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Contrôle des arrêts de travail : tous les fonctionnaires ne sont pas concernés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Des jumelles pour contrôlerIl n’aura échappé à personne que le décret no 2010-1095 du 17 septembre 2010 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif au contrôle à titre expérimental des congés de maladie des fonctionnaires de l’État est venu compléter les mesures prévues par la loi no 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 et son article 91 précisant qu’ « Afin d’harmoniser les règles et modalités de contrôle des assurés se trouvant dans l’incapacité physique médicalement constatée de continuer ou de reprendre le travail, le contrôle des arrêts de travail dus à une maladie d’origine non professionnelle des personnes mentionnées à l’article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est confié, à titre expérimental et par dérogation à l’article 35 de la même loi, aux caisses primaires d’assurance maladie et aux services du contrôle médical placés près d’elles. » La Commission nationale de l’informatique et des libertés avait donné son accord en avril 2010 à la création de ce fichier, mais il aura fallu attendre plusieurs mois avant que tout ne soit mis en place et les textes publiés au Journal officiel.
Des personnes ayant un emploi permanent à temps complet et titularisées dans un grade de la hiérarchie des administrations centrales de l’État, des services déconcentrés en dépendant ou des établissements publics de l’État vont donc pouvoir être contrôlées par des agents de la Sécurité sociale, composée majoritairement par des organismes de droit privé exerçant une mission de service public contrairement à beaucoup d’idées reçues, et non plus exclusivement par d’autres agents de l’État.

Alors que tous les médias semblent présenter ces mesures législatives comme définitives, il n’en est rien. Elles ne sont qu’expérimentales et prévues pour deux ans. Et loin d’être nationales, elles sont géographiquement très limitées puisqu’elles ne concernent que les échelons locaux du contrôle médical placés auprès des caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, du Rhône, des Alpes-Maritimes, d’Ille-et-Vilaine, de Paris et du Bas-Rhin.
De plus, le décret prend soin de préciser que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône et l’échelon local du contrôle médical placé auprès de cette caisse participent également à cette expérimentation en ce qui concerne le contrôle à domicile des heures de sortie autorisées. Ce qui laisse penser que les autres CPAM vont se contenter de convoquer les patients en arrêt maladie dans leurs locaux…

Limitation supplémentaire : l’expérimentation ne s’applique pas à tous les fonctionnaires pouvant être concernés par l’article 91 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2010, elle ne concerne que les fonctionnaires des services déconcentrés de l’État, des établissements publics locaux d’enseignement, des établissements publics locaux d’enseignement agricole, des écoles maternelles et élémentaires situés dans le ressort géographique de chacune des caisses primaires d’assurance maladie énumérées au paragraphe précédent, excepté pour la ville de Paris pour laquelle sont seuls concernés par l’expérimentation les fonctionnaires des services centraux des ministères sur lesquels le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État et le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ont une autorité exclusive ou conjointe dont la liste figure en annexe à la convention prévue à l’article 91 de la loi du 24 décembre 2009 déjà citée.

Enfin, le fichier créé par le décret du 17 septembre 2010 a pour objectif de ne contrôler que les congés de maladie accordés en raison d’une maladie non professionnelle, pour une durée inférieure à six mois consécutifs et ne relevant pas du régime des congés de longue maladie ou de longue durée. Il a aussi pour but d’évaluer les résultats de ces contrôles par service, établissement public local d’enseignement ou établissement public local d’enseignement agricole et ressort des caisses primaires d’assurance-maladie participant à cette expérimentation.

Des textes sont prévus pour les fonctionnaires hospitaliers et les fonctionnaires territoriaux. Ils feront l’objet d’un prochain article, mais ils n’ont, eux aussi, pour but que d’orchestrer des expérimentations qui ne deviendront peut-être jamais pérennes.

Comparées à celles concernant les employés du secteur privé, les mesures mises en place à titre expérimental pour les fonctionnaires paraissent donc être très modérées. Malgré le battage médiatique, il ne semble vraiment pas y avoir de quoi en faire une maladie…

La réforme de la santé au travail cachée dans celle des retraites

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecin de santé au travailQui aurait pu penser que la réforme de la santé au travail, dont on parle depuis plusieurs mois, se cacherait au sein du projet de loi portant réforme des retraites… Loin de la sérénité qui aurait pu être nécessaire à des décisions qui vont engager l’avenir de la médecine du travail, c’est en plein brouhaha social et médiatique concernant les retraites, sans parler des pressions subies par le ministre du travail dans le cadre de ce que l’on appelle l’affaire Bettencourt, que les débats parlementaires concernant la santé au travail ont eu lieu.

