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Médecine & Droit — Numéro 115

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de juillet — août 2012

CouvertureElsevier — Masson

 

Protection de la personne
Considérations juridiques sur l’expression de la volonté en fin de vie
Laurence Cimar

Bioéthique
Le droit à l’ère des neurosciences
Peggy Larrieu

Bioéthique – Droit pénal
L’interdiction de créer des embryons transgéniques ou chimériques
Pierre-Jérôme Delage

Droit et médicaments
Le renforcement du système de pharmacovigilance de l’Union européenne. (Analyse du nouveau cadre réglementaire issu des dispositions de la directive 2012/84/UE et du règlement [UE] no 1235/2010)
Marie-Catherine Chemtob Concé

Indemnisation
Infections nosocomiales en médecine de ville : inéquité pour les victimes
Nathalie Jousset et Clotilde Rougé-Maillart

Lu pour vous

Cellules souches, embryon et Cour de justice de l’Union européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Cellules totipotentesBien qu’elles ne présument en rien de la décision que prendra au final la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il est toujours intéressant de se pencher sur les conclusions de ses avocats généraux qui interviennent habituellement quelques mois avant la conclusion d’une affaire. Il en est ainsi de celles d’Yves Bot concernant les cellules totipotentes, les pluripotentes et l’embryon utilisés à des fins industrielles ou commerciales.

Selon l’avocat général, comme l’explique le communiqué nº 18/11 de la CJUE, « les cellules totipotentes qui portent en elles la capacité d’évoluer en un être humain complet doivent être qualifiées juridiquement d’embryons humains et doivent, de ce fait, être exclues de la brevetabilité.
Un procédé utilisant des cellules souches embryonnaires différentes, dites cellules pluripotentes, ne peut non plus être breveté lorsqu’il requiert, au préalable, la destruction ou l’altération de l’embryon. »

C’est à la demande de la Cour fédérale allemande (le Bundesgerichtshof) que la CJUE va devoir se prononcer sur la notion d’« embryon humain » et sur les enjeux commerciaux qui s’y attachent. Très loin de toutes considérations philosophiques, éthiques ou religieuses, la bataille juridique qui s’est engagée sur l’embryon et les cellules souches va avant tout servir à savoir comment vont être répartis les immenses profits que laissent espérer les recherches dans ce domaine. Le président du LEEM (organisme regroupant un très grand nombre d’entreprises du médicament) a beau insisté sur l’aspect altruiste, voire même philanthropique, de la recherche financée par l’industrie pharmaceutique, les actes de cette dernière laissent penser que la décision de la CJUE pourrait avoir un impact sur la politique d’investissement des fabricants. Si les procédés issus de la recherche sur les cellules souches peuvent être couverts par des brevets, gage de retour sur investissement et de substantiels profits, l’industrie financera la recherche ; dans le cas contraire, elle préférera sans doute s’intéresser aux compléments alimentaires ou aux coupe-faim. Motifs invoqués : préserver l’emploi des 100 000 personnes qui travaillent pour elle en France ou continuer à créer « 550 emplois nouveaux par an » pour un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros. Dans un pays qui comptait plus de 2,7 millions de chômeurs en février, on comprend que certains n’hésitent pas à s’interroger sur le poids d’un tel argument dans les nombreuses décisions prises par les politiques en faveur de cette industrie.

