Articles tagués ‘état’

Indépendance professionnelle, praticien hospitalier et directeur d’établissement

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Praticien hospitalier et indépendance professionnelleRares sont les cas où un praticien hospitalier doit faire valider ses indications opératoires par l’un de ses confrères sur décision administrative. Même s’il est bien entendu impossible de généraliser, le relationnel conduisant parfois à des situations injustifiées, ces cas sont souvent le reflet d’un réel problème de compétences. Malgré cela, ce type d’affaires pourrait tout simplement disparaître suite à la décision du Conseil d’État du 2 octobre 2009 (n° 309247).

Un praticien hospitalier, travaillant dans un service d’oto-rhino-laryngologie d’un établissement situé à une centaine de kilomètres au sud-est de Paris, a saisi le Conseil d’État après qu’un tribunal administratif ait refusé d’annuler la décision du directeur du centre hospitalier où il exerce prévoyant la validation de son activité opératoire par le chef du service de cet hôpital. Cette décision « serait intervenue pour mettre un terme à des tensions nées entre différents services ».

Pour le Conseil d’État, « Considérant que si, en vertu de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, le directeur d’un établissement de santé publique assure la gestion et la conduite générale de l’établissement et dispose à cet effet d’un pouvoir hiérarchique sur l’ensemble de son personnel, il résulte du même article que l’autorité du directeur s’exerce dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s’imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l’administration des soins et de l’indépendance professionnelle du praticien dans l’exercice de son art ; que l’article L. 6146-5-1 du même code, relatif aux pouvoirs des praticiens chefs de service, dispose par ailleurs que ceux-ci assurent la mise en oeuvre des missions assignées à la structure dont ils ont la responsabilité et la coordination de l’équipe médicale qui s’y trouve affectée ; qu’il résulte de ces dispositions que les pouvoirs des directeurs d’établissements et des chefs de service à l’égard des praticiens hospitaliers placés sous leur autorité ne peuvent s’exercer que dans le respect du principe de l’indépendance professionnelle des médecins, rappelé à l’article R. 4127-5 du code de la santé publique ».

En obligeant le praticien hospitalier à faire valider les décisions préopératoires relatives notamment à l’indication opératoire, au degré d’urgence et aux moyens nécessaires, prises à l’égard de ses patients par son chef de service, le directeur de l’établissement n’a pas respecté le principe d’indépendance professionnelle du praticien dans l’exercice de son art médical.

Il s’agissait là d’un problème relationnel, mais le Conseil d’État explique que sa décision ne serait pas différente face à un problème de compétences. Le directeur de l’hôpital doit alors en appeler aux autorités administratives compétentes ou à l’ordre des médecins. « Considérant que, s’il incombe au directeur d’un centre hospitalier de prendre les mesures que les impératifs de santé publique exigent dans son établissement, au besoin en saisissant les autorités administratives ou ordinales compétentes pour prononcer des mesures d’interdiction professionnelle, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le principe de l’indépendance professionnelle des médecins fait obstacle à ce que les décisions prises par un praticien dans l’exercice de son art médical soient soumises à l’approbation d’un autre médecin ».

Cette jurisprudence prend toute sa valeur à un moment où des autorités administratives sont tentées de faire pression sur des médecins salariés pour les contraindre à participer à une campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) à laquelle ces professionnels de santé expérimentés ne croient pas et qu’ils estiment comme faisant courir des risques de santé graves aux patients, principe allant à l’encontre du serment d’Hippocrate qu’ils ont prêté.

Vaccin contre la grippe A(H1N1) : la responsabilité des laboratoires atténuée en cas d’effets indésirables

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Responsabilité et vaccin contre la grippe A(H1N1)Il n’y a pas qu’aux États-Unis que les fabricants de vaccins contre la grippe A(H1N1) ont obtenu que leur responsabilité ne soit pas engagée en cas d’effets indésirables graves ou non durant la campagne d’immunisation. Le gouvernement français a pris les mêmes engagements comme le révèlent les contrats passés entre les industriels et l’État rendus publics après que le journal Le Point ait saisi la commission d’accès aux documents administratifs pour réussir à les obtenir. Les autorités de santé semblent ainsi montrer qu’elles ont une confiance dans ces produits qui va au-delà même de celle des laboratoires eux-mêmes…