Les députés ont adopté le 15 septembre 2010 en première lecture le projet de loi portant réforme des retraites, après l’avoir amendé. Il doit maintenant être examiné au Sénat et rien ne dit qu’il restera en l’état, mais il est néanmoins intéressant de savoir à quoi ressemble le texte après les premiers débats.
C’est dans le cadre de la pénibilité du parcours professionnel, à l’article 25 et subsidiaires, que l’évolution législative relative à la médecine du travail trouve sa place. Il est d’abord prévu la création d’un carnet de santé au travail : il est constitué par le médecin du travail et doit retracer, dans le respect du secret médical, les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail, notamment les mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Ce carnet ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l’intéressé. En cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail. Ce carnet peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur. Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci, toute personne autorisée par le code de la santé publique, peut demander la communication de ce carnet.
Parallèlement à ce carnet, il est prévu que pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue. Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’évaluation des risques, prévue à l’article L 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail. Elle complète le carnet de santé au travail de chaque travailleur. Le modèle de cette fiche est fixé par arrêté du ministre chargé du travail.
Une copie de ce document est remise au salarié à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. En cas de décès du travailleur ou d’incapacité supérieure à un taux fixé par décret, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle il a signé un pacte civil de solidarité ainsi que ses ayants droit peuvent obtenir, dans les mêmes conditions, cette copie.

Conformément à la loi actuelle, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces dernières devront maintenant tenir compte de la pénibilité au travail.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, quant à lui, procède déjà à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l’établissement ainsi qu’à l’analyse des conditions de travail. Il procède également à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposées les femmes enceintes. Il est prévu qu’il procède aussi à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité.

Le médecin de travail n’est plus que l’un des éléments des services de santé au travail avec ce projet. Il est maintenant plutôt question d’équipes pluridisciplinaires.
Les services de santé au travail ont pour mission exclusive : de conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ; de conseiller, notamment dans le cadre de leur action en milieu de travail, les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels et d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi, notamment des personnes âgées et des travailleurs en situation de handicap ; d’assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ; de participer au suivi des expositions professionnelles et à la veille sanitaire et de contribuer à la traçabilité de ces expositions professionnelles.

Dans les services de santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions des services de santé sont exercées par les médecins du travail, en lien avec les employeurs et les salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels.
Pour les services de santé au travail interentreprises, les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail composée au moins de médecins du travail, d’intervenants en prévention des risques professionnels, d’infirmiers et, le cas échéant, d’assistants des services de santé au travail. Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes. Toujours pour les services de santé au travail interentreprises, les missions de service de santé au travail sont précisées, en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d’autre part, après avis des organisations d’employeurs et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
De nombreuses autres mesures pour les services interentreprises sont prévues par le projet de loi adopté à l’Assemblée.

Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé de certains travailleurs (artistes, techniciens intermittents du spectacle, mannequins, salariés du particulier employeur, voyageurs, représentants et placiers) dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le code du travail. Pour les mannequins et les salariés du particulier employeur, des médecins non spécialisés en médecine du travail peuvent signer cette convention.

Il est prévu que ce soit un décret qui détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs comme les salariés temporaires ou les travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie, par exemple.

Dernier point intéressant, un décret pourra fixer les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter à titre temporaire un interne de la spécialité.

Le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a immédiatement réagi au texte adopté, estimant l’indépendance des médecins de santé au travail compromise. La lecture qui sera effectuée au Sénat sera donc décisive.

Interdiction d’exercice d’un médecin ou d’un dentiste, collaborateur et remplaçant

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Interdiction d'exercice et remplacementIl peut arriver pour des raisons diverses qu’il soit interdit à un médecin ou à un chirurgien-dentiste de donner des soins aux assurés sociaux pour une période donnée. Lorsqu’il exerce en libéral, une telle sanction équivaut à la perte de ses revenus pendant le temps que dure l’interdiction, sans pour autant que les lourdes charges sociales, mais aussi celles liées au fonctionnement du cabinet et aux investissements effectués ne cessent de devoir être payées. Il peut aussi s’agir des charges relatives à une association au sein d’une société d’exercice libéral ou d’un autre type. C’est pour cette raison que l’intéressé peut être tenté de faire appel à un remplaçant ou à un collaborateur pour la durée de la sanction. Le Conseil d’État, dans une décision du 18 décembre 2009 (no 333873), a rappelé que cela n’était pas autorisé par la loi, même par le biais d’un contrat entre la société au sein de laquelle exerce le praticien et un remplaçant.

