Articles tagués ‘garde’

Pas de forfait à moindre coût pour les gardes des médecins salariés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carton rougeLa conclusion d’une affaire opposant un médecin salarié à l’Union pour la gestion des établissements des caisses d’assurance maladie (UGECAM) d’Alsace est particulièrement intéressante pour les professionnels de santé amenés à prendre des gardes au sein d’un établissement de soins. Le 8 juin 2011, la Cour de cassation a, en effet, rendu une décision (pourvoi nº 09-70324) rappelle les différences pouvant exister entre garde et astreinte, mais surtout précise la valeur que peut avoir le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur son lieu de travail. À une époque où les gardes doivent être impérativement suivies d’une période de repos et où certains établissements sont tentés d’avoir recours à la forfaitisation des gardes pour des raisons budgétaires, cette décision peut aider praticiens et personnel administratif à faire la part des choses.

Dans le cadre de son activité, le médecin-chef d’un hôpital géré par les caisses d’assurance maladie d’Alsace depuis 1985 exécute de nombreuses permanences de nuit, du dimanche et des jours fériés, payées en application de la convention collective des médecins des établissements gérés par les organismes de sécurité sociale sur la base d’un forfait. Le médecin-chef, considérant qu’il n’y a aucune raison pour que le temps passé en garde ne soit pas comptabilisé comme du temps de travail effectif et soit forfaitisé, décide de saisir la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’heures supplémentaires.

La cour d’appel de Colmar a rappelé qu’il résulte d’une part des dispositions de l’article L 3121-1 du code du travail que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles », d’autre part de celles de l’article L 3121-4 du même code, issues de la loi Aubry II du 19 janvier 2000, qu’« une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise » et que « la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ». Elle a aussi noté que l’avenant du 12 novembre 1992 à la convention collective UCANSS définit pour les médecins salariés la garde comme l’« obligation de se trouver dans l’établissement pour assurer, pendant la nuit et/ ou la journée du dimanche et/ ou des jours fériés, en fonction du tableau de garde, la permanence des soins excédant la compétence des auxiliaires médicaux » et l’astreinte comme « l’obligation de pouvoir être joint à tout moment pour faire face à tout événement médical survenu dans l’établissement ». Ce faisant et au regard des autres éléments du dossier, elle a donné raison au médecin-chef.

Ayant perdu en appel et condamnée à verser au plaignant 326 353 € à titre de rappel de salaires pour très nombreuses années prises en compte, l’UGECAM se pourvoit en cassation.

Pour la Cour de cassation, « constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail dans des locaux déterminés imposés par l’employeur, peu important les conditions d’occupation de tels locaux, afin de répondre à toute nécessité d’intervention sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». « Ayant constaté qu’une permanence des soins devait être assurée en continuité au sein du Centre par les médecins de l’établissement contraints de demeurer sur place ou de se tenir dans un local de garde prévu à cet effet afin de rester pendant toute la durée de leur garde à la disposition immédiate de l’employeur sur leur lieu de travail, la cour d’appel en a exactement déduit que ces gardes constituaient du temps de travail effectif. »

Un établissement de soins ne peut donc pas forfaitiser à moindre coût le temps de garde d’un médecin au prétexte que ce travail est différent de celui qu’il effectue habituellement dans son service. Que le praticien de garde puisse vaquer à des occupations personnelles et qu’il ne soit pas nécessairement contraint de rester à un endroit précis même, s’il doit être à disposition, n’autorise pas l’employeur à considérer qu’une garde n’est pas une période de travail effectif comme une autre.

La justice française s’est ainsi alignée sur la justice européenne, la Cour de justice de la communauté européenne (CJCE), devenue Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) depuis, ayant décidé dans un arrêt (C-151-02 du 9 septembre 2003) que :

1) La directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprétée en ce sens qu’il convient de considérer un service de garde […] qu’un médecin effectue selon le régime de la présence physique dans l’hôpital comme constituant dans son intégralité du temps de travail au sens de cette directive, alors même que l’intéressé est autorisé à se reposer sur son lieu de travail pendant les périodes où ses services ne sont pas sollicités, en sorte que celle-ci s’oppose à la réglementation d’un État membre qui qualifie de temps de repos les périodes d’inactivité du travailleur dans le cadre d’un tel service de garde.