Dans plusieurs de ces contrats figure une clause de responsabilité qui remet en question la responsabilité des laboratoires signataires du fait de produits défectueux. C’est la solidarité nationale, donc les contribuables, qui devront prendre en charge l’indemnisation des éventuelles victimes d’effets indésirables. La situation de pandémie et l’urgence estimée par les pouvoirs publics de la vaccination seraient à l’origine de cette clause pour chacun des vaccins achetés. Dans le document reproduit ci-après, le “titulaire” correspond au laboratoire ayant signé le contrat :

« […] le titulaire s’engage à demander l’autorisation de mise sur le marché et à accomplir toute démarche de droit en vue de l’obtenir. Une fois l’autorisation de mise sur le marché obtenue, le titulaire s’acquittera de toutes les obligations du titulaire d’une telle autorisation telles que prévues dans le Code de la santé publique, y compris les obligations de pharmacovigilance.
L’administration déclare que l’utilisation des vaccins objet du présent marché ne se fera qu’en cas de situation épidémiologique le nécessitant. Dans ces conditions, les opérations de vaccination de la population seront décidées par la seule administration et seront placées sous la seule responsabilité de l’État.
Dans ce cadre, le titulaire est, en principe, responsable du fait des produits défectueux.
Toutefois, à titre dérogatoire et considérant les circonstances exceptionnelles qui caractérisent l’objet du présent marché, l’État s’engage à garantir le titulaire contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être élevées à l’encontre de ce dernier dans le cadre des opérations de vaccination sauf en cas de faute du titulaire ou sauf en cas de livraison d’un produit non conforme aux spécifications décrites dans l’autorisation de mise sur le marché ou, à défaut d’autorisation de mise sur le marché, aux caractéristiques du produit telles qu’elles figurent dans le dossier d’autorisation de mise sur le marché dans l’état où il se trouvait au moment de chaque livraison. »

Pourquoi une telle clause pour des produits que les fabricants disent issus des procédés de fabrication des vaccins contre la grippe saisonnière, des produits présentés comme sans réel danger ? Pourquoi l’État donne-t-il sa garantie aux laboratoires s’ils étaient poursuivis devant la justice pour des vaccins utilisés de façon massive pour une grippe dont le taux de mortalité est inférieur à celui de la grippe saisonnière ? Il y a là des questions que ne manquent pas de se poser de nombreux juristes et professionnels de santé…

 

Barack Obama ouvre les frontières des États-Unis aux patients atteints par le VIH

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Obama et la santéCela faisait vingt-deux ans que les personnes porteuses du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), connu pour être à l’origine du Sida (syndrome d’immunodéficience acquise), devaient mentir pour pouvoir pénétrer sur le territoire des États-Unis. L’entrée aux USA était, en effet, interdite aux séropositifs, depuis la fin des années 80 et une décision du président Ronald Reagan. Cacher son état aux douaniers américains pouvait être lourd de conséquences, ces deniers n’hésitant pas à fouiller les bagages à la recherche d’un traitement antiviral.

Barack Obama a annoncé le 30 octobre, au cours d’une réception à la Maison blanche, que cette interdiction prendrait fin le 1er janvier 2010. Plus question de stigmatiser les patients séropositifs et de les considérer comme une menace dans un pays qui se veut le leader mondial de la lutte contre le virus du Sida. En toute honnêteté, le président Obama a reconnu que cette décision avait été initiée par son prédécesseur George W. Bush à qui il a adressé ses félicitations pour ce geste. Cette interdiction reposait sur la peur plutôt que sur des faits pour le chef de l’État américain.

Dans un pays qui compterait plus d’un million de personnes porteuses du VIH, dont un quart sans le savoir selon les Centers Disease Control and Prevention, ce changement de politique est une étape qui pourrait encourager les gens à se faire dépister et traiter pour Barack Obama, toujours aussi sensible aux questions de santé. Sa femme et lui avaient, à l’occasion d’un voyage au Kenya, eux-mêmes donné l’exemple en acceptant de faire un test de dépistage quelques mois avant d’accéder à la présidence.

Cette décision a été saluée par plusieurs associations luttant pour les droits de l’Homme et pour ceux des patients atteints par le VIH, même si elle ne concerne pas les personnes souhaitant s’installer de façon durable aux USA. L’Arménie, le Bruneï, l’Irak, la Libye, la Moldavie, le sultanat d’Oman, le Qatar, la Russie, l’Arabie saoudite, la Corée du Sud et le Soudan interdisent encore l’entrée sur leur sol aux séropositifs.

