

Le médecin ou l’infirmier réquisitionné est-il obligé de vacciner ?

Écrit par Jean-Pierre Sellem le . Dans la rubrique La forme

Après avoir parlé de volontariat des professionnels de santé pour participer à la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) et de la réquisition afin de simplifier les conditions assurantielles, nombreux sont les médecins et les infirmiers qui commencent à comprendre que ces mesures servent maintenant à les contraindre à vacciner la population, alors même qu’ils ne veulent pas se faire vacciner eux-mêmes. Le volontariat n’est plus de mise et l’autorité publique est appelée à la rescousse de mesures gouvernementales discutées. Si le médecin est tenu de déférer aux réquisitions de l’autorité publique sous peine d’amende, le professionnel de santé est-il obligé de vacciner pour autant ?

Responsabilité du médecin qui vaccine contre la grippe A(H1N1)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Responsabilité du médecin et vaccinationTous les médecins ne sont pas égaux quand il s’agit d’engager leur responsabilité civile professionnelle en vaccinant la population ou les professionnels de santé contre la grippe A(H1N1). Un courrier reçu par des médecins volontaires, émanant de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône, le confirme. La couverture assurantielle est différente si le médecin agit sur réquisition ou dans un autre cadre.

Dans le cadre d’une prise en charge classique en l’absence d’une menace sanitaire grave et de réquisition par l’État

Si le médecin vaccine dans le cadre de son activité habituelle, sa situation est régie par le droit commun. Il est normalement couvert, sans clause d’exclusion due à la grippe A(H1N1), par ses différentes assurances.
En cas de dommages causés aux patients, il est couvert par son assurance en responsabilité civile professionnelle, sachant qu’elle est obligatoire (RCP), même si les médecins salariés bénéficient d’un régime particulier. Cette assurance obligatoire comprend une couverture pour les fautes commises lors d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins ayant des conséquences dommageables pour les patients.
En cas d’aléa thérapeutique (préjudice du patient sans responsabilité engagée par le professionnel), les dommages sont pris en charge par l’office national d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiaies (ONIAM), si ces dommages dépassent un certain seuil de gravite.
Par contre, pour les dommages que le médecin qui vaccine pourrait lui-même subir, il lui est conseillé de souscrire une assurance non obligatoire qui couvrira les pertes de revenus en cas d’accident ou de maladie, ou qui lui assurera un capital en cas d’invalidité ou de décès !

Dans le cadre d’une réquisition par l’État

Lorsqu’il participe “volontairement” à la vaccination de masse prévue par la campagne décidée par le gouvernement, le médecin est réquisitionné afin de le garantir quant à sa responsabilité.
En cas de dommages causés aux patients, le praticien continue à bénéficier de la couverture de son assurance en responsabilité civile professionnelle, qui se retournera contre l’État si la réquisition a provoqué une aggravation du risque.
En cas de dommages subis par le médecin lui-même, l’État prend en charge les dommages subis par le praticien (y compris en cas de décès), sauf en cas de dommage imputable à un fait personnel détachable du service (violence intentionnelle, par exemple).
Lorsque le médecin vaccine dans le cadre de mesures d’urgence, face à des mesures sanitaires graves, pour lutter contre une maladie transmissible, sur réquisition de l’autorité publique, il ne peut être tenu pour responsables des dommages résultant de la prescription ou de l’administration d’un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché (art. L 3131-3 du code de la santé publique).

Tout n’est pas si simple

Malheureusement, si tout semble clair, c’est loin d’être le cas. Les médecins du travail, par exemple, ne sont couverts par leur employeur que pour les vaccinations obligatoires quand il vaccine les salariés d’un établissement de soins dont il a la charge, puisque seule la réalisation de ces vaccinations fait partie de leurs missions. Mais avec la grippe A(H1N1), il s’agit d’une vaccination non obligatoire, pour laquelle les médecins du travail vont, en plus, devoir vacciner des patients dont ils n’assurent pas obligatoirement le suivi ! Et la complexité ne s’arrête pas là, puisque des praticiens des services interentreprises peuvent intervenir accessoirement dans un établissement de soins relevant de la fonction publique hospitalière. En effet de nombreuses directions d’établissements de soins, qu’ils relèvent du privé ou de la fonction publique hospitalière, ont demandé à leur médecin du travail de vacciner les salariés de l’établissement, mais également les praticiens libéraux qui interviennent au sein de l’établissement. N’étant pas salariés de l’établissement de soins (privé ou public), ces praticiens ne bénéficient pas d’un suivi en santé au travail.
Le ministère de la santé a listé des centres spécifiques pour la vaccination des médecins libéraux et diffuse dans la presse médicale un message à l’intention des praticiens : « la vaccination contre la grippe pandémiqe A(H1N1) vous est proposée pour vous protéger […] si vous travaillez dans un établissement de santé, vous pourrez vous faire vacciner sur votre lieu de travail […] ».

