Articles tagués ‘justice’

Moins de médecins devant les tribunaux qu’il y a dix ans

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Evolution

poupée vaudou et courbe statistique

La judiciarisation croissante de la santé est une idée reçue : c’est ce que vient de prouver une étude d’Anne Laude, de Jessica Pariente et de Didier Tabuteau, membres de l’Institut droit et santé (IDS) dépendant de l’université Paris Descartes, publiée sous la forme d’un ouvrage intitulé La judiciarisation de la santé aux éditions Éditions de santé.

Arrêt maladie et congés payés

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique La forme, Perspectives

Épineuse question que celle du devenir des congés payés quand on est en arrêt de travail à cause d’un problème de santé, surtout lorsque celui-ci a tendance à s’éterniser. Si le droit à les conserver était entendu, la durée pendant laquelle cela était possible souffrait d’imprécision. Source de conflits avec certains employeurs, les affaires portées devant les tribunaux ne manquent pas à ce sujet. Nombreux étaient donc ceux qui attendaient avec impatience une décision de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière et, pour la première fois, dans un arrêt du 22 novembre 2011, celle-ci a considéré que le report des droits au congé annuel d’un travailleur en incapacité de travail pouvait être limité dans le temps par des dispositions nationales.

Affaire Mediator : de plus en plus de médecins entendus par la police

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et menottes« Depuis quelques jours certains médecins sont convoqués devant les services de police à Amiens, Montpellier, dans le Berry, le Cantal … pour interrogatoire au sujet de leurs prescriptions hors AMM de Benfluorex (Mediator®). » C’est ainsi que commence la lettre d’information de la cellule juridique de la Fédération des médecins de France (FMF) du 29 octobre 2011. Selon cette dernière, c’est le juge en charge du dossier mettant en cause le laboratoire Servier suite à l’affaire du Mediator qui, depuis son bureau de Nanterre, serait à l’origine de ces convocations.

Les praticiens entendus par la police n’ont, semble-t-il, pas été choisis au hasard. Ils auraient tous subi ces dernières années un contrôle du service médical des caisses d’assurance-maladie traitant leurs prescriptions de Benfluorex hors AMM (autorisation de mise sur le marché) au motif qu’ils n’avaient pas inscrit « NR » sur celles-ci. En effet, la mention « NR », abréviation de « Non remboursable », permet d’indiquer aux services de la Sécurité sociale que le produit délivré n’a pas à être pris en charge puisque prescrit pour un usage sortant du cadre de son autorisation de mise sur le marché et hors de tout accord préalable ou disposition particulière en prévoyant malgré tout le remboursement. Pouvant identifier assez facilement les patients souffrant de diabète grâce à leur prise en charge liée à l’affection de longue durée (ALD), il n’est pas très difficile pour la Sécurité sociale de suspecter la prescription hors AMM et non remboursable d’un antidiabétique, connu pour être utilisé comme coupe-faim, en étudiant les dossiers des assurés. Une fois les indus mis en évidence et après avoir entendu le praticien, l’assurance-maladie a la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre du médecin au regard des griefs initialement notifiés si elle estime qu’il y a abus. C’est alors à la section de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre, dite section des affaires sociales, qu’est confiée l’affaire (art. L 145-1 du code de la Sécurité sociale).
Selon la FMF, tous les médecins actuellement entendus par la police au sujet du Mediator dans les régions précédemment citées avaient fait l’objet ces dernières années d’une procédure devant la section des affaires sociales de leur conseil régional de l’Ordre suite à l’absence de mention « NR » sur des prescriptions de Benfluorex hors AMM. Ce serait par le biais d’une commission rogatoire lui permettant d’obtenir du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) la liste des médecins ainsi poursuivis que le juge de Nanterre a pu remonter jusqu’à eux.

D’après la Fédération des médecins de France, aucun des médecins entendus n’a, pour l’instant, été mis mis en examen. Rien ne dit qu’ils le seront, même s’il leur est conseillé d’être prudent. Ces médecins savaient-ils qu’ils mettaient en danger la vie des patients alors que les effets délétères du Benfluorex ne figuraient pas sur sa notice jusqu’à son retrait du marché en 2009 ? Ont-ils fait preuve de négligence ? Ont-ils vraiment omis d’informer les malades des risques à utiliser un médicament hors AMM ? Ou ont-ils plutôt été trompés par le discours du laboratoire et de sa force de vente ? On peut penser que c’est cette dernière hypothèse que le juge cherche à confirmer étant donné les circonstances. Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment. La justice est censée travailler en toute indépendance et peut demander à entendre les personnes susceptibles de l’éclairer.

Pour la FMF, « l’avenir des prescriptions hors AMM en France en sera à jamais affecté. » Il est vrai que, jusqu’à cette affaire, les médecins n’avaient pas pris conscience à quel point leur responsabilité est engagée lorsqu’ils prescrivent une spécialité hors AMM. Si beaucoup le font bien souvent sans le savoir, de nombreux médicaments étant utilisés depuis des dizaines d’années, sans aucun souci, pour le traitement ou le diagnostic de pathologies pour lequel ils n’ont pas l’AMM, il est possible que certains abusent de ce type de prescription par complaisance ou par intérêt. Si les premiers n’ont pas à être condamnés, les seconds ne doivent pas s’étonner d’être inquiétés.