 

Proposition de loi constitutionnelle tendant à la création d’un comité médical d’information sur l’état de santé du président de la République

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Communication sur l'état de santé du président de la RépubliqueIl aura suffi d’un malaise vagal du président de la République au cours d’un jogging pour que soit exhumée une proposition de loi constitutionnelle de Dominique Paillé tendant à la création d’un comité médical d’information sur l’état de santé du président de la République déposée le 15 mai 2007. Cette proposition de loi a été renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République en cette fin 2009.

Si la Ve République a introduit la notion d’empêchement du chef de l’État, elle ne répond à aucune définition juridique précise. « Dans l’hypothèse d’un président de la République n’ayant pas ou plus ses capacités physiques ou mentales lui permettant d’assurer ses responsabilités, la procédure précitée est susceptible d’être ouverte. Le gouvernement doit alors assurer la continuité de l’État et saisir le Conseil constitutionnel, qui constate l’empêchement et enfin, le président du Sénat occupe les responsabilités présidentielles par intérim.
Ainsi, du seul point de vue constitutionnel, l’hospitalisation du chef de l’État déclenche une période transitoire au cours de laquelle, aux termes de l’article 21 de la Constitution, la gestion des affaires courantes est transmise au premier ministre », c’est ce que précise la proposition de loi.

Les Français, particulièrement attachés au secret médical quand il doit être respecté par leur médecin, semblent avoir une tout autre approche lorsqu’il s’agit de la santé du président de la République. Est-ce bien la réalité ou plutôt la vision qu’en donnent les médias avides d’informations ? Personne ne s’est réellement intéressé aux souhaits des citoyens lorsqu’il s’est agi de respecter la vie privée d’un chef de l’État qui dissimulait sa fille naturelle et il deviendrait urgent de légiférer sur la communication entourant l’état de santé du président ? Pour Dominique Paillé, les Français n’ont pas confiance en les communiqués de presse relatifs à la santé du chef de l’État en raison de l’honnêteté toute relative de ceux ayant pu être publiés ces dernières décennies. « Il est donc urgent d’agir afin de mettre en place un processus permettant de respecter le secret médical et la nécessaire information à laquelle nos concitoyens et les représentants de la Nation ont légitimement droit. » Dans ce sens, l’élu UMP propose d’ajouter un alinéa à l’article 7 de la Constitution ainsi rédigé : « Dès que l’état de santé du président de la République peut engendrer une vacance ou un empêchement, avant même que le Conseil constitutionnel soit saisi par le gouvernement, un communiqué, rédigé par une commission médicale en lien avec le médecin traitant du chef de l’État, est établi afin d’informer les Français.
Cette commission est composée par un médecin désigné par chaque groupe politique représenté au sein du Parlement, ainsi qu’un médecin désigné par l’ensemble des élus n’appartenant à aucun groupe et n’ayant pas la qualité de parlementaire. Si au sein de cette commission, une rédaction n’obtient pas l’unanimité des praticiens, le communiqué adressé aux Français sera la rédaction ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés par ces médecins ».

Il est amusant de constater qu’en rappelant que Charles VI, François II, Charles IX ou Louis XIV ont connu des périodes plus ou moins courtes et répétées d’inaptitudes partielles voire totales, liées à l’altération de leur état de santé, le député des Deux-Sèvres de l’Union pour un mouvement populaire montre à quel point la présidence de la République peut être comparée à l’Ancien Régime.

Confidentialité des soins et agent du service pénitentiaire

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Secret médical et soins en prisonTout individu incarcéré a le droit au respect de sa dignité, tout particulièrement lorsqu’il est amené à recevoir des soins. Il a aussi droit au secret médical. C’est sur ces principes qu’un détenu a demandé, après avoir subi une première endoscopie en présence d’un agent du service pénitentiaire dans un établissement hospitalier, « qu’il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice d’examiner le dispositif de sécurité à mettre en place à l’hôpital, permettant d’assurer la réalisation de l’endoscopie programmée dans le respect du secret médical et du droit au respect de la vie privée, de rappeler au personnel de l’escorte pénitentiaire l’obligation de respecter la confidentialité des soins, et à ce qu’il soit enjoint de prendre toute mesure conservatoire qui se révèlerait indispensable à la préservation de la confidentialité des soins et du droit au respect de la dignité humaine ». Le juge des référés ayant rejeté sa requête, le prisonnier s’est pourvu en cassation.