Alors que jusque-là les médecins inspecteurs de travail donnaient comme consignes aux praticiens du travail de ne pas aller au-delà de leurs missions en pratiquant la vaccination contre la saisonnière, immunisation non obligatoire, les voilà bien embarrassés pour ce qui est de la vaccination contre la grippe A(H1N1) et des mesures prises par les pouvoirs publics. Des médecins du travail de services autonomes de santé au travail ont eu la surprise de se voir répondre par leur médecin inspecteur régional du travail qu’une grande société d’assurance en responsabilité civile professionnelle disposait de contrats « qui garantissent bien les vaccinations obligatoires et facultatives pour le médecin du travail comme la grippe prévue par la circulaire du 26-04-1998 » et qu’il fallait qu’ils vérifient bien leurs contrats de responsabilité civile quels qu’ils soient, avec pour précision que « ceci est essentiellement valable à ce jour pour les médecins du travail hospitaliers vaccinateurs( en CHU ou dans les hôpitaux ayant un SAMU) ».

Alors que le droit français a reconnu que les médecins salariés étaient couverts par l’assurance responsabilité civile de leur employeur, les médecins du travail sont mis dans une situation délicate où on leur impose de prévoir un contrat personnel parce qu’on leur demande d’outrepasser leurs missions, preuve qu’il existe bien un risque…
Autre paradoxe : les laboratoires pharmaceutiques, et donc leurs assureurs, ont obtenu la garantie de l’État pour ne pas avoir à indemniser d’éventuelles victimes des effets indésirables du vaccin et il est demandé aux médecins de prendre des garanties au cas où ils subiraient eux-mêmes des dommages en vaccinant les autres…
Qu’ils s’agissent des contrats pour pertes de revenus en cas d’accident (ou de maladie), de capital en cas d’invalidité (ou de décès) ou de garanties pour être couverts en pratiquant un vaccin n’entrant pas dans leurs missions, cela signifie des dépenses supplémentaires pour les praticiens. Et encore, si les assureurs acceptent de prendre le risque. Pourquoi imposer ceci à des médecins alors que l’on réquisitionne les autres ?

Et la responsabilité pénale ?

Dernier élément, la responsabilité pénale des médecins qui vaccinent. Qu’ils soient prescripteurs ou qu’ils injectent, la question se pose. Même si les autorités se veulent rassurantes, nombreux sont les professionnels de santé qui refusent de se faire eux-mêmes vacciner. Obscurantisme et manque d’information, diront les uns ; conscients des risques et échaudés par les “affaires” du sang contaminé et de l’amiante, où les gouvernants « responsables, mais pas coupables » et les experts ont montré à quel point les intérêts économiques primaient sur la santé publique, rétorqueront les autres. Quelle crédibilité accordé à l’ « Ayez confiance » des pouvoirs publics et des experts des autorités de santé quand l’État est obligé d’apporter sa garantie aux fabricants au cas où ils seraient poursuivis pour des effets indésirables plus désastreux que prévu ? Que dire des médecins qui vaccinent leurs confrères et la population, alors qu’ils refusent de se faire eux-mêmes immuniser ?
Les médecins non réquisitionnés seront sans doute bien seuls lorsqu’il sera question de répondre à des mises en examen pour empoisonnement. Délicate défense puisqu’il ne sera pas question de dire « on ne savait pas ». Le juge aura beau jeu de condamner le praticien pour ne pas avoir appliqué un principe de précaution.

Le plus effrayant, c’est qu’alors que les essais servant à déterminer si des effets indésirables graves peuvent survenir avec les vaccins contre la grippe A(H1N1) vont, étant donné la rapidité avec laquelle ils ont été mis au point, consister en la vaccination de la population et en sa surveillance, les premiers “cobayes” sont les professionnels de santé les mieux à même de prendre en charge les patients. Si des effets indésirables graves se dévoilent, ce sont les professionnels censés les prendre en charge qui en seront les premières victimes, fragilisant ainsi le système de santé tout entier.

Ces dernières années près de 2 500 personnes par an sont mortes de la grippe saisonnière, deuxième cause de mortalité par maladie infectieuse en France, dans l’indifférence médiatique la plus totale. Alors que la grippe A(H1N1) a été reconnue comme ayant un taux de mortalité plus faible et même si la vaccination a été considérée comme un devoir déontologique par le conseil national de l’ordre des médecins, est-il vraiment nécessaire pour les professionnels de santé d’engager leur responsabilité à l’heure actuelle ?