L’utilisation hors AMM est une pratique que l’on trouve choquante quand une affaire comme celle du Mediator survient, mais qui est pourtant couramment utilisée par les Français quand il est question d’automédication. C’est aussi une pratique qui fait évoluer l’AMM de certains produits lorsqu’à l’usage, l’expérience montre qu’ils peuvent soigner un problème de santé pour lequel ils n’avaient pas été initialement prévus.

Qui est responsable dans l’affaire du Mediator ? Le laboratoire ? Les autorités de santé et leurs tutelles ? Les médecins ? Les patients ? Si la réponse à cette question est évidente pour chacun, elle n’est pas prête de faire l’unanimité. Il faut juste espérer que la justice triomphera avant que ce scandale ne soit oublié…

Une France sans nuage

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Nuage radioactifLes frontières naturelles ou politiques de notre territoire n’ont pas empêché les légions romaines, les Huns ou les Vikings de fouler nos verts pâturages. La ligne Maginot, elle-même, n’a pas réussi à repousser l’envahisseur teuton. Mais en 1986, un gouvernement a réussi à interdire l’entrée du territoire à un nuage radioactif venant de Tchernobyl ! Il aura suffi de quelques décisions dans les salons feutrés de la République pour que cette page de l’Histoire de la France soit écrite. Les salades, les champignons, le lait français n’ont pas été contaminés par les retombées, évitant aux forces vives de l’agriculture et du commerce nationales quelques mois sans profits. Des élus courageux ont su dire “non” à ce nuage sournois qui avait réussi à faire interdire la consommation de ces produits dans les pays voisins de l’Hexagone au nom de la santé publique. Il y a quelques siècles, ce phénomène aurait été qualifié de miracle et les décideurs sanctifiés, mais, de nos jours, il n’est question que de la gestion responsable d’un nuage de particules radioactives francophobes que les autorités ont menée avec brio…

Le grand public découvrait à peine Internet quand, le 26 avril 1986, le réacteur flambant neuf d’une centrale nucléaire ukrainienne partit en fumée. Pas de réseaux sociaux, pas d’accès à des sources d’information indépendantes, seuls les journaux télévisés de deux grandes chaînes de l’époque (le 19/20 de FR3 n’a commencé que le 6 mai 1986) et les grands quotidiens, habitués à taire grands et petits secrets d’État, étaient là pour apporter la bonne parole à une population naturellement inquiète. Les fidèles de la grand-messe du 20 heures ne pouvaient pas douter du professionnalisme de journalistes tels que Marie-France Cubadda ou Jean-Claude Bourret pour TF1, Bernard Rapp ou Claude Sérillon pour Antenne 2, sur les plateaux desquels les experts gouvernementaux se succédaient pour expliquer que tout allait bien.

Dans un pays dont les dirigeants successifs avaient fait le choix du nucléaire et souhaitaient vendre sa technologie, pas question de penser que cette énergie pouvait comporter des risques pour le territoire national. D’autant plus que la France n’était (et n’est toujours) pas un pays où l’on pouvait imaginer que des malfaçons touchent une centrale nucléaire, comme c’était le cas pour la centrale de Tchernobyl. Impossible aussi de croire qu’une série d’erreurs humaines puissent entraîner la destruction de toutes les coques de protection mises en place et que la santé de tout un chacun puisse être menacée à 2000 kilomètres du lieu d’une telle catastrophe alors que la centrale la plus proche de Paris ne s’en situe qu’à quelques dizaines de kilomètres. Tout cela ne pouvait arriver (n’arrive et n’arrivera) qu’aux autres. C’est ce que se sont sans doute dit, en toute bonne foi, les ministres de l’époque.

D’ailleurs, la cour d’appel de Paris vient de leur donner raison. C’est en toute logique qu’elle a prononcé un non-lieu, le 7 septembre 2011, dans la seule affaire dans laquelle ce fameux nuage faisait de l’ombre au seul responsable poursuivi : le professeur Pierre Pellerin, 88 ans, ancien responsable du service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI). Un homme courageux qui a dû se rendre au tribunal n’ayant pas la chance de pouvoir rester chez lui faute d’être atteint d’anosognosie, mieux conservé en cela que le premier ministre de l’époque, Jacques Chirac, à qui l’on reprochait d’avoir dit que les retombées radioactives épargnaient la France. Il n’est pas nécessaire de poursuivre une enquête qui n’aboutira à rien puisque les analyses scientifiques, en France, ne permettent pas d’établir un lien entre le passage du nuage radioactif et des maladies de la thyroïde, comme le soulignaient les recommandations du Parquet.
Face à une telle injustice, ne faut-il pas conseiller au professeur Pellerin de porter plainte à l’encontre de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui en 2006 a publié des cartes montrant les zones du territoire national les plus exposées aux retombées de césium 137 ? Ne faut-il pas encourager ce scientifique à traîner en justice l’endocrinologue corse qui a osé suggérer une augmentation du nombre de cas de pathologies de la thyroïde après 1986 sur l’île de Beauté, particulièrement touchée ? Tout comme les laboratoires Servier ont réussi à faire condamner l’éditeur du Docteur Irène Frachon pour la couverture du livre dans lequel elle dénonçait le scandale du Mediator, Pierre Pellerin pourrait sans doute obtenir justice…