2) La directive 93/104 doit également être interprétée en ce sens que :
– dans des circonstances telles que celles au principal, elle s’oppose à la réglementation d’un État membre qui, s’agissant du service de garde effectué selon le régime de la présence physique dans l’hôpital, a pour effet de permettre, le cas échéant au moyen d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise fondé sur une telle convention, une compensation des seules périodes de garde pendant lesquelles le travailleur a effectivement accompli une activité professionnelle;
– pour pouvoir relever des dispositions dérogatoires […] de cette directive, une réduction de la période de repos journalier de 11 heures consécutives par l’accomplissement d’un service de garde qui s’ajoute au temps de travail normal est subordonnée à la condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés à des moments qui succèdent immédiatement aux périodes de travail correspondantes;
– en outre, une telle réduction de la période de repos journalier ne saurait en aucun cas aboutir à un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à l’article 6 de ladite directive.

 

Publicité

Atousante.com : la santé au travail

 

Une loi pour inciter les médecins à s’installer à la campagne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Drapeau allemandLa France n’est pas la seule à être confrontée au vieillissement de sa population et à une mauvaise gestion de sa démographie médicale au cours des dernières décennies. L’Allemagne commence, elle aussi, à souffrir cruellement d’un manque de médecins en zone rurale et c’est pour cette raison que les autorités d’outre-Rhin viennent de faire voter une loi visant à favoriser l’installation des praticiens à la campagne.

Comme l’explique Annette Tuffs, dans le BMJ, le gouvernement de coalition allemand a promulgué une loi incitant les jeunes médecins à assurer la relève au sein des cabinets de généralistes et des cliniques spécialisées en zone rurale, là où le ratio médecin/patient baisse de façon constante, tandis que le nombre de personnes âgées, lui, est en hausse. L’Allemagne a pourtant mieux anticipé que la France la crise de la démographie médicale : elle a actuellement un ratio de 38 médecins pour 100 000 habitants, contre 30 pour 100 000 en 1990. Mais cela n’empêche pas la moitié des patients qui vivent à la campagne de devoir aller en ville pour pouvoir être examinés par un praticien, situation qui ne devrait pas s’arranger quand on sait que 67 000 médecins vont prendre leur retraite dans les dix ans qui viennent.
Ce sont les régions rurales de l’ancienne Allemagne de l’Est et de Basse-Saxe qui sont les plus mal loties.

La nouvelle loi prévoit une prime pour chaque patient traité, sans limitation de nombre et sans forfait, pour les médecins installés à la campagne. Il faut dire que le mode de rémunération des praticiens outre-Rhin les encourage à l’exode face à une population rurale où le nombre de personnes âgées et de patients souffrant d’affections chroniques lourdes à gérer augmente sans cesse.

Le texte prévoit aussi la suppression des gardes et astreintes sur place, tâches incombant dorénavant en partie aux hôpitaux, permettant ainsi aux praticiens de ne plus résider sur leur lieu d’exercice et de ne pas se retrouver seuls la nuit à couvrir d’immenses secteurs de garde dans des conditions souvent difficiles.
Tout comme leurs homologues français, les médecins allemands ne supportent plus de devoir être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comme c’est souvent le cas en zone rurale, préférant laisser les affres du burn-out à d’autres. Même s’ils ont la vocation et sont prêts à faire preuve d’abnégation, ils estiment que leur famille ne mérite pas d’être sacrifiée pour autant. Sachant que ceux avec qui ils vivent ne trouvent pas d’emploi dans ces zones où l’activité économique a disparu, qu’il n’y a pas de crèches et que le choix est restreint quand il est question d’écoles, d’activités sportives ou culturelles, ils préfèrent s’installer en ville.

