Articles tagués ‘homéopathie’

Les laboratoires Boiron s’en prennent à un blogueur amateur

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Spécialité homéopathiqueIl ne fait pas bon être un blogueur amateur face à une multinationale par les temps qui courent. C’est ce dont a pu se rendre compte Samuele Riva, un informaticien italien de 28 ans, après avoir écrit deux articles parlant de l’homéopathie sur son blog, les 13 et 27 juillet 2011.

En guise d’illustrations, le jeune blogueur a eu le malheur d’utiliser des photos du produit phare des laboratoires Boiron, Oscillococcinum, dont la publicité vante les mérites contre les symptômes de la grippe. Ces images étaient accompagnées de légendes plaisantant sur l’absence totale de toutes molécules actives dans les préparations homéopathiques.

Ces propos auraient pu être dilués dans l’immensité de la blogosphère, perdant ainsi tout intérêt, mais la filiale italienne du numéro un mondial des produits homéopathiques semble avoir eu du mal à avaler la granule et a immédiatement décidé de réagir en menaçant de poursuivre en justice l’auteur des articles pour diffamation.

Selon le BMJ, qui donne les détails de cette affaire, le 28 juillet 2011, les laboratoires Boiron ont adressé un courrier au fournisseur d’accès Internet du blogueur dans lequel ils précisent que les articles et les légendes sont « faux et désobligeants à la fois pour l’homéopathie et [la] société ». Ils ternissent la réputation de l’entreprise, lui causant « de graves dommages », dont elle pourrait obtenir réparation devant un tribunal. Cette lettre demande aussi au fournisseur d’accès de retirer toutes les références à Boiron et à ses produits des deux articles incriminés et d’en interdire l’accès sous peine de se voir, lui et le blogueur, poursuivis devant les tribunaux.
Silvia Nencioni, administratrice déléguée de Boiron Italie, qui a signé ce courrier, a déclaré au BMJ que son entreprise surveillait régulièrement tous les médias, y compris le Web, pour savoir ce qui se disait sur la société, et contactait parfois ceux qui la critiquaient pour demander des corrections ou un droit de réponse.
« Dans cette affaire, nous avons essayé en vain de contacter le blogueur par téléphone par le biais de son fournisseur de services, mais ce dernier a refusé de nous donner ses coordonnées, nous avons donc décidé d’envoyer la lettre d’avertissement », a-t-elle affirmé.

Le fournisseur d’accès italien a confirmé au BMJ qu’il refusait de fournir les coordonnées des blogueurs faisant appel à ses services, sauf aux autorités, comme le lui permet la loi sur la confidentialité des données personnelles dans ce pays.

Quant à Samuele Riva, le blogueur milanais, il a donné quelques précisions au BMJ : « Quand j’ai été informé de la lettre de menaces, j’ai enlevé les images et les références directes à l’entreprise et à ses produits, tout en laissant en ligne les articles sur l’homéopathie ». « J’ai aussi envoyé un courriel à l’entreprise en lui disant que j’avais respecté ses demandes, mais je n’ai pas reçu de réponse jusqu’à présent. » Il a ensuite publié un nouveau billet sur son blog concernant la lettre d’avertissement des laboratoires Boiron dans lequel il dit : « Personne ne peut m’empêcher d’affirmer que l’homéopathie n’a aucun fondement scientifique. »

Comme souvent en pareil cas, l’infortune du blogueur n’est pas passée inaperçue sur le Web et son histoire a déchaîné la fureur de nombreux internautes à l’encontre du laboratoire pharmaceutique. Samuele Riva a reçu d’innombrables messages de soutien et la fréquentation de son blog est passée de quelques centaines de visiteurs par jour à plusieurs milliers.

Pilon transparentPour Silvia Nencioni, il s’agit d’un malentendu et Boiron n’est pas une méchante multinationale cherchant à intimider un petit blogueur. C’est l’absence de dialogue possible avec ce dernier et les termes juridiques utilisés qui donnent une fausse image de l’entreprise à travers le courrier qu’elle a adressé à Samuele Riva. Elle réévaluera la situation dans quelques semaines avec l’avocat de la société et sa maison-mère afin de savoir ce qu’il convient de faire. Même si elle ne souhaite pas perdre du temps et de l’énergie à aller en justice, Silvia Nencioni n’a pas été en mesure de dire au BMJ si les laboratoires Boiron mettront ou non leurs menaces à exécution.

Le BMJ rappelle que le journaliste scientifique Piero Angela, en 2004, a gagné au pénal et au civil après avoir été poursuivi en justice par deux associations défendant l’homéopathie pour avoir dit devant les caméras de la télévision publique italienne que l’homéopathie n’était pas scientifique et pour l’avoir indirectement comparée à l’eau douce.

« Les tribunaux ont examiné les preuves scientifiques que nous leur avions fournies et ont déclaré que les homéopathes n’avaient aucun droit de réponse à la télévision de service public, acceptant ainsi mon avis qu’il est du devoir d’un journaliste scientifique de distinguer clairement entre ce qui est de la science et ce qui n’en est pas », a déclaré Piero Angela au BMJ.

Sans doute enhardi par le soutien qu’il a reçu de toute part, Samuele Riva multiplie les billets consacrés à l’homéopathie sur son blog et s’amuse de la class action intentée aux États-Unis, le 4 août 2011, contre les laboratoires Boiron au sujet d’Oscillo pour fraude et publicité mensongère au prétexte qu’il n’y aurait aucune trace de principe actif dans ce produit, juste des sucres (85 % de saccharose et 15 % de lactose).

Les temps sont décidément difficiles pour les laboratoires Boiron en Californie puisque quelques jours plus tôt, le 1er août 2011, un juge fédéral a refusé de rejeter une autre class action intentée contre Coldcalm, un autre de ses produits, pour fraude et concurrence déloyale. Il est intéressant de noter qu’à cette occasion, le juge rappelle que, si la loi fédérale américaine inclut bien les spécialités homéopathiques dans sa définition du médicament (Federal Food, Drug, and Cosmetic Act), cela ne veut pas dire que la FDA (Food and Drug Administration) se porte pour autant garant ou même enquête sur la sécurité ou l’efficacité de ces produits.

Voilà donc de nombreuses affaires qu’il va être intéressant de suivre…

Le remboursement de l’homéopathie à nouveau sur la sellette

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Granules homéopathiquesAlors que tous les organismes d’assurance maladie des États européens cherchent à faire des économies sur des thérapeutiques éprouvées pour réduire leurs déficits, des voix s’élèvent pour faire passer sous les fourches caudines le remboursement des produits dont l’efficacité ne cesse de faire débat, produits au rang desquels figure l’homéopathie.

En France, partisans et adversaires du remboursement de l’homéopathie se sont déjà affrontés au début des années 2000 lorsque le taux de prise en charge par la Sécurité sociale des produits homéopathiques est passé de 65 à 35 %. Bien que ces thérapeutiques soient inscrites pour certaines depuis 1965 à la pharmacopée, nombreuses ont été les voix critiquant vivement que l’on puisse accorder un remboursement à des produits n’ayant pas fait leurs preuves. Pour eux, seul un déremboursement pur et simple devait être envisagé et non une demi-mesure. Il faut dire qu’à l’époque les arguments de l’Académie nationale de médecine sur le sujet et une étude intitulée Are the clinical effects of homoeopathy placebo effects? publiée dans le prestigieux journal The Lancet avaient déjà de quoi faire réfléchir sur l’efficacité de l’homéopathie, d’autant que plusieurs pays de l’Union européenne avaient décidé de ne plus ou de ne pas rembourser ces produits. Mais dans un pays où est installé le premier fabricant mondial de “médicaments” homéopathiques, employant plus de 2 800 personnes et ayant généré un chiffre d’affaires de plus de 526 millions d’euros en 2009, des avis en faveur des propriétés thérapeutiques de l’homéopathie n’ont pas manqué de venir s’opposer à ceux de ses détracteurs. Il faut aussi prendre en considération que plusieurs milliers de médecins prescrivent ces produits dans l’Hexagone.

Après avoir fait rage en France, c’est au Royaume-Uni que le débat a été relancé. En juin 2010, la British Medical Association (BMA) s’est exprimée en faveur l’arrêt de la mise à disposition des patients de produits homéopathiques par le National Health Service (NHS) au moment où celui-ci va connaître une petite révolution dans son mode de fonctionnement. Cette association, équivalant à l’Académie nationale de médecine en France, va même plus loin puisqu’elle demande à ce qu’aucun poste de médecins en formation au Royaume-Uni ne soit en rapport avec l’homéopathie et à ce que les pharmaciens n’exposent plus ces produits sur les mêmes présentoirs que ceux destinés aux médicaments, mais sur des étagères portant clairement la mention “placebos”.
Tout comme dans l’Hexagone, des avis divergents n’ont pas manqué de s’exprimer. Quand les uns parlent de “sorcellerie”, les autres parlent de besoins des patients et avancent l’argument selon lequel ce n’est pas parce que l’on ne réussit pas à prouver scientifiquement l’efficacité d’un produit, qu’il ne l’est pas…

En Allemagne, c’est l’inverse. La Bundesärztekammer, fédération des médecins, est favorable au maintien du remboursement de l’homéopathie par des compagnies publiques d’assurance maladie. Suite à la parution d’un article dans le très populaire Der Spiegel qui s’interrogeait sur l’intérêt des produits homéopathiques au regard des positions anglaises, le président de cette association, Jörg-Dietrich Hoppe, a défendu les traitements homéopathiques dans une déclaration officielle. Selon lui, malgré l’absence de preuves scientifiques de son efficacité, l’homéopathie est un élément important de la médecine. Elle serait particulièrement efficace dans le traitement du mal des transports, par exemple, et jouerait un rôle dans la prévention de certaines maladies. Il a aussitôt été soutenu par le ministre fédéral de la santé, Philipp Rösler, qui veut maintenir le statu quo en Allemagne, pays où l’homéopathie a vu le jour à la fin du XVIIIe siècle.
Karl Lauterbach, président de la commission parlementaire allemande de la santé, est d’un avis différent. Il a pour sa part appelé les compagnies d’assurance santé à cesser de financer les remèdes homéopathiques. Selon lui, de nombreux patients croient que l’assurance maladie ne prend en charge que des traitements qui ont fait leurs preuves et il est donc d’intérêt public de mettre fin à cette pratique. Il soutient que « Les assureurs santé crédibilisent les homéopathes en agissant ainsi ». Les compagnies d’assurance ne se prononcent pas sur la polémique et se contentent de répondre que ces offres leur permettent d’attirer plus de clients et de percevoir plus de primes, expliquant que c’est pour la bonne cause puisque le système est basé sur la solidarité…

Bien entendu, personne ne demande l’interdiction de l’homéopathie, seul le remboursement par les assurances maladie prête à discussion à un moment où les déficits chroniques remettent en cause la prise en charge de traitements médicamenteux “classiques” sur le principe du service médical rendu et sur celui de la médecine basée sur les preuves. Un débat qui n’est pas prêt de prendre fin…