Mais en attendant, il faut rendre hommage aux hommes et aux femmes qui géraient les affaires de la France à cette époque, car ils ont su faire preuve de sang-froid face à ce nuage s’échappant d’un brasier atomique. Il est important de citer quelques-uns de ses élus que l’on ne remercie pas assez souvent : François Mitterand, alors président de la République ; Jacques Chirac, premier ministre, comme cela a déjà été dit ; Michèle Barzach, ministre de la santé ; Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur et bien d’autres ministres ou secrétaires d’État, comme Alain Juppé, Michèle Alliot-Marie, Gérard Longuet, André Santini et tous les autres.

Il faut se réjouir que, dans cette affaire, il n’y ait aucun responsable et aucun coupable, juste des “présumées” victimes. Il est vrai qu’après l’affaire du sang contaminé et de ses « responsables, mais pas coupables », qui avait touché le gouvernement sortant (celui de Laurent Fabius, auquel appartenaient Georgina Dufoix et Edmond Hervé), une nouvelle mise en cause du pouvoir politique aurait été des plus malvenue. Elle n’aurait pas empêché les uns et les autres de poursuivre leur carrière au plus haut niveau, mais elle aurait pu entamer la confiance sans faille qu’ont les citoyens en leurs dirigeants.

Quelles leçons tirer de ce passé ?
Les accidents nucléaires ne peuvent survenir qu’à des milliers de kilomètres de la métropole, l’accident de Fukushima en est la preuve.
Les techniciens français, dont la compétence est reconnue dans le monde entier, sont à l’abri de toute erreur humaine.
Si les autorités japonaises ont été assez naïves pour croire d’une seule coque pouvait permettre de confiner un réacteur, les autorités françaises ne font pas la même erreur. Les centrales françaises sont à double coque et leurs systèmes de sécurité sont à toute épreuve. Les experts sont formels sur ce point, aussi sûrs d’eux que l’était le professeur Pellerin quand il parlait des retombées radioactives.
C’est uniquement grâce à l’efficacité du formidable système de santé français que le nombre de cancers de la thyroïde a augmenté après 1986. Pour les experts de l’Institut national de veille sanitaire (InVS), établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé qui a conseillé le gouvernement au moment de la grippe H1N1, c’est l’évolution des pratiques médicales qui a permis un meilleur dépistage de cette pathologie à l’origine de cette augmentation.
La justice française est des mieux armée et totalement indépendante pour gérer les affaires qui touchent à la santé publique, surtout lorsqu’elles s’accompagnent d’un volet politique.
Il n’y a pas eu de victimes de la catastrophe de Tchernobyl dans l’Hexagone grâce à des décisions gouvernementales, aussi discrètes que courageuses.

Douce France…

Mediator : premier procès en 2012

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Statue de la justiceLa justice se fait moins docile aux politiques au fil du temps et la décision prise par la Cour de cassation, contre l’avis du parquet, le 15 juin 2011 dans l’affaire du Mediator en est un nouvel exemple. Au nom de la « bonne administration de la justice », la Cour a rejeté le souhait du parquet de voir le dossier ouvert à Nanterre, suite à des citations directes délivrées par 150 plaignants, regroupé avec deux autres informations judiciaires ouvertes à Paris pour homicides involontaires et tromperie concernant 1 500 autres plaignants. Cette décision est lourde de conséquences puisque cela devrait permettre à un procès pour tromperie aggravée de se tenir au printemps 2012 dans les Hauts-de-Seine avec sur le banc des accusés les laboratoires Servier, sa filiale commerciale, son président fondateur Jacques Servier et quatre autres dirigeants de la société au lieu d’allonger la procédure d’au moins dix ans.

Ce procès, en pleine campagne présidentielle et à la veille d’élections législatives, alors même que Nicolas Sarkozy a été l’avocat de Jacques Servier avant de devenir président de la République et qu’il est difficile de croire que, sans quelques appuis politiques, le Mediator ait pu être commercialisé d’aussi nombreuses années en France tandis que d’autres pays européens l’avait déjà interdit, risque de tomber au plus mauvais moment. D’autant que si la justice ne se montrait pas complaisante avec les prévenus, il pourrait être tentant pour certains de laisser filtrer quelques noms afin de ne pas être les boucs émissaires d’un scandale sanitaire aux multiples ramifications. Une longue procédure longue n’aurait eu que des « avantages » pour les principaux protagonistes de cette affaire : multiples expertises et contre expertises décourageantes ; lassitude des plaignants ; décès de patients pour lesquels les ayants droit préfèrent abandonner les poursuites ; opinion publique qui a oublié l’affaire ; pression médiatique sans commune mesure au moment du jugement ; responsables à la retraite ou décédés de leur belle mort sans avoir eu à répondre de leurs actes ; temps donné au laboratoire pour se restructurer ou pour provisionner afin de payer ce à quoi il sera condamné ; etc.