Si cette loi a été bien accueillie par les organisations représentant les médecins, elle est critiquée par les compagnies d’assurance santé qui estiment qu’il aurait mieux valu pénaliser les praticiens exerçant dans des villes comme Munich, Hambourg ou Heidelberg, où la densité médicale est plus forte qu’ailleurs. Les médecins de ces villes devraient recevoir moins d’argent, alors que les praticiens dans les campagnes devraient être mieux payés, selon eux. Les partis d’opposition ont le même discours et expliquent que ces mesures incitatives ne seront pas efficaces tant que l’on ne dissuadera pas les médecins de s’installer en ville dans le même temps.
Pour le gouvernement allemand, cette loi, dotée d’une enveloppe de 320 millions d’euros, devrait permettre de réaliser des économies en réduisant les temps d’hospitalisation des patients vivant en milieu rural qui pourront être suivis à domicile ou près de chez eux. Elle va aussi permettre de réduire le coût de la prise en charge des urgences et de diminuer les frais de transport.

Qui a dit que vivre à la campagne était bon pour la santé ?

Médicaments sans ordonnance : le revers de la médaille pour les pharmaciens ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Verra-t-on bientôt des médicaments pouvant être délivrés sans ordonnance en vente dans les rayons des grandes surfaces en France ? Après la vente de matériel médical en grande surface, y compris celui nécessitant une prescription et pris en charge par l’assurance-maladie, validée par le Conseil d’État en 2009, rien n’interdit de penser que cette question reviennent prochainement dans les prétoires à l’occasion de la nouvelle campagne publicitaire de la grande distribution.

En janvier 2010, un tribunal de grande instance a condamné le groupe d’hypermarchés Leclerc à verser 100 000 euros de dommages et intérêts à des groupements de pharmaciens d’officine et à « cesser toute communication publicitaire faisant la promotion de ses produits, de son activité, en utilisant une référence au prix des médicaments distribués en pharmacies », la cour d’appel de Colmar a infirmé ce jugement quelques mois plus tard estimant qu’il n’y a pas de concurrence déloyale en la matière et que la liberté d’expression doit prévaloir. Profitant du fait que cette affaire soit en cassation, une seconde campagne de publicité vient d’être lancée par la même chaîne d’hypermarchés.

Première campagne de publicité Leclerc

En juillet 2008, les pharmaciens ont accueilli favorablement la décision des pouvoirs publics de mettre de très nombreux médicaments en vente libre au sein des officines. Il a été expliqué à la population qu’il n’y avait plus besoin d’ordonnance pour acheter ces produits que l’assurance-maladie ne remboursait plus faute d’un service médical rendu suffisant et tout le bien que l’on pouvait attendre de l’automédication ou de la médication sur les conseils de son pharmacien pour la santé des patients.
Autre argument mis en avant par tous les acteurs concernés : une importante baisse des prix, favorable aux consommateurs, liée à la concurrence qu’allaient se faire les officines sur ces médicaments dont le prix était redevenu libre.
En coulisse, personne n’était dupe : il s’agissait plutôt de récompenser les pharmaciens pour avoir joué le jeu de la substitution et des génériques en leur offrant une nouvelle source de revenus ne pesant pas sur les épaules de l’assurance-maladie. Une récompense nullement désintéressée puisqu’en encourageant ainsi le conseil en pharmacie les pouvoirs publics espéraient faire diminuer le nombre de consultations chez le médecin et transférer une bonne partie de la charge du traitement aux patients qui ont les moyens de payer pour ces produits qui ont été considérés comme efficaces, ont bénéficié d’autorisation de mise sur le marché après moult études scientifiques censées prouver leurs bienfaits et ont été prescrits durant de nombreuses années.
Médicaments en rayonUne façon aussi de calmer le mécontentement de l’industrie : autoriser ces ventes sans ordonnance de molécules amorties depuis longtemps et que la Sécurité sociale n’a plus les moyens de prendre en charge était une bonne façon de faire passer la pilule des génériques. Plus de deux ans après les annonces de façade relayées par les médias, force est de constater qu’aucune forte baisse du prix de ces médicaments n’est intervenue et que les patients, eux, sont très loin de faire toujours des économies avec ce système. De nombreux malades constatent, en effet, qu’après avoir acheté un premier “traitement” sur les conseils de leur pharmacien qui n’a donné aucun résultat, ils sont tout de même obligés de prendre rendez-vous chez le médecin où une prescription adaptée leur est faite qu’ils devront aller chercher à nouveau chez le pharmacien… La concurrence pourrait pourtant jouer puisque des études montrent que le prix sur ces produits peut varier de 1 à 3.

C’est dans ce contexte qu’intervient la seconde campagne de publicité du groupe Leclerc. Sachant que ce dernier dispose de pharmaciens salariés dans les parapharmacies implantées au sein de certains de ses magasins, pourquoi lui refuser le droit de vendre ces médicaments à prescription facultative ? En quoi la sécurité sanitaire serait-elle mise en danger sachant qu’un pharmacien diplômé est là pour conseiller l’acheteur, de la même façon qu’au sein d’une officine ?
Si les médicaments sont, en France, parmi les moins chers d’Europe, ce n’est pas du fait des pharmaciens, mais des contraintes liées à l’assurance-maladie. Et si les prix sont plus chers ailleurs, les produits y sont souvent vendus au détail et non par boîte.
À part une nouvelle concurrence sur les prix qui mettrait à mal le chiffre d’affaires de certaines officines, on voit mal en quoi l’arrivée de médicaments à prescription facultative dans les rayons d’un hypermarché, sous le contrôle d’un docteur en pharmacie, entraînerait un risque plus grand de contrefaçon ou remettrait en cause le rôle prépondérant des pharmacies de campagne dans le système de santé publique.

Une bataille d’arrière-garde à un moment où la vente des médicaments par Internet va elle aussi finir par s’imposer ? C’est bien possible, lorsque l’on voit ce qui s’est passé dans le domaine des dispositifs médicaux, y compris ceux remboursés par l’assurance-maladie, ou même dans celui du médicament au Royaume-Uni.

Mais tout cela ne doit pas faire oublier que les officines sont aussi synonymes d’emploi et de proximité. Leurs médicaments en vente libre, c’est un peu le dépassement d’honoraires des médecins. Sans cet apport de trésorerie, quid des investissements et du personnel ? C’est aussi une carotte pour maintenir un maillage du territoire et un service de garde efficace, car une fois que les pharmacies de proximité auront mis la clé sous la porte, faute d’un chiffre d’affaires suffisant, qui assurera la délivrance des médicaments sur ordonnance la nuit, le dimanche et les jours fériés ?
Il ne faut pas oublier non plus que la grande distribution est régulièrement montrée du doigt pour sa politique tarifaire qui manque parfois de transparence et qui n’est pas toujours en corrélation avec l’intérêt du consommateur. Pourquoi en serait-il autrement pour les médicaments sans ordonnance ?

Il n’y a plus de solidarité au sein des professions de santé, chacun cherchant à tirer la couverture à soi et à trouver des compromis avec la Sécurité sociale pour être épargné par les coupes sombres ou pour obtenir des compétences réservées jusque-là à d’autres. Mais en jouant le jeu de la concurrence entre eux, il ne faut pas que ces mêmes professionnels de santé viennent se plaindre quand ils sont à leur tour mis en concurrence avec leurs homologues des autres pays de l’Union européenne ou avec des acteurs extérieurs au système, comme la grande distribution. Il n’y a rien de déloyal à cela…

Comment obtenir des médicaments par téléphone sans passer par son médecin traitant ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Téléprescription de médicaments.Votre médecin n’est pas joignable et vous avez besoin de médicaments ? Vous n’avez pas envie de payer une consultation chez le médecin, mais il vous faut néanmoins une ordonnance ? Rien de plus simple : appelez le centre 15 et soyez assez persuasif pour obtenir une prescription par téléphone du médecin régulateur…

Voilà une approche volontairement caricaturale et provocatrice des recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la Haute Autorité de santé (HAS), publiée en février 2009, intitulées Prescription médicamenteuse par téléphone (ou téléprescription) dans le cadre de la régulation médicale. Bien que ce travail ait été réalisé dans le but d’encadrer cette pratique et de sécuriser l’accès aux médicaments, il peut être interprété de bien des façons et amener à se poser de nombreuses questions.

Pour le docteur Christine Crevel, chef de projet, appartenant au service des bonnes pratiques professionnelles de la HAS et auteur de l’éditorial de la revue EPP infos nº 36, « la prescription médicamenteuse par téléphone est appelée à se développer compte tenu de l’évolution de l’organisation de la permanence des soins ». Il est donc logique que la HAS, avec le souci constant d’uniformisation et d’encadrement des pratiques médicales qui la caractérise, agisse dans ce domaine. La démographie médicale fait qu’il ne sera plus toujours possible d’envoyer un praticien de garde au domicile du patient, la HAS semble donc penser que la prescription par téléphone est une solution à ce problème.
Si de telles recommandations offrent un cadre défini et sécurisant à la responsabilité du médecin régulateur, elles font naître de nouvelles contraintes pour ce dernier. Sa liberté d’appréciation est restreinte et ses obligations renforcées en lui rendant opposables des recommandations qui sont en fait de véritables instructions.

Les situations dans lesquelles pourraient intervenir ces prescriptions sont les suivantes :
« — demande de soins non programmés nécessitant un conseil médical ou thérapeutique pouvant aboutir à une prescription médicamenteuse (médicament présent ou absent de la pharmacie familiale), après avoir éliminé une urgence vitale ou une urgence vraie nécessitant un examen médical immédiat ;
— situations nécessitant en urgence l’adaptation d’une prescription préalable (par exemple adaptation des posologies en fonction des résultats d’analyses biologiques, de l’état clinique du patient, etc.) alors que le patient et/ou le médecin régulateur n’ont pu joindre le médecin prescripteur. »
Il est bien question de prescrire des médicaments à des patients hors du cadre de l’urgence, dans le simple cadre d’une « demande de soins non programmés ». Il est aussi question d’adapter un traitement lorsque le médecin traitant n’est pas joignable. Cette dernière proposition est faite, quant à elle, dans le cadre de l’urgence. Reste à savoir la notion que vont avoir les patients de l’urgence, alors que les centres 15 sont déjà envahis par des appels qui sont loin de relever de la véritable notion d’« urgence médicale ». Comme pour les services hospitaliers des urgences, la gratuité et la permanence d’accès risquent d’être détournées par de nombreux patients pour un usage de confort ou dans le but de ne pas avoir à assumer le coût d’une visite en secteur libéral.

La mise en place de ce système de téléprescription pose aussi des problèmes quant à la transmission et à la gestion de la prescription. Le patient doit prendre contact avec la pharmacie pour l’informer de sa venue. En plus que sa garde “physique”, le pharmacien devra donc assurer une garde téléphonique et répondre aux patients. Qu’en sera-t-il de sa responsabilité concernant de tels appels ? Devront-ils être enregistrés comme le sont ceux qui arrivent au centre 15 ? Il ne faudra pas longtemps pour que le numéro de téléphone des officines circule sur Internet, les pharmaciens seront, dans ce cas, confrontés à des appels non régulés durant leurs gardes. Leur devoir de conseil s’appliquera-t-il à ces situations ?
Dans certaines agglomérations, le patient doit se rendre au commissariat de police, muni de son ordonnance pour avoir accès au pharmacien de garde à certaines heures. Ces mesures ont été prises suite à des agressions ayant pour principal objet de récupérer des stupéfiants. Alors que la criminalité à l’égard des commerces de proximité est en très forte augmentation, les pharmaciens continueront-ils à bénéficier d’une telle protection avec la mise en place d’une téléprescription ?

Il est vraisemblable que la publication de ces recommandations va freiner les initiatives locales et l’apparition de solutions innovantes dans ce domaine. Plutôt que de faire confiance aux professionnels, c’est une nouvelle fois la voie de la réglementation qui a été choisie.