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Les déclarations d’intérêts des membres du Haut Conseil de la santé publique

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médicaments et conflits d'intérêtsIl aura fallu attendre la fin 2009 et de nombreuses critiques dans les médias et le monde professionnel sur le manque de transparence des décisions prises en matière de vaccination contre la grippe A(H1N1) pour que paraisse la mise à jour 2009 des déclarations publiques d’intérêts des membres du collège, des commissions et des comités techniques du Haut Conseil de la santé publique (HCSP).

Ce document n’a rien d’anodin lorsque l’on connaît les missions du HCSP. Instance d’expertise créée par la loi no 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, ce Haut Conseil doit, par exemple, « fournir aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires, l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire ». Il est là aussi pour « fournir aux pouvoirs publics des réflexions prospectives et des conseils sur les questions de santé publique ». Le HCSP peut être consulté par les ministres intéressés, par les présidents des commissions compétentes du Parlement et par le président de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé.

En matière de grippe A et de vaccination, le Haut Conseil de la santé publique est l’un des piliers du dispositif français. Il a émis plusieurs avis à ce sujet ces derniers mois et ces recommandations sur la pertinence de l’utilisation d’un vaccin plutôt qu’un autre sont suivies par les pouvoirs publics. Le choix de la France pour le vaccin avec adjuvant a été pris après que le HCSP ait jugé que cette solution était préférable à l’utilisation de vaccins sans adjuvant comme aux États-Unis. Les éventuels conflits d’intérêts de ses membres sont donc particulièrement importants, même s’il a fallu attendre l’arrêté du 19 octobre 2007 portant approbation du règlement intérieur du Haut Conseil de la santé publique pour que la loi impose la publication des déclarations d’intérêts de ses membres. Ce texte précise aussi que ces derniers « ne peuvent, en outre, recevoir des avantages en nature ou en espèces sous quelque forme que ce soit de la part des entreprises, établissements ou organismes » dont les dossiers pourraient être soumis au HCSP, ainsi qu’avec les organismes de conseil intervenant dans ces secteurs.
Difficile de croire que ces déclarations ne sont actualisées qu’à l’initiative des membres participant au HCSP dès qu’une modification intervient. C’est pourtant ce que prévoit l’arrêté…

L’étude du document mis en ligne est intéressante. Sur les vingt et un membres du comité technique des vaccinations, seuls quatre ont déclaré ne pas avoir de lien d’intérêt avec les entreprises, les établissements ou les organismes soumettant des dossiers au HCSP. Les autres reconnaissent de nombreuses interventions ponctuelles, rémunérées ou non,  pour des laboratoires comme Sanofi-Pasteur ou GlaxoSmithKline, fabricants des vaccins choisis pour la campagne de vaccination. Il faut n’y voir que des obligations professionnelles ou un hasard dans un milieu où les spécialistes ne sont pas légions et où les fonds publics pour mener à bien des études sont bien plus maigres que ce qu’essaient de faire croire les responsables politiques.
Les déclarations des autres membres sont à l’avenant…

Urgence pour la prévention du stress au travail

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Suicide et stress au travailUne partie de l’opinion semble découvrir qu’il peut être stressant de travailler, surtout quand les rythmes changent et que la productivité est mise en avant. Les employés dans le privé depuis longtemps le savent, les professionnels de santé tout particulièrement. Quand des études ont montré que les hommes médecins avaient un taux de suicide 40 % plus élevé que celui de la population masculine générale et que ce taux était 130 % plus élevé pour les femmes médecins par rapport à celui des femmes dans leur ensemble, pas un mot du ministère du travail et rien du côté du ministère de la santé… Le burn-out des médecins, comme celui d’autres professionnels de santé, n’émeut pas l’opinion, même quand il conduit au pire. Un suicide est un immense drame humain, mais la vie de certains employés a-t-elle plus de valeur que celle d’autres citoyens ?

