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Rapport d’enquête sur la grippe A(H1N1) : l’honneur est sauf

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Le rapport d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) a été rendu public le 13 juillet 2010 par l’Assemblée nationale. Pour réaliser ce travail, une « commission d’enquête, composée de trente représentants de tous les groupes politiques de l’Assemblée a procédé à cinquante-deux auditions entre le 31 mars et le 6 juillet 2010 pour entendre soixante-quinze personnalités de tous horizons : scientifiques et experts, représentants des personnels de santé, responsables d’établissements publics et d’administrations centrales et déconcentrées, représentants des collectivités locales, corps de contrôle de l’État, industriels pharmaceutiques, représentants d’instances européennes ou encore journalistes. » Seule l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a refusé de participer à ces auditions, même si dès le début de ce rapport il est précisé qu’il n’avait pas pour but d’être politiquement incorrect et qu’il n’a jamais été question d’analyser en profondeur « sur le rôle de l’Organisation mondiale de la santé et notamment de ses experts, la façon d’être ou de trouver plus expert que les experts, la question des liens d’intérêts susceptibles d’exister entre experts et laboratoires, les plans de continuité d’activité, l’efficacité et les modalités d’utilisation des antiviraux ou la pertinence des procédures d’autorisation de mise sur le marché retenues pour les vaccins pandémiques. »Vaccination à la chaîne

Très rapidement à la lecture de ce rapport, les responsables du résultat décevant de cette campagne de vaccination semblent être désignés : « En effet, si l’appareil d’État s’est globalement remarquablement mobilisé […], les professionnels de santé puis les Français n’ont pas adhéré aux objectifs de la campagne de vaccination. » En clair, l’État a bien travaillé, mais à cause des médecins et des infirmiers libéraux, comme l’indique un peu plus loin le rapport, les citoyens n’ont pas suivi des consignes que les députés estiment avoir été totalement légitimes. Les uns et les autres n’ont pas fait preuve d’un sens de l’intérêt collectif… Ce manque de confiance s’explique aussi par « un véritable brouillard médiatique ». Mais l’honneur est sauf, car malgré ce manque de rigueur de la population, la France n’a pas fait moins bien que de nombreux autres pays.

Pour les enquêteurs de l’Assemblée nationale, c’est le principe de précaution qui devait prévaloir. La vaccination massive de la population était justifiée et la négociation des contrats de commande de vaccins dans des conditions délicates explique les agissements du ministre de la santé, mise en difficulté uniquement en raison du caractère « facétieux », selon ses propres termes, du virus.

En pleine crise de confiance de l’opinion publique vis-à-vis de la classe politique suite à de récentes affaires financières mettant en cause des membres du gouvernement ou des élus de tous bords, de telles conclusions ne sont pas surprenantes. Comment imaginer que les députés en charge d’une telle commission d’enquête puissent asséner de nouveaux reproches à leurs pairs dans une telle situation ? Même si ce rapport est censé donner des pistes pour la gestion d’une future crise sanitaire, il donne l’impression d’être là avant tout pour enterrer les dysfonctionnements, pour mettre sous le tapis les soupçons de conflits d’intérêts et pour redorer le blason des autorités sanitaires et du ministre de la santé.

Mais tout n’est pas si simple. Par exemple, personne ne sait exactement qui a été vacciné alors qu’une traçabilité sans faille avait été promise par les autorités de santé… Le nombre estimé d’individus ayant été immunisé est de 5,7 millions, donnée estimée à partir des “coupons” de vaccination récupérés par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Malheureusement, « environ 350 000 coupons ne peuvent toutefois être traités statistiquement, soit par manque d’informations, soit parce qu’ils sont illisibles »…
Le coût de la campagne est estimé à plus de 668 millions d’euros, une bonne nouvelle selon la commission d’enquête, car deux fois moins élevé que les prévisions initiales. Mais là encore, ces chiffres ne sont pas fiables et pourraient être revus à la hausse : « la procédure de résiliation des marchés n’a pas totalement abouti avec l’un des trois laboratoires concernés, d’autres postes de dépenses restant à ce stade évaluatifs, en particulier celui de l’indemnisation des professionnels réquisitionnés pour assurer la vaccination dans les centres. » Le laboratoire GlaxoSmithKline réclame plus de 108 millions d’euros à l’État pour rupture de contrat alors que les autorités estiment n’en devoir qu’un peu moins de 36 millions. La bonne nouvelle semble donc largement prématurée…
Malgré l’annulation des contrats, il existe un excédent de près de 21 millions de doses de vaccins qui dorment dans des entrepôts et près de 3,46 millions de doses de vaccins mises en circulation ont été jetées ou mises au rebut (à comparer aux 5,7 millions de personnes vaccinées). Comble du gâchis, presque 4 millions de doses arrivent à péremption en octobre 2010…
Si des retards de paiement des professionnels de santé “volontaires” sont mentionnés par le rapport, il ne semble pas exister de retard relatif à l’indemnisation des personnels administratifs. Le coût pour les professionnels de santé est estimé à 50 millions d’euros, peut-être un peu plus, celui pour le personnel administratif est chiffré à plus de 68 millions d’euros… Quant au coût du dispositif des bons de vaccination, il est estimé à plus de 48 millions d’euros et celui de la campagne de communication à plus de 10 millions.

Même si ce travail n’avait pas pour but de s’intéresser à l’indépendance des experts, les députés se sont évertués à les blanchir : « La question qui se pose n’est pas celle de l’indépendance des scientifiques auxquels il a été fait appel – qu’on serait d’ailleurs bien en peine de remplacer par des personnalités de compétences équivalentes –, mais celle de la profusion de leurs avis, à des stades divers de la pandémie, et de l’articulation de ces expertises entre elles. »

Comme il est reconnu qu’il serait préférable de « favoriser le recours à la médecine ambulatoire parallèlement à des centres de vaccination spécifiques en cas de campagne de vaccination pandémique » contrairement à ce qui a été fait, les députés proposent d’ « inscrire dans le champ des conventions nationales liant l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé les conditions d’exercice de la vaccination pandémique. » Il est aussi question d’ « entamer une concertation entre les agences régionales de santé et les représentants des professionnels de santé, en particulier les unions régionales et les conseils des ordres, pour inscrire dans les schémas régionaux d’organisation des soins les modalités concrètes de recours à la médecine ambulatoire pour une vaccination pandémique. »

Les députés qui apprécient tant les micros lorsqu’ils ont un message à faire passer, n’ont visiblement pas apprécié le traitement médiatique réservé à la grippe A(H1N1). Avec le recul, plutôt que de féliciter les professionnels de santé qui n’ont pas encouragé leurs concitoyens à se faire vacciner, l’heure semble plutôt aux reproches à leur égard et aux médias qui leur ont donné la parole. Internet est aussi montré du doigt. La liberté d’expression ne semble pas présenter que des avantages pour les membres de la commission d’enquête…

À aucun moment, la commission d’enquête n’a estimé que la clairvoyance avait été du côté de ceux qui avaient milité contre cette campagne de vaccination massive au regard des données scientifiques dont ils disposaient, et non pour des raisons idéologiques discutables, et semble même reprocher aux professionnels de santé de ne pas avoir suivi la ligne de conduite fixée par le gouvernement après avoir recherché des informations dans la presse spécialisée ou sur les sites internet des institutions sanitaires. Il est vrai qu’à force d’imposer aux professionnels de santé telle ou telle mesure favorisant les économies de santé au détriment de la santé publique sans réelle réaction de ces derniers, on peut comprendre que des députés puissent être surpris de découvrir un esprit critique, une cohésion et une capacité à désobéir chez ces mêmes professionnels…

Les personnes âgées n’aiment pas les génériques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les génériques en questionLe BMJ est un journal médical britannique qui fait référence, or c’est dans cette revue que vient d’être publiée une lettre intitulée Controversy over generic substitution. Des auteurs australiens y expliquent avoir réalisé une étude qualitative auprès de plus d’une centaine de personnes âgées du pays des kangourous. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces consommateurs réguliers de médicaments, habitués depuis de nombreuses années à la substitution, n’apprécient pas du tout cette pratique.

Les personnes interrogées n’ont pas confiance en l’industrie pharmaceutique et lui reprochent, en particulier, la trop grande diversité géographique de ses lieux de production. Sur les produits eux-mêmes, les critiques sont multiples : absence de cohérence entre la présentation des génériques et celle du médicament princeps (comprimés ou gélules de taille et de forme différente) ; goût différent ; incohérence des emballages, mais aussi des noms !

Pour les auteurs, peu importe que les professionnels de santé et les patients aient signalé ces problèmes depuis longtemps, les autorités de santé, obnubilées par les économies à réaliser, n’en ont cure. Selon les professionnels australiens, un renforcement des cadres réglementaires est nécessaire pour assurer non seulement une équivalence thérapeutique, mais aussi une cohérence de l’emballage et de l’étiquetage afin de minimiser la confusion causée par la substitution, surtout chez les patients qui prennent plusieurs médicaments.

En France, les critiques vont même parfois plus loin puisque, lors de la conférence sur les contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) qui a eu lieu au Medec 2010, le président du Conseil national de l’ordre des médecins, Michel Legmann, a reconnu que de nombreux rapports démontrent que les génériques ne sont pas équivalents au médicament princeps, contrairement à l’information diffusée par les chantres des économies de santé. Même Christian Lajoux, président des entreprises du médicament (LEEM), a confirmé que la biodisponibilité des génériques n’était pas la même que celle du médicament d’origine.

Lobbying pharmaceutique ou réalité, les génériques restent controversés. Quoiqu’il en soit, les propositions des auteurs australiens semblent pleines de bon sens.

Exposition à une molécule litigieuse et responsabilité des laboratoires pharmaceutiques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Effets indésirables des médicamentsIl n’est pas toujours facile pour un patient de prouver qu’un médicament est bien à l’origine du dommage qu’il a subi, voire même qu’il a bien été exposé à la molécule dont l’un des effets indésirables connus est identique au problème qu’il a eu à affronter.

Une patiente stérile de 40 ans dont la mère avait pu être exposée au cours de sa grossesse à l’hormone de synthèse dénommée dyéthylstilbestrol (DES), plus connue sous le nom de Distilbène®, était dans ce cas. Cela ne l’a pas empêchée d’intenter un procès au principal fabricant de cette molécule, ainsi qu’à titre subsidiaire à un autre laboratoire ayant distribué le produit sous un autre nom, connue pour être à l’origine de stérilité chez les enfants des femmes exposées. Une affaire délicate puisqu’à aucun moment dans le dossier de la mère de la plaignante il n’est évoqué la prise de DES ; seule « une grossesse surveillée spécialement du fait de l’insuffisance hormonale » est mentionnée par un médecin décédé depuis. Il lui était donc impossible de prouver de façon directe qu’elle avait bien été exposée à cette molécule.

Pour la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2010 (pourvoi no 08-18837), la preuve de l’exposition directe à une « molécule litigieuse » n’est pas indispensable pour qu’un laboratoire soit mis en cause. « […] lorsque la victime établit que la pathologie ou la malformation dont elle est atteinte est attribuée communément au DES, qu’elle a été conçue en France à une période où ce principe actif y était massivement prescrit aux femmes enceintes et qu’il n’existe pas d’autre cause connue de ses dommages qui lui soit propre, il appartient alors au laboratoire, dont la responsabilité est recherchée, de prouver que celle-ci n’a pas été exposée au produit qu’il a mis sur le marché français à cette époque ». Étant née en 1970, période à laquelle le Distilbène® était habituellement prescrit, et présentant une malformation de la cavité utérine (utérus hypoplasique) à l’origine de fausses couches récurrentes, symptômes caractéristiques d’une exposition au DES, la patiente n’avait pas à apporter la preuve que sa mère avait bien été exposée.

La preuve de l’imputabilité du dommage au produit que vendaient exclusivement les deux laboratoires défendeurs pouvant résulter de présomptions précises, graves et concordantes, les documents produits, notamment les comptes-rendus de radiologie, de coelioscopie et d’échographie gynécologique, ainsi que les études scientifiques sur la forte probabilité d’imputabilité de la pathologie doivent pouvoir suffire à une cour pour mettre en cause la molécule.

De plus, la Cour de cassation estime que « lorsqu’un dommage est causé par un membre indéterminé d’un groupe, tous les membres identifiés en répondent solidairement sauf pour chacun d’eux à démontrer qu’il ne peut en être l’auteur ; que forment en ce sens un groupe les laboratoires qui ont mis sur le même marché et à une même époque sous des noms différents une même molécule à laquelle il est reproché d’avoir causé des dommages à la santé et qui ont tous commis la même faute consistant en l’absence de surveillance du produit et de ses effets nocifs ». Pour la Cour, « en cas d’exposition de la victime à la molécule litigieuse, c’est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu’il incombe de prouver que celui-ci n’est pas à l’origine du dommage ».

Il est même question d’un manque à l’obligation de vigilance des laboratoires qui n’ont pas procédé à une surveillance des risques pesant sur les enfants par l’administration à leur mère du DES nés après les années cinquante, période laquelle ces risques ont été identifiés, basé sur le principe selon lequel « celui qui par sa faute crée un risque pour la santé humaine doit répondre des dommages qui apparaissent comme la réalisation normale et prévisible du risque ainsi créé ».

Si la pharmacovigilance et les tribunaux de première instance donnent parfois l’impression d’être favorable à l’industrie, la Cour de cassation semble quant à elle rétablir l’équilibre en faisant pencher les plateaux de sa balance du côté des patients…

Concurrence, santé publique, innovation et médicament

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Ouvrage

Conconcurrence, santé publique, innovation et médicament : le livreLa mise en œuvre du droit de la concurrence dans le secteur du médicament est très fortement affectée par plusieurs facteurs : d’une part la régulation inhérente à un secteur dont la dépense est socialisée par l’État et dont le rôle dans la protection de la santé publique est majeur, d’autre part la nécessité de développer l’innovation, à une période où la recherche est en pleine mutation, s’oriente vers des technologies et s’avère de plus en plus complexe, tandis que demeure à l’esprit l’indispensable maintien d’une politique industrielle assurant l’indépendance du pays.

L’enquête diligentée par la Commission européenne en 2008 dans ce secteur industriel si particulier et dont le rapport a été publié en juillet 2009 soulève de nombreuses questions sur le juste équilibre entre ces différents facteurs et d’une manière générale sur le rôle que doit avoir le droit de la concurrence dans ce secteur très régulé.

Une analyse croisée, juridique et économique, nationale, européenne et internationale, comparative avec d’autres secteurs régulés, était nécessaire pour approcher la complexité des situations, et cerner les enjeux en présence et les conséquences potentielles pour le secteur, notamment si les prises de position sont trop radicales, d’un côté ou de l’autre.

 

Cet ouvrage a été réalisé sous la direction scientifique de Marie-Anne Frison- Roche,
avec la participation de Pierre-Yves Arnoux, Capucine Asseo, Jean-Noël Bail, Lætitia Benard, Floriane Chauveau, Xavier Coron, Isabelle Delattre, Blandine Fauran, Laurent Flochel, Olivier Fréget, Christophe Hénin, Fleur Herrenschmidtjhe, Right Honourable Lord Justice Jacob, Chrystel Jouan-Flahault, François Lévêque, Anne-Catherine Maillols-Perroy, Gildas de Muizon, Jérôme Peigné, Marie Potel-Saville, Oliviers Sautel, Anne Servoir et Caroline Sitbon.

 


 

Introduction

 

Politique publique de maîtrise de santé, protection de la santé publique, droit général de la concurrence et régulation sectorielle

Marie-Anne Frison-Roche

 

Première partie

Le médicament dans la régulation des dépenses de santé

 

Environnement réglementaire et concurrentiel du marché du médicament en ville et à l’hôpital

Christophe Hénin, Anne Servoir

 

Contrôle des profits et contrôle des marges

Christophe Hénin, Anne-Catherine Maillols-Perroy

 

Le système français de remboursement des médicaments et son impact concurrentiel

Christophe Hénin, Anne-Catherine Maillols-Perroy

 

La promotion du médicament, Libre propos

Xavier Coron

 

La substitution générique

Blandine Fauran

 

Innovation et incitation à la recherche

Floriane Chauveau

 

Les différents systèmes de régulation des prix et du remboursement du médicament. Comparaisons européennes et convergences

Christophe Hénin, Floriane Chauveau

 

Deuxième partie

Innovation et incitation à la recherche

 

Recherche, innovation et progrès thérapeutique dans le secteur du médicament : état des lieux, enjeux et perspectives

Chrystel Jouan-Flahault, Pierre-Yves Arnoux, Isabelle Delattre

 

La protection des données de l’autorisation de mise sur le marché : entre processus concurrentiel et défense de l’innovation

Jérôme Peigné

 

La durée effective de protection des investissements dans l’industrie pharmaceutique : une analyse économique à partir de la courbe de rendement

Olivier Sautel, Gildas de Muizon

 

Existe-t-il une spécificité des brevets dans le domaine pharmaceutique ?

Lætitia Bénard

 

Cycle de vie du médicament et incitation au perfectionnement

Capucine Asséo, Lætitia Bénard

 

Raising the Bar : Une fausse Chimère ?

Rt. Hon. Lord Justice Jacob

 

Raising the Bar : A mistaken Chimera ?

The Rt. Hon. Lord Justice Jacob

 

Troisième partie

Difficulté de prise en compte par le droit de la concurrence des spécificités du secteur pharmaceutique

 

Les facteurs affectant l’entrée des génériques : le rôle des stratégies d’entreprise et de la réglementation

Tim Wilsdon, Laurent Flochel

 

Le rôle de l’information préalable à la délivrance de l’AMM générique

Olivier Fréget, Fleur Herrenschmidt, Lætitia Bénard, Christophe Hénin

 

Régulation de la pharmacie et propriété intellectuelle : le troisième côté du triangle

François Lévêque

 

Pouvoir de marché et contre-pouvoir de l’acheteur public

Jean-Noël Bail, Caroline Sitbon

 

L’application des tests économiques de pratiques anticoncurrentielles au secteur de la pharmacie

Laurent Flochel, Olivier Fréget

 

Usage stratégique des droits et abus de droit dans l’application du droit de la concurrence au secteur du médicament

Marie-Anne Frison-Roche

 

La restauration de l’égalité des chances dans la concurrence entre princeps et génériques

Olivier Fréget, Fleur Herrenschmidt

 

L’office du juge en matière de médicaments

Marie-Anne Frison-Roche

 

Conclusion

 

Arrivée des génériques et libéralisation de secteurs protégés par des droits exclusifs : une comparaison pertinente ?

Olivier Fréget, Marie Potel-Saville

 

Marie-Anne Frison- Roche, Pierre-Yves Arnoux, Capucine Asseo, Jean-Noël Bail, Lætitia Benard, Floriane Chauveau, Xavier Coron, Isabelle Delattre, Blandine Fauran, Laurent Flochel, Olivier Fréget, Christophe Hénin, Fleur Herrenschmidtjhe, Right Honourable Lord Justice Jacob, Chrystel Jouan-Flahault, François Lévêque, Anne-Catherine Maillols-Perroy, Gildas de Muizon, Jérôme Peigné, Marie Potel-Saville, Oliviers Sautel, Anne Servoir et Caroline Sitbon.
Droit & Économie.
Concurrence, santé publique, innovation et médicament.
Éditeur LGDJ.
ISBN : 978-2-275-03505-5 – 525 pages – 68 €

 

Les incitations à prescrire des génériques en Europe sont légitimes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Des génériques à foisonAlors que les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (anciennement Cour de justice des Communautés européennes), dans une affaire opposant l’Association of the British Pharmaceutical Industry et la Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency, laissaient penser que les incitations à prescrire des génériques imposées par les organismes sociaux des États membres pourraient ne pas être autorisées par le droit européen, la Cour en a décidé autrement dans un arrêt du 22 avril 2010 (n° C-62/09).

Pour les représentants de l’industrie pharmaceutique anglaise et pour la Commission européenne, la directive européenne 2001/83 s’opposait « à ce qu’un organisme public faisant partie d’un service national de santé publique mette en place un système qui offre des incitations financières à des cabinets médicaux afin que les médecins exerçant dans ces cabinets prescrivent un médicament spécifiquement désigné, et ce même si l’objectif de ce système est de réduire les dépenses publiques globales en matière de médicaments. » Mais plusieurs gouvernements, dont celui de la France, prônant l’intérêt économique des génériques, cette directive ne visait pas les autorités nationales compétentes en matière de santé publique et qu’elles n’avaient été prises que pour « garantir l’accès pour tous à une quantité suffisante de médicaments à un prix raisonnable ». La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) devait donc trancher.

La CJUE rappelle que l’« article 94, paragraphe 1, de la directive 2001/83 interdit d’octroyer, d’offrir ou de promettre aux personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments une prime, un avantage pécuniaire ou un avantage en nature à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable et n’aient trait à l’exercice de la médecine ou de la pharmacie », mais ce « dans le cadre de la promotion des médicaments » par l’industrie elle-même. Un tiers indépendant, même en dehors d’une activité commerciale ou industrielle, n’est pas plus autorisé à faire la promotion d’un médicament. Par contre, les campagnes approuvées par les autorités compétentes des États membres sont, elles, permises par le droit européen. C’est dans ce même esprit qu’il faut considérer que les incitations financières à la prescription de médicaments ne sauraient viser les autorités nationales en charge de la santé publique, même s’il est question de rationalisation des dépenses publiques. « D’une manière générale, la politique de santé définie par un État membre et les dépenses publiques qu’il y consacre ne poursuivent aucun but lucratif ni commercial. Un système d’incitations financières tel que celui en cause au principal, relevant d’une telle politique, ne saurait donc être considéré comme s’inscrivant dans le cadre de la promotion commerciale de médicaments. »
Les seules limites à ces dispositifs sont que les systèmes d’incitations financières mis en œuvre par les autorités publiques s’appuient sur des critères objectifs et qu’aucune discrimination ne soit opérée entre les médicaments nationaux et ceux provenant d’autres États membres. Il faut aussi que les autorités nationales en charge de la santé publique adoptant un tel système d’incitations le rendent public et mettent « à la disposition des professionnels de la santé et de l’industrie pharmaceutique les évaluations établissant l’équivalence thérapeutique entre les substances actives disponibles appartenant à la classe thérapeutique faisant l’objet dudit système. »

Pour autant, ces incitations ne semblent pouvoir être des obligations, le médecin devant pouvoir garder son libre arbitre et apprécier la situation au cas par cas. « Un médecin prescripteur est tenu, d’un point de vue déontologique, de ne pas prescrire un médicament donné si celui-ci ne convient pas au traitement thérapeutique de son patient, et ce nonobstant l’existence d’incitations financières publiques à la prescription de ce médicament. » Pour la Cour, dans le cadre de leur mission de contrôle et de surveillance de l’activité des médecins, « les autorités publiques ou les organisations professionnelles délégataires sont habilitées à dispenser aux médecins des recommandations en matière de prescription de médicaments, sans que de telles recommandations puissent affecter de manière préjudiciable l’objectivité des médecins prescripteurs […] ».

Voilà qui devrait donc conforter certains gouvernements de l’Union dans leur politique économique de santé. Cet arrêt ne peut que renforcer un peu plus la légitimité des contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) sur laquelle le Conseil d’État devrait bientôt se prononcer : une bien mauvaise nouvelle pour leurs détracteurs…

Commission d’enquête et grippe A(H1N1)

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Enquête sur l'échec de la campagne de vaccinationL’Assemblée nationale a adopté le 24 février 2010 une résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1). C’est le 5 janvier 2010 qu’une proposition dans ce sens avait été déposée par les députés du Nouveau centre, Jean-Christophe Lagarde, Jean-Luc Préel et Maurice Leroy.

On pourrait croire que les députés cherchent à comprendre qu’elle a été le rôle de l’industrie dans l’achat des 94 millions de doses de vaccins et dans la gabegie d’antiviraux et de masques, mais la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, déjà très courtoisement interrogée par l’Assemblée à ce sujet, peut vaquer tranquillement à ses occupations puisque le but de cette commission d’enquête est « de faire des propositions au gouvernement pour rendre plus opérationnels, efficaces et réalistes nos futurs plans de vaccination contre les pandémies ». Pour Jean-Luc Préel, il « faut connaître les raisons de ce non-succès de la vaccination pour pouvoir faire face à d’éventuelles nouvelles pandémies ». Il semble donc surtout question de trouver des solutions pour que les décisions gouvernementales en matière de santé puissent être imposées avec plus d’efficacité à l’avenir. Il est vrai qu’il est embarrassant que les experts choisis par le gouvernement puissent être remis en cause, que des liens entre les décisions politiques et l’industrie pharmaceutique puissent être soupçonnés, que la grande majorité des professionnels de santé s’oppose au discours médiatique officiel ou que la libre expression d’experts indépendants sur Internet puisse informer la population. Il est urgent de trouver des solutions afin que ce genre de choses ne puissent se reproduire…

Pas question, non plus, de s’interroger sur les 37 millions de doses de vaccins inutilisées, puisque sur le total initialement commandé par l’Hexagone, 6 millions ont servi à vacciner les Français, 10 millions ont été données à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les pays défavorisés, 400 000 ont été vendues au Qatar et à Monaco et 50 millions ne seront pas livrées, suite à l’annulation des engagements pris par le gouvernement auprès des laboratoires. Sur ce dernier point, la France n’est pas au bout de ses peines. Après avoir envisagé un temps de transformer ces résiliations en commandes pour d’autres produits, c’est l’option consistant à indemniser les laboratoires qui s’est imposée. L’industrie réclame 350 millions d’euros pour ces ruptures de contrat, mais les ministères concernés cherchent à faire pression sur les fabricants pour qu’ils revoient à la baisse leurs prétentions. Il est sans doute nécessaire de sauver la face et d’éviter de nouvelles critiques.

La commission d’enquête européenne sera peut-être moins complaisante. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pris les devants et s’est expliquée sur ses décisions, sans pour autant lever les doutes pesant sur d’éventuels conflits d’intérêts. Reste à savoir si toute la lumière sera faite un jour sur une pandémie que l’OMS préfère ne pas voir se terminer trop vite

L’Union européenne enquête sur le marché des génériques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Plus de contrôle pour les soins de santéC’est le 12 janvier 2010 que les autorités de l’Union européenne (UE) ont décidé de s’intéresser de plus près aux rapports existant entre les grands laboratoires pharmaceutiques et leurs “concurrents” spécialisés dans la fabrication des génériques bon marché. Il se pourrait, en effet, qu’une certaine connivence se soit instaurée entre ces acteurs de l’industrie pharmaceutique si l’on en croit les conclusions d’une enquête approfondie menée par la Commission européenne dans ce secteur où la transparence ne semble pas toujours être au rendez-vous. Les grands laboratoires qui mettent au point les molécules princeps, protégées par un brevet durant une période donnée, pourraient avoir tendance à payer les fabricants de génériques pour qu’ils retardent l’arrivée sur le marché de leurs copies lorsqu’ils y sont enfin autorisés. De telles pratiques se feraient, bien entendu, au détriment des consommateurs, privés de médicaments à moindre coût limités durant une période plus longue que celle prévue par la législation relative aux brevets. Réelle volonté de défense de l’accès aux soins et transparence dans le secteur de la santé ou simple rideau de fumée politique, les instances européennes font preuve ces derniers mois d’un esprit fort critique à l’égard de l’industrie pharmaceutique. À une époque où les budgets se resserrent et où Internet aide les citoyens à déjouer bon nombre de tentatives de désinformation, il est possible que les doutes sur des manipulations relatives à la pandémie de grippe A(H1N1) ne soient pas étrangers à ce nouvel état d’esprit

Autre sujet d’intérêt pour les responsables européens, les récents travaux de l’European Healthcare Fraud & Corruption network (EHFCN), réseau européen s’intéressant à la fraude et à la corruption dans les soins de santé, qui ont fait l’objet d’un rapport intitulé The financial cost of Healthcare fraud, ce qui en français peut se traduire par « Le coût financier de la fraude dans les soins de santé ». Selon ces données, la fraude et les erreurs d’organisation dans le domaine des soins de santé représentent un montant de 180 milliards de dollars par an, soit 5,59 % des dépenses mondiales annuelles de santé. Grâce à cet argent, il serait possible en un an d’approvisionner en eau propre et sûre tous ceux qui en ont besoin de par le monde, de contrôler le paludisme en Afrique, de vacciner 23,5 millions d’enfants de moins d’un an contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche (qui tuent chaque année 2,5 millions d’entre eux) et de quadrupler le budget annuel de l’Organisation mondiale e la santé et de l’Unicef…
Ce sont sur des chiffres solides que se sont basés les enquêteurs de l’EHFCN, aidés par du personnel de chez MacIntyre Hudson LLP et du centre de lutte contre la fraude à l’université de Portsmouth, pour calculer cette estimation annuelle des fraudes qui ne sont pas mises au jour par les différents organismes qui en sont victimes. Le montant des fraudes détectées n’a pas été pris en compte, puisqu’elles font, pour la plupart, l’objet de procédures de recouvrement. Il est intéressant de noter qu’il a parfois fallu beaucoup de persévérance aux auteurs du rapport pour arriver à leurs fins, car les dirigeants des organismes spoliés n’ont pas toujours intérêt à ce que l’ampleur des fraudes soit estimée. Il en va de la crédibilité de leurs services de contrôle et de la qualité de leur travail.

Le constat est sans appel : tous les pays sont concernés. Qu’il s’agisse d’arrêts de travail injustifiés, de médecins ou de patients faisant de fausses déclarations à leur assurance-maladie pour être abusivement remboursés, d’opticiens falsifiant les résultats de leurs examens de vue, les fraudes sont polymorphes. En Europe, ce sont 56 milliards de dollars qui disparaissent ainsi chaque année, au détriment de l’assurance-maladie et des autres organismes. De tels chiffres prouvent à quel point il est nécessaire de renforcer les contrôles si l’on veut éviter que plus de 5 % des budgets annuels de santé ne servent à autre chose qu’à améliorer la qualité des soins et des prestations fournies.

Enquête européenne sur les dessous de la vaccination contre la grippe A(H1N1)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'argent des vaccinationsAprès une période de psychose savamment orchestrée, nombreuses sont les voix qui réussissent enfin à se faire entendre pour dénoncer des incohérences dans la gestion de la grippe A(H1N1) à travers le monde. Face à ces interrogations, dont celle du Dr Wolfgang Wodarg, membre de la sous-commission pour la santé au Conseil de l’Europe, cette instance européenne a décidé de charger une commission d’enquête de s’assurer que la gravité de la pandémie de grippe A(H1N1) n’a pas été plus ou moins volontairement surestimée par les experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par ceux de plusieurs gouvernements, les liens de ces scientifiques avec l’industrie pharmaceutique commençant à être mieux connus.

Médecin, spécialiste en santé publique, en épidémiologie et en économie de la santé, Wolfgang Wodarg a convaincu tous ses collègues du Conseil de l’Europe habilités à voter pour la mise en place de cette commission d’enquête en leur expliquant qu’ « afin de promouvoir leurs médicaments brevetés et leurs vaccins contre la grippe, les compagnies pharmaceutiques ont influencé les scientifiques et les organismes officiels, responsables des normes de santé publique, pour qu’ils fassent peur aux gouvernements du monde entier ». Cette manipulation aurait fait, selon lui, « gaspiller les ressources de santé déjà serrées dans des stratégies vaccinales inefficaces, et inutilement exposer des millions de personnes en bonne santé aux effets secondaires de vaccins insuffisamment testés ». Les affirmations de ce député du Parti social-démocrate allemand (SPD), qui s’est appuyé sur de nombreux faits montrant que l’indépendance des experts pouvait être mise en doute, n’ont, semble-t-il, pas eu de mal à emporter la conviction des élus des différents pays siégeant au Conseil.

L’OMS est tout particulièrement mise en cause par le député allemand. Que, Klaus Stöhr, ancien chef du programme de vaccination contre la grippe aviaire de l’Organisation mondiale de la santé, ait rejoint la direction de Novartis et soit maintenant en charge de la commercialisation d’un vaccin contre la grippe A(H1N1) n’est pas fait pour arranger les choses. D’autant que, dans le même temps, Margaret Who, directrice générale de l’OMS, qui a parcouru la planète sans relâche ces derniers mois pour répéter partout à quel point il était important de se faire vacciner tant cette grippe était dangereuse n’a fini par se faire immuniser que le 30 décembre 2009, soit un jour après une conférence de presse au cours de laquelle elle avait été obligée de reconnaître qu’elle ne l’était pas… L’OMS qui a changé la définition de “pandémie” à l’occasion de la grippe A(H1N1), en abandonnant des critères comme l’apparition simultanée de multiples foyers, la grande morbidité et le taux de mortalité élevé d’une maladie, pour déclarer l’état d’urgence et donner le feu vert aux laboratoires pharmaceutiques pour lancer la production de vaccins, comme l’a fait justement remarquer le Dr Tom Jefferson du Cochrane Institute.

Il n’est pas question de nier que la grippe A(H1N1) est à l’origine de nombreux décès dans le monde entier, mais bien de remettre en cause les mécanismes qui l’ont présentée comme une grippe bien plus meurtrière que celles que l’on appelle “saisonnières” et qui font plusieurs centaines de milliers de victimes chaque année dans le monde, à un moment où une crise financière mondiale risquait d’ébranler l’industrie pharmaceutique.
D’énormes intérêts sont en jeu, tant économiques que gouvernementaux, et il va être très intéressant de suivre l’évolution des différentes investigations menées par des institutions que l’on peut espérer, pour certaines, indépendantes.

 

Pour ceux que le sujet intéresse :
Pharmacritique
Theflucase

Grippe A : moins de vaccins pour plus de médecins

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La grippe A à la Une du JTC’est rarement sur les chaînes de télévision du service public que les décisions politiques importantes sont annoncées ces derniers temps et Roselyne Bachelot n’a pas dérogé à la règle, le 4 janvier 2010, en profitant de l’audience du 20 heures de TF1 pour annoncer deux mesures importantes dans la lutte que mène le gouvernement français contre la grippe A(H1N1).

Après avoir lié l’Hexagone à l’industrie pharmaceutique en passant des contrats pour 94 millions de doses de vaccins, soit 10 % des commandes mondiales, pour un montant total de 869 millions d’euros, le ministre de la santé a fait savoir qu’elle avait donné instruction au directeur général de l’Établissement public de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) de résilier unilatéralement, pour motif d’intérêt général, les commandes de vaccins contre la grippe A(H1N1) à hauteur de 50 millions de doses (32 millions doses pour la société GSK, 11 millions pour Sanofi-Pasteur et 7 millions pour Novartis). Il serait, en théorie, question d’une économie de 350 millions d’euros, mais, dans les faits, c’est oublier un peu vite que, même si les vaccins n’avaient pas été livrés et payés, l’État a bien signé des engagements. Le communiqué de presse du ministère de la santé à ce sujet montre bien que tout ne va pas être aussi simple et qu’il n’y a aucune raison pour que l’industrie fasse des cadeaux aux pouvoirs publics : « En application de cette instruction, l’EPRUS mène actuellement des discussions avec les industriels pour dénouer juridiquement les éléments résiliés des contrats passés sous le régime du code des marchés publics. » Dans le cadre de ces contrats administratifs, il est vraisemblable que le droit aux indemnités des cocontractants s’applique, rendant ainsi les économies bien moins substantielles que ce que l’on nous laisse entendre… Pour toujours plus de transparence et pour la sérénité des intervenants, le montant de ces indemnités ou des modalités des divers arrangements qui ne manqueront pas de survenir ne seront sans doute jamais portés à la connaissance des contribuables français.

Autre annonce d’importance : les cabinets de médecins libéraux qui sont volontaires pour vacciner des patients devraient pouvoir le faire fin janvier 2010. Il en avait été question à la mi novembre, mais une véritable cacophonie gouvernementale avait suivi cette annonce. Ce n’est qu’une fois le pic pandémique passé et au moment où la France revend ses excédents de vaccins à l’Iran et à d’autres pays que cette possibilité va être offerte aux généralistes. Les problèmes de conditionnement semblent ne plus être un obstacle au déploiement des produits.
Les centres de vaccination ne fermeront pas pour autant et les mesures visant à vacciner dans les entreprises et dans les grandes administrations continueront à s’appliquer, car ces offres parallèles évitent à l’assurance-maladie d’avoir à rembourser une consultation.
Restera-t-il encore des Français motivés ? Y aura-t-il encore des généralistes volontaires, si tant est qu’il y en ait eu à l’exception de quelques leaders syndicaux ? Tout cela est-il encore utile ? La campagne de vaccination étant prévue pour durer jusqu’en septembre 2010, d’après Roselyne Bachelot, il y a tout lieu de le croire, surtout si, dans certaines maternités, des mesures, comme celles consistant à interdire l’accès à leur bébé à des pères non vaccinés, perdurent…

 

Aucun lien entre le tabac et le cancer

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Les poumons des fumeursC’est le 2 novembre 2009 que le chef de l’État a présenté un nouveau plan cancer. Alors que le déficit budgétaire s’élèvera à plus de 117 milliards d’euros en 2010 d’après la loi de finances, le président de la République a annoncé que 750 millions d’euros seraient consacrés à des dépenses nouvelles sur 4 ans (soit moins de 200 millions par an) en matière de cancer. Trois objectifs : l’excellence des soins ; réduire les inégalités face à la maladie ; vivre après le cancer.
20 % de spécialistes en plus en oncologie, en radiothérapie ou en hématologie à l’horizon 2013, telle est l’une des volontés affichées de ce plan cancer. 15 % du budget de la recherche devrait être alloué à l’étude des risques environnementaux afin de mieux appréhender les risques émergents.

C’est pour cette raison que quand, tout juste une semaine plus tard, le gouvernement et les députés de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), sous la bannière du Président, font bloc pour que la hausse du tabac soit limitée à 6 %, alors que seule une augmentation de 10 % a un véritable impact en santé publique, il est logique de penser que le tabac et le cancer ne doivent pas être liés. À moins que certains ne pensent qu’il est plus intéressant de collecter les taxes sur le tabac ou les bénéfices sur les ventes plutôt que d’éviter aux citoyens d’avoir un cancer, et que d’autres estiment qu’il est bon pour l’emploi au sein de l’industrie pharmaceutique de pouvoir continuer à vendre de coûteuses chimiothérapies, il y a des décisions difficiles à comprendre.
La répartition des recettes liées à cette augmentation du prix du tabac est intéressante : 80 % pour l’État ; 11 à 12 % pour les fabricants, satisfaits par cette décision, ce que l’on peut comprendre en cette période de crise pour les ménages et de nombreuses petites et moyennes entreprises ; 6 % pour les buralistes, dont le chiffre d’affaires a augmenté depuis 2004, et le reste pour la société qui distribue le tabac.
Cette hausse représente 50 millions d’euros pour les buralistes, en plus des 162 millions reçus chaque année au titre du contrat d’avenir. Sur quatre ans, s’il n’y a pas de nouvelle hausse d’ici là, cela représente 698 millions d’euros…

Il y a d’autres raisons de croire que le tabac et le cancer, ou la santé tout simplement, ne sont pas liés : les avis du ministre de la santé, Roselyne Bachelot, ne sont pas suivis. Elle souhaitait une augmentation du prix du tabac de 10 %, c’est le chiffre de 6 % qui a été retenu. Elle souhaitait des photos-chocs de grande taille sur les deux faces des paquets de cigarettes, ce n’est qu’une image de petite taille sur le seul verso du paquet qui sera présente.
Le président de la République aime à donner la France en exemple quand elle fait mieux que ces voisins, mais pour le tabac, il semble préférer que l’Hexagone fasse tout simplement la même chose que les autres états membres… Encore une fois, pas question de mécontenter le « premier réseau français de service de proximité », comme aiment à se faire appeler les buralistes. Alors que les émissions de décoration d’intérieur font fureur, ces commerçants ne voulaient pas voir leurs rayonnages ressembler « à des salles mortuaires ». On ne sait jamais, cela aurait pu faire chuter leurs ventes, peu importe l’épidémie de tabagisme

Pour la grippe A, il n’aura fallu que l’avis de quelques experts, dont les déclarations d’intérêts étaient, pour certains, confuses au moment du choix, pour débloquer un milliard d’euros pour une maladie infectieuse que l’on a très vite su moins meurtrière que la grippe saisonnière. Pour le cancer, dont les facteurs de risque et la mortalité sont documentés depuis de nombreuses années, 750 millions d’euros sur quatre ans seront suffisants…