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Interopérabilité des systèmes informatiques de santé européens

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

système d'information de santéLe conseil national de l’ordre des médecins français a organisé, le 5 décembre 2008, une table ronde sur l’interopérabilité médicale dans l’Union européenne. Intéressante question à l’heure où les systèmes de soins et d’information de santé sont différents selon les pays.

Trois heures de discussions consensuelles sur la nécessité de développer l’échange de données entre les différents systèmes de santé, émaillées de plusieurs informations pleines de bon sens. L’interopérabilité des systèmes est au coeur de palabres depuis plus d’une dizaine d’années, mais il n’existe pas d’annuaire fiable pour qu’un médecin urgentiste puisse envoyer par mail le compte-rendu de son intervention à domicile au médecin traitant d’un patient. Malgré de très nombreuses réflexions, l’absence d’un identifiant unique national pour un patient empêche des établissements de santé distants de quelques mètres de partager des résultats de biologie.

De nombreuses promesses ont été faites durant les débats par les différents intervenants. Marthe Wehrung, directrice du GIP-CPS, a rappelé que la carte de professionnel de santé (CPS) devrait être fusionnée à la carte professionnelle remise par l’ordre à ses membres. L’actuelle CPS, délivrée à 630 000 exemplaires (530 000 pour des libéraux ; 100 000 pour des hospitaliers), pourrait être entre les mains d’un million de praticiens à court terme. Prévue au départ pour la télétransmission, la CPS devrait être bientôt une clé de contrôle d’accès à des bases de données de l’assurance-maladie ou d’autres organismes ; un moyen de signer électroniquement des documents ; le moyen d’obtenir des habilitations au sein de systèmes informatisés, d’assurer la traçabilité ou de contrôler les informations relatives aux professionnels de santé. Un système non-contact est à l’étude pour les services hospitaliers afin d’éviter au médecin d’avoir à insérer sa CPS dans un lecteur avant de s’identifier à chaque fois qu’il souhaite enrichir le dossier d’un patient. Toutes ces solutions sont déjà à l’étude et on ne peut qu’être confiant sur la rapidité à laquelle elles seront mises en place quand on sait que la CPS est actuellement ressentie par de nombreux médecins sur le terrain comme une contrainte ou comme un frein au lieu d’être une aide.
L’avenir est dans les cartes. De nombreux projets sont déjà dans les tuyaux : carte ordinale européenne ; protocoles de soins intégrant des référentiels HAS contrôlés grâce à la carte du professionnel ; etc.
Tout cela fait rêver quand on sait que la carte de professionnel en formation, dont on parle depuis plusieurs années, n’est toujours pas au point à l’échelon national.

Le développement de l’interopérabilité se heurte au principe de subsidiarité selon plusieurs intervenants. En théorie, les États restent maître de leur politique de santé au sein de l’Union européenne. Tout le monde accepte que le commerce des dispositifs médicaux bafoue les mesures nationales de santé publique au nom de la libre concurrence, mais les États ont du mal à harmoniser des systèmes d’échange de données… On comprend qu’il soit plus important de privilégier le commerce quand on sait qu’il y a deux fois plus de morts par accidents médicaux en Europe que par accidents de la route ; des accidents médicaux qui pourraient être évités dans un très grand nombre de cas grâce à un système d’information uniformisé. Malheureusement, selon le représentant des entreprises des systèmes d’information sanitaires et sociaux (LESSIS), alors que les solutions techniques sont légion, c’est bien la volonté politique qui semble manquer. Malgré les effets d’annonce, très prisés des gouvernants, pilote et gouvernance ne suivent pas et il existe un cloisonnement entre les différents ministères.

La table ronde avait lieu dans les locaux du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), peut-être est-ce ce qui explique qu’André Loth, chef de la mission pour l’informatisation du système de santé (MISS), ait expliqué que faire de la tarification ne sert pas à soigner les patients et qu’il fallait avoir plus d’ambition pour l’interopérabilité que d’être un simple outil de contrôle des dépenses de la Sécurité sociale. Si lui l’a compris, il reste persuadé qu’il reste à convaincre tous ceux qui n’étaient pas présents ou représentés à cette journée d’échanges de l’intérêt de l’interopérabilité.

Jacques Lucas, vice-président du CNOM, chargé des systèmes d’information en santé, a déploré que des décisions soient prises sans demander l’avis des principaux utilisateurs que sont les praticiens. Il a insisté sur l’indispensable confidentialité, évoquée à plusieurs reprises au cours des discussions.

Enfin, il faut noter l’intervention courageuse de Gérard Comyn, chef d’unité, TIC pour la santé, INFSO Commission Européenne. Il n’a pas hésité à remettre en cause la pertinence du masquage des données par le patient. À quoi bon dépenser des millions d’euros pour revenir à la situation où le patient cache des informations qui vont conduire aux accidents médicaux déjà évoqués ? Le but n’est-il pas d’améliorer la qualité des soins et de sauver des patients ?
Le développement de solutions comme le dossier médical de Google montre que les patients sont bien moins frileux que ne le laisseraient penser les associations censées les représenter. Il suffit pour s’en convaincre de surfer sur des réseaux sociaux en ligne pour voir que de plus en plus d’Européens n’hésitent pas à livrer leur intimité sur la toile.

Il semble que les acteurs du secteur aient enfin pris conscience de la fracture qu’il existe entre les médecins « de base » et les différents acronymes qui gèrent la mise en place des systèmes informatiques de santé. Les praticiens sont demandeurs et sont nombreux à s’être investis dans des réseaux développant chacun leur solution logicielle. Reste à leur donner rapidement, au niveau national, des moyens modernes de soigner et de prendre en charge les patients. Pour les différents intervenants, la nomination de Jean-Yves Robin au poste de directeur du GIP-DMP, ce 5 décembre, va dans ce sens. Il faut espérer qu’il sache créer une interopérabilité entre les membres des différents projets…