En août 2009, les chiffres du Bureau of Labors Statistics montraient déjà qu’aux États-Unis les suicides sur le lieu de travail avaient augmenté de 28 % entre la mi 2007 et la mi 2008, vraisemblablement en raison de la crise. Comment ne pas trouver étrange qu’il ait fallu attendre le suicide de plusieurs employés d’une grande entreprise de télécommunications française pour qu’apparaisse l’urgence de la prévention du stress au travail ? Une forte pression syndicale et une médiatisation exacerbée semblent expliquer le plan d’urgence présenté par Xavier Darcos dans ce domaine le 9 octobre 2009 à l’occasion du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.

Ce plan est, en fait, une accélération de « l’application de l’accord national interprofessionnel de 2008 en proposant que sa transposition soit négociée au niveau le plus directement opérationnel, celui de l’entreprise. » Un bilan sera effectué au 1er février 2010. Les petites et moyennes entreprises (PME), comme les très petites entreprises (TPE) devraient faire l’objet d’actions d’information sur les risques psychosociaux et des outils de diagnostic et des indicateurs d’action voir le jour. Voilà de nouvelles charges administratives pour les petits patrons déjà soumis au stress.
La prévention des risques psychosociaux dans tous les processus de restructuration fait, elle aussi, partie du plan. Le ministre ne semble pas faire de différence entre les restructurations pour des personnels peu habitués à une rentabilité concurrentielle, ayant pour certains la sécurité de l’emploi de par un statut hérité d’un temps où leur entreprise était publique, et ceux qui voient leur usine délocalisée dans un pays plus ou moins lointain alors qu’ils ont travaillé de longues années à la chaîne ou dans des conditions très difficiles pour se retrouver à la rue. Certes, il n’y a pas d’échelle de valeurs pour la souffrance morale, mais la décence voudrait que l’on n’attende pas le suicide des premiers pour s’occuper de la détresse ou du décès de tous les autres…

Maladie et rupture du contrat de travail

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Arrêt maladie et licenciementS’il n’est pas suffisant qu’un employé soit malade pour le licencier, une entreprise peut néanmoins rompre le contrat de travail sous certaines conditions, comme l’a rappelé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 juin 2009 (n° de pourvoi 07-44803).

La Cour précise que les absences prolongées pour maladie, ou les absences répétées, peuvent justifier la rupture du contrat de travail, à l’expiration de la période de garantie d’emploi lorsque celle-ci est prévue par la convention collective, si elles ont entraîné des perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié concerné. Même lorsqu’un salarié se plaint de harcèlement moral et que le médecin de famille prolonge l’arrêt de travail sur une longue période (plus d’un an dans le cas de cette jurisprudence), il peut être important qu’il informe le patient sur le risque de licenciement encouru et qu’il en ait conscience lui-même.
Le médecin doit aussi savoir que seuls des faits constatés par lui-même et ne reposant pas simplement sur l’appréciation personnelle du patient peuvent être utiles pour alléguer du harcèlement moral.

Si l’employeur finit par décider de remercier le salarié, la lettre de licenciement doit expressément mentionner, outre la perturbation du fonctionnement de l’entreprise, la nécessité du remplacement du salarié absent en raison de son état de santé. Le juge doit vérifier le caractère définitif de ce remplacement sous peine de violer la loi.

Visite médicale après accident du travail ou maladie professionnelle : l’employeur responsable

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Reprise du travail après accident du travail ou maladie professionnelleSi l’employé n’hésite pas à aller voir le médecin lorsqu’il est victime d’un accident du travail, il arrive souvent qu’il néglige la visite nécessaire au constat de sa guérison ou de sa “consolidation” avec séquelles. Il en est parfois de même en cas de maladie professionnelle. Il est pourtant indispensable que l’employé voit un médecin pour régulariser sa sitution vis-à-vis de la Sécurité sociale et que soit déterminé un éventuel taux d’IPP. Ne pas effectuer cette visite dessert le salarié. C’est bien souvent au médecin de famille qu’est dévolue cette tâche, parfois à un spécialiste. Le médecin du travail pour les arrêts de moins de huit jours n’a pas systématiquement besoin d’être consulté.