Le Conseil d’État, dans une décision du 24 juillet 2009 (nº 324555), a confirmé qu’il appartient à l’administration pénitentiaire de définir au vu du profil pénal du prévenu des modalités adaptées tant en terme de respect de la confidentialité des soins médicaux lors que des mesures de sécurité destinées à prévenir tout incident. La disposition des lieux dans lesquels doivent se dérouler un examen peut, par exemple, justifier la présence d’un surveillant, dès lors que la confidentialité des soins est respectée, sans qu’il puisse être considéré que cela porte atteinte à la dignité du patient emprisonné ou que cela soit de nature à provoquer un traitement inhumain et dégradant en méconnaissance de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans le Bulletin de l’ordre de médecins de mai 2008, le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) s’inquiétait de La grande misère de la médecine pénitentiaire et rappelait qu’ « un détenu est un patient comme un autre : il bénéficie des droits inscrits dans le code de déontologie médicale et dans la loi du 4 mars 2002. Au regard du médecin, il ne doit faire l’objet d’aucune discrimination en raison de sa détention ou de ses causes. » Que ce soit dans un établissement hospitalier où il est conduit ou dans les locaux de la médecine pénitentiaire au sein de la prison, le détenu doit pouvoir se confier au médecin en étant assuré que sa confiance ne sera pas trahie. Situation difficile dans un milieu carcéral « où tout se sait » comme cela est expliqué dans un document de 2000 intitulé Soignants et malades incarcérés : « Les dérogations à l’intimité de la relation soignante à l’hôpital restent coutumières, les extractions étant paradoxalement l’occasion d’un secret médical plus exposé qu’en prison et d’un colloque singulier moins respecté, les surveillants assistant régulièrement aux consultations. » Presque dix ans plus tard, le problème est toujours d’actualité…

Dans le cadre des prochains « Entretiens Droit et Santé », l’Institut Droit et Santé accueille
Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté sur le thème de
« La protection de la santé dans les lieux de privation de liberté »
le mardi 22 septembre, de 18h00 à 19h 30, salle du Conseil de l’Université Paris Descartes,
12, rue de l’École de Médecine, 75006 Paris.
S’inscrire

Un crédit d’impôt pour les donneurs de sang

Écrit par Radoslava Dvorska le . Dans la rubrique Presse

Don de sang et crédit d'impôtSelon le quotidien slovaque Hospodárske noviny du 25 août 2009, Katarina Thotova, déléguée du parti « Démocratie populaire » (LS-HZDS), a proposé d’offrir un crédit d’impôt d’une valeur de 65 euros aux citoyens à chaque fois qu’ils donnent leur sang. Cette instigation a été faite à l’occasion d’un projet de modification de la loi portant sur l’impôt sur le revenu. Selon elle, il est nécessaire « dans l’intérêt de prestations médicales continues et sans faille d’éviter que les donneurs du sang ne soient motivés que par des principes ». La générosité gratuite n’est pas suffisante.
Le crédit d’impôt serait limité à quatre dons par an, soit un montant annuel de 260 euros par personne. Selon Katarina Thotova, une telle mesure n’aurait que peu d’impact pour les finances de l’État, même en période de crise économique, bien qu’elle n’ait pas chiffré concrètement quel pourrait en être l’impact sur le budget national.

Pour le ministère des finances de la République slovaque, une telle mesure entraînerait une diminution des recettes, ce qui aurait un effet défavorable sur le budget de la Nation et, par conséquent, sur ceux des villes et des communes.

Cette idée de crédit d’impôt n’est pas nouvelle en Slovaquie puisque, par le passé, les donneurs de sang ont déjà bénéficié d’un tel avantage. En 2003, cette disposition a été supprimée par le précédent gouvernement, suivant ainsi la position de l’Union européenne. Cette dernière prévoit, en effet, que le sang ne doit en aucun cas faire l’objet d’un commerce. Pour la déléguée du parti démocrate populaire, on ne pourrait parler de commerce que si le donneur touchait directement de l’argent, le crédit d’impôt ne relève donc pas du commerce, ce qui justifie sa proposition.
Le sang : de l’argent liquide ?

Consentement et information du patient : le médecin et l’État responsables en Europe

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Responsabilité du médecin et devoir d'information en EuropeLa Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt le 2 juin 2009 riche en enseignements. Une citoyenne roumaine, avocate, « alléguait en particulier, sous l’angle des articles 6 et 8 de la Convention, la durée excessive et l’inefficacité de la procédure tendant à engager la responsabilité du médecin qui lui avait fait subir une intervention de chirurgie plastique aux paupières sans demander valablement son consentement et sans l’informer sur les possibles conséquences »1.

En 1996, après avoir subi diverses interventions réalisées par un chirurgien plasticien dans un hôpital municipal en Roumanie, dont une au niveau des paupières appelée blépharoplastie, la patiente se rend compte qu’elle ne peut plus fermer les paupières correctement. Ce problème, appelé lagophtalmie, pouvant mettre en danger l’intégrité oculaire, de nouvelles interventions des paupières sont pratiquées par le même chirurgien. Malheureusement, la patiente finit par présenter une paralysie faciale et d’autres séquelles nécessitant un traitement médical. Après plusieurs expertises aux conclusions différentes, il est admis que des erreurs chirurgicales ont été commises, ce qui aboutit à ce que la patiente porte plainte au pénal avec constitution de partie civile contre le médecin qui l’a opérée. Elle allègue « avoir souffert d’une atteinte à l’intégrité corporelle » dont elle garde « une infirmité permanente. »
En première instance, fin 2000, le médecin obtient un non-lieu en raison d’un nouveau rapport d’expertise et « au motif que la plainte pénale était tardive, compte tenu de ce que les faits dénoncés devraient être qualifiés d’atteinte involontaire à l’intégrité corporelle ». Ce n’est qu’en 2003 que l’appel de la patiente est accepté, mais un nouveau non-lieu intervient en 2004 « au motif que la prescription de la responsabilité pénale du médecin était intervenue ». Cette décision est, bien entendu, contestée par la plaignante, mais rien n’y fait. Le tribunal conseille, néanmoins, à la requérante de poursuivre ses prétentions par la voie d’une action en responsabilité civile délictuelle.
Elle assigne le chirurgien et l’hôpital et demande la réparation du préjudice. Son action est accueillie en 2005. Un appel et une cassation plus tard, le tribunal retient « que la requérante gardait des séquelles des opérations chirurgicales défectueuses réalisées par le docteur B., à savoir une souffrance physique permanente et une apparence inesthétique de nature à entraver ses relations personnelles et professionnelles habituelles, compte tenu aussi du fait qu’elle était avocate ». Le tribunal réaffirme « que le médecin avait commis des erreurs médicales et retint qu’il aurait dû obtenir le consentement par écrit de la requérante pour les opérations de chirurgie plastique qui étaient une pratique nouvelle à l’époque où elles avaient été réalisées et aussi l’informer au sujet des risques encourus ». Le médecin est condamné à réparer le préjudice, mais il va s’avérer qu’il s’est arrangé pour ne plus être solvable à la fin des différents recours en 2007. Il n’en fallait pas plus pour que l’avocate victime saisisse la CEDH.

La Cour, après examen du dossier, a estimé que la durée globale de la procédure était de plus de neuf ans et demi et jugé « que la cause de la requérante n’a pas été entendue dans un délai raisonnable » en violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Pour elle, il y a eu aussi violation de l’article 8, car la CEDH rappelle qu’entrent dans le champ de l’article 8 de la Convention les questions liées à l’intégrité morale et physique des individus, à leur participation au choix des actes médicaux qui leur sont prodigués ainsi qu’à leur consentement à cet égard. Les États ont l’obligation d’adopter des mesures réglementaires propres à assurer le respect de l’intégrité physique des patients en les préservant « autant que faire se peut, des conséquences graves que peuvent avoir à cet égard les interventions médicales. » Elle rappelle de plus que « l’imposition d’un traitement médical sans le consentement du patient s’il est adulte et sain d’esprit s’analyserait en une atteinte à l’intégrité physique de l’intéressé pouvant mettre en cause les droits protégés par l’article 8 § 1 » selon l’arrêt Pretty. Si le médecin travaille dans un établissement public et qu’il ne se respecte pas son devoir d’information, l’État « peut être directement responsable sur le terrain de l’article 8 du fait de ce défaut d’information ».
Dans le cas de cette patiente, le fait que le médecin se soit rendu volontairement insolvable pour ne pas indemniser la patiente et que la passivité des autorités judiciaires ait bénéficié à ce dernier n’a pas joué en faveur de la Roumanie.