Dans cette affaire, un chirurgien-dentiste s’est vu refusé par le conseil de l’ordre, puis par la justice la possibilité de faire appel à un remplaçant pendant laquelle il lui avait été interdit de donner des soins aux assurés sociaux par la section des assurances sociales de son conseil de l’ordre régional, dans un premier temps, puis par celle du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD), dans un second. Le praticien a accepté la sanction, mais a décidé de ne pas en rester là.
Sachant qu’il ne pouvait pas se faire remplacer directement, il a eu recours à un montage plus subtil. Le chirurgien-dentiste a signé au nom de la SELARL un contrat de remplacement libéral avec un confrère remplaçant. Comme la loi l’y oblige, il a transmis ce contrat au président du conseil départemental du conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes. Bien que le contrat ait prévu que le versement de tous les honoraires perçus à la SELARL pendant la période de remplacement et la rémunération du remplaçant sous forme de vacation en pourcentage des honoraires encaissés, le président de ce conseil départemental a informé le dentiste « de ce qu’il était interdit de se faire remplacer pendant les périodes de sanction d’interdiction de donner des soins et de prendre un collaborateur et a déclaré nul et non avenu le contrat qui lui avait été transmis », interdisant de ce fait le remplacement. Mécontent, le chirurgien a porté l’affaire devant le juge des référés pour qu’il annule cette décision, mais pour ce dernier le refus d’approuver le contrat organisant le remplacement n’était entaché d’aucune illégalité pour en déduire qu’aucune urgence ne s’attachait à l’organisation du remplacement du praticien. Contestant ce jugement, le chirurgien-dentiste a déposé un pourvoi au Conseil d’État demandant l’annulation de l’ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif avait rejeté sa demande et afin que cette haute juridiction ordonne qu’il puisse recourir à un remplaçant durant sa période d’interdiction de donner des soins.

Pour le Conseil d’État, même si « Considérant qu’aux termes de l’article R 4113-17 du code de la santé publique : En cas d’interdiction temporaire d’exercer ou de dispenser des soins aux assurés sociaux, sauf à être exclu par les autres associés (d’une société d’exercice libéral) […], l’intéressé conserve ses droits et obligations d’associé, à l’exclusion de la rémunération liée à l’exercice de son activité professionnelle », le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en estimant qu’il était interdit au chirurgien-dentiste de « percevoir une rémunération liée à l’exercice de sa profession alors qu’elle était sous le coup d’une interdiction d’exercer » et de relever que la suspension temporaire de l’activité professionnelle prononcée à titre de sanction à l’encontre du dentiste impliquait que celui-ci s’abstienne durant la période de suspension de percevoir des revenus tirés de son activité et non pas seulement qu’il s’abstienne de pratiquer des actes de sa propre main.

Un médecin ou un chirurgien-dentiste qui fait l’objet d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercice, même s’il exerce en association sous une forme ou sous une autre et hors de conditions particulières d’urgence, ne peut donc pas se faire remplacer ou prendre un collaborateur le temps de sa sanction. Reste néanmoins à apprécier ce qu’un juge pourra estimer être une “urgence” à l’organisation d’un remplacement face à l’évolution démographique au sein de certaines spécialités médicales ou dans des régions où priver la population du seul praticien restant équivaut à la priver de soins. Peut-être serait-il bon de commencer à réfléchir à des solutions permettant de sanctionner le fautif sans pour autant pénaliser les patients ?

Encore un rapport sur la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1) en France

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Une campagne pas vraiment transparenteDécidément, la période estivale est propice aux rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat destinés à faire le point sur la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1) et de la campagne de vaccination qui s’en est suivie… ou qui l’a précédée diront certains. Après la publication le 8 juillet 2010 du rapport intitulé « La gestion des pandémies : H1N1, et si c’était à refaire ? » (compte rendu de l’audition publique du 14 juin 2010), reprenant les travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques composé de députés et de sénateurs, deux autres rapports ont été publiés.