Les précédents scandales sanitaires ont montré au moins deux choses : les intérêts des victimes passent bien après ceux de l’industrie, comme dans le cas de l’amiante par exemple ; les responsables politiques ne sont pas déclarés coupables et continuent leur carrière sans jamais vraiment être inquiétés, avec la conscience tranquille de ceux qui sont réélus par des citoyens à la mémoire bien courte tant qu’ils ne sont pas au rang des victimes.
Pourquoi en serait-il autrement avec le Mediator ? Après quelques mois de tapage médiatique, au cours desquels les déclarations péremptoires et démagogiques se succèdent et quelques hauts fonctionnaires sont congédiés ou mutés, tout finit par rentrer dans l’ordre, et ce d’autant plus vite que l’actualité est riche en affaires diverses et variées.
Tout cela est assez facile à comprendre : mettre à terre un laboratoire comme Servier, c’est risquer de voir mis au chômage un grand nombre d’hommes et de femmes qui travaillent pour lui ; c’est compromettre ses exportations et affaiblir le commerce extérieur de la France ; c’est laisser le champ libre aux multinationales étrangères ; etc. N’est-on pas plus facilement réélu lorsque quelques centaines de patients meurent que quand des usines ferment ? Comment s’en prendre à une très riche industrie dont les dirigeants ne craignent pas les politiques qu’ils fréquentent régulièrement ? Comment mordre la main qui vous a peut-être nourrie en pleine campagne ? Cynique constat qui se reproduit pourtant d’un scandale à l’autre…

Malgré les beaux discours, tout est déjà en place pour calmer l’opinion publique tout en préservant l’intérêt des puissants. Les assises du médicament et leur promesse de transparence en manque cruellement ; des rapports parlementaires fleurissent et des réformes seront faites, des reformes qui auront reçu l’assentiment de l’industrie, qui ne remettront surtout pas en cause les liens d’intérêts au plus haut niveau, qui ne bouleverseront pas le travail de l’administration et renforceront un peu plus le pouvoir de la Sécurité sociale, mais qui créeront surtout de nouvelles contraintes pour les exécutants en bout de chaîne, c’est-à-dire les professions médicales uniquement.
Enfin, les contribuables, au rang desquels figurent les victimes, seront mis à contribution : un fonds d’indemnisation pour les victimes du Mediator est créé. Son fonctionnement est basé sur des fonds publics, ce qui permet aux pouvoirs publics de le contrôler bien plus sereinement et de minimiser les risques que représente une indemnisation laissée entre les mains de la justice. C’est de l’argent public qui ira donc dédommager les victimes, charge ensuite à l’État de se retourner au civil contre les laboratoires Servier, procédure excessivement longue qui n’est même pas sûre d’aboutir…

Le procès de Nanterre mettra-t-il un terme à cette chronique d’un scandale étouffé ? Aura-t-il vraiment lieu au printemps ? La justice finit toujours par triompher… dans nos rêves.

Un médecin poursuivi en diffamation après avoir critiqué un produit amaigrissant

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le poids dans la balance de la justiceAlors que l’affaire du Mediator bouleverse le landernau français, Ken Harvey, un médecin australien militant pour un marketing éthique des médicaments et autres produits pour la santé continue à être poursuivi en justice pour diffamation par la société commercialisant un produit amaigrissant, le SensaSlim, qu’il a osé critiquer sur Internet et dénoncer auprès des autorités sanitaires. La cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud a décidé, le 14 juin 2011, de le faire comparaître en août pour juger l’affaire au fond en refusant de rejeter de la plainte dont il fait l’objet. S’il est condamné, il risque une amende de 590 000 €.

Selon les dirigeants de la société vendant le SensaSlim, ils ont engagé des poursuites contre le docteur Harvey afin de protéger leurs intérêts et de faire respecter leurs droits. Ils contestent les conclusions des études défavorables à leur produit mises en ligne par cet universitaire à la retraite et estiment qu’il a agi de façon déloyale, portant ainsi atteinte à l’image de leur entreprise. Pour le porte-parole de la société, il n’est pas question d’interdire à ce médecin de critiquer leur ligne de produits amaigrissants, mais de l’empêcher de continuer à dénoncer sur Internet la publicité qu’il présente comme mensongère pour le SensaSlim sans avoir laissé le temps à cette société de se défendre devant les tribunaux comme la loi l’y autorise. « Il ne s’agit pas bâillonner le Dr Harvey. Nous continuerons à poursuivre notre droit de protéger nos franchisés et leur investissement dans notre produit », ce dernier étant vendu en pharmacie, salons de beauté et dans le commerce sans ordonnance. Il est vrai que cette contre-publicité risque de compromettre l’argumentaire de cette société quand elle promet un bénéfice pouvant aller jusqu’à quinze millions de dollars à ceux qui deviendraient ses distributeurs exclusifs de par le monde.