Cette jurisprudence est donc particulièrement intéressante au moment ou le droit du patient européen est en pleine construction.

 

 


1 – Affaire Codarcea c. Roumanie, nº 31675/04, Strasbourg, 2 juin 2009.

 

Deux visites médicales d’embauchage obligatoires en cas d’inaptitude

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Aptitude et visite médicale d'embauchageMême si le terme « embauchage » est apparu en 1752 dans la langue française, il a du mal à s’imposer à notre époque dans le grand public, comme dans le monde de l’entreprise. En droit, le Conseil d’État et d’autres juridictions l’emploient régulièrement pour désigner l’engagement d’un salarié.

La visite médicale d’embauchage, plus communément appelée visite médicale d’embauche, réglementée par le code du travail, ne laisse que peu de latitude aux différentes parties (employé, employeur et médecin en santé au travail). Obligatoire avant l’embauchage pour les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée (art. R 4624-19 du code du travail) et pour ceux exerçant les métiers de personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (art. L 421-1 du code de l’aviation civile), elle doit être réalisée avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai pour les autres (art. R 4624-10 du code du travail). Comme les autres visites médicales obligatoires en matière de santé au travail, cet examen peut entraîner un avis d’inaptitude au poste occupé par le salarié. Pour cela, ce n’est pas une, mais deux visites médicales d’embauchage qui sont nécessaires selon une jurisprudence du Conseil d’État du 17 juillet 2009 (nº 314729).

Après avoir rappelé les textes s’appliquant à la visite médicale d’embauche, et particulièrement les termes de l’article R 4624-11 du code du travail selon lesquels l’examen médical d’embauche a pour finalité de s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter, de proposer éventuellement les adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes et de rechercher si le salarié n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs, le Conseil d’État a confirmé que les termes de l’article R 4624-31du code du travail précisant que, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu’après avoir réalisé une étude de ce poste, une étude des conditions de travail dans l’entreprise et deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, d’examens complémentaires, s’appliquaient bien à la visite d’embauchage.

Le Conseil d’État a aussi précisé que conformément à l’article R 4624-32 du code du travail, le médecin du travail pouvait consulter le médecin inspecteur du travail avant d’émettre son avis. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail (art. L 4624-1 du code du travail).

 

 

Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques : le Conseil d’État dit oui

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Hépatite B, vaccin et sclérose en plaquesAlors que le calendrier vaccinal vient d’affirmer qu’il n’y avait pas de lien entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, le Conseil d’État maintient sa jurisprudence de 2007 (décision no 267635), selon laquelle « le lien direct entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques doit être regardé comme établi lorsque la maladie apparaît dans un bref délai à la suite de l’injection du vaccin alors que le patient était en bonne santé et ne présentait aucun antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination » pour un agent du secteur public.

Dans une décision du 10 avril 2009 (no 296630), le Conseil d’État confirme que « Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert commis au titre du règlement amiable, que Mme A n’a présenté aucun antécédent de la sclérose en plaques avant de recevoir les trois premières injections du vaccin les 27 juillet, 9 septembre et 19 octobre 1988 ; que les premiers symptômes de l’affection ultérieurement diagnostiquée qui aient fait l’objet de constatations cliniques ont été ressentis dès les mois de novembre et décembre 1988, soit dans un bref délai après la troisième injection ; que dans ces conditions, l’affection doit être regardée comme imputable à la vaccination ; qu’il revient dès lors à l’État, en application des dispositions précitées, de réparer les dommages subis par Mme A du fait de cette affection ».

Le Conseil d’État ne donne, bien entendu, pas un avis scientifique. Il constate que la sclérose en plaques a été imputée au vaccin par la cour, suivant l’avis de l’expert. Cette décision montre bien qu’il faut tenir compte des délais entre l’expertise, le jugement et le passage devant le Conseil d’État. La justice suit l’avis de l’expert jusqu’au bout de la procédure, même si l’on sait que cet avis, au cours de ce lent processus, peut évoluer, au point de s’inverser, en fonction de la progression des connaissances scientifiques.