Le premier, le 13 juillet 2010, est le fruit du travail d’une commission d’enquête composée de députés, rapport sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1). Sous la présidence d’un député du Nouveau centre, Jean-Christophe Lagarde, et ayant pour rapporteur Jean-Pierre Door, député de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), les conclusions de ce document ont donné l’absolution aux autorités de santé et ont encensé la gestion administrative de cette crise sanitaire. Résultat surprenant ? Pas vraiment si l’on en croit les propos de Bernard Debré, pourtant lui aussi député de l’UMP, membre de ladite commission d’enquête et du comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, expliquant que ce rapport « n’avait qu’un objet : réhabiliter la politique du gouvernement ! ». Selon lui, « Ce travail parlementaire n’est pas sérieux. Il est lénifiant et évite soigneusement de poser les questions dérangeantes. » Il le considère même comme « une mascarade ». On peut penser qu’un tel témoignage aurait mérité un peu plus de publicité médiatique, mais les journalistes avaient déjà fort à faire avec la pluie ayant gâché le défilé du 14 juillet où des hôtes de marque étaient invités et, surtout, les nombreuses révélations de l’“affaire” Woerth-Bettencourt. 

Le second rapport est, cette fois, l’oeuvre d’une commission d’enquête composée de sénateurs et a été publié le 5 août 2010. Il y est question du « rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe A(H1N1) ». Présidé par un sénateur communiste de Loire-Atlantique, François Autain, et bien qu’ayant un rapporteur issu de l’UMP, Alain Milon, les travaux de cette commission sont plus critiques à l’égard du gouvernement. Pour les élus, les contrats signés entre les pouvoirs publics et les laboratoires ayant fourni les vaccins « se caractérisent par leur remarquable déséquilibre et par la légalité douteuse de certaines de leurs clauses ». Les sénateurs remettent en cause le fait que l’État ait accepté le transfert de responsabilité relatif au fait des produits défectueux, alors même que la Pologne le refusait. Ils s’étonnent aussi de l’absence d’une clause de révision dans ces mêmes contrats. Tout comme dans le rapport de la commission d’enquête européenne, les sénateurs s’interrogent sur les agissements de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et sur les conflits d’intérêts en son sein.

Face à de telles interrogations et aux questions que posent les propos de Bernard Debré, on comprend facilement que le gouvernement et une partie des parlementaires incriminent Internet et les professionnels de santé dans l’échec de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). Il est indispensable de trouver des boucs émissaires pour pallier le manque de transparence qui semble caractériser la gestion de cette crise sanitaire. Vraisemblablement, pour des raisons politiques, les vraies leçons de cette histoire ne seront pas tirées. Voilà qui n’est pas sans rappeler la gestion des crises sanitaires précédentes (amiante, sang contaminé, canicule). Décidément, en France, politique et intérêts économiques continuent à s’opposer à la santé publique quelle que soit la saison…

Mortalité “évitable” chez les jeunes : la France peut mieux faire

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Comment réduire la mortalité évitable ?C’est à l’occasion de la sortie du rapport 2009-2010 de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) sur l’état de santé de la population qu’un constat relatif à la mortalité “évitable” chez les jeunes a pu être dressé par les pouvoirs publics.

En 2010, les causes de décès “évitables” sont principalement liées à des comportements à risque (tabagisme, alcoolisme, conduites dangereuses, suicides, etc.) et représentent un tiers des morts prématurés (décès avant 65 ans) dans l’Hexagone. Pour 2006, le nombre de ces décès a été estimé à 36 000 pour la seule France métropolitaine, avec une forte propension à toucher les hommes (77,6 %). La part de la mortalité “évitable” par rapport à la mortalité prématurée est de 37,5 % chez les hommes et de 23,8 % chez les femmes, selon le rapport.
« Entre 2000 et 2006, les diminutions les plus importantes ont été observées pour les accidents de la circulation, le sida et les causes de décès liées à l’alcool. En revanche, les tumeurs malignes du larynx, de la trachée, des bronches et du poumon ont augmenté de 50 % chez les femmes et ne diminuent que faiblement chez les hommes (-9 %). Ces cancers ont connu un développement important chez les femmes : en vingt ans, les taux de décès par cancer du poumon ont doublé et cette augmentation a davantage touché la classe d’âge des 25-44 ans. Le suicide reste aussi une cause de mortalité “évitable” préoccupante : il baisse peu chez les hommes et stagne chez les femmes.
En 2006, parmi les 27 pays de l’Union européenne, c’est en France que l’on observe chez les hommes le taux de mortalité “évitable” le plus élevé après les nouveaux adhérents d’Europe centrale, les Pays baltes et la Belgique. »

Le suicide reste en France une cause de morts “évitables” non négligeable chez l’homme. Le pays est d’ailleurs dans le peloton de tête des pays de l’Union européenne dans ce domaine. Même si la tendance est à la baisse, ce ne sont pas moins de 10 500 suicides qui ont été comptabilisés pour les deux sexes en 2006. Entre 15 et 24 ans, le suicide représente 15 % du total des décès et constitue la deuxième cause de décès après les accidents de la circulation, la moto étant le moyen de transport le plus dangereux.

Le rapport de la DRESS reconnaît que la consommation excessive d’alcool est à l’origine de nombreux maux : cancers, maladies chroniques du foie, atteintes psychiques, séquelles d’accidents, etc. Cette consommation a diminué au cours des neuf dernières années, tout particulièrement en ce qui concerne le vin, avec un pic à la baisse en 2008 (ce qui pourrait expliquer la mansuétude dont ont fait preuve les parlementaires concernant la publicité pour l’alcool sur Internet récemment malgré les enjeux de santé publique). Malgré ce ralentissement de la consommation, la France reste toujours parmi les pays de l’Union européenne les plus consommateurs d’alcool…

Le tabac n’est pas en reste. Pour les auteurs du rapport, « le tabagisme est l’un des problèmes de santé publique les plus importants de par ses répercussions sur la mortalité et la morbidité ». En 2008, 30 % des hommes de 18-74 ans déclaraient fumer habituellement, contre 22 % pour les femmes, ce dernier chiffre étant stable depuis les années 80. Plus grave, « en 2003, environ 2 femmes enceintes sur 10 déclaraient fumer tous les jours au troisième trimestre de leur grossesse ». Dans la population féminine de moins de 65 ans, le taux de décès liés au tabac a augmenté de 125 % entre 1990 et 2006… Dans ces conditions, comment ne pas s’étonner que les lois visant à lutter contre le tabagisme actif, mais aussi et surtout passif, ne soient pas appliquées avec plus de fermeté par les pouvoirs publics.

Enfin, le surpoids et l’obésité ne cessent de gagner du terrain. Un manque d’activité physique, des comportements sédentaires et des excès alimentaires expliquent cette poussée. En 2009 13,9 % des hommes français de 18 ou plus sont obèses contre 15,1 % des femmes.

Ce triste constat et de tels chiffres laisseraient penser que les pouvoirs publics vont renforcer la lutte contre les facteurs à l’origine des décès “évitables”. Si de sérieux efforts ont été faits en matière de sécurité routière, l’expérience montre que certains intérêts économiques priment souvent sur la santé publique, surtout à l’approche des grands rendez-vous électoraux…

Rémunération au mérite des praticiens hospitaliers

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Récompenses au mériteMême si la décision du Conseil d’État remonte au 30 décembre 2009 (n° 306040), il semble intéressant de revenir sur ce qui équivaut à une petite révolution dans le mode de rémunération des praticiens hospitaliers (PH). Salariés hospitaliers, ces derniers ne voyaient pas, jusqu’à maintenant, la notion de mérite intervenir dans le montant de leurs émoluments. L’arrêté du 28 mars 2007 relatif à la part variable de rémunération des praticiens hospitaliers à temps plein comme à temps partiel, sous forme d’indemnité complémentaire aux émoluments mensuels variant selon l’échelon des intéressés, fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale, et suivant l’évolution des traitements de la fonction publique, remettait en cause ce principe. Il a donc été contesté par la Confédération des praticiens hospitaliers et par le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs, les uns et les autres voulant qu’il soit annulé.

Les représentants des praticiens estimaient que l’indépendance professionnelle des médecins hospitaliers dans l’exercice de leur art était compromise par cette rémunération au mérite. Mais le Conseil d’État a balayé ces craintes aux motifs que « l’indemnité étant accordée, par spécialité, aux équipes de praticiens nommés à titre permanent qui s’engagent par contrat passé avec le directeur de l’établissement et le responsable de pôle, il en résulte que les objectifs d’activité et de qualité qui y figurent sont déterminés de manière concertée entre les médecins et les responsables administratifs de l’établissement dans le respect du code de déontologie […] ». De plus, « ces dispositions, qui, d’ailleurs, n’affectent qu’une partie de la rémunération globale versée aux praticiens hospitaliers, celle-ci étant d’abord fondée sur des émoluments mensuels variant selon l’échelon des intéressés, ne concernent pas l’exercice même des pratiques médicales et n’ont ainsi ni pour objet, ni pour effet, malgré le rôle dévolu au directeur de l’établissement dans la fixation négociée des objectifs, de porter atteinte à l’indépendance professionnelle dont bénéficient les médecins […] ».
Le fait qu’il existe un médecin responsable de pôle qui en organise le fonctionnement technique et qui participe aux évaluations des pratiques professionnelles ne fait pas « obstacle à ce que le pouvoir réglementaire organise une procédure de contractualisation des objectifs entre les équipes de praticiens et les dirigeants de l’établissement de santé ».
Le Conseil d’État estime aussi qu’ « une prime peut légalement donner lieu à une modulation des montants individuels en fonction de critères tels que les résultats obtenus par rapport aux objectifs, en l’espèce fixés par contrat conclu entre les équipes de praticiens, le directeur de l’établissement et le responsable de pôle ; que ce dispositif d’évaluation de l’activité des praticiens hospitaliers mesurée par des indicateurs et objectifs fixés contractuellement, à partir d’une liste d’actes traceurs, à la condition qu’une liste de prérequis, définis par l’arrêté, soit satisfaite, vise à l’améliorer l’offre de soins et ne soumet donc pas, par lui-même, l’activité des médecins à des normes de productivité, de rendement horaire ou toute autre disposition qui auraient pour conséquence une atteinte à la qualité des soins ». Il est intéressant de noter que la prime sera individuelle alors que les contrats semblent devoir être conclus par les équipes.

Autre principe remis en cause par ceux qui contestaient cet arrêté : le principe d’égalité. Pour le Conseil d’État, il est légitime de distinguer les praticiens hospitaliers nommés à titre permanent de ceux employés contractuellement et des chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux. Il estime aussi « que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire traite de manière différente des agents appartenant à un même corps si cette différence de traitement est justifiée par les conditions d’exercice des fonctions, par les nécessités ou l’intérêt général du service et si elle n’est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs susceptibles de la justifier », ce qui ne cesse de surprendre nombre de juristes dans ce cas précis. Enfin, que face à la complexité du dispositif d’appréciation du mérite, il n’est pas fait atteinte au principe d’égalité si seuls les chirurgiens sont amenés à tester ce dispositif dans un premier temps, avant qu’il ne soit généralisé aux autres praticiens.

Dernier point, « Considérant que l’arrêté du 28 mars 2007, publié au Journal officiel de la République française du 29 mars 2007, dispose dans son article 7 qu’il s’applique aux praticiens hospitaliers de chirurgie à compter du 1er janvier ; que, toutefois, son article 6 dispose : L’indemnité est versée annuellement au terme d’une année civile et au plus tard à la fin du premier trimestre de l’année qui suit ; qu’ainsi, et alors même que les indicateurs pris en compte pour apprécier le respect des objectifs d’activité et de qualité correspondent, pour une part, à une période antérieure à sa date de publication, l’arrêté ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ».

La rémunération au mérite des praticiens est donc bien en marche. Quant à savoir si la complexité du système mis en place pour la rendre effective, associée à des facteurs idéologiques non négligeables, permettra d’obtenir un résultat satisfaisant, rien n’est moins sûr. Dans le secteur de la santé, comme ailleurs, la mise en place de la rémunération au mérite est promise à un parcours semé d’embûches. Une vraie saga, avec de la passion, du suspens, de l’action et de la vilenie… Un feuilleton à suivre.

Certificat médical et divorce

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Rupture et divorceOn ne compte plus, chaque année, le nombre de médecins mis en cause pour avoir rédigé un certificat médical, tout particulièrement lorsque ce document va être utilisé par un patient ou par son avocat dans une procédure de divorce. Cet acte, qui paraît souvent anodin au praticien, engage pourtant sa responsabilité au même titre qu’un acte diagnostic ou thérapeutique.

La section du contentieux du Conseil d’État, dans une décision du 26 mai 2010 (requête n° 322128), résume bien ce qui caractérise le médecin imprudent.

En août 2006, un généraliste du sud-est de la France remet à la mère d’un jeune garçon de quatorze ans qu’il vient d’examiner un certificat médical dans lequel il constate que cet adolescent présente des troubles psychosomatiques. Alors que les parents sont en instance de divorce, ce même praticien un mois plus tard délivre « un second certificat médical présentant ces troubles comme en rapport avec des problèmes relationnels avec son père et prescrivant qu’il ne se rende pas chez ce dernier pendant un mois, sans invoquer d’éléments nouveaux et sans avoir eu de contact avec le père ». Réaction immédiate du père qui demande au conseil de l’ordre dont dépend le praticien une sanction à l’égard de ce dernier. Après la procédure habituelle, le médecin se voit infliger un blâme. Cette peine, contestée par le généraliste, ayant été confirmée par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, il a formulé une requête devant le Conseil d’État.

Pour la section du contentieux, « en jugeant qu’en ne se bornant pas à relater les constatations médicales qu’il avait pu effectuer sur son patient et en mettant en cause la responsabilité du père, le Dr B s’est immiscé dans les affaires de famille et a établi un certificat tendancieux, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins n’a pas entaché sa décision d’erreur de qualification juridique au regard » de l’article R 4127-28 du code de la santé publique (art. 28 du code de déontologie) qui précise que « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite » et de l’article R 4127-51 du même code (art. 51 du code de déontologie) disant que « Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».

Un certificat médical doit être basé sur un examen clinique réalisé par le médecin lui-même et préciser la date à laquelle cet examen a eu lieu si le praticien ne veut pas voir sa responsabilité engagée. Revoir son diagnostic a posteriori sans nouvel examen ou sans élément nouveau et délivrer un autre certificat à cette occasion est une faute, surtout quand une tierce personne est mise en cause par cet acte. Lorsqu’il est question de divorce, le médecin doit être particulièrement prudent et son ressenti ne doit pas influencer ses actes s’il veut continuer à exercer en toute sérénité.

Vaccin contre l’hépatite B et SEP : les militaires aussi…

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Vaccination et sclérose en plaquesSi sur un plan scientifique le lien de causalité entre vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques (SEP) fait toujours débat, la justice n’a pas attendu que les experts se mettent d’accord pour savoir s’il convenait d’indemniser ou non les malades. Les préjudices sont reconnus et doivent être réparés, peu importe que le patient soit militaire et que la maladie n’affecte que la pratique de ses loisirs.

Le Conseil d’État, dans une décision du 5 mai 2010 (n° 324895), s’est penché sur le cas d’un élève infirmier militaire contraint de se faire vacciner contre l’hépatite de par ses fonctions et ayant présenté une sclérose en plaques dans les suites de cette immunisation. S’appuyant sur l’article L 3111-9 du code de la santé publique relatif à l’indemnisation des préjudices subis du fait des vaccinations obligatoires, le jeune soldat s’est adressé à la justice pour obtenir réparation, estimant que la vaccination était à l’origine de la SEP dont il souffrait. Après que sa demande d’indemnisation ait été rejetée en première instance, ce jeune homme s’est présenté devant la cour administrative d’appel qui lui a donné raison. L’État, mis en cause dans ce dossier, a alors porté l’affaire devant le Conseil d’État, espérant ainsi ne pas avoir à payer les indemnités pour plus de 250 000 euros auxquelles il se trouvait condamné.

Pour le Conseil d’État, la cour d’appel a eu raison d’estimer que « le délai qui s’était ainsi écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes constituait un bref délai [4 mois, NDLR] de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques ». La cour n’a pas commis d’erreur de droit en condamnant l’État à réparer le préjudice d’agrément résultant pour l’intéressé des conséquences de son affection après avoir relevé que ses handicaps le privaient de la possibilité de pratiquer les activités de loisirs auxquels il s’adonnait ».

Il est intéressant de noter que le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2010 selon l’avis du Haut Conseil de la santé publique, publié au Bulletin officiel santé du 15 mai 2010, rappelle les risques professionnels liés à l’hépatite B et le caractère obligatoire de cette vaccination. « L’article L 3111-4 du code de la santé publique (CSP) rend obligatoire la vaccination contre l’hépatite B pour les personnes exerçant une activité professionnelle les exposant à des risques de contamination dans un établissement ou organisme de soins ou de prévention, public ou privé dont la liste est précisée par l’arrêté du 15 mars 1991.
Les deux arrêtés du 6 mars 2007 visent à protéger ces personnels mais également à protéger les patients vis-à-vis de la transmission de ce virus par un soignant qui en serait porteur chronique. Le premier, relatif à la liste des élèves et étudiants des professions médicales et pharmaceutiques et des autres professions de santé, dresse la liste des études qui imposent une obligation vaccinale pour les étudiants. Cette liste est la suivante :
– professions médicales et pharmaceutiques : médecin ; chirurgien-dentiste ; pharmacien ; sage-femme ;
– autres professions de santé : infirmier ; infirmier spécialisé ; masseur kinésithérapeute ; pédicure podologue ; manipulateur d’électroradiologie médicale ; aide-soignant ; ambulancier ; auxiliaire de puériculture ; technicien en analyses biomédicales.
Il n’y a plus d’obligation vaccinale contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite à l’entrée dans les filières de formation pour les audioprothésistes, ergothérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, psychomotriciens. Il n’en demeure pas moins que les personnes exerçant ces professions peuvent être soumises à l’obligation vaccinale lorsqu’elles les exercent dans l’un des établissements dans lequel le personnel exposé doit être vacciné si le médecin du travail évalue que l’exposition de cette personne au risque le justifie. »

Même s’il n’est pas question de vaccination obligatoire, il va être intéressant de suivre la jurisprudence concernant le vaccin contre la grippe A(H1N1) recommandé, voire même parfois imposé, à des agents de l’État ou aux citoyens, et la sclérose en plaques. Les premières interrogations se posent et des plaintes pourraient être déposées…

Question prioritaire de constitutionnalité

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique Le fond

Tout justiciable a le droit de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit.


La question prioritaire de constitutionnalité est entrée en vigueur le 1er mars 2010, suite à la loi organique 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application du nouvel article 61-1 de la Constitution et sa présentation a été précisée par la circulaire du 24 février 2010, applicable au 1er mars 2010.Une nouvelle voie vers la Constitution

Tout commence au cours d’une instance lorsqu’un justiciable estime qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit. Il peut alors soulever la question prioritaire de constitutionnalité, et ce, devant l’ensemble des juridictions civiles, pénales (d’instruction ou de jugement) ou administratives, à l’exception d’une cour d’assises. Les juridictions qui traitent des conflits de travail, conseils de prud’hommes, tribunaux des affaires de Sécurité sociale, sont également concernées.

Un nouvel atout pour le justiciable

Le justiciable peut être une personne physique ou morale, comme une organisation syndicale, par exemple. Jusqu’à présent, un syndicat n’était pas habilité par l’article 61 alinéa 2 de la constitution à saisir le conseil constitutionnel d’une loi avant sa promulgation. Cette nouvelle voie de droit va donc augmenter l’emprise des partenaires sociaux sur les textes législatifs.

La question doit être présentée dans un écrit distinct et motivé.

Trois conditions ont été fixées aux juridictions saisies pour que la question prioritaire de constitutionnalité soit transmise au Conseil d’État ou à la Cour de cassation dont elle relève :
— la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
— si la disposition législative a déjà été reconnue conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel, elle ne pourra pas être contestée sauf changement de circonstances de droit qui affectent la portée de la disposition législative ;
— la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux. Les questions fantaisistes ne seront pas retenues, de même les questions dont le seul but serait de retarder la procédure.

La circulaire du 24 février 2010 précise qu’à cette occasion, les juges du fond devront se livrer « à une analyse sommaire de la compatibilité de la disposition contestée avec les droits et libertés que la Constitution garantit ».

Les droits et libertés que la Constitution garantit

La juridiction saisie doit statuer « sans délai » sur la réunion de ces 3 conditions (d’où la qualification de prioritaire donnée à la question de constitutionnalité) et transmettre, si elle l’estime nécessaire, la question à la haute cour dont elle dépend (Conseil d’État ou Cour de cassation) dans les 8 jours. La juridiction attend ensuite la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation pour statuer.Le plateau de la balance de la justice Son temps d’examen s’impute sur le temps de la procédure et ne la retarde pas. La question doit aussi être examinée avant une éventuelle exception d’inconventionnalité.

Dans un second temps, la question prioritaire de constitutionnalité est filtrée par les deux hautes cours afin de ne pas encombrer inutilement le Conseil constitutionnel. Le Conseil d’État ou la Cour de cassation doivent se livrer à un contrôle approfondi de la question et ne transmettre au Conseil constitutionnel que des questions nouvelles ou qui présentent un caractère sérieux. Elles disposent de 3 mois pour décider de transmettre ou non la question prioritaire au Conseil constitutionnel pour examen.
Le Conseil constitutionnel dispose à son tour de 3 mois pour statuer sur les questions transmises. Sa décision motivée est notifiée aux parties, communiquée au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, à la juridiction devant laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée, au Président de la République, au premier ministre, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat qui peuvent adresser leurs observations à ce sujet au Conseil constitutionnel. La décision est publiée au Journal officiel.

La juridiction informée de la décision du Conseil constitutionnel peut alors poursuivre l’instance en se conformant à cette décision. Le Conseil constitutionnel exerçait jusqu’à présent un contrôle de constitutionnalité des lois a priori ; la question prioritaire de constitutionnalité introduit désormais en France un contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori.