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Combien coûtent les évènements indésirables associés aux soins à l’hôpital ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Unité de soins intensifsLes évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ne sont plus un sujet tabou depuis quelques années. Si la transparence est encore loin d’être totale en ce domaine, certains indicateurs de sécurité des patients permettent, depuis peu, de se faire tout de même une idée de leur ampleur. Clément Nestrigue et Zeynep Or, chercheurs à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), ont ainsi pu estimer le surcoût de ces évènements indésirables et viennent de publier les résultats de leur étude dans le numéro de décembre 2011 de la revue Questions d’économie de la santé, à l’image de ce qui s’est fait aux États-Unis dès la fin des années 90.

Cette étude, basée sur neuf indicateurs de sécurité des patients développés outre-Atlantique, « fournit de premières estimations nationales du coût de prise en charge d’une partie des événements indésirables associés aux soins qui surviennent à l’hôpital, en exploitant les données hospitalières collectées en routine. » Si la qualité et la sécurité des soins sont mises en avant pour justifier de nouvelles contraintes au sein des établissements hospitaliers, il faudrait être naïf pour croire que le poids des conséquences financières de ces évènements est négligeable dans les décisions qui sont prises par les pouvoirs publics. Ce travail est donc des plus intéressants.

Un évènement indésirable associé aux soins (EIS) « est défini comme un événement défavorable pour le patient, consécutif aux stratégies et actes de diagnostics et de traitements, et qui ne relève pas d’une évolution naturelle de la maladie ». Si certains évènements indésirables associés aux soins sont sans doute liés à l’état du patient et qu’il n’est pas possible de s’y soustraire, d’autres sont considérés comme “évitables”. C’est à ces derniers que sont associés les indicateurs de sécurité des patients. Neuf d’entre eux, au rang desquels figurent les corps étrangers oubliés pendant une procédure de soins, les septicémies postopératoires ou les escarres de décubitus, ont été choisis par les chercheurs de l’Irdes, en collaboration avec la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), pour mener à bien cette étude. Ces indicateurs ont permis d’en arriver à la conclusion qu’en 2007, dans l’Hexagone, 0,5 % des séjours hospitaliers (établissements publics, privés ou participant au service public hospitalier) était associé à l’un des évènements indésirables retenus.
Les désordres physiologiques et métaboliques postopératoires sont les EIS les plus fréquents, le plus rare étant l’oubli d’un corps étranger dans le corps d’un patient à l’occasion des soins.

Toujours pour 2007, c’est un surcoût moyen de près de 700 millions d’euros pour les neuf événements indésirables choisis qui a pu être estimé. Si le coût moyen de prise en charge des traumatismes obstétricaux du vagin lors d’un accouchement par voie naturelle est voisin de 500 euros, il se monte à près de 20 000 euros quand il est question des septicémies. Quatre des évènements indésirables étudiés représentent à eux seuls 90 % du surcoût calculé : les désordres physiologiques et métaboliques postopératoires ; septicémies postopératoires ; les escarres de décubitus et les embolies pulmonaires postopératoires. Il est donc vraisemblable que les efforts à venir porteront plus particulièrement sur ces EIS.

Selon Clément Nestrigue et Zeynep Or, leur étude « montre que les défaillances dans l’organisation et le processus de soins à l’hôpital, qui peuvent se manifester par la survenue d’événements indésirables, représentent un coût économique significatif. Dans le contexte actuel de contrainte budgétaire des établissements de santé, il est essentiel d’explorer comment améliorer la qualité des soins tout en renforçant le rapport coût-efficience des établissements. » 

Sachant que ces chiffres ne portent que sur neuf évènements indésirables associés aux soins, il est probable que les économies susceptibles d’être réalisées puissent être bien plus importantes. Sans compter celles qui pourraient aussi être faites en s’intéressant aux coûts liés aux évènements indésirables liés aux médicaments, EIS qui n’ont pas été pris en compte faute de mesures standardisées, à la perte de productivité ou au nombre de jours non travaillés.

Autre élément à ne pas oublier : les évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ont un coût pour la justice et pour les assurances. À l’origine, chaque année, d’un nombre de plaintes non négligeable, les ESI à l’origine de ces affaires chronophages et dispendieuses doivent bénéficier du plus grand intérêt. Certes, ils sont souvent à l’origine de jurisprudences ou de textes faisant progresser le droit de la santé, mais au regard de la souffrance de ceux qui en sont victimes, mieux vaut tout faire pour qu’ils soient encore plus rares au fil des ans.

Si l’approche économique des EIS a tendance à les déshumaniser, elle n’en est pas moins nécessaire pour faire évoluer les pratiques. L’étude de l’Irdes montre que de gros progrès restent à faire.

Pharmacovigilance : l’IGAS enfonce le clou

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

PharmacovigilanceAprès un premier rapport accablant et sans concessions en janvier 2011 sur l’affaire du Mediator, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a poursuivi la mission que lui avait confiée Xavier Bertrand : comprendre les dysfonctionnements de la pharmacovigilance française révélés ces derniers mois et faire des propositions pour l’avenir. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce second rapport de l’IGAS, publié le 21 juin 2011, adopte un ton tout aussi critique à l’égard de l’industrie, des agences de santé gouvernementales et des politiques que le premier et que les propositions sont audacieuses. Y a-t-il de quoi se réjouir pour autant ? Pas nécessairement lorsque l’on connaît le sort réservé par les pouvoirs publics à bon nombre de rapports une fois que les effets d’annonce se sont estompés…

Concernant l’affaire du Mediator, l’IGAS persiste et signe. Quelques mois de recul n’y changent rien, l’IGAS réitère les conclusions de son rapport précédent : le benfluorex (Mediator) est bien un anorexigène (coupe-faim) ; le laboratoire Servier a, dès l’origine, « déployé une stratégie de positionnement du Mediator en décalage avec la réalité pharmacologique de ce médicament, utilisant tous les moyens à sa disposition pour faire prévaloir sa position » ; l’Agence chargée du médicament a été « incompréhensiblement tolérante à l’égard du Mediator et a fait preuve d’une grave défaillance dans les méthodes et l’organisation de son système de pharmacovigilance » ; les pouvoirs publics ont été trop lents à dérembourser ce médicament et globalement trop faibles dans leur pilotage de la « chaîne du médicament ». Pour l’IGAS, il ne faut pas se voiler la face : « Au-delà des anomalies particulières qu’elle a relevées, la mission tient à souligner que de graves défaillances globales des politiques et autorités publiques du médicament au général, du système français de pharmacovigilance au particulier […] existent et qu’elles résultent à la fois d’un affaiblissement du rôle de l’État depuis la fin des années 90, et d’un retard pris par rapport aux pays comparables. »

Les propositions pour faire évoluer ou pour réformer le système sont nombreuses. Simplifier les déclarations et apporter un retour concret aux déclarants sont au nombre de celles-ci. Déconnecter celui qui déclare, qu’il soit professionnel de santé ou patient, de l’industrie semble aussi important aux rapporteurs : « Au Royaume-Uni, un courrier d’accompagnement précise à la personne qui notifie qu’elle ne sera pas inquiétée. L’anonymat du notificateur et du patient doit être respecté ». Mais il faut aussi donner une véritable indépendance à l’Afssaps vis-à-vis de l’industrie en lui permettant de ne plus tenir compter de l’avis des fabricants quant à l’imputabilité de leurs produits dans la survenue d’un effet indésirable et en donnant les moyens à l’Agence de réaliser des méta-analyses indépendantes afin qu’elle « n’accorde plus aux analyses fournies par les laboratoires pharmaceutiques un poids prépondérant dans la prise des décisions ».
Développer des signaux d’alerte automatisés et repenser la doctrine du risque individuel, c’est aussi ce que propose l’Igas. « L’Afssaps pour l’heure conduit plutôt un raisonnement sur le risque individuel. Elle s’est comportée comme une agence des produits de santé qui va, à tous les temps, juger si un médicament mérite ou pas de demeurer sur le marché. C’est probablement cette logique qui aboutit à l’inversion de la charge de la preuve avec un doute qui profite souvent au médicament. Il lui faut désormais développer une culture d’analyse populationnelle du risque. » Procéder ainsi, c’est ternir compte du fait que « les données de sécurité d’emploi disponibles lors des autorisations de mise sur le marché [AMM, NDLR] sont par essence limitées du fait notamment du nombre de personnes concernées par les essais cliniques et de la sous-représentation de certains groupes de population (personnes âgées, enfants, etc.). Les effets indésirables observés lors des essais cliniques ne représentent donc pas réellement les réactions dans la population une fois l’AMM obtenue. Dès lors, il est indispensable de disposer de données de sécurité d’emploi post AMM. »
D’autres propositions sont faites par l’Igas comme, par exemple, de renforcer le niveau d’expertise interne de l’Afssaps en lui permettant de se constituer un noyau d’experts. Ce dernier comprendrait des spécialistes de pharmacovigilance, des cliniciens et des spécialistes de santé publique. Ces experts cesseraient tous liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique dès qu’ils prennent leur fonction.

Pour l’Igas, il faut une politique du médicament globale, car il n’existe pas de véritable chaîne organisée du médicament actuellement. « L’Afssaps, chargée par la loi de l’évaluation et de la sécurité sanitaires, applique les indulgentes règles européennes d’autorisation de mise sur le marché et a progressivement relâché sa vigilance, faisant donc la part trop belle à l’offre industrielle, participant d’une politique d’encombrement thérapeutique, devenant au fil du temps une « agence enregistreuse » sur le modèle de l’agence européenne, l’EMA ; la Commission de la transparence, ne disposant ni des règles précises, ni des moyens de pratiquer une véritable évaluation médico-économique s’est trop longtemps contentée de reprendre les données issues de la commission d’AMM pour accorder de façon trop peu sélective les autorisations de remboursement ; le CEPS [Comité économique des produits de santé, NDLR] agit de façon isolée, sans contact réel et formalisé avec la Commission de la transparence, et fixe les prix des médicaments et sur des fondements discutables. »
Le constat est dur quant à la dérive qu’a connue le système de pharmacovigilance ces dernières années : « Dans le cas particulier du médicament, le projet d’éloigner la décision relative au médicament vers des agences autonomes, dotées de fortes compétences et que l’on concevait comme incorruptibles, afin de créer des lieux de résistance aux firmes plus forts que l’État, ce projet a échoué. La coupure entre le sanitaire et l’économique n’a pas diminué l’emprise des firmes, bien au contraire. La « dépolitisation » voulue de la décision n’a pas donné entière satisfaction, loin de là.
Le risque de « capture » du régulateur par les entreprises régulées s’est réalisé et, progressivement, une banalisation de l’Afssaps s’est opérée, aboutissant à ce constat dangereux : une agence de sécurité sanitaire non seulement n’inspirant plus la crainte, mais trop souvent entravée elle-même par la peur du recours juridique ; une agence fascinée et dominée par son « modèle », l’agence européenne. »

Il est aussi question de valeur thérapeutique ajoutée pour les nouveaux médicaments afin d’éviter un « encombrement thérapeutique ». « La mission réaffirme la logique d’un nombre suffisant de médicaments, logique s’opposant à l’idée d’une infinité de choix possible en matière de protection sociale, financièrement non accessible, paradoxalement inefficace et inéquitable, potentiellement dangereuse. »

L’Igas propose enfin une meilleure formation des jeunes médecins à ce qu’elle appelle « une médecine sobre », susceptible de privilégier autant les stratégies de santé non médicamenteuses que les médicamenteuses. Elle demande que la mascarade sur l’indépendance de la formation médicale continue vis-à-vis de l’industrie cesse et que de vraies réformes interviennent dans ce domaine.

Cerise sur le gâteau : « La mission estime qu’il n’y pas d’alternative à l’interdiction de la visite médicale comme les tentatives de régulation menées depuis quelques années l’ont montré. » Elle « propose l’affichage de toutes les contributions des firmes pharmaceutiques aux parties prenantes de la politique de santé, quelle qu’en soit la nature, sur le modèle du Sunshine Act américain » et insiste sur « le maintien d’une opposition absolue de notre pays dans le concert européen à toute amodiation des règles actuelles de non-promotion des médicaments vers le public ».

À quelques mois d’une élection présidentielle où la santé publique passe souvent bien après d’autres sujets et disparaît devant les intérêts des uns et des autres, on peut se demander qui pourrait avoir le courage de mener une telle réforme de la pharmacovigilance et de la politique du médicament sur la base de ces propositions qui n’ont rien de consensuel. Ces rapports de l’Igas ont le mérite de poser de vraies questions, mais y aura-t-il quelqu’un pour y répondre ?

Signalement des effets indésirables des médicaments par le patient à l’Afssaps

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Effets indésirables des médicamentsLa pharmacovigilance, selon l’article R 5121-150 du code de la santé publique, a pour objet la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain mentionnés au sein de ce même code. À cet effet, la loi prévoit, depuis les décrets 95-278 du 13 mars 1995, 2004-99 du 29 janvier 2004 et 2007-1860 du 26 décembre 2007, qu’en plus de toute entreprise ou tout organisme exploitant un médicament ou un produit mentionné à l’article R 5121-150, le médecin, chirurgien-dentiste ou la sage-femme ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à l’un de ces produits, qu’il l’ait ou non prescrit, en fasse la déclaration immédiate au centre régional de pharmacovigilance.
De même, le pharmacien ayant eu connaissance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article R 5121-150 qu’il a délivré le déclare aussitôt au centre régional de pharmacovigilance, au titre de l’article R 5121-170 de ce même code. Des obligations du même type reposent sur les établissements de santé publics et privés, ainsi que sur les centres antipoison et d’autres organismes.
Les autres professionnels de santé ayant eu connaissance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article R 5121-150 peuvent également en informer le centre régional de pharmacovigilance, sans que cela soit pour eux une obligation.

Bien que la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ait posé le principe d’une pharmacovigilance ouverte aux patients, il n’était pas possible pour ces derniers ou les associations les représentant de déclarer les effets indésirables des médicaments qu’ils étaient à même de constater, alors qu’ils en sont les premières victimes. Il aura fallu le scandale du Mediator pour que le décret d’application relatif à ces déclarations voie enfin le jour. Le décret nº 2011-655 du 10 juin 2011 relatif aux modalités de signalement par les patients ou les associations agréées de patients d’effets indésirables susceptibles d’être liés aux médicaments et produits mentionnés à l’article L 5121-1 du code de la santé publique a été publié au Journal officiel du 12 juin 2011. Il est accompagné de l’arrêté du 10 juin 2011 pris pour l’application des articles R 5121-154, R 5121-167 et R 5121-179 du code de la santé publique et relatif aux modalités de signalement des effets indésirables par les patients et les associations agréées de patients.
Si les obligations restent les mêmes pour les professions médicales, l’industrie, les établissements de santé, et qu’il n’y a toujours rien d’obligatoire pour les autres professionnels de santé, les patients et les associations agréées de patients peuvent désormais eux aussi informer un centre régional de pharmacovigilance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à l’un des ces produits. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une simple possibilité.

L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qui au final est chargée de traiter toutes ces données a déjà mis en ligne un mode d’emploi à l’usage des patients afin qu’ils sachent quoi déclarer et comment le faire. Un formulaire spécifique est prévu à cet usage. Selon l’Afssaps, les patients ou leur représentant (dans le cas d’un enfant, les parents par exemple), ainsi que les associations agréées que pourrait solliciter le patient, peuvent déclarer les effets indésirables que le patient ou son entourage suspecte d’être liés à l’utilisation d’un ou plusieurs médicaments, y compris lors de la grossesse ou de l’allaitement, mais aussi les mésusages, abus ou erreurs médicamenteuses (avérés ou potentiels).
Il est évident qu’un mode d’emploi n’est pas superflu lorsqu’on lit l’annexe de l’Arrêté du 10 juin. Certes, il est logique de demander le maximum de précisions au patient afin de pouvoir agir efficacement, mais une nouvelle fois rien ne semble avoir été fait pour simplifier le recueil et le traitement de ces informations. Stylo et fax sont au rendez-vous. Comparée au système de télédéclaration des impôts ou aux moyens donnés à la Hadopi, la pharmacovigilance fait pâle figure ; elle est pourtant destinée à sauver des vies…
Dénoncés depuis de nombreuses années par les professions médicales, la complexité et le traitement erratique des dossiers de pharmacovigilance sont-ils inévitables ? Tout dépend de la volonté des différents acteurs de la filière de voir les problèmes résolus. L’industrie a-t-elle intérêt à ce qu’un effet indésirable soit toujours pris en compte ? Après l’affaire du Mediator, on est en droit d’en douter. Les agences de santé ont-elles les moyens humains et financiers de traiter ces informations ? Ont-elles la volonté ou la possibilité de le faire alors qu’elles ne sont pas à l’abri de pressions diverses et variées ?

Si ce décret peut apparaître comme un progrès pour ce qui est appelé la démocratie sanitaire, il ne doit pas faire oublier les limites imposées à la pharmacovigilance. Seuls les effets indésirables graves ou inattendus sont pris en compte à l’heure actuelle. Deux notions définies par la loi et qui ont bien souvent tendance à se confondre dans l’esprit des industriels ou des personnels des agences de santé. Par « effet indésirable », le code de la santé publique entend « une réaction nocive et non voulue, se produisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou pour la restauration, la correction ou la modification d’une fonction physiologique, ou résultant d’un mésusage du médicament ou produit » ; par « effet indésirable grave », il entend « un effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité importantes ou durables, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale » et par « effet indésirable inattendu », « un effet indésirable dont la nature, la sévérité ou l’évolution ne correspondent pas aux informations contenues dans le résumé des caractéristiques du produit ».
En pratique et faute d’avoir à tous les niveaux les compétences nécessaires, l’Afssaps s’en remet bien souvent aux fabricants pour savoir, dans un premier temps, si les effets indésirables signalés sont graves ou non, et s’ils sont inattendus si leur sévérité nécessite ou non de donner suite…
Offrir la possibilité aux patients et aux professionnels de santé de déclarer est une chose, mais prendre en compte ces déclarations en est une autre.

Le problème n’est pas propre aux médicaments, il existe aussi pour les dispositifs médicaux et la matériovigilance. Dans ce domaine, le code de la santé publique prévoit d’ailleurs que « le fabricant, les utilisateurs d’un dispositif et les tiers ayant connaissance d’un incident ou d’un risque d’incident mettant en cause un dispositif ayant entraîné ou susceptible d’entraîner la mort ou la dégradation grave de l’état de santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’un tiers doivent le signaler sans délai à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » (art. L 5212-2). On peut donc estimer que les patients sont déjà concernés et qu’ils peuvent déclarer, mais là aussi la pratique est très éloignée de la théorie et les obstacles auxquels sont confrontés professionnels de santé et patients les font très vite renoncer.

Seule l’expérience permettra de savoir si l’application des textes mis en place pour la pharmacovigilance est à la hauteur des espérances des patients, des patients qui en ont assez de voir les scandales sanitaires se succéder…

Pas de faute pour les fabricants de vaccins aux États-Unis

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'injection est prêteLes fabricants de vaccins pour les enfants ne peuvent être poursuivis pour des défauts de conception de leurs produits aux États-Unis, ainsi en ont décidé les membres de la Cour suprême de ce pays par 6 voix contre 2.

Cette décision fait suite à la plainte des parents d’une enfant ayant souffert de convulsions après avoir reçu une injection de vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (affaire Bruesewitz v Wyeth Inc). Pour la Cour, une loi adoptée par le Congrès des États-Unis en 1986 exclut toutes poursuites contre les fabricants de vaccins dans un tel cas : ce texte prévoit en effet qu’aucune faute ne pourra être reprochée à un laboratoire si un enfant est victime des effets secondaires d’un vaccin.
La loi, appelée The National Childhood Vaccine Injury Act, « écarte toutes réclamations contre les fabricants pour des défauts de conception de vaccins par des plaignants qui demandent une indemnisation pour des blessures ou des décès causés par les effets secondaires du vaccin ».

Russell et Robalee Bruesewitz voulaient voir reconnue la responsabilité du laboratoire Wyeth après que leur fille de 6 mois ait présenté de nombreuses crises convulsives après avoir été vaccinée en 1992. Cette injection n’a rien de particulier et est pratiquée de façon habituelle chez les enfants de cet âge. Malheureusement, chez cette enfant, les médecins ont diagnostiqué en 2003 un trouble épileptique résiduel et une encéphalopathie.
La loi exclut les plaintes pour les effets secondaires “inévitables”, mais pour les avocats de la famille, au moment où a été réalisée l’injection, ce produit était dépassé, mal conçu et ses effets secondaires évitables.
Pour le juge Antonin Scalia, membre de la Cour suprême qui a voté pour cette décision, « à condition que la fabrication soit correcte et qu’il n’y ait pas de mise en garde, les autres effets secondaires, y compris ceux résultant de défauts de conception, sont réputés avoir été inévitables ».

Comment expliquer qu’un tel texte ait pu être adopté ? Tout simplement parce qu’il a été voté à un moment où les États-Unis étaient confrontés à une pénurie de vaccins pour les enfants après que les fabricants aient décidé de se retirer de ce marché face à l’augmentation du nombre de plaintes auxquels ils avaient à faire face justement pour le vaccin tout-en-un diphtérie-coqueluche-tétanos. L’adoption de cette loi s’est accompagnée de la création d’un tribunal dédié à ces produits, appelé Vaccine court et financé par les fabricants par le biais d’une taxe sur chaque dose, qui doit déterminer si les dommages d’un plaignant sont dus à un vaccin ou non. Dans le cas d’Hannah Bruesewitz, ce tribunal a estimé que le produit n’était pas en cause.

Le jugement de la Cour suprême a été salué par l’Académie américaine de pédiatrie, qui s’était jointe à 21 autres associations du monde de la santé, y compris l’American Medical Association, pour déposer un amicus curiae, contribution versée spontanément au débat, exhortant le tribunal à rendre une décision qui sauvegarde l’approvisionnement du pays en vaccins.

« Les vaccins destinés aux enfants font partie des plus grands progrès de la médecine du siècle dernier », a déclaré la présidente de l’Académie de pédiatrie, Marion Burton. « La décision de la Cour suprême protège les enfants par le renforcement de notre système national de vaccination et veille à ce que les vaccins continuent à empêcher la propagation de maladies infectieuses dans ce pays. »

Pour le juge Scalia, les fabricants sont déjà obligés par la loi de financer un programme informel et efficace d’indemnisation des victimes des vaccins. « En échange, il faut leur éviter de coûteux litiges et de se voir de temps en temps condamner de façon disproportionnée par un jury ».

Le laboratoire Wyeth a fait valoir pour sa part que si la décision lui était défavorable, cela pourrait ouvrir la voie à une déferlante de poursuites alléguant un lien de causalité entre les vaccins et l’autisme.

Sonia Sotomayor et Ruth Bader Ginsberg, juges à la Cour suprême elles aussi, ont quant à elles voté contre cette décision. Pour Sonia Sotomayor, ce jugement « laisse un vide réglementaire dans lequel personne ne veille à ce que les fabricants de vaccins tiennent compte de manière adéquate des progrès scientifiques et technologiques lors de la conception ou de la distribution de leurs produits. »

Cette affaire montre bien à quel point il est difficile pour les autorités d’un pays, fût-il aussi puissant que les États-Unis, de ne pas plier face à l’industrie pharmaceutique qui semble ne pas hésiter à arrêter la production de produits indispensables à la santé publique si elle se sent menacée. Un procédé auquel les assureurs ont eux aussi eu recours quand leurs intérêts ont été attaqués. Volià qui pourrait expliquer, sans le justifier, que de nombreuses victimes soient encore sacrifiées pour ne pas nuire à des intérêts qui les dépassent…

[Source : BMJ 2011;342:d1292]

Plus de cas de narcolepsie chez les enfants vaccinés contre la grippe A(H1N1)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un vaccin à la mainLe Comité consultatif mondial sur la sécurité des vaccins qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu le 8 février 2011 que l’apparition de cas de narcolepsie chez des enfants et des adolescents vaccinés contre la grippe A(H1N1) dans 12 pays différents méritait que des études complémentaires soient menées à ce propos. La narcolepsie est une affection neurologique grave se caractérisant par des envies de dormir irrépressibles et des épisodes de perte brusque du tonus musculaire sans altération de la conscience et survenant à un moment quelconque de la journée chez la plupart des patients. Cette pathologie, encore appelée maladie de Gélineau, est habituellement rare qui a tendance à toucher plus les adolescents et les quadragénaires.

Suite aux campagnes de vaccinations contre la grippe A(H1N1) en 2009, plusieurs pays, comme la Suède, la Finlande ou l’Islande, ont rapporté des taux plus élevés que d’habitude de jeunes patients souffrant de narcolepsie. En Finlande, après avoir étudié les cas recensés sur son territoire, l’Institut national de la santé et du bien-être de ce pays a même décidé de publier une déclaration préliminaire, le 1er février 2011. En effet, en 2009-2010, les équipes de cet institut ont mis en évidence un risque plus élevé de narcolepsie chez les 4—19 ans qui avaient reçu la vaccination contre la grippe A(H1N1) 2009 par rapport à ceux qui n’avaient pas été vaccinés. Il faut savoir que le seul vaccin utilisé en Finlande au cours de la pandémie a été le Pandemrix, un vaccin monovalent avec adjuvant fabriqué par les le laboratoire GlaxoSmithKline, utilisé dans 47 pays à travers le monde à la même période.

Dans son communiqué, l’OMS reconnaît que « l’Institut national finlandais (sur les conseils de la Finnish National Narcolepsy Task Force) a conclu que le risque de développement de la narcolepsie chez les personnes vaccinées âgées de 4 à 19 ans est environ neuf fois plus élevé que ceux non vaccinés pour une même tranche d’âge, ce qui correspond à un risque d’environ 1 cas de narcolepsie par 12 000 vaccinés. » Cette augmentation n’a pas été retrouvée pour les autres tranches d’âge.
Une prédisposition génétique a été retrouvée chez les patients atteints, cette maladie étant presque exclusivement observées chez des personnes qui ont un génotype (HLA) DQB1 * 0602, comme c’est le cas pour tous les jeunes Finlandais diagnostiqués. Au 24 janvier 2011, la Finlande comptait 56 cas de narcolepsie associée au Pandemrix, dont 54 dans la tranche d’âge 4—19 ans. Dans la plupart des cas les symptômes sont apparus dans les deux mois ayant suivi cette vaccination.
L’Institut national estime qu’il est possible que le vaccin Pandemrix soit un facteur contribuant à l’augmentation observée et a appelé à une enquête plus poussée sur les autres cofacteurs qui peuvent être associés à ce risque accru. Les chercheurs considèrent qu’il est probable que le vaccin Pandemrix augmente le risque de narcolepsie chez des patients prédisposés génétiquement et qui seraient aussi soumis à d’autres facteurs environnementaux ou génétiques qu’il reste à découvrir. Le rapport final du groupe de travail finlandais est prévu d’ici le 31 août 2011.

L’OMS considère que, bien que ce phénomène n’a pas été constaté dans tous les pays ayant utilisé ce vaccin, il est nécessaire de mener à bien des travaux à ce sujet. Il convient de rester prudent, car en Islande à la même période, l’apparition d’un plus grand nombre de cas de narcolepsie semble aussi avoir été constaté chez les enfants non vaccinés.

En France, 50 millions de doses de vaccins Pandemrix ont été commandées pour une valeur totale de 350 millions d’euros. Une partie de cette commande a été annulée et seules 18 millions de doses de ce vaccin avec adjuvant ont été livrées. Normalement, dans l’Hexagone, les enfants de moins de 10 ans n’ont pas été vaccinés avec ce vaccin, puisque les indications vaccinales à propos de la vaccination contre la grippe A(H1N1) imposaient d’utiliser pour eux le vaccin Panenza. Par contre, pour les enfants de 10 ans et plus, c’est le vaccin Pandemrix qui était recommandé. En pratique, on sait que ces indications n’ont pas toujours été respectées et il est possible que des enfants de moins de 10 ans aient reçu une injection de Pandemrix. En raison des dysfonctionnements dans l’organisation de la campagne de vaccination sur le territoire national, il risque malheureusement d’être difficile dans certains cas de savoir quel vaccin a été utilisé chez tel ou tel enfant en raison d’une traçabilité incorrecte rendant la pharmacovigilance difficile. Voilà une nouvelle affaire qui risque d’être embarrassante pour les pouvoirs publics…

L’Agence européenne du médicament lève le voile

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Comprimés blancsL’Agence européenne des médicaments, encore appelée EMA (ou EMEA) pour European Medicines Agency, est « un organe décentralisé de l’Union européenne (UE) dont le siège est à Londres. Sa principale mission est la protection et la promotion de la santé publique et animale à travers l’évaluation et la supervision des médicaments à usage humain et vétérinaire », comme l’explique le portail de l’UE sur Internet. « L’EMA est chargée de l’évaluation scientifique des demandes d’autorisation européennes de mise sur le marché des médicaments (procédure centralisée). Lorsqu’il est recouru à la procédure centralisée, les sociétés ne soumettent à l’EMA qu’une seule demande d’autorisation de mise sur le marché. » La documentation qui lui est fournie à cette occasion est donc un élément qui peut être particulièrement important lorsqu’un effet indésirable est suspecté par des professionnels de santé. Si certains procédés de fabrication peuvent révéler du secret industriel et ne pas avoir à être exposés aux yeux de tous et tout particulièrement de la concurrence, beaucoup aimeraient que les essais cliniques des molécules demandant leur mise sur le marché fassent l’objet d’une plus grande transparence. Poussée en cela par le Médiateur de l’Union européenne suite à plusieurs refus opposés ces dernières années à des demandes justifiées, l’EMA a annoncé qu’elle rendrait accessible aux professionnels de santé et au public un plus grand nombre de documents en sa possession.

Pour les responsables de cette organisation, cette nouvelle politique répond à une volonté croissante de transparence et d’ouverture des citoyens de l’Union, des valeurs fondamentales qui sont inscrites dans le cadre réglementaire de l’Agence. Si ces principes ne sont pas respectés, il n’est pas possible de savoir sur quelles bases les décisions de l’EMA sont prises et de leur accorder le crédit qu’elles méritent. Néanmoins, afin de protéger les prises de décisions de toute influence extérieure, l’Agence ne publiera les documents qu’une fois la procédure concernant un médicament arrivé à son terme.

Les nouvelles consignes au sein de l’Agence sont de donner accès à tous les documents fournis par les entreprises à moins qu’il n’y ait nécessité de respecter des accords avec des instances de régulation non communautaires ou des organisations internationales, ou qu’il faille protéger la confidentialité et l’intégrité d’une personne physique ou morale. La consultation des documents soumis à l’Agence dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, tels que les rapports d’essais cliniques, est maintenant possible, à condition que le processus de décision concernant cette demande ait été finalisé. Lorsque seules certaines parties d’un document contenant des informations ne peuvent être divulguées, l’Agence expurgera le document à protéger des données personnelles et des renseignements commerciaux confidentiels et offrira l’accès aux parties non confidentielles. Savoir si une information est confidentielle ou non est laissé à la discrétion de l’agence et il est question « de toute information qui n’est pas dans le domaine public ou accessible au public et dont la divulgation pourrait porter atteinte à l’intérêt économique ou la position concurrentielle du propriétaire de l’information » dans les nouvelles directives de l’EMEA. Les notes internes, les documents préparatoires ou tous les documents qui font apparaître un avis à usage interne à l’Agence ne seront pas non plus communiqués.

Par la même occasion, l’Agence européenne du médicament a annoncé qu’elle revenait sur le refus qu’elle avait opposé à des chercheurs danois concernant des résultats d’essais cliniques et des protocoles relatifs à deux médicaments destinés à lutter contre l’obésité. Elle avait jusque-là interdit l’accès à ces documents au motif qu’ils étaient susceptibles de porter atteinte aux intérêts commerciaux des fabricants. Ces données sont désormais disponibles.

Un autre regard sur l’Eneis 2009

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Graphique compliquéAlors que les résultats de l’enquête nationale sur les événements indésirables graves associés aux soins (ENEIS) 2009 ont été présentés en avant-première au Colloque « Événements indésirables associés aux soins et politique de réduction des risques », le 24 novembre 2010, et sont maintenant disponibles en ligne, il peut être intéressant d’y porter un regard exempt de tout sensationnalisme.

Il faut d’abord rappeler qu’en France l’expérience de ce type d’étude est très limitée puisque la seule et unique enquête nationale identique remontait jusque-là à 2004. Il semble, par exemple, difficile de savoir si des progrès ont été réalisés entre 2004 et 2009 concernant les évènements indésirables graves (EIG) associés aux soins. Les auteurs de l’enquête expliquent, en effet, que « La stabilité des indicateurs sur la période étudiée ne permet toutefois pas de conclure à l’absence de changements en termes de culture de sécurité et de comportements des acteurs du système de santé, lesquels ne sont pas mesurés par les indicateurs. Elle ne signifie pas non plus absence de résultats des actions entreprises : d’une part, les indicateurs utilisés ne sont pas adaptés pour mesurer l’impact d’actions sectorielles ; d’autre part, l’évolution des modes de prises en charge (complexité des actes) et de prescription sur la période étudiée aurait en effet pu augmenter les risques et la fréquence des EIG. »
Peu de publicité est faite sur la différence entre les échantillons testés entre 2004 et 2009 et sur une méthode de tirage au sort ayant été modifiée entre les deux périodes étudiées… Sans compter que « Lors de la première enquête, il n’y avait pas eu de correction de la non-réponse. Avec la seconde édition de l’enquête, cette étape était indispensable pour mener une analyse en évolution. Les estimations 2004 ont été recalculées selon une méthodologie identique à celle de 2009 et ne correspondent donc plus exactement aux estimations initialement publiées. »

Même si l’article L 1413-14 du code de la santé publique prévoit que « Tout professionnel ou établissement de santé ayant constaté une infection nosocomiale ou tout autre événement indésirable grave lié à des soins réalisés lors d’investigations, de traitements ou d’actions de prévention doit en faire la déclaration au directeur général de l’agence régionale de santé », ces dispositions s’entendant sans préjudice de la déclaration à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé des événements indésirables liés à un produit de santé et que le nombre de jours d’hospitalisation, en France, doit pouvoir être connu, ce n’est que sur un petit nombre d’établissements et de services que porte l’enquête. Nouvel élément surprenant de la méthodologie de l’enquête, les établissements ont été tirés au sort avant que leur accord ne leur soit demandé quant à une éventuelle participation à l’enquête… Des établissements, puis des services, tirés au sort pour constituer l’échantillon ont dont été exclus secondairement, car refusant de participer. « Sur les 114 établissements tirés au sort dans les 31 départements retenus, 81 ont accepté de participer à cette étude, soit un taux de participation de 71,1 %. Parmi les 251 unités tirées au sort dans ces 81 établissements, 18 ont refusé de participer (9 dans les CHU-CHR en chirurgie, 8 dans les CHU-CHR en médecine et 1 dans les établissements privés en chirurgie) et ont toutes été remplacées. Les 8 269 patients inclus ont été suivis en moyenne pendant 3,8 jours, ce qui représente 31 663 jours d’observation au total. » Il est intéressant de noter que les services de CHU-CHR ont été les plus nombreux à refuser de participer.

Sur l’échantillon testé, c’est une densité d’incidence qui a été calculée, en raison de la méthodologie retenue. Elle est en moyenne de 6,2 pour 1 000 jours d’hospitalisation pour les EIG survenus en cours d’hospitalisation, dont 2,6 d’EIG évitables (ce qui correspond à 87 évènements pour 2009). Ce sont les services de chirurgie qui sont significativement plus concernés (9,2 ‰), et parmi eux les services des CHU (centres hospitaliers universitaires), plutôt que ceux des cliniques privées ou d’autres établissements hospitaliers, des différences qui disparaissent quand il s’agit d’EIG évitables.
Si 8 patients sont morts des suites d’un EIG, sur les 8 269 étudiés, leur âge était compris entre 76 et 87 ans et leur fragilité particulièrement importante. Pour l’ensemble des patients, « Pour 146 des 214 EIG repérés, des éléments permettaient de penser que l’événement clinique aurait pu survenir compte tenu de l’évolution prévisible de la maladie ou de l’état du malade. Pour 98 des 214 EIG, l’événement aurait pu survenir même en l’absence des soins concernés. »
Autre élément à prendre en compte, 20 % des EIG sont dus au comportement du patient lui-même qui n’a pas suivi le traitement prescrit correctement ou qui a refusé des soins.

Pour les EIG causes d’hostipalisations, c’est en médecine que le taux est le plus élevé, cette fois. Les produits de santé sont le plus souvent à l’origine de ces événements indésirables graves, notamment les médicaments. À noter aussi qu’une remarque est intéressante : l’augmentation entre 2004 et 2009 des infections du site opératoire liées à des interventions lors d’hospitalisations antérieures pourrait être due à un séjour écourté dans l’hospitalisation précédente avec une identification de l’infection au domicile du patient, ou une prise en charge non optimale de la plaie opératoire en médecine ambulatoire. Un temps d’hospitalisation raccourci, cheval de bataille des acteurs qui veulent imposer des économies de santé ou une meilleure rentabilité des établissements, n’aurait donc pas que des avantages…

Dernier point troublant : comment expliquer que seuls les chiffres estimant le nombre d’EIG qui surviendraient chaque jour en France ont été retenus pour faire la Une des journaux, alors que les auteurs de l’enquête reconnaissent qu’ils ne sont pas fiables, faute de pouvoir s’assurer d’un phénomène de saisonnalité ? Faire peur aux patients et alimenter la suspicion à l’égard des médecins ou des établissements de soins seraient-ils de bons moyens pour faire grimper l’audimat ou retenir l’attention des lecteurs ? On pourrait être tenté de le croire…

Vaccination contre l’hépatite B, sclérose en plaques, responsabilité du laboratoire et nouvelle jurisprudence

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Vaccin et lien de causalitéSerait-ce le début d’une nouvelle ère dans la jurisprudence concernant le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ? La première chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 25 novembre 2010 (pourvoi nº 09-16556) a estimé qu’une cour d’appel pouvait souverainement considérer qu’en l’absence de consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination et les affections démyélinisantes, le fait qu’une patiente ne présente aucun antécédent personnel ou familial et le fait que les premiers symptômes apparaissent quinze jours après la dernière injection ne constituent pas des présomptions graves, précises et concordantes en sorte que n’est pas établie une corrélation entre l’affection de la patiente et la vaccination. Très clairement, même si l’injection immunisante ne date que de quelques semaines quand le patient développe une sclérose en plaques (SEP) et même s’il n’a eu aucun signe avant d’être vacciné ou qu’aucun membre de sa famille n’a eu cette maladie, le vaccin contre l’hépatite B n’est plus systématiquement mis en cause : la seule présomption d’un lien de causalité ne suffit plus à faire pencher la balance de la justice du côté du malade.
La jurisprudence du 25 novembre 2010 rappelle aussi que si le lien de causalité n’est pas établi, le patient ne peut se prévaloir du droit relatif à un produit défectueux.

Il s’agit bien là d’un changement dans l’approche que peuvent avoir les juges de ce problème. Dans une affaire récente, la première chambre civile de la Cour de cassation avait suivi le jugement d’une cour d’appel estimant que l’absence de certitude scientifique, des études concluant à l’absence de lien de causalité, et le fait qu’un patient ne présente pas d’antécédent personnel ou familial de SEP, en plus d’un défaut d’information sur la notice du produit, suffisaient à faire reconnaître la responsabilité du fabricant de vaccins. Quelques mois plus tard, dans une affaire concernant un militaire, le Conseil d’État, quant à lui, estimait qu’une cour d’appel avait eu raison de juger que « le délai qui s’était ainsi écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes constituait un bref délai [4 mois, NDLR] de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques ».

Faut-il y voir là une victoire de la puissante industrie pharmaceutique ? Est-ce une décision qui arrive à point nommé pour protéger l’État d’éventuelles indemnisations en raison de graves effets secondaires liés à un vaccin, qu’il soit destiné à immuniser contre l’hépatite B ou la grippe, par exemple ? Ou est-ce tout simplement le triomphe de la raison et la reconnaissance d’études scientifiques concordantes sur un sujet polémique ? Face à la détresse de ceux qui cherchent à trouver une raison aux malheurs qui les frappent, la question est aussi de savoir s’il faut à tout prix indemniser cette souffrance quand la responsabilité des uns ou des autres est discutable.
Face à des scandales sanitaires comme ceux de l’amiante, du sang contaminé, de l’hormone de croissance ou plus récemment du Mediator, montrant à quel point les enjeux économiques sont puissants face à la santé publique, il est facile de comprendre les doutes des patients et de leur famille. Justice et vérité ne vont pas forcément de pair…

Ne pas nuire à la réputation des laboratoires

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Ouvrage

Couverture censurée du livre Mediator 150 mg - Combien de morts ?En France, se poser des questions sur les effets indésirables d’un médicament, même quand ils sont avérés, semble être bien compliqué.

Il n’est pas question ici des vaccins contre la grippe A(H1N1) ou de ceux contre l’hépatite B, mais d’un médicament prescrit pour perdre du poids : le Mediator des laboratoires Servier. Dans un ouvrage intitulé Mediator 150 mg, initialement sous titré « Combien de morts ? », le docteur Irène Frachon, pneumologue hospitalier à Brest, raconte le combat qu’elle a dû mener pour que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en arrive à suspendre l’autorisation de mise sur le marché d’un produit dont les effets toxiques pouvaient être fortement soupçonnés en raison de sa métabolisation proche de celle de l’isoméride, un autre coupe-faim de triste mémoire.

Comment expliquer qu’un praticien ait été obligé de dépenser autant d’énergie, d’affronter une bureaucratie censée protéger le public et non des intérêts privés et passer du temps à lutter contre un système qui lui impose pourtant de déclarer les effets indésirables graves ? Si les médecins sont habitués à sauver des vies en toute discrétion et à accompagner des malades qui souffrent, pourquoi ont-ils l’impression de ne plus être aidés pour ce faire ? Pourquoi l’actuel dispositif de pharmacovigilance donne-t-il l’impression d’être fait pour décourager les médecins de l’utiliser ? Pourquoi l’industrie a-t-elle un tel poids en son sein sans que cela soit vraiment transparent ? Combien de morts sont nécessaires pour que les pouvoirs publics osent remettre en question les investissements réalisés par un laboratoire sans trop traîner dans l’espoir que le seuil de rentabilité ait été atteint ? Ce sont des questions que l’on peut se poser à la lecture de cet ouvrage.

À noter l’initiative de l’éditeur qui offre gracieusement divers formats numériques de son ouvrage à l’acheteur de la version papier.

 

La couverture de l’ouvrage a été censurée par le tribunal des référés de Brest, le 7 juin 2010, à la demande du laboratoire Servier. Malgré la suspension de l’AMM par l’Afssaps pour un risque avéré de valvulopathie du Benfluorex (nom du principe actif contenu dans le Mediator), le juge a estimé que « la relation entre la valvulopathie et un décès n’est pas pour l’instant établie par l’Afssaps. » L’éditeur a fait appel de ce jugement.

 


 

Résumé

« Le 25 novembre 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé — Afssaps — annonce la suspension de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament. Il s’agit du Mediator, commercialisé depuis plus de trente ans par le laboratoire Servier, alors consommé quotidiennement par près de 300 000 Français. Cette décision fait suite à la révélation d’une toxicité grave directement liée au médicament : une atteinte des valves du coeur, aux conséquences parfois mortelles.

Les premiers éléments laissant suspecter la possibilité d’une telle toxicité remontent à 1997, date à laquelle un médicament proche et commercialisé par le même laboratoire, le coupe-faim Isoméride, est interdit pour les mêmes raisons.

Médecin, j’ai été pendant vingt ans témoin puis acteur de cet épisode dramatique. La transparence est une condition de la qualité de la politique de santé des populations. C’est pourquoi je témoigne dans ce livre de ce que j’ai vécu, de la manière la plus factuelle possible. Mon objectif est de permettre à chacun de comprendre comment sont prises certaines décisions de santé publique en France et de contribuer ainsi au débat public, constitutif de l’exercice de la démocratie. »

Irène Frachon

 

Irène Frachon.
Mediator 150 mg — Combien de morts ?
Editions-dialogues.fr, 2010.
ISBN 9782918135142 — 152 pages – 15,90 €.

 

Le médecin ou l’infirmier réquisitionné est-il obligé de vacciner ?

Écrit par Jean-Pierre Sellem le . Dans la rubrique La forme

Après avoir parlé de volontariat des professionnels de santé pour participer à la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) et de la réquisition afin de simplifier les conditions assurantielles, nombreux sont les médecins et les infirmiers qui commencent à comprendre que ces mesures servent maintenant à les contraindre à vacciner la population, alors même qu’ils ne veulent pas se faire vacciner eux-mêmes. Le volontariat n’est plus de mise et l’autorité publique est appelée à la rescousse de mesures gouvernementales discutées. Si le médecin est tenu de déférer aux réquisitions de l’autorité publique sous peine d’amende, le professionnel de santé est-il obligé de vacciner pour autant ?