C’est dans ce contexte difficile qu’interviennent donc les conclusions de l’avocat général de la CJUE dans une affaire opposant Greenpeace à un détenteur de brevet portant sur « des cellules précurseurs neurales isolées et purifiées produites à partir de cellules souches embryonnaires humaines utilisées pour traiter les maladies neurologiques » ayant déjà des implications cliniques dans le traitement de la maladie de Parkinson. Le détenteur du brevet ayant fait appel de la décision du tribunal fédéral des brevets allemand ayant constaté la nullité du sien « dans la mesure où il porte sur des procédés permettant d’obtenir des cellules précurseurs à partir de cellules souches d’embryons humains. » Pour la CJUE, « il s’agit de savoir si l’exclusion de la brevetabilité de l’embryon humain concerne tous les stades de la vie à partir de la fécondation de l’ovule ou si d’autres conditions doivent être satisfaites, par exemple qu’un certain stade de développement soit atteint. »
Pour l’avocat général, il faut se tenir à la lettre de la directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques qui, dans son article 5 paragraphe 1, prévoit que « le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables ». Selon le communiqué de la CJUE relatif aux conclusions d’Yves Bot, « donner une application industrielle à une invention utilisant les cellules souches embryonnaires reviendrait à utiliser les embryons humains comme un banal matériau de départ ce qui serait contraire à l’éthique et à l’ordre public.
En conclusion, l’avocat général estime qu’une invention ne peut être brevetable lorsque la mise en œuvre du procédé requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ, même si, lors de la demande de brevet, la description de ce procédé ne fait pas référence à l’utilisation d’embryons humains.
L’avocat général rappelle toutefois que la brevetabilité des utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales n’est pas interdite, en vertu de la directive, lorsqu’elle concerne les seules inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s’appliquent à l’embryon humain et lui sont utiles – par exemple pour corriger une malformation et améliorer ses chances de vie. »

Il faut maintenant attendre la décision des juges de la CJUE qui n’est pas tenue par ces conclusions, la mission des avocats généraux consistant à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l’affaire dont ils sont chargés. La balance de la justice penchera-t-elle en faveur d’un financement public, donc modeste, de la recherche sur les cellules souches et l’embryon qui servira au plus grand nombre ou donnera-t-elle raison aux arguments de l’industrie quitte à privilégier les intérêts de ceux qui ont les moyens d’investir et de payer pour ces traitements ? La réponse dans quelques mois.

Quelques précisions sur la révision des lois de bioéthique

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Presse

Interdit aux spermatozoïdes

C’est le janvier 2010 que le rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique n° 2235 a été déposé à l’Assemblée nationale. Dirigé par le député Jean Leonetti, ce travail suivait de quelques mois le rapport des états généraux sur ce sujet en juillet 2009. Respectant le calendrier prévu, la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a présenté à la presse le projet de loi relatif à cette révision des lois de bioéthique le 31 août 2010. Malgré deux mesures phares, la possibilité pour les enfants nés grâce à un don de gamètes (sperme ou ovocyte) de connaître l’identité du donneur et celle donnée aux couples hétérosexuels pacsés d’avoir recours à la procréation médicalement assistée, la nouvelle loi ne devrait pas entraîner de révolution dans le domaine de la bioéthique, selon la ministre, pour qui « le respect de l’intégrité du corps ou le refus de la marchandisation des éléments du corps humain » ne sont pas remis en cause.

Publication du rapport des états généraux de la bioéthique

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Réflexions sur la bioéthique grâce aux états générauxLes états généraux et les Grenelle sont à la mode ces derniers mois et la bioéthique n’a pas échappé au phénomène. Il est important de donner à tous l’impression que l’on tient compte de leurs attentes, en s’affranchissant des sondages comme l’a souligné Roselyne Bachelot, ministre de la santé, et d’en tirer un rapport consensuel. On s’empressera parfois d’en oublier bien vite les conclusions, ce qui permettra aux parlementaires de voter des mesures parfois très éloignées des réflexions publiques. Cela n’empêche pas ce travail d’être particulièrement intéressant.

