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Pas de faute pour les fabricants de vaccins aux États-Unis

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'injection est prêteLes fabricants de vaccins pour les enfants ne peuvent être poursuivis pour des défauts de conception de leurs produits aux États-Unis, ainsi en ont décidé les membres de la Cour suprême de ce pays par 6 voix contre 2.

Cette décision fait suite à la plainte des parents d’une enfant ayant souffert de convulsions après avoir reçu une injection de vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (affaire Bruesewitz v Wyeth Inc). Pour la Cour, une loi adoptée par le Congrès des États-Unis en 1986 exclut toutes poursuites contre les fabricants de vaccins dans un tel cas : ce texte prévoit en effet qu’aucune faute ne pourra être reprochée à un laboratoire si un enfant est victime des effets secondaires d’un vaccin.
La loi, appelée The National Childhood Vaccine Injury Act, « écarte toutes réclamations contre les fabricants pour des défauts de conception de vaccins par des plaignants qui demandent une indemnisation pour des blessures ou des décès causés par les effets secondaires du vaccin ».

Russell et Robalee Bruesewitz voulaient voir reconnue la responsabilité du laboratoire Wyeth après que leur fille de 6 mois ait présenté de nombreuses crises convulsives après avoir été vaccinée en 1992. Cette injection n’a rien de particulier et est pratiquée de façon habituelle chez les enfants de cet âge. Malheureusement, chez cette enfant, les médecins ont diagnostiqué en 2003 un trouble épileptique résiduel et une encéphalopathie.
La loi exclut les plaintes pour les effets secondaires “inévitables”, mais pour les avocats de la famille, au moment où a été réalisée l’injection, ce produit était dépassé, mal conçu et ses effets secondaires évitables.
Pour le juge Antonin Scalia, membre de la Cour suprême qui a voté pour cette décision, « à condition que la fabrication soit correcte et qu’il n’y ait pas de mise en garde, les autres effets secondaires, y compris ceux résultant de défauts de conception, sont réputés avoir été inévitables ».

Comment expliquer qu’un tel texte ait pu être adopté ? Tout simplement parce qu’il a été voté à un moment où les États-Unis étaient confrontés à une pénurie de vaccins pour les enfants après que les fabricants aient décidé de se retirer de ce marché face à l’augmentation du nombre de plaintes auxquels ils avaient à faire face justement pour le vaccin tout-en-un diphtérie-coqueluche-tétanos. L’adoption de cette loi s’est accompagnée de la création d’un tribunal dédié à ces produits, appelé Vaccine court et financé par les fabricants par le biais d’une taxe sur chaque dose, qui doit déterminer si les dommages d’un plaignant sont dus à un vaccin ou non. Dans le cas d’Hannah Bruesewitz, ce tribunal a estimé que le produit n’était pas en cause.

Le jugement de la Cour suprême a été salué par l’Académie américaine de pédiatrie, qui s’était jointe à 21 autres associations du monde de la santé, y compris l’American Medical Association, pour déposer un amicus curiae, contribution versée spontanément au débat, exhortant le tribunal à rendre une décision qui sauvegarde l’approvisionnement du pays en vaccins.

« Les vaccins destinés aux enfants font partie des plus grands progrès de la médecine du siècle dernier », a déclaré la présidente de l’Académie de pédiatrie, Marion Burton. « La décision de la Cour suprême protège les enfants par le renforcement de notre système national de vaccination et veille à ce que les vaccins continuent à empêcher la propagation de maladies infectieuses dans ce pays. »

Pour le juge Scalia, les fabricants sont déjà obligés par la loi de financer un programme informel et efficace d’indemnisation des victimes des vaccins. « En échange, il faut leur éviter de coûteux litiges et de se voir de temps en temps condamner de façon disproportionnée par un jury ».

Le laboratoire Wyeth a fait valoir pour sa part que si la décision lui était défavorable, cela pourrait ouvrir la voie à une déferlante de poursuites alléguant un lien de causalité entre les vaccins et l’autisme.