Lorsque l’arrêt de travail a duré plus de huit jours, en plus des visites au médecin libéral ou hospitalier, le patient est obligé d’effectuer une visite de reprise auprès du médecin du travail. Dans une telle situation, si le salarié est négligent, l’employeur ne peut pas se permettre de l’être. C’est ce qu’a appris à ses dépens une entreprise de transport express. Faute d’avoir demandé à un employé d’aller passer sa visite de reprise après un arrêt de travail de plus de huit jours, aucune absence injustifiée n’a pu être retenue contre ce salarié.

La Cour de cassation dans un arrêt du 25 mars 2009 (no pourvoi 07-44408) rappelle qu’« il résulte de l’article L. 230-2 I, devenu L. 4121-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l’article R. 241-51, alinéa 1, devenu R. 4624-21 du code du travail, que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ; qu’à défaut, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a ainsi été méconnu, que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l’accident, de maintenir ledit contrat… »
N’ayant pas été soumis à la visite de reprise, il n’est pas possible de reprocher à un employé de ne pas avoir repris le travail à une date à laquelle il n’y était pas tenu et de considérer qu’il s’agit d’une faute grave.

L’employeur a donc tout intérêt à avoir les pièces lui permettant de prouver qu’il a demandé à son agent d’aller à la visite de reprise. Si l’employé refuse ou ne se déplace pas, l’entreprise pourra prouver sa bonne foi en faisant constater cet état de fait et prendre les mesures qui s’imposent pour que le droit soit respecté par son salarié. Il ne faut pas oublier que l’absence de ce dernier à une visite médicale du travail peut être considérée comme une faute grave, comme le montre le résumé d’une décision du 29 novembre 2006 de la Cour de cassation : « Est constitutif d’une faute grave le comportement d’un salarié qui fait obstacle de façon réitérée à l’examen du médecin du travail » (pourvoi no 04-47302).

Multinationales, sécurité et santé au travail

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TravailL’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail organise une campagne visant à réduire les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il faut dire qu’en 2006, 7000 personnes sont mortes dans l’Union européenne (UE) suite à des accidents liés au travail, selon le rapport 2007 de cette institution 1. Par ailleurs, d’après l’Organisation internationale du travail 2, 159 500 travailleurs supplémentaires succombent à des maladies professionnelles chaque année au sein de l’UE. Si l’on tient compte de ces chiffres, cela signifie qu’une personne meurt toutes les trois minutes et demie dans l’UE de causes liées à son activité professionnelle. Toutes les quatre secondes et demie dans l’UE, un travailleur est impliqué dans un accident qui l’oblige à rester à la maison pendant trois jours ouvrables au moins 3. D’autres chiffres laissent penser qu’il reste encore beaucoup à faire. Les jeunes travailleurs âgés de 18 à 24 ans ont 50 % plus de risques que leurs aînés d’être blessés au travail 1, par exemple. Enfin, 320 000 travailleurs meurent, chaque année, d’une maladie contagieuse dans le monde, dont 5 000 en Europe 1.

L’Agence cherche pour cela à s’allier à des multinationales. Si l’idée est noble, mais elle semble avoir du mal à séduire, puisque pour l’instant, seules deux entreprises ont répondu à l’appel : Ideal standard international et Johnson & Jonhson. Une page dédiée a été mise en place pour donner la possibilité à d’autres partenaires de s’allier à cette initiative appelée « Lieux de travail sains ». Le partenariat ne semble pourtant pas trop contraignant. Il consiste pour les entreprises à faire la promotion de la campagne par le biais de leurs canaux habituels, de diffuser du matériel de campagne auprès de leurs réseaux et d’organiser leurs propres activités telles que des conférences, des ateliers, des séances de formation, des manifestations médiatiques et des concours d’affiches. Les objectifs sont multiples : sensibiliser à la responsabilité juridique et à la nécessité pratique d’évaluer les risques sur les lieux de travail ; démystifier le processus et démontrer à tous, particulièrement aux PME, que l’évaluation des risques n’est pas nécessairement complexe, bureaucratique, ou réservée aux experts ; promouvoir une démarche « évaluation des risques » en cinq étapes ; impliquer tous les acteurs sur le lieu de travail ; promouvoir des pratiques confirmées et transposables pour faciliter le processus.

 


1 – Rapport annuel 2007 de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail.

2 – Estimations 2005 de l’Organisation internationale du travail pour l’Europe des 27.

3 – Estimations 2008 de l’Organisation internationale du travail.

 

Entreprise pharmaceutique et exportations parallèles

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« Une entreprise pharmaceutique exploite de façon abusive sa position dominante si elle refuse d’honorer des commandes normales de grossistes afin d’empêcher les exportations parallèles ». C’est ainsi que la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) commente sa décision du 16 sept. 2008 1.

MédicamentsLa filiale d’un fabricant de médicaments basée en Grèce, pays où ces derniers sont vendus moins chers que dans la plupart des autres pays européens, a refusé de fournir ses médicaments aux grossistes locaux au prétexte qu’ils les revendaient ensuite à d’autres grossistes basés dans des pays où ces spécialités pharmaceutiques sont vendues plus chers. 

Pour la Cour, « les exportations parallèles de médicaments d’un État membre où les prix sont bas vers d’autres États membres dans lesquels les prix sont plus élevés permettent, en principe, aux acheteurs desdits médicaments dans ces derniers États de disposer d’une source alternative d’approvisionnement à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les entreprises pharmaceutiques. Il ne saurait donc être soutenu que les exportations parallèles n’auraient qu’une utilité minime pour les consommateurs finals ». 

L’entreprise pharmaceutique a fait valoir qu’il lui fallait préserver ses intérêts commerciaux ce qu’a reconnu la Cour : « une telle entreprise doit pouvoir adopter des mesures raisonnables et proportionnées à la nécessité de préserver ses propres intérêts commerciaux ». Mais, pour elle, « le caractère normal des commandes doit être déterminé par rapport aux besoins du marché national en cause ainsi qu’aux relations commerciales antérieures ». Elle laisse l’appréciation du caractère normal aux juridictions locales.

À première vue, ces décisions sont favorables aux citoyens européens, mais il convient de pousser un peu plus loin l’analyse pour ne pas s’arrêter à une simple logique commerciale.
Tout d’abord, si le prix des médicaments dans un pays européen est plus faible que dans les autres, il est important de comprendre que cela n’est pas dû au jeu de l’offre et de la demande, mais, le plus souvent, a une volonté politique, par le biais d’une réglementation spécifique, d’offrir des remèdes à moindre coût aux grossistes locaux et, par ce biais, à sa population.  Ces tarifs sont souvent négociés entre les entreprises pharmaceutiques et le gouvernement de ce pays, chacun faisant des concessions. La décision de la CJCE implique que seules les concessions faites par le laboratoire sont prises en compte et s’appliquent à toute la Communauté, alors que les conditions de commercialisation et les exigences au sein des autres pays n’ont pas fait l’objet de concessions. Sans se faire le défenseur de l’industrie pharmaceutique, il y a là quelque chose de surprenant.
Vient ensuite un autre aspect des exportations parallèles qui n’a pas été soulevé dans cette affaire et qui pose un problème de santé publique, celui de la traçabilité. Malgré les Directives, les fabricants de médicaments (ou de dispositifs médicaux) semblent constater que plus la chaîne de distribution entre eux et le patient est longue, plus la traçabilité perd en efficacité. Selon eux, lorsque les produits passent aux mains de plusieurs grossistes d’un pays à l’autre, il ne leur est plus possible d’assurer le suivi des produits et de s’assurer de leurs conditions de stockage. Ce problème est encore plus flagrant lorsque le circuit des grossistes passe par un pays hors de l’Union européenne. C’est ainsi que des produits marqués CE sont vendus à l’étranger, où les textes régissant la traçabilité sont bien moins contraignants, voire même inexistants, et où la contrefaçon existe, avant de revenir sur le marché européen pour être revendu à des prix plus faibles. Dans de tels cas, la concurrence devrait savoir céder le pas à la sécurité sanitaire.

 


1 – Affaires jointes C-468/06 à C-478/06, Sot. Lélos kai Sia EE e.a. c/ GlaxoSmithKline AEVE.