Le rapport des états généraux de la bioéthique a été publié le 16 juillet 2009. Grâce à des rencontres et à des forums régionaux, aux auditions de la mission parlementaire et au site Internet spécialement créé pour l’occasion, les initiateurs des états généraux semblent ravis de la façon dont l’information a été diffusée aux citoyens et leurs avis recueillis. Réussite aussi lorsqu’il s’est agi de faire se rencontrer les Français et les experts ou d’écouter le point de vue des représentants des quatre grandes confessions. La bioéthique accroît la profondeur des réflexions : « Le préjugé d’une société en proie au relativisme est battu en brèche. L’évolution des moeurs n’implique pas l’effondrement des valeurs. Réciproquement, l’attachement aux principes (autonomie, gratuité et anonymat du don, dignité de la personne humaine) n’implique pas l’inertie du corps social. Ces états généraux auront donc permis de mettre au jour la facticité d’un discours convenu sur la montée de l’individualisme et le crépuscule des valeurs. »

Assistance médicale à la procréation, greffe, prélèvement, diagnostic prénatal ou préimplantatoire, recherche sur les cellules souches : tous les sujets ont été abordés, pour que chacun puisse donner son avis, le tout encadré par des professionnels. Plus que des conclusions, ce sont des pistes de réflexion qu’apporte ce rapport : une façon de ne pas prendre parti ? La révision de la loi bioéthique de 2004 va encore faire couler beaucoup d’encre et de salive…

L’étude du Conseil d’État sur la révision des lois de bioéthique

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Enfants, parents et bioéthiqueAlors que la science fait d’incessants progrès, la dernière révision de la loi de bioéthique date de 2004. Si cinq années peuvent paraître un délai raisonnable à certains, il ne faut pas oublier que la loi soutient très rarement l’avant-garde de cette discipline, tant le sujet est sensible et fantasmagorique. Dans ces conditions, la recherche française peut très vite se trouver distancée par ses concurrentes étrangères en raison d’une législation timorée ou obsolète. Un excès de prudence, d’études administratives diverses et variées ou de démagogie peut être vu comme un frein au développement par les uns, alors qu’elle sera jugée légitime par les autres. Le juste équilibre est délicat à trouver et l’étude du Conseil d’État sur la révision des lois de bioéthique, publiée en mai 2009, peut apporter des éléments de réflexion à ce débat.

Différents sujets sont abordés dans cette étude. La recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, effectuée à partir d’embryons surnuméraires issus de tentatives d’assistance médicale à la procréation est l’un d’eux. Dans ce domaine, le Conseil d’État préconise l’adoption d’un régime permanent d’autorisation afin d’offrir aux chercheurs la visibilité nécessaire au bon déroulement de leurs travaux. Ce régime serait basé sur les mêmes principes que ceux qui régissent l’actuel moratoire temporaire permettant les recherches malgré leur interdiction de principe.
En matière de diagnostic prénatal (DPN) et de diagnostic préimplantatoire (DPI), le Conseil d’État estime que la loi est adaptée aux besoins actuels et offre des garanties suffisantes. Il propose de se donner cinq ans pour reconsidérer la technique du « double DPI », encore appelé « bébé thérapeutique », qui permet de sélectionner génétiquement un enfant à naître en vue d’améliorer les chances de guérison d’un enfant déjà né et atteint d’une maladie génétique grave.
Statu quo pour l’assistance médicale à la procréation (AMP) et pour l’interdiction de la gestation pour autrui, puisque pour cette instance les textes sont toujours d’actualité. Le Conseil d’État préconise néanmoins quelques aménagements législatifs dans l’intérêt de l’enfant, en quelque sorte. Concernant les tests génétiques et en particulier les tests de filiation, force est de constater l’incapacité des autorités françaises à réfréner leurs ventes par Internet. C’est une politique d’information qui est conseillée en la matière.

Le don d’organes et les problèmes relatifs aux banques de sang du cordon sont aussi traités. « Sur la question de la fin de vie, le Conseil d’État indique quelle interprétation doit être donnée selon lui des dispositions de la loi dite Leonetti du 22 avril 2005 sur trois questions principales : les conditions de l’arrêt de traitement, la question des suppléances vitales, et celle de la mise sous sédation ». Il s’intéresse enfin aux recherches menées par des équipes françaises dans des pays en voie de développement et à leurs retentissements éthiques.

Pour le Conseil d’État, sous sa forme actuelle, la loi de bioéthique est équilibrée et son réexamen n’est pas utile.