Sonia Sotomayor et Ruth Bader Ginsberg, juges à la Cour suprême elles aussi, ont quant à elles voté contre cette décision. Pour Sonia Sotomayor, ce jugement « laisse un vide réglementaire dans lequel personne ne veille à ce que les fabricants de vaccins tiennent compte de manière adéquate des progrès scientifiques et technologiques lors de la conception ou de la distribution de leurs produits. »

Cette affaire montre bien à quel point il est difficile pour les autorités d’un pays, fût-il aussi puissant que les États-Unis, de ne pas plier face à l’industrie pharmaceutique qui semble ne pas hésiter à arrêter la production de produits indispensables à la santé publique si elle se sent menacée. Un procédé auquel les assureurs ont eux aussi eu recours quand leurs intérêts ont été attaqués. Volià qui pourrait expliquer, sans le justifier, que de nombreuses victimes soient encore sacrifiées pour ne pas nuire à des intérêts qui les dépassent…

[Source : BMJ 2011;342:d1292]

Revue belge du dommage corporel et de médecine légale — numéro 2010/4

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Revue belge dcml

Sommaire du numéro du 4e trimestre 2010

Revue belge du dommage corporel et de médecine légaleAnthemis

 

 

Het Medisch-technisch Comité bij het Fonds voor Arbeidsongevallen: van onbekend tot ‘teerbemind’…

Ria Janvier et Michel Depoortere

Het Fonds voor Arbeidsongevallen (FAO) wordt beheerd door een paritair samengesteld beheerscomité. In de schoot van het FAO zijn meerdere technische comités actief die vooral een adviserende rol hebben ten overstaan van het genoemde beheerscomité. Eén daarvan is het Medisch-technisch Comité (MTC). Het doel van deze bijdrage is het MTC even in de schijnwerpers te zetten opdat het niet langer onbekend en daardoor – ten onrechte – onbemind zou zijn…

Mots clés : Fonds voor Arbeidsongevallen (FAO) – Beheerscomité – Medisch-technisch Comité (MTC) – Samenstelling – Opdracht – Advies

 

Indemnisation des dommages résultant de soins de santé : la loi F.A.M.

Pascal Staquet

Par la création d’un Fonds des accidents médicaux (F.A.M.), la loi du 31 mars 2010 tente d’organiser l’indemnisation des victimes de dommages résultant de soins de santé. Le préjudice est évalué conformément au droit commun. Sa réparation est donc intégrale et réalisée in concreto. La loi n’institue cependant pas une responsabilité sans égard à la faute et les conditions d’indemnisation sont délimitées par des critères tels que le seuil de gravité, l’éventuelle responsabilité d’un prestataire de soins ou encore l’intervention d’un assureur le couvrant en responsabilité civile professionnelle. En vue de son indemnisation, deux voies sont ainsi offertes à la personne lésée, celle qui recourt à la procédure amiable et gratuite du Fonds des accidents médicaux et celle qui emprunte les chemins des juridictions judiciaires.

Mots clés : Législation – Faute médicale – Victime – Indemnisation – Dommage – Responsabilité – Causalité – Fonds des accidents médicaux – Invalidité – Incapacité – Décès – Aléa thérapeutique – État de la science – Soins de santé – Infection nosocomiale – Diagnostic – Traitement – Praticien professionnel – Assureur – Subrogation

Infection nosocomiale et devoir d’information

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Boîte de PetriConformément à l’article L 1111-2 du code de la santé publique, toute personne a le droit d’être informée, préalablement à toute investigation, tout traitement ou toute action de prévention qui lui est proposé, sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent. Si une infection nosocomiale n’est pas de survenue fréquente, elle n’en est pas moins souvent grave, surtout à une époque où des germes multirésistants aux antibiotiques se répandent de par le monde. Mais il est vrai qu’il arrive à un praticien qui intervient depuis parfois plusieurs dizaines d’années, qui a traité des milliers de patients sans aucun problème de cette nature, qui a toujours fait preuve de la plus grande rigueur quand il est question de désinfection et d’asepsie, peut inconsciemment minimiser l’importance d’informer le patient de ce risque, à tel point qu’il ne l’évoque pas systématiquement avec chacun des malades qu’il doit prendre en charge.

Ne pas informer ne veut pas dire être négligent au moment du geste médical ou chirurgical. C’est ce que tend à prouver l’affaire qu’a eu à examiner la 1re chambre civile de la Cour de cassation en avril 2010 (pourvoi no 08-21058, paru au bulletin de cette même cour du 15 septembre 2010) : alors qu’un patient ayant subi une infiltration intra-articulaire au niveau d’un genou a présenté une arthrite septique, reconnue comme infection nosocomiale, aucune preuve d’un défaut fautif d’asepsie imputable au praticien dans la réalisation de l’acte médical n’a pu être mise en évidence par le patient. Il n’y a rien d’étonnant à cela : une contamination peut intervenir après le geste, au moment des soins de pansement ou à l’occasion de l’application d’un traitement complémentaire au niveau local effectués par du personnel paramédical ou le patient lui-même. Pour la cour d’appel, cette absence de faute était suffisante pour qu’il ne puisse être reproché au praticien de n’avoir pas informé son patient d’un risque qui n’était pas lié à l’intervention préconisée. Mais la Cour de cassation a décidé qu’il n’en était pas ainsi : pour elle, « il incombe au médecin, tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son patient, de prouver qu’il a exécuté cette obligation ; qu’en conséquence, en cas de litige, il appartient au médecin d’établir que les complications qui sont survenues et dont il n’avait pas préalablement informé son patient du risque, sont sans lien avec l’acte médical qu’il a pratiqué ». Pas question de faire peser sur le patient, pour apprécier les contours de l’obligation d’information du médecin, la charge de prouver que l’infection nosocomiale était en lien avec l’intervention pratiquée.

Pour la Cour de cassation, en vertu de l’article L 1111-2 du code de la santé publique, « une cour d’appel ne peut retenir qu’il ne saurait être reproché à un médecin ayant pratiqué sur un patient une infiltration du genou, à la suite de laquelle ce dernier avait contracté une arthrite septique, de ne pas l’avoir informé du risque d’infection nosocomiale scientifiquement connu comme étant en rapport avec ce type d’intervention, au seul motif qu’aucune faute d’asepsie n’était intervenue dans la réalisation de l’acte ».

Avant tout acte médical ou chirurgical, qu’il s’agisse de prévention, de diagnostic ou de traitement, le praticien doit informer le patient d’un risque d’infection nosocomiale. Que le médecin estime qu’une infection nosocomiale est imprévisible et dépend de multiples facteurs importe peu : il doit informer le patient et, surtout, être en mesure de prouver qu’il en a bien parlé au patient au cours de l’entretien individuel prévu à cet effet par la loi, la bonne foi et la parole du médecin ne suffisant plus depuis bien longtemps.

Visite médicale, travail et Cour de cassation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Médecin du travailVisite médicale et travail peuvent parfois être source de conflits entre un employé et l’entreprise où il travaille, d’où des décisions rendues régulièrement à ce sujet par la Cour de cassation à l’origine de nombreuses jurisprudences. Deux arrêts de la fin 2009 devraient intéresser ceux qui se penchent sur ces questions.

La première décision vient de la chambre sociale de la Cour de cassation, le 2 décembre 2009 (no pourvoi 08-40156). Elle confirme qu’aucune personne ne peut être sanctionnée en raison de son état de santé et que le fait de quitter son poste en raison de son état de santé afin de consulter un médecin ne constitue pas en soi une faute de nature à justifier le licenciement. Elle s’appuie en cela sur l’une de ses précédentes décisions du 3 juillet 2001 (no pourvoi 99-41738) basée sur l’article L. 122-45 du code du travail.
Si un salarié peut justifier du fait qu’il a quitté son travail pour se rendre chez un médecin pour un problème de santé, il ne peut être renvoyé pour cette raison.

La seconde décision du 28 octobre 2009 (no pourvoi 08-42748) concerne, quant à elle, la responsabilité du salarié qui ne se rend pas à la visite médicale de santé au travail dans le cadre d’une procédure d’inaptitude à un poste au sein d’une entreprise. La chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que « justifie la rupture immédiate du contrat de travail l’acte d’insubordination d’un salarié caractérisé par le non-respect des règles de sécurité, consistant dans le refus persistant de se présenter aux nombreuses convocations de la médecine du travail, en dépit d’une lettre de mise en demeure de son employeur ». Elle a aussi réaffirmé que « constitue une faute grave pour absence injustifiée le fait pour un salarié qui postérieurement à l’expiration de la prolongation de son arrêt de travail, s’abstient pendant près de trois mois et demi après la première visite de reprise, en dépit d’une lettre recommandée de son employeur, de se rendre aux nombreuses convocations de deuxième visite médicale de reprise, sans apporter de nouvelle justification à son absence ».
Comme il a été vu dans l’article Refus ou absence du salarié à la visite médicale du travail, il ne fait pas bon oublier ou refuser de se rendre à une visite médicale de santé au travail…

 

Revue belge du dommage corporel et de médecine légale — numéro 2009/2

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Revue belge dcml

Sommaire du numéro du 2e trimestre 2009

Revue belge du dommage corporel et de médecine légaleAnthemis

 

 

Sur un cas de faute médicale concernant un homme souffrant de priapisme post-traumatique

Francesco Consigliere et Andrea Verzeletti

Alors qu’il travaille, un homme de 39 ans tombe en heurtant la région périnéo-scrotale. Une semaine plus tard, l’homme perçoit une tumescence, spontanée et indolente, du pénis. Il se rend à l’hôpital où les médecins diagnostiquent un priapisme à haut débit et, le jour suivant, il est opéré de fistulisation caverno-spongieuse bilatérale avec comme conséquence l’impuissance (impotentia coeundi). Ce rare cas de priapisme post-traumatique a mis en évidence la négligence des médecins qui n’ont pas exposé au patient le risque de l’intervention pratiquée et la possibilité de s’adresser à un centre spécialisé à même de garantir d’autres techniques d’interventions (notamment l’embolisation artérielle) qui auraient assuré de meilleures chances de succès. Ce cas est aussi intéressant du point de vue de la problématique de l’évaluation du dommage si l’on s’interroge sur la partie du dommage attribuable à la faute médicale.

Mots clés : Priapisme – Information – Faute médicale – Barèmes – Évaluation du dommage corporel

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Sur un cas de syringomyélie post-traumatique : problèmes d’évaluation du dommage corporel

Francesco Consigliere et Andrea Verzeletti

Au cours d’un accident de la circulation, un homme de 38 ans subit un grave polytraumatisme. Les examens de diagnostic par images mettent au cours du temps en évidence une dégénérescence de type syringomyélique de la moelle épinière avec l’apparition de signes de souffrance neurologique aux membres supérieurs et inférieurs. Trois interventions chirurgicales ont été pratiquées mais, un an après, la cavité syringomyélique gagnait D11. Ce cas présente un intérêt tant pour la rareté de la pathologie que pour les quelques réflexions sur l’évaluation du dommage corporel qu’il entraîne, notamment à propos du « dommage futur ».

Mots clés : Syringomyélie post-traumatique – Barèmes – Èvaluation du dommage corporel

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Les conséquences médico-légales de la néphrectomie unilatérale

Jacques A. Bagon

Une étude observationnelle d’une cohorte de 73 patients néphrectomisés (37 donneurs de rein pour transplantation et 36 néphrectomies thérapeutiques) avec un suivi de 2 ans a été réalisée. Ont été analysés : le devenir de la fonction rénale, de la protéinurie et de la pression artérielle ; les délais jusqu’à la reprise de diverses activités : vie autonome, conduite automobile, activité professionnelle ou ménagère ; les délais avant rétablissement total ; les pourcentages de reprise d’activités préopératoires, l’évolution de l’inconfort en rapport avec l’opération, l’appréciation de l’aspect esthétique de la cicatrice et l’évolution de la qualité de vie, en fonction du temps écoulé. Ces données observationnelles autorisaient une proposition de taux d’invalidité attribuables à la néphrectomie, selon la valeur de la fonction rénale résiduelle. Les notions de perte de chance et de risque créé, dans le cadre de la néphrectomie, sont discutées.

Mots clés : Néphrectomie unilatérale – Taux de filtration glomérulaire – Invalidité – Perte de chance – Qualité de vie

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Responsabilité pénale de la personne morale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Dirigeant d'entreprise ou d'association et responsabilité pénaleIl n’est pas rare qu’un professionnel de santé soit en charge d’une société ou qu’il occupe les responsabilités de président d’une association ayant une personnalité morale au sens juridique. C’est pour ces raisons que la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation (nº de pourvoi 08-83843), parue au bulletin d’information de cette même cour nº 709 du 15 octobre 2009, est intéressante. Il y est question de la différence qui peut être faite entre la responsabilité pénale d’une personne morale et celle de son dirigeant.

« Il résulte des articles 121-2 et 121-3 du code pénal que les personnes morales sont responsables pénalement de toute faute non intentionnelle de leurs organes ou représentants ayant entraîné une atteinte à l’intégrité physique, alors même qu’en l’absence de faute délibérée ou caractérisée au sens de l’article 121-3, alinéa 4, dudit code, la responsabilité pénale de ces derniers, en tant que personnes physiques, ne pourrait être recherchée.
Justifie, dès lors, sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer une société coupable d’homicide involontaire, après avoir relaxé son dirigeant, relève, notamment, que l’accident a eu lieu en raison d’un manquement aux règles de sécurité relatives à l’environnement de travail. »

Si la responsabilité pénale du dirigeant de la personne morale ne peut pas être mise en cause sans qu’une faute délibérée ou caractérisée n’ait été constatée, la personne morale, elle-même, peut se voir poursuivie et condamnée au pénal, même en cas de faute non intentionnelle, un manquement caractérisé aux règles de sécurité pouvant être considéré comme telle.

Consentement et information du patient : le médecin et l’État responsables en Europe

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Responsabilité du médecin et devoir d'information en EuropeLa Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt le 2 juin 2009 riche en enseignements. Une citoyenne roumaine, avocate, « alléguait en particulier, sous l’angle des articles 6 et 8 de la Convention, la durée excessive et l’inefficacité de la procédure tendant à engager la responsabilité du médecin qui lui avait fait subir une intervention de chirurgie plastique aux paupières sans demander valablement son consentement et sans l’informer sur les possibles conséquences »1.

En 1996, après avoir subi diverses interventions réalisées par un chirurgien plasticien dans un hôpital municipal en Roumanie, dont une au niveau des paupières appelée blépharoplastie, la patiente se rend compte qu’elle ne peut plus fermer les paupières correctement. Ce problème, appelé lagophtalmie, pouvant mettre en danger l’intégrité oculaire, de nouvelles interventions des paupières sont pratiquées par le même chirurgien. Malheureusement, la patiente finit par présenter une paralysie faciale et d’autres séquelles nécessitant un traitement médical. Après plusieurs expertises aux conclusions différentes, il est admis que des erreurs chirurgicales ont été commises, ce qui aboutit à ce que la patiente porte plainte au pénal avec constitution de partie civile contre le médecin qui l’a opérée. Elle allègue « avoir souffert d’une atteinte à l’intégrité corporelle » dont elle garde « une infirmité permanente. »
En première instance, fin 2000, le médecin obtient un non-lieu en raison d’un nouveau rapport d’expertise et « au motif que la plainte pénale était tardive, compte tenu de ce que les faits dénoncés devraient être qualifiés d’atteinte involontaire à l’intégrité corporelle ». Ce n’est qu’en 2003 que l’appel de la patiente est accepté, mais un nouveau non-lieu intervient en 2004 « au motif que la prescription de la responsabilité pénale du médecin était intervenue ». Cette décision est, bien entendu, contestée par la plaignante, mais rien n’y fait. Le tribunal conseille, néanmoins, à la requérante de poursuivre ses prétentions par la voie d’une action en responsabilité civile délictuelle.
Elle assigne le chirurgien et l’hôpital et demande la réparation du préjudice. Son action est accueillie en 2005. Un appel et une cassation plus tard, le tribunal retient « que la requérante gardait des séquelles des opérations chirurgicales défectueuses réalisées par le docteur B., à savoir une souffrance physique permanente et une apparence inesthétique de nature à entraver ses relations personnelles et professionnelles habituelles, compte tenu aussi du fait qu’elle était avocate ». Le tribunal réaffirme « que le médecin avait commis des erreurs médicales et retint qu’il aurait dû obtenir le consentement par écrit de la requérante pour les opérations de chirurgie plastique qui étaient une pratique nouvelle à l’époque où elles avaient été réalisées et aussi l’informer au sujet des risques encourus ». Le médecin est condamné à réparer le préjudice, mais il va s’avérer qu’il s’est arrangé pour ne plus être solvable à la fin des différents recours en 2007. Il n’en fallait pas plus pour que l’avocate victime saisisse la CEDH.

La Cour, après examen du dossier, a estimé que la durée globale de la procédure était de plus de neuf ans et demi et jugé « que la cause de la requérante n’a pas été entendue dans un délai raisonnable » en violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Pour elle, il y a eu aussi violation de l’article 8, car la CEDH rappelle qu’entrent dans le champ de l’article 8 de la Convention les questions liées à l’intégrité morale et physique des individus, à leur participation au choix des actes médicaux qui leur sont prodigués ainsi qu’à leur consentement à cet égard. Les États ont l’obligation d’adopter des mesures réglementaires propres à assurer le respect de l’intégrité physique des patients en les préservant « autant que faire se peut, des conséquences graves que peuvent avoir à cet égard les interventions médicales. » Elle rappelle de plus que « l’imposition d’un traitement médical sans le consentement du patient s’il est adulte et sain d’esprit s’analyserait en une atteinte à l’intégrité physique de l’intéressé pouvant mettre en cause les droits protégés par l’article 8 § 1 » selon l’arrêt Pretty. Si le médecin travaille dans un établissement public et qu’il ne se respecte pas son devoir d’information, l’État « peut être directement responsable sur le terrain de l’article 8 du fait de ce défaut d’information ».
Dans le cas de cette patiente, le fait que le médecin se soit rendu volontairement insolvable pour ne pas indemniser la patiente et que la passivité des autorités judiciaires ait bénéficié à ce dernier n’a pas joué en faveur de la Roumanie.

Cette jurisprudence est donc particulièrement intéressante au moment ou le droit du patient européen est en pleine construction.

 

 


1 – Affaire Codarcea c. Roumanie, nº 31675/04, Strasbourg, 2 juin 2009.

 

Plus de plaintes dans les hôpitaux depuis la loi du 4 mars 2002 ?

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Evolution

Augmentation des plaintes contre les établissements de santéUne étude française, puliée le 6 août 2009 dans la revue BMC Health Service Research et intitulée Evolution of patients’ complaints in a French university hospital: is there a contribution of a law regarding patients’ rights? [Évolution des plaintes des patients dans un hôpital universitaire français : une loi relative aux droits des patients y a-t-elle contribué ?, NDLR] n’a pas réussi à mettre en évidence un lien direct entre l’adoption de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et l’augmentation du nombre de plaintes formulées par écrit par les patients d’un grand centre hospitalier universitaire parisien, mais elle pourrait y avoir joué un rôle.

Ce travail, réalisé par Camila Giugliani du service de santé publique de l’École de médecin de l’université Paris Descartes et basé sur le constat que le nombre de plaintes relatives à des problèmes médicaux au sein d’un grand hôpital universitaire de la région parisienne a augmenté au fil du temps, montre que le sentiment des patients d’avoir été victime d’une erreur médicale aurait lui aussi augmenté. La loi du 4 mars 2002 pourrait avoir joué un rôle dans ce phénomène en faisant évoluer l’attitude des patients à l’égard des procédures permettant de se plaindre. Alors même que l’établissement était engagé dans une démarche de certification et que la durée des séjours tendait à diminuer, ce qui allait dans le sens d’une diminution des incidents graves liés à une hospitalisation, le nombre de courriers d’avocats ou de patients estimant être victime d’une erreur médicale n’a cessé d’augmenter. Le fait d’avoir élargi le débat sur ces évènements indésirables et sur les erreurs liées aux soins à l’occasion des discussions concernant la loi pourrait avoir fait prendre conscience aux patients de leurs droits et les avoir rendus plus exigeants à l’encontre du système de santé. Même si cette étude n’entre pas dans les détails, on peut aussi penser que la médiatisation de quelques erreurs médicales, comme l’affaire Perruche, a donné à réfléchir au plus grand nombre, surtout au regard des éventuelles réparations financières pouvant être obtenues si une faute est bien reconnue.
Les courriers d’avocat sont de plus en plus nombreux. L’accès plus facile à son dossier médical pourrait expliquer cette tendance, la volonté croissante d’engager des poursuites judiciaires aussi.

La plupart des plaintes reçues par cet hôpital ont été formulées par de femmes d’âge moyen, pour des problèmes liés à la chirurgie, à l’obstétrique, à la gynécologie et à la néonatalogie. Une complication survenue à la suite d’un acte chirurgical ou médical est le plus souvent à l’origine de la réclamation. Pour un grand nombre de patients, une plainte est le meilleur moyen d’exprimer leur frustration et leur déception concernant leur prise en charge. Elle peut aussi représenter un espoir de voir la qualité des soins s’améliorer afin de réduire le risque de voir se reproduire le même type d’événement indésirable que celui auquel ils ont été confrontés. C’est aussi une façon d’obtenir une sanction financière ou non à l’encontre de l’établissement ou d’un praticien considéré comme responsable.

Une telle étude semble être une première en France et devrait permettre de mieux répondre aux attentes des patients. De quoi se plaint-on ?

Laisser opérer un interne comporte des risques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Interne, chirurgie et responsabilitéAu moment où le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires prévoit que les internes en médecine non thésés vont pouvoir aller se former au sein des cliniques, il convient de rappeler que ce n’est pas sans conséquence sur la responsabilité du praticien qui va assumer le rôle mentor. Un arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2009 (n° de pourvoi 08-80679) est venu le rappeler.

Un jour férié de novembre 1997, une patiente se rend dans un hôpital de la région parisienne pour des douleurs pelviennes. Après qu’elle ait été examinée, le chirurgien décide de réaliser une coelioscopie exploratrice. Parce qu’il faut bien que les internes acquièrent de la pratique et apprennent leur métier au cours de leurs études, le praticien laisse le soin à l’interne de réaliser le premier temps opératoire sous son contrôle. Un saignement plus abondant qu’à l’accoutumé se produit sans inquiéter pour autant le chirurgien, qui rassure l’interne en mettant cet incident sur le compte d’un vaisseau de la paroi abdominale, loin d’imaginer, malgré son expérience, que c’est l’aorte de la patiente qui a été touchée, chez cette patiente ayant une morphologie particulière. Il sera trop tard lorsque cette erreur d’appréciation sera comprise par le chirurgien et la patiente va malheureusement décéder très peu de temps après cette méprise.

Alors que le chirurgien, après avoir été déclaré coupable en première instance, a été relaxé par la cour d’appel. Pour cette dernière, il n’avait commis aucune faute caractérisée, pour des raisons que l’on aurait pu croire légitimes malgré l’issue dramatique de cette affaire. La Cour de cassation en a décidé autrement. Une note sous sa décision précise en effet que « Doit être cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui, pour relaxer un médecin poursuivi du chef d’homicide involontaire, retient que la mort de sa patiente est due à une hémorragie secondaire à une plaie chirurgicale de l’aorte à la suite d’une incision cutanée pratiquée par une interne sous son contrôle, et que ledit médecin n’a commis aucune faute caractérisée, le retard de diagnostic, au surplus erroné, pouvant lui être reproché, s’expliquant par la morphologie particulière de la victime et le caractère exceptionnel des complications auxquelles il s’est trouvé confronté, alors qu’il appartenait à la cour d’appel de rechercher si le prévenu, auquel il incombait de contrôler l’acte pratiqué par l’interne, n’avait pas commis une faute entretenant un lien direct de causalité avec la mort de la patiente. »

L’interne, placé sous la responsabilité du chirurgien, a été relaxé. Cette décision est, quant à elle, conforme à une jurisprudence de la Cour de cassation de 2005 (n° de pourvoi 05-82591) qui affirmait que « En l’état d’une thyroïdectomie pratiquée par un chirurgien, chef de service, assisté d’un interne, sur un patient décédé des suites d’une complication hémorragique, après une opération qui aurait nécessité une reprise chirurgicale immédiate, encourt la cassation l’arrêt qui déclare l’interne coupable d’homicide involontaire sans répondre aux conclusions qui faisaient valoir, en se prévalant de l’article R. 6153-3 du code de la santé publique, que la décision de réopérer dont la tardiveté était la cause du décès, appartenait au seul chef de service qui était présent lors de la survenance de l’hémorragie. » L’article R. 6153-3 du code de la santé publique précise, en effet, que « L’interne en médecine exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève. […] ».

Contrôler le travail d’un interne n’est pas anodin. Une faute caractérisée n’est pas nécessaire pour voir la responsabilité du médecin senior engagée. Une faute simple peut suffire à le faire condamner, y compris pour homicide involontaire.