Pourtant cette affaire ressemble bien à une nouvelle attaque contre un médecin dénonçant un produit amaigrissant et rappelle le combat qu’a eu à mener Irène Frachon contre le laboratoire Servier et le Mediator. Un combat auquel l’agence gouvernementale de santé locale, The Australian Therapeutic Goods Administration, équivalent de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), semble préférer ne pas être mêlée. Si elle reconnaît avoir reçu plusieurs plaintes à l’encontre du SensaSlim, y compris celle de Ken Harvey, elle explique ne pas pouvoir donner un avis tant que la justice ne s’est pas prononcée. La plainte en diffamation et l’enquête qui s’en est suivi bloqueraient l’action de l’agence de santé, selon sa porte-parole dans une déclaration au BMJ. Pour les médecins qui ont signalé la campagne publicitaire et dénoncé les arguments scientifiques servant à promouvoir le SensaSlim, il s’agit là d’une aberration du système de vigilance nécessitant qu’il soit réformé. On comprend facilement leur demande quand on sait que le Dr Capehorn, médecin qui avait scientifiquement cautionné la campagne publicitaire pour l’amaigrissant, a depuis peu reconnu ne jamais avoir pris connaissance des études cliniques censées prouver l’efficacité du produit promise par son fabricant. Comment accepter qu’un produit amaigrissant, vendu dans dix-sept pays de l’hémisphère nord et ailleurs sur la planète, puisse continuer à induire en erreur les consommateurs ?
Certes, il ne s’agit pas là d’effets indésirables graves mettant en jeu la vie des patients, mais il est tout de même question d’intérêts financiers, de santé et d’intimidation pour faire taire ceux qui dénoncent un produit au mieux inefficace et au pire dangereux…

Une association australienne, Australian Skeptics, connue pour lutter contre ceux qui usent d’arguments pseudoscientifiques ou paranormaux pour faire la promotion de leurs produits ou de leurs méthodes thérapeutiques, a pris parti pour le docteur Harvey. Elle collecte actuellement des fonds pour lui permettre d’assurer sa défense dans les meilleures conditions possible.

 

En France, l’Afssaps vérifie « chaque année pour plus de 10 000 dossiers le contenu des messages promotionnels des firmes. […] La publicité de produits présentés comme bénéfiques pour la santé prévus à l’article L 5122-14 du code de la santé publique, à savoir les produits autres que les médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l’état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques » fait l’objet d’un contrôle a priori dénommé visa PP.

Un nouveau protocole pour la sécurité des professions de santé

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Agressions des professionnels de santéCe ne sont pas moins de trois ministres, celui de l’intérieur, celui de la justice et celui de la santé, qui étaient réunis place Beauvau à Paris, le 20 avril 2011, pour signer un protocole national pour la sécurité des professions de santé. Pendant pour les professionnels de santé libéraux du protocole santé sécurité signé en 2005 qui avait pour but d’améliorer la sécurité des établissements hospitaliers publics et privés, ce document n’a été signé par les ordres professionnels, seuls les principaux syndicats ayant répondu à cet appel. Il ne faut pas y voir là un désintérêt des Ordres pour la sécurité des professions de santé, comme le montrent des actions telles que l’observatoire de la sécurité des médecins mis en place par le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) depuis 2004, mais bien un nouvel épisode de la lutte de pouvoir que se livrent Ordres et syndicats et dont savent fort habilement tirer partie les pouvoirs publics.

On ne peut que regretter qu’il ait fallu attendre que les résultats 2010 de l’observatoire de la sécurité des médecins montrent une hausse sans précédent des actes de violence à l’égard des médecins, tout comme d’autres études ont fait état de constatations identiques pour les professionnels de santé dans leur ensemble, et que les médias consacrent quelques reportages au phénomène pour que des mesures soient annoncées. Ne s’agit-il d’ailleurs pas là que d’un simple effet d’annonce lorsque l’on sait que le protocole signé pour les établissements de santé en 2005 n’a pas empêché la forte augmentation des déclarations des médecins et des autres personnels de soin exerçant dans ces lieux ? C’est à l’usage et au quotidien que les libéraux jugeront ces mesures diverses et variées.

Il est question d’une « boîte à outils adaptée aux réalités du terrain » et de de « solutions surmesure pour chaque type de situation » si l’on en croit les déclarations officielles : mise en place d’interlocuteurs dédiés au sein des commissariats et des brigades de gendarmerie, policiers et gendarmes pouvant réaliser à la demande des professionnels des diagnostics de sécurité, procédures de signalement simplifiées (comme des boîtiers de géolocalisation) sont au nombre des solutions proposées.

Plus que des mesures visant à empêcher les agressions, il semble surtout qu’il s’agit de donner l’impression aux professionnels de santé qu’ils pourront être secourus quand celles-ci auront eu lieu, ou que leurs auteurs pourront être poursuivis, comme en témoigne l’incitation faite aux élus locaux par le ministre de l’intérieur « à développer leur système de vidéoprotection de manière à couvrir, autant que possible, les abords des cabinets médicaux et paramédicaux ou des pharmacies ».
Plus qu’aux professionnels de santé auprès duquel les ministres ont voulu faire passer un message, c’est auprès des forces de l’ordre qu’il est souhaitable que l’information soit transmise. Entre les discours prononcés dans les salons feutrés parisiens et la réalité sur le terrain, il y a bien souvent un manque de corrélation. Lorsque le ministre de l’intérieur insiste « sur la nécessité de porter plainte systématiquement en cas de malveillance ou de violence en soulignant que c’est la plainte qui déclenche l’enquête et rend possible les poursuites judiciaires » et qu’il explique que « considérant l’utilité publique des professions de santé, il était possible, dans leur cas, de procéder à des prises de plainte sur rendez-vous ou à domicile », on aimerait le croire. Dans la pratique, les professions de santé qui ont passé du temps, parfois des heures, dans des commissariats au lieu d’être au chevet des patients pour s’entendre dire qu’une simple « main courante » pouvait faire l’affaire ne manqueront pas de sourire en prenant connaissance de ses propos.

Outre la sécurité des professionnels de santé, c’est la désertification médicale et le maillage du territoire qui sont en jeu pour le ministre de la santé. Il est vrai que l’on peut se demander quelles actions peuvent avoir des mesures incitatives à l’installation dans des zones de non-droit. Sans parler des mesures coercitives évoquées par certains, au prétexte de soigner les personnes âgées dans les départements ruraux, mais élaborées en fait pour obliger les professionnels de santé à visser leur plaque dans certains déserts médicaux, quand on sait que les membres des forces de l’ordre ne pénètrent dans ces mêmes zones qu’armés et à plusieurs ?
Certains regretteront sans doute que ce thème sécuritaire soit mis en avant. Peut-être est-ce parce qu’ils n’ont jamais été victimes d’une agression alors qu’ils allaient porter secours ou prodiguer leurs soins à un patient ?

 

Signature du protocole national pour la sécurité des professions de santé,
une vidéo réalisée par les services du ministère de l’interieur.

Cellules souches, embryon et Cour de justice de l’Union européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Cellules totipotentesBien qu’elles ne présument en rien de la décision que prendra au final la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il est toujours intéressant de se pencher sur les conclusions de ses avocats généraux qui interviennent habituellement quelques mois avant la conclusion d’une affaire. Il en est ainsi de celles d’Yves Bot concernant les cellules totipotentes, les pluripotentes et l’embryon utilisés à des fins industrielles ou commerciales.

Selon l’avocat général, comme l’explique le communiqué nº 18/11 de la CJUE, « les cellules totipotentes qui portent en elles la capacité d’évoluer en un être humain complet doivent être qualifiées juridiquement d’embryons humains et doivent, de ce fait, être exclues de la brevetabilité.
Un procédé utilisant des cellules souches embryonnaires différentes, dites cellules pluripotentes, ne peut non plus être breveté lorsqu’il requiert, au préalable, la destruction ou l’altération de l’embryon. »

C’est à la demande de la Cour fédérale allemande (le Bundesgerichtshof) que la CJUE va devoir se prononcer sur la notion d’« embryon humain » et sur les enjeux commerciaux qui s’y attachent. Très loin de toutes considérations philosophiques, éthiques ou religieuses, la bataille juridique qui s’est engagée sur l’embryon et les cellules souches va avant tout servir à savoir comment vont être répartis les immenses profits que laissent espérer les recherches dans ce domaine. Le président du LEEM (organisme regroupant un très grand nombre d’entreprises du médicament) a beau insisté sur l’aspect altruiste, voire même philanthropique, de la recherche financée par l’industrie pharmaceutique, les actes de cette dernière laissent penser que la décision de la CJUE pourrait avoir un impact sur la politique d’investissement des fabricants. Si les procédés issus de la recherche sur les cellules souches peuvent être couverts par des brevets, gage de retour sur investissement et de substantiels profits, l’industrie financera la recherche ; dans le cas contraire, elle préférera sans doute s’intéresser aux compléments alimentaires ou aux coupe-faim. Motifs invoqués : préserver l’emploi des 100 000 personnes qui travaillent pour elle en France ou continuer à créer « 550 emplois nouveaux par an » pour un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros. Dans un pays qui comptait plus de 2,7 millions de chômeurs en février, on comprend que certains n’hésitent pas à s’interroger sur le poids d’un tel argument dans les nombreuses décisions prises par les politiques en faveur de cette industrie.

C’est dans ce contexte difficile qu’interviennent donc les conclusions de l’avocat général de la CJUE dans une affaire opposant Greenpeace à un détenteur de brevet portant sur « des cellules précurseurs neurales isolées et purifiées produites à partir de cellules souches embryonnaires humaines utilisées pour traiter les maladies neurologiques » ayant déjà des implications cliniques dans le traitement de la maladie de Parkinson. Le détenteur du brevet ayant fait appel de la décision du tribunal fédéral des brevets allemand ayant constaté la nullité du sien « dans la mesure où il porte sur des procédés permettant d’obtenir des cellules précurseurs à partir de cellules souches d’embryons humains. » Pour la CJUE, « il s’agit de savoir si l’exclusion de la brevetabilité de l’embryon humain concerne tous les stades de la vie à partir de la fécondation de l’ovule ou si d’autres conditions doivent être satisfaites, par exemple qu’un certain stade de développement soit atteint. »
Pour l’avocat général, il faut se tenir à la lettre de la directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques qui, dans son article 5 paragraphe 1, prévoit que « le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables ». Selon le communiqué de la CJUE relatif aux conclusions d’Yves Bot, « donner une application industrielle à une invention utilisant les cellules souches embryonnaires reviendrait à utiliser les embryons humains comme un banal matériau de départ ce qui serait contraire à l’éthique et à l’ordre public.
En conclusion, l’avocat général estime qu’une invention ne peut être brevetable lorsque la mise en œuvre du procédé requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ, même si, lors de la demande de brevet, la description de ce procédé ne fait pas référence à l’utilisation d’embryons humains.
L’avocat général rappelle toutefois que la brevetabilité des utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales n’est pas interdite, en vertu de la directive, lorsqu’elle concerne les seules inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s’appliquent à l’embryon humain et lui sont utiles – par exemple pour corriger une malformation et améliorer ses chances de vie. »

Il faut maintenant attendre la décision des juges de la CJUE qui n’est pas tenue par ces conclusions, la mission des avocats généraux consistant à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l’affaire dont ils sont chargés. La balance de la justice penchera-t-elle en faveur d’un financement public, donc modeste, de la recherche sur les cellules souches et l’embryon qui servira au plus grand nombre ou donnera-t-elle raison aux arguments de l’industrie quitte à privilégier les intérêts de ceux qui ont les moyens d’investir et de payer pour ces traitements ? La réponse dans quelques mois.

Pas de sexe pour les assureurs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Variation en fonction du sexeEn octobre 2010, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait conclu qu’il était « incompatible avec les droits fondamentaux de l’Union de tenir compte du sexe de l’assuré en tant que facteur de risque dans les contrats d’assurance », avis qui n’engageait pas pour autant les juges de cette instance. Le 1er mars 2011, ces derniers ont néanmoins abondé dans le même sens que l’avocat général.

L’égalité entre les hommes et les femmes est un droit fondamental en Europe et la Cour est là pour sanctionner les discriminations directes ou indirectes en ce domaine. Peu importe le sexe d’un citoyen, l’accès à des biens et à des services et leur fourniture doit être identique pour tous. La prise en considération du critère du sexe comme facteur pour l’évaluation des risques en assurance concernant les contrats privés d’assurance vie est bien un élément discriminatoire au regard de la directive 2004/113/CE.

Pour la Cour, les droits fondamentaux au sein de l’Union européenne sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et sa Charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination fondée sur le sexe. Ces textes imposent que l’égalité entre les hommes et les femmes soit assurée dans tous les domaines.

Malgré cela, concernant les assurances et les retraites privées, volontaires et non liées à la relation de travail (celles liées au travail étant régies par des textes différents), la directive 2004/113/CE prévoit en son article 5 que :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans tous les nouveaux contrats conclus après le 21 décembre 2007 au plus tard, l’utilisation du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations aux fins des services d’assurance et des services financiers connexes n’entraîne pas, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations.
2. Nonobstant le paragraphe 1, les États membres peuvent décider avant le 21 décembre 2007 d’autoriser des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. Les États membres concernés en informent la Commission et veillent à ce que des données précises concernant l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel déterminant soient collectées, publiées et régulièrement mises à jour. Ces États membres réexaminent leur décision cinq ans après le 21 décembre 2007 en tenant compte du rapport de la Commission mentionné à l’article 16, et transmettent les résultats de ce réexamen à la Commission. »
C’est ce paragraphe 2 qui est au centre de l’affaire portée devant la Cour (nº d’affaire C-236/09).

La décision de la CJUEest claire à ce sujet : « Selon la jurisprudence constante de la Cour, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié […]
Il est constant que le but poursuivi par la directive 2004/113 dans le secteur des services d’assurance est, ainsi que le reflète son article 5, paragraphe 1, l’application de la règle des primes et des prestations unisexes. Le dix‑huitième considérant de cette directive énonce explicitement que, afin de garantir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel ne devrait pas entraîner pour les assurés de différence en matière de primes et de prestations. Le dix-neuvième considérant de ladite directive désigne la faculté accordée aux États membres de ne pas appliquer la règle des primes et des prestations unisexes comme une « dérogation ». Ainsi, la directive 2004/113 est fondée sur la prémisse selon laquelle, aux fins de l’application du principe d’égalité de traitement des femmes et des hommes consacré aux articles 21 et 23 de la charte, les situations respectives des femmes et des hommes à l’égard des primes et des prestations d’assurances contractées par eux sont comparables.
Dans ces circonstances, il existe un risque que la dérogation à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes prévue à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 soit indéfiniment permise par le droit de l’Union.
Une telle disposition, qui permet aux États membres concernés de maintenir sans limitation dans le temps une dérogation à la règle des primes et des prestations unisexes, est contraire à la réalisation de l’objectif d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes que poursuit la directive 2004/113 et incompatible avec les articles 21 et 23 de la charte.
Par conséquent, cette disposition doit être considérée comme invalide à l’expiration d’une période de transition adéquate. »
La date à laquelle le sexe ne pourra plus être utilisé par dérogation comme facteur actuariel a été fixée au 31 décembre 2012 et il est intéressant de noter que cette décision ne concerne pas que les contrats d’assurance vie, mais bien tous les contrats d’assurance.

Plusieurs assureurs interrogés par la presse suite à cette décision ont indiqué qu’elle allait avoir pour conséquence l’augmentation des primes de nombreux contrats, comme ceux concernant les jeunes conductrices qui, d’après eux, sont soumises à des tarifs moindres, les statistiques montrant qu’elles ont moins d’accidents que les jeunes conducteurs. Pas un mot sur le fait que cette mutualisation des risques puisse entraîner une baisse des primes concernant justement ces jeunes conducteurs : surprenant, non ?

Pas de faute pour les fabricants de vaccins aux États-Unis

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'injection est prêteLes fabricants de vaccins pour les enfants ne peuvent être poursuivis pour des défauts de conception de leurs produits aux États-Unis, ainsi en ont décidé les membres de la Cour suprême de ce pays par 6 voix contre 2.

Cette décision fait suite à la plainte des parents d’une enfant ayant souffert de convulsions après avoir reçu une injection de vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (affaire Bruesewitz v Wyeth Inc). Pour la Cour, une loi adoptée par le Congrès des États-Unis en 1986 exclut toutes poursuites contre les fabricants de vaccins dans un tel cas : ce texte prévoit en effet qu’aucune faute ne pourra être reprochée à un laboratoire si un enfant est victime des effets secondaires d’un vaccin.
La loi, appelée The National Childhood Vaccine Injury Act, « écarte toutes réclamations contre les fabricants pour des défauts de conception de vaccins par des plaignants qui demandent une indemnisation pour des blessures ou des décès causés par les effets secondaires du vaccin ».

Russell et Robalee Bruesewitz voulaient voir reconnue la responsabilité du laboratoire Wyeth après que leur fille de 6 mois ait présenté de nombreuses crises convulsives après avoir été vaccinée en 1992. Cette injection n’a rien de particulier et est pratiquée de façon habituelle chez les enfants de cet âge. Malheureusement, chez cette enfant, les médecins ont diagnostiqué en 2003 un trouble épileptique résiduel et une encéphalopathie.
La loi exclut les plaintes pour les effets secondaires “inévitables”, mais pour les avocats de la famille, au moment où a été réalisée l’injection, ce produit était dépassé, mal conçu et ses effets secondaires évitables.
Pour le juge Antonin Scalia, membre de la Cour suprême qui a voté pour cette décision, « à condition que la fabrication soit correcte et qu’il n’y ait pas de mise en garde, les autres effets secondaires, y compris ceux résultant de défauts de conception, sont réputés avoir été inévitables ».

Comment expliquer qu’un tel texte ait pu être adopté ? Tout simplement parce qu’il a été voté à un moment où les États-Unis étaient confrontés à une pénurie de vaccins pour les enfants après que les fabricants aient décidé de se retirer de ce marché face à l’augmentation du nombre de plaintes auxquels ils avaient à faire face justement pour le vaccin tout-en-un diphtérie-coqueluche-tétanos. L’adoption de cette loi s’est accompagnée de la création d’un tribunal dédié à ces produits, appelé Vaccine court et financé par les fabricants par le biais d’une taxe sur chaque dose, qui doit déterminer si les dommages d’un plaignant sont dus à un vaccin ou non. Dans le cas d’Hannah Bruesewitz, ce tribunal a estimé que le produit n’était pas en cause.

Le jugement de la Cour suprême a été salué par l’Académie américaine de pédiatrie, qui s’était jointe à 21 autres associations du monde de la santé, y compris l’American Medical Association, pour déposer un amicus curiae, contribution versée spontanément au débat, exhortant le tribunal à rendre une décision qui sauvegarde l’approvisionnement du pays en vaccins.

« Les vaccins destinés aux enfants font partie des plus grands progrès de la médecine du siècle dernier », a déclaré la présidente de l’Académie de pédiatrie, Marion Burton. « La décision de la Cour suprême protège les enfants par le renforcement de notre système national de vaccination et veille à ce que les vaccins continuent à empêcher la propagation de maladies infectieuses dans ce pays. »

Pour le juge Scalia, les fabricants sont déjà obligés par la loi de financer un programme informel et efficace d’indemnisation des victimes des vaccins. « En échange, il faut leur éviter de coûteux litiges et de se voir de temps en temps condamner de façon disproportionnée par un jury ».

Le laboratoire Wyeth a fait valoir pour sa part que si la décision lui était défavorable, cela pourrait ouvrir la voie à une déferlante de poursuites alléguant un lien de causalité entre les vaccins et l’autisme.

Sonia Sotomayor et Ruth Bader Ginsberg, juges à la Cour suprême elles aussi, ont quant à elles voté contre cette décision. Pour Sonia Sotomayor, ce jugement « laisse un vide réglementaire dans lequel personne ne veille à ce que les fabricants de vaccins tiennent compte de manière adéquate des progrès scientifiques et technologiques lors de la conception ou de la distribution de leurs produits. »

Cette affaire montre bien à quel point il est difficile pour les autorités d’un pays, fût-il aussi puissant que les États-Unis, de ne pas plier face à l’industrie pharmaceutique qui semble ne pas hésiter à arrêter la production de produits indispensables à la santé publique si elle se sent menacée. Un procédé auquel les assureurs ont eux aussi eu recours quand leurs intérêts ont été attaqués. Volià qui pourrait expliquer, sans le justifier, que de nombreuses victimes soient encore sacrifiées pour ne pas nuire à des intérêts qui les dépassent…

[Source : BMJ 2011;342:d1292]