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Rapport d’enquête sur la grippe A(H1N1) : l’honneur est sauf

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Le rapport d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) a été rendu public le 13 juillet 2010 par l’Assemblée nationale. Pour réaliser ce travail, une « commission d’enquête, composée de trente représentants de tous les groupes politiques de l’Assemblée a procédé à cinquante-deux auditions entre le 31 mars et le 6 juillet 2010 pour entendre soixante-quinze personnalités de tous horizons : scientifiques et experts, représentants des personnels de santé, responsables d’établissements publics et d’administrations centrales et déconcentrées, représentants des collectivités locales, corps de contrôle de l’État, industriels pharmaceutiques, représentants d’instances européennes ou encore journalistes. » Seule l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a refusé de participer à ces auditions, même si dès le début de ce rapport il est précisé qu’il n’avait pas pour but d’être politiquement incorrect et qu’il n’a jamais été question d’analyser en profondeur « sur le rôle de l’Organisation mondiale de la santé et notamment de ses experts, la façon d’être ou de trouver plus expert que les experts, la question des liens d’intérêts susceptibles d’exister entre experts et laboratoires, les plans de continuité d’activité, l’efficacité et les modalités d’utilisation des antiviraux ou la pertinence des procédures d’autorisation de mise sur le marché retenues pour les vaccins pandémiques. »Vaccination à la chaîne

Très rapidement à la lecture de ce rapport, les responsables du résultat décevant de cette campagne de vaccination semblent être désignés : « En effet, si l’appareil d’État s’est globalement remarquablement mobilisé […], les professionnels de santé puis les Français n’ont pas adhéré aux objectifs de la campagne de vaccination. » En clair, l’État a bien travaillé, mais à cause des médecins et des infirmiers libéraux, comme l’indique un peu plus loin le rapport, les citoyens n’ont pas suivi des consignes que les députés estiment avoir été totalement légitimes. Les uns et les autres n’ont pas fait preuve d’un sens de l’intérêt collectif… Ce manque de confiance s’explique aussi par « un véritable brouillard médiatique ». Mais l’honneur est sauf, car malgré ce manque de rigueur de la population, la France n’a pas fait moins bien que de nombreux autres pays.

Pour les enquêteurs de l’Assemblée nationale, c’est le principe de précaution qui devait prévaloir. La vaccination massive de la population était justifiée et la négociation des contrats de commande de vaccins dans des conditions délicates explique les agissements du ministre de la santé, mise en difficulté uniquement en raison du caractère « facétieux », selon ses propres termes, du virus.

En pleine crise de confiance de l’opinion publique vis-à-vis de la classe politique suite à de récentes affaires financières mettant en cause des membres du gouvernement ou des élus de tous bords, de telles conclusions ne sont pas surprenantes. Comment imaginer que les députés en charge d’une telle commission d’enquête puissent asséner de nouveaux reproches à leurs pairs dans une telle situation ? Même si ce rapport est censé donner des pistes pour la gestion d’une future crise sanitaire, il donne l’impression d’être là avant tout pour enterrer les dysfonctionnements, pour mettre sous le tapis les soupçons de conflits d’intérêts et pour redorer le blason des autorités sanitaires et du ministre de la santé.

Mais tout n’est pas si simple. Par exemple, personne ne sait exactement qui a été vacciné alors qu’une traçabilité sans faille avait été promise par les autorités de santé… Le nombre estimé d’individus ayant été immunisé est de 5,7 millions, donnée estimée à partir des “coupons” de vaccination récupérés par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Malheureusement, « environ 350 000 coupons ne peuvent toutefois être traités statistiquement, soit par manque d’informations, soit parce qu’ils sont illisibles »…
Le coût de la campagne est estimé à plus de 668 millions d’euros, une bonne nouvelle selon la commission d’enquête, car deux fois moins élevé que les prévisions initiales. Mais là encore, ces chiffres ne sont pas fiables et pourraient être revus à la hausse : « la procédure de résiliation des marchés n’a pas totalement abouti avec l’un des trois laboratoires concernés, d’autres postes de dépenses restant à ce stade évaluatifs, en particulier celui de l’indemnisation des professionnels réquisitionnés pour assurer la vaccination dans les centres. » Le laboratoire GlaxoSmithKline réclame plus de 108 millions d’euros à l’État pour rupture de contrat alors que les autorités estiment n’en devoir qu’un peu moins de 36 millions. La bonne nouvelle semble donc largement prématurée…
Malgré l’annulation des contrats, il existe un excédent de près de 21 millions de doses de vaccins qui dorment dans des entrepôts et près de 3,46 millions de doses de vaccins mises en circulation ont été jetées ou mises au rebut (à comparer aux 5,7 millions de personnes vaccinées). Comble du gâchis, presque 4 millions de doses arrivent à péremption en octobre 2010…
Si des retards de paiement des professionnels de santé “volontaires” sont mentionnés par le rapport, il ne semble pas exister de retard relatif à l’indemnisation des personnels administratifs. Le coût pour les professionnels de santé est estimé à 50 millions d’euros, peut-être un peu plus, celui pour le personnel administratif est chiffré à plus de 68 millions d’euros… Quant au coût du dispositif des bons de vaccination, il est estimé à plus de 48 millions d’euros et celui de la campagne de communication à plus de 10 millions.

Même si ce travail n’avait pas pour but de s’intéresser à l’indépendance des experts, les députés se sont évertués à les blanchir : « La question qui se pose n’est pas celle de l’indépendance des scientifiques auxquels il a été fait appel – qu’on serait d’ailleurs bien en peine de remplacer par des personnalités de compétences équivalentes –, mais celle de la profusion de leurs avis, à des stades divers de la pandémie, et de l’articulation de ces expertises entre elles. »

Comme il est reconnu qu’il serait préférable de « favoriser le recours à la médecine ambulatoire parallèlement à des centres de vaccination spécifiques en cas de campagne de vaccination pandémique » contrairement à ce qui a été fait, les députés proposent d’ « inscrire dans le champ des conventions nationales liant l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé les conditions d’exercice de la vaccination pandémique. » Il est aussi question d’ « entamer une concertation entre les agences régionales de santé et les représentants des professionnels de santé, en particulier les unions régionales et les conseils des ordres, pour inscrire dans les schémas régionaux d’organisation des soins les modalités concrètes de recours à la médecine ambulatoire pour une vaccination pandémique. »

Les députés qui apprécient tant les micros lorsqu’ils ont un message à faire passer, n’ont visiblement pas apprécié le traitement médiatique réservé à la grippe A(H1N1). Avec le recul, plutôt que de féliciter les professionnels de santé qui n’ont pas encouragé leurs concitoyens à se faire vacciner, l’heure semble plutôt aux reproches à leur égard et aux médias qui leur ont donné la parole. Internet est aussi montré du doigt. La liberté d’expression ne semble pas présenter que des avantages pour les membres de la commission d’enquête…

À aucun moment, la commission d’enquête n’a estimé que la clairvoyance avait été du côté de ceux qui avaient milité contre cette campagne de vaccination massive au regard des données scientifiques dont ils disposaient, et non pour des raisons idéologiques discutables, et semble même reprocher aux professionnels de santé de ne pas avoir suivi la ligne de conduite fixée par le gouvernement après avoir recherché des informations dans la presse spécialisée ou sur les sites internet des institutions sanitaires. Il est vrai qu’à force d’imposer aux professionnels de santé telle ou telle mesure favorisant les économies de santé au détriment de la santé publique sans réelle réaction de ces derniers, on peut comprendre que des députés puissent être surpris de découvrir un esprit critique, une cohésion et une capacité à désobéir chez ces mêmes professionnels…

Réquisition et vaccination : les bonnes pratiques rappelées aux préfets

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Réquisition et vaccinationSi l’on en croit les propos du ministre de l’intérieur et du ministre de la santé, lors du point presse hebdomadaire sur la pandémie grippale, les préfets négligent les circulaires qui leur sont envoyées. Il arrive qu’ils les mettent « sous la pile », une pile très épaisse, puisqu’au bout de deux mois elles ne sont toujours pas au sommet de celle-ci et qu’une nouvelle circulaire, sur le même sujet, soit nécessaire… C’est exactement ce qui est arrivé, d’après Roselyne Bachelot, à la circulaire du 1er octobre 2009 ayant pour objet la mobilisation des professionnels de santé / virus A(H1N1), qu’elle a cosigné avec le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, et c’est pour cette raison que des services hospitaliers ont été désorganisés ou des étudiants infirmiers réquisitionnés la veille de leurs examens

Une nouvelle circulaire a donc été envoyée aux préfets toujours en charge d’atteindre les objectifs gouvernementaux en matière de vaccination, même si le ministre de l’intérieur a rappelé qu’il n’y avait aucune obligation de résultat dans ce domaine, pour leur rappeler les « bonnes pratiques ». Il convient de « respecter l’ordre de priorité des professionnels à mobiliser pour respecter la médecine de ville » et de « s’appuyer sur les listes fournies par les établissements de santé », car les directeurs de ces établissements « sont les mieux à même de savoir quels sont les professionnels que l’on peut mobiliser » à un moment ou à un autre pour perturber le moins possible les services. Pas question de « réquisitionner les professionnels de santé plus de deux fois par semaine », de ne pas respecter les périodes d’examen des étudiants ou de mobiliser les médecins du travail des établissements de santé, car ils sont là pour vacciner les patients hospitalisés, les familles des soignants et les soignants qui ne sont pas encore vaccinés, si l’on est un “bon” préfet.
Rien sur le volontariat des étudiants infirmiers ou des internes en médecine qui est pourtant bien présent dans la circulaire du 1er octobre 2009. Les témoignages de ces jeunes médecins et infirmiers semblent indiquer qu’ils sont présumés “volontaires”… Ils ne sont pas les seuls puisque de nombreux médecins témoignent de leur désignation d’office pour être “volontaires”.

Mieux vaut d’ailleurs être un bon serviteur de l’État en cette période de pandémie si l’on ne veut pas se voir confier de nouvelles fonctions. La grippe A(H1N1) ne se contente de toucher le vulgum pecus, elle a aussi fait une victime chez les hauts fonctionnaires. Le directeur de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de Paris, Philippe Coste, va être muté au sein du ministère de la santé en raison de “dysfonctionnements” dans des centres de vaccination contre la grippe A(H1N1) à Paris. Les plages horaires n’ont pas été respectées et les Français sont tellement désireux de se faire vacciner que de tels manquements auraient sans doute pu conduire à des émeutes… Pour la ministre de la santé, il ne s’agit là que du simple management de ressources humaines.

La période des fêtes de fin d’année risquant d’être un peu délicate pour ce qui est des réquisitions, le samedi 26 décembre 2009 et le samedi 2 janvier 2010 seront considérés comme des jours fériés. Les agents de l’État seront ainsi mieux payés pour les tâches administratives qu’ils seront amenés à effectuer à ces moments là.
Pour les libéraux, pas question de faire des réservations à la montagne ou à l’étranger pour la fin décembre puisque « les préfets pourront augmenter le nombre de médecins traitants qui assurent la permanence des soins dans les secteurs qui le nécessitent sur la période de fin d’année » ou en « renforçant les centres 15 » dans le secteur de la régulation. Il n’est pas question de volontariat pour ces missions et la ministre insiste sur le fait que cela aura pour les praticiens concernés une implication en terme de rémunération. Veut-elle dire qu’un médecin généraliste en vacances ne gagne pas d’argent et que le réquisitionner équivaut à lui rendre service en l’obligeant ainsi à percevoir des honoraires ?

Roselyne Bachelot, après avoir chaleureusement remercié les médecins libéraux “volontaires” qui ont accepté de participer à la campagne de vaccination, a reconnu qu’un grand nombre d’entre eux refusaient de vacciner. C’est un élément sur lequel la communication se fait peu et il est intéressant de le noter.

Dernière information de cette journée, le quotidien Les Échos parle d’une rémunération des internes doublée le dimanche et en semaine après 18 heures (66 euros bruts de l’heure au lieu de 33 euros), comme celle des élèves infirmiers.
Toujours rien concernant la rémunération des médecins et des infirmiers, le soir et le dimanche ou le reste du temps d’ailleurs, puisque, à notre connaissance, leurs conditions précises de liquidation n’ont toujours pas été fixées par la ministre de la santé. Par contre, contrairement aux heures supplémentaires des agents de l’État, les rémunérations de l’ensemble des personnels de santé des centres de vaccination sont imposables au titre de l’impôt sur le revenu et soumises à cotisation sociale selon le régime de droit commun.