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Vitamine C : médicament par présentation ou par fonction ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La vitamine C : un maché juteuxSeuls les spécialistes du droit de la santé savent que la vitamine C fait l’objet d’une âpre bataille. Sa vente en grande surface, si elle ne pose aucun problème sous la forme de jus d’orange, a déclenché un nombre inimaginable de procédures lorsqu’elle s’est faite sous la forme de poudre en sachets ou de comprimés effervescents. Pour les uns, la vitamine C, en fonction de la façon dont elle est présentée à la vente, doit être considérée comme un médicament et être réservée au monopole des pharmaciens. Pour d’autres, la mettre en libre service, quelle que soit sa présentation, ne pose aucun problème. La santé est-elle vraiment l’enjeu de ces conflits ? Ou est-ce le profit généré par les ventes d’un produit que tout un chacun connaît et pense être bon pour la santé ?

Le bulletin d’information de la Cour de cassation nº 703 du 1er juin 2009 offre, sous la forme d’une note sous une décision de la chambre commerciale du 27 janvier 2009 (nº de pourvoi 08-10482, 08-10892, 08-10976 et 08-11068), une mise au point sur ce sujet. Elle est d’autant plus nécessaire qu’après les tribunaux nationaux, la justice européenne a été saisie de ces affaires.

« Le principal enseignement de cet arrêt est de tirer les conséquences de la jurisprudence communautaire en précisant les divers critères d’appréciation à prendre en considération pour qualifier un produit de médicament par fonction.

En l’espèce, étaient en cause des produits à base de vitamine C 500 et C 180. Estimant que ces produits constituaient des médicaments et relevaient à ce titre, pour leur distribution, du monopole réservé par la loi aux pharmaciens, la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire a assigné, à la fin de l’année 1996 et au début de l’année suivante, une série de sociétés de la grande distribution, qui commercialisaient ces produits dans la région, afin qu’il leur soit fait interdiction de les vendre. S’en est suivi un long débat sur la qualification des produits litigieux. Ce débat, qui s’est focalisé sur la notion de médicament par fonction, a donné lieu à une première cassation, pour défaut de base légale, par un arrêt de la chambre commerciale du 26 novembre 2003 (Bull.2003, IV, nº 177). Bien que statuant en sens inverse à celui retenu par l’arrêt censuré, en qualifiant les produits litigieux de médicaments par fonction (l’arrêt censuré avait écarté cette qualification), l’arrêt adopté sur renvoi après cassation est lui aussi censuré sur ce point.

La difficulté de cet exercice de qualification vient du fait que la notion de médicament par fonction est entendue strictement, et même de plus en plus strictement, par la jurisprudence communautaire.

Cette notion est issue de la Directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 avril 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques. Cette Directive, qui était applicable à l’époque des faits litigieux, comprend deux définitions de la notion de médicament :
— celle du médicament par présentation (il s’agit de “toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales”) ;
— celle du médicament par fonction (il s’agit de “toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal”).

Ces deux définitions du médicament (qui ont été reprises en substance par la Directive 2001/83/CE du Parlement et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain) ont été transposées en droit interne, de manière purement littérale, à l’article L. 511 du code de la santé publique, devenu l’article L. 5111-1 du même code.

La portée de ces deux définitions du médicament a été précisée par la Cour de justice des Communautés européennes au fil de sa jurisprudence. Alors que celle-ci a donné à la notion de médicament par présentation une large portée, et ce, dans le souci de protéger les consommateurs contre le charlatanisme, elle a, en revanche, interprété strictement celle du médicament par fonction, et ce, pour deux raisons :
— d’une part, afin de concilier les deux objectifs poursuivis tant par la Directive 65/65 que par celle nº 2001/83 (l’objectif de la libre circulation des marchandises et celui de la protection de la santé publique, le premier objectif s’opposant à une interprétation trop large, au nom du second objectif, de la notion de médicament par fonction) ;
— d’autre part, afin de préserver l’effet utile de la Directive 2002/46/CE du Parlement et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires, laquelle comprend une définition de la notion de complément alimentaire à laquelle est associée une réglementation spécifique destinée, elle aussi, à concilier les objectifs de libre circulation des marchandises et de protection de la santé publique.
Cette interprétation restrictive de la notion de médicament par fonction se traduit de deux manières :
— tout d’abord, cette qualification est subordonnée à la prise en compte d’une série de critères, qui se sont dégagés au fil de la jurisprudence communautaire ;
— ensuite, chacun de ces critères est entendu strictement.
Sur le premier point, la Cour de justice a précisé que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, il convient de procéder à un examen global et au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques du produit, dont, notamment :
— sa composition ;
— ses propriétés pharmacologiques, telles qu’elles peuvent être établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ce qui découle généralement de la composition du produit ;
— ses modalités d’emploi ;
— l’ampleur de sa diffusion ;
— la connaissance qu’en ont les consommateurs ;
— les risques que peut entraîner son utilisation pour la santé (ce critère est autonome par rapport à celui des propriétés pharmacologiques).
En l’espèce, l’arrêt attaqué, pour qualifier les produits litigieux de médicaments par fonction, s’était déterminé au vu de leurs seules propriétés pharmacologiques, sans tenir compte des autres caractéristiques de ceux-ci et en écartant même expressément la nécessité d’en tenir compte. Dès lors, cet arrêt encourt la censure pour défaut de base légale, et ce, au double visa de l’article premier, paragraphe 2, de la Directive 65/65 et de l’article L. 511 du code de la santé publique (devenu l’article L. 5111-1 du même code), lequel doit être interprété conformément à ce texte de la Directive, tel que, lui-même, strictement interprété par la Cour de justice.
Cette censure, en tirant les conséquences de la jurisprudence communautaire, permet de dissiper d’éventuels malentendus sur les exigences évolutives, complexes et nuancées de la Cour de justice pour retenir la qualification de médicament.
En effet, pour écarter expressément la nécessité de prendre en compte les autres caractéristiques des produits litigieux (autres que celles tenant à leurs propriétés pharmacologiques), l’arrêt attaqué s’est fondé sur un ancien arrêt de la Cour de justice, le premier arrêt d’une longue série sur la notion de médicament [arrêt du 30 novembre 1983, X…, affaire 227/82].
Dans cet arrêt (point 22), la Cour de justice avait indiqué qu’ “une substance qui possède des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, au sens de l’article premier paragraphe 2, de la Directive 65/65, mais qui n’est pas présentée comme telle, tombe, en principe, dans le champ d’application de la définition du médicament par fonction”.

La cour d’appel, dans l’arrêt attaqué, en a déduit qu’un produit qui présente une des caractéristiques du médicament par présentation (du fait qu’il possède des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales), mais qui ne peut être qualifié ainsi (dès lors qu’il n’est pas présenté comme tel), constitue nécessairement un médicament par fonction, de sorte qu’il est inutile d’examiner si ce produit présente toutes les caractéristiques de celui-ci.
Cette analyse ne peut être approuvée, et ce, pour deux raisons.
Tout d’abord, si l’on s’en tient à ce seul arrêt X… précité [affaire 277/82], il est difficile d’y voir l’énoncé d’une règle absolue, qui ferait, automatiquement ou systématiquement, tomber un produit, présentant l’une des caractéristiques du médicament par présentation, sous la qualification du médicament par fonction. Ensuite et surtout, si l’on met cet arrêt en perspective avec l’ensemble de la jurisprudence communautaire qui lui a succédé en la matière, force est de constater que celle-ci s’oppose à l’interprétation que la cour d’appel en a donné puisque, par cette jurisprudence, la Cour de justice exige un examen global de toutes les caractéristiques du produit concerné, qui ne se limite donc pas à ses seules propriétés pharmacologiques. La Cour de cassation n’a pas dit le contraire dans l’arrêt du 26 novembre 2003, précité. Dans le prolongement d’un précédent arrêt (Com., 20 février 2000, Bull. 2000, IV, nº 34), elle s’est limitée, dans cet arrêt, à censurer l’analyse consistant à écarter toute qualification de médicament en se fondant uniquement sur des motifs ayant trait à la qualification de médicament par fonction, sans rechercher, et c’est sur ce point qu’intervient la cassation, si les produits litigieux, à défaut de constituer des médicaments par fonction, n’étaient pas susceptibles de tomber sous l’autre qualification de médicament, celle du médicament par présentation, laquelle ne suppose pas l’examen du produit au regard de la série de critères posés par la Cour de justice pour caractériser l’existence d’un médicament par fonction. »

Il n’y a rien de futile dans toutes ces décisions. À une époque où de nombreux compléments alimentaires se vantent de prévenir de plus en plus de maladies, mais ne veulent surtout pas être assimilés à des médicaments pour ne pas voir leur prix fixé et les procédures pour les mettre en vente se compliquer, les enjeux sont énormes. Vendre un complément alimentaire n’oblige pas à de couteuses études pour obtenir une autorisