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Des doutes sur les revues médicales à comité de lecture

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Evolution

Manipulation de la presse médicale ?Une enquête du magazine des sciences de la vie The Scientist, reprise par Pharmacritique, remet sérieusement en cause la fiabilité des revues d’un grand éditeur de la presse médicale. C’est la revue Australasian Journal of Bone and Joint Medicine (AJBJM) qui est à l’origine de cette affaire. Présentée comme une revue à comité de lecture, cette publication a, en fait, été créée et financée par un grand laboratoire pharmaceutique. Elle n’est pas la seule puisque d’autres publications dans la série des Australasian Journals of sont basées un principe assez semblable. Les laboratoires pharmaceutiques achètent des annonces publicitaires et obtiennent ainsi un puissant droit de regard sur la ligne éditoriale de la revue qui les intéresse. Pendant cinq ans, ces revues médicales n’auraient quasiment publié que des articles choisis et financés pour servir les intérêts de l’industrie, sous couvert de journaux présentés comme indépendants et impartiaux. Certains numéros ont même été distribués gracieusement à tous les généralistes australiens.

Si les médecins sont habitués à garder un oeil critique vis-à-vis des divers journaux et revues qu’ils reçoivent gracieusement, ils attachent plus de crédit aux revues à comité de lecture publiées par les grands éditeurs médicaux, surtout quand celles-ci bénéficient d’un impact factor. Les experts médicaux du monde entier et les juristes vont aussi régulièrement chercher leurs sources dans cette littérature scientifique pour estimer quelles sont les données acquises de la science. Contrôler le contenu éditorial de revues censées être indépendantes, c’est avoir le pouvoir d’influencer des prescriptions, des recommandations de bonne pratique et, parfois, la décision d’un magistrat ou d’une institution. Que les bureaux d’un grand éditeur médical se prêtent à de tels agissements pour voir augmenter son chiffre d’affaires fait planer un doute sur la crédibilité de ce système.

Les revues à comité de lecture sont l’un des pilliers de la diffusion du savoir auprès des professionnels de santé. Elles ont néanmoins certaines limites. Le phénomène de la littérature grise est l’une d’elles. Spontanément, certaines équipes préfèrent ne pas publier les résultats d’études n’étant pas favorables à un traitement dans ces revues pour ne pas avoir à subir la pression d’un laboratoire. Cette autocensure influence même les recommandations de bonne pratique, comme l’a montré un article du Lancet.
La médecine n’a pas encore son générateur automatique d’articles, comme c’est le cas pour l’informatique, mais elle a aussi son lot d’auteurs publiant de fausses études, acceptées par les comités de lecture. Scott S. Reuben, par exemple, chef de service d’un centre anti-douleur du Massachusetts, a utilisé de fausses informations dans ses recherches, publiées dans plusieurs journaux scientifiques entre 1996 et 2008, permettant à des médicaments contestés de rester en vente plus longtemps.

Face à de telles pratiques, il n’est pas certain que les cours de « lecture critique » mis en place au sein des facultés de médecine soient suffisants. Ils ont néanmoins le mérite de faire prendre conscience aux futurs praticiens qu’il faut toujours savoir remettre en question la parole de ses maîtres.