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Le Viagra vendu en supermarché !

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Gélules bleuesC’est officiel, une grande chaîne de supermarchés a obtenu le droit de vendre sans ordonnance du sildenafil, mieux connu sous le nom de Viagra™, dans ses magasins ! Loin d’être une plaisanterie, cette mesure a été décidée par les autorités britanniques. À partir de cette semaine, les pharmacies présentes dans les supermarchés du groupe Tesco vont pouvoir délivrer ce médicament destiné à lutter contre les dysfonctionnements érectiles à tous ceux qui le souhaiteront, qu’ils aient ou non une prescription médicale.

Le Viagra ne sera pas en libre service et sera toujours considéré comme un médicament par la Medicines and Healthcare Regulatory Agency, l’agence du médicament outre-Manche, mais il suffira de la demander au pharmacien de l’officine du supermarché pour l’obtenir. Tesco, qui s’est vu accorder le droit d’implanter des pharmacies dans ses supermarchés il y a déjà de nombreuses années, a obtenu, pour vendre ce produit sans ordonnance, une autorisation spéciale délivrée dans l’intérêt de la santé publique.

Quelques précautions ont néanmoins été prises. Shona Scott, directrice commerciale des services de pharmacie du groupe Tesco, explique que ce service ne sera offert qu’aux hommes âgés de 40 à 65 ans. Ils auront à remplir un questionnaire et se soumettre à un contrôle de leur pression artérielle, ainsi qu’à des tests de dépistage du diabète et d’une hypercholestérolémie qui seront réalisés par les pharmaciens. En fonction des résultats, le professionnel informera les patients des différents choix qui s’offrent à eux et pourra leur vendre un traitement efficace ou leur conseiller de consulter. Les clients devront débourser 60 €, ce prix incluant les examens et 8 comprimés de Viagra. Ce prix a été déterminé grâce à une étude pilote menée à Manchester en 2007, ainsi que dans 30 magasins Boots.

Pour un porte-parole de l’agence du médicament britannique, il est préférable que les patients puissent se procurer ce traitement sous contrôle d’un pharmacien parfaitement identifié et après avoir fait l’objet d’un dépistage du diabète et du cholestérol plutôt que de les voir aller acheter directement ce médicament par Internet pour des problèmes d’érection dont les hommes hésitent encore parfois à parler à leur médecin. De plus, les produits sur Internet pouvant être chers, d’une qualité douteuse ou même contrefaits et vendus sans aucun questionnaire de santé, c’est pour les autorités une bonne façon d’améliorer la sécurité sanitaire.
L’un des arguments à l’origine de cette décision est qu’environ 2,3 millions d’hommes au Royaume-Uni sont affectés par une dysfonction érectile et que la moitié de tous les hommes âgés de plus de 40 va en faire l’expérience à un moment ou à un autre de sa vie. Malgré cela, seul un homme sur 10 demande de l’aide pour cette raison, alors qu’une dysfonction érectile chez un homme asymptomatique peut être un marqueur de maladie coronarienne sous-jacente.

Les instances représentant les pharmaciens anglais ne sont pas opposées à cette décision. Elles insistent sur la nécessité d’une formation adaptée pour le pharmacien et sur l’importance de directives claires.

Une autre approche aurait pu être d’autoriser les médecins à vendre le Viagra dans leur cabinet, car s’il est délicat d’aborder ce sujet avec son praticien, il est difficile de comprendre qu’il n’en soit pas de même avec son pharmacien… Mais n’est-il pas là plutôt question de trouver une nouvelle solution pour vendre des médicaments sans avis médical ? L’impuissance des autorités à lutter contre la vente par Internet de médicaments contrefaits, l’aspiration à voir le commerce traditionnel prospérer et la volonté de limiter au maximum le nombre de consultations médicales prises en charge par l’assurance-maladie dans l’espoir de faire ainsi des économies de santé ne sont-elles pas plutôt les vraies raisons de telles mesures ? Suffit-il qu’il soit délicat d’évoquer un problème de santé avec son médecin ou qu’un médicament contrefait puisse être vendu par Internet pour que le pharmacien soit substitué au praticien de premiers recours ?

Rien n’interdit de penser que de telles dispositions seront prises dans quelque temps en France. Pas celles visant à vendre des médicaments dans les supermarchés, car il n’est pas encore temps de remettre en question le partenariat entre pouvoirs publics, assurance-maladie et pharmaciens (droit de substitution, augmentation du nombre de médicaments non remboursés et vendus sans ordonnance, mise en avant du rôle de l’apothicaire dans le dépistage, etc.) qui a montré son efficacité à réduire le poids des médecins dans le système de santé, mais celles relatives à la vente encore plus large de médicaments sans ordonnance, au besoin sous couvert d’un ou deux tests de dépistage faits par le pharmacien. Puisque la santé publique a tout à y gagner…

Du matériel médical dans les grandes surfaces

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Fauteuil roulant en vente en grande surfaceLa résistance d’un petit village gaulois n’y aura pas suffi, le Conseil d’État a décidé qu’il n’était pas question d’interdire à une grande surface de vendre du matériel médical pris en charge par la Sécurité sociale dans son rayon parapharmacie. L’histoire a commencé en Bretagne, où une enseigne de la grande distribution avait pour projet d’agrandir sa parapharmacie pour y vendre des fauteuils roulants et autres matériels, y compris ceux délivrés sur ordonnance et pris en charge par l’assurance-maladie. La Chambre syndicale des pharmaciens du Finistère et un pharmacien proche de la grande surface ont immédiatement fait un recours en Conseil d’État. Mais ce dernier a suivi la commission nationale d’équipement commercial (CNEC) qui avait accepté l’extension du rayon parapharmacie en rejetant la requête du monde de la pharmacie.

À un moment où le commerce prend de plus en plus le pas sur la santé, cette décision n’a rien d’étonnant. Il faut dire que la grande distribution a toujours su s’adapter à la législation, tirer avantage de chacune des failles des textes réglementaires ou séduire les organismes privés ou publics chargés censés défendre la santé publique. Cette fois, elle a réussi à obtenir l’agrément de la caisse régionale d’assurance-maladie qui s’est ainsi retrouvée aux côtés de la grande distribution dans sa lutte contre le monopole des pharmaciens sur certains produits.

Les pharmaciens acceptent de plus en plus la tâche de conseil et d’acteur de soins que leur confie le gouvernement par le biais de la vente libre de médicaments et l’automédication au détriment des seules compétences des médecins. Il n’est donc pas étonnant de voir que le pouvoir politique, dans le même temps, décide de s’en prendre aux compétences des pharmaciens en estimant qu’elles peuvent être déléguées à d’autres. La formation initiale des uns et des autres n’a depuis longtemps plus d’importance quand la santé est vue comme un commerce.

Si, pour du matériel médical neuf, des questions se posent quant à la nécessité de faire appel à un professionnel qualifié pour sa vente, personne ne semble s’inquiéter du matériel d’occasion. En effet, sur des sites d’enchères en ligne, il est possible d’acheter du matériel, comme un lit médicalisé, sans contrôle. Les contraintes reposant sur les établissements de santé et les professionnels sont chaque jour un peu plus lourdes, alors que dans le même temps du matériel médical d’occasion peut s’acheter et se vendre sans contrôle sanitaire sur Internet. Que le lit médicalisé ait servi à un patient décédé d’une maladie contagieuse, qu’il ait été désinfecté ou non, peu importe ! Le commerce n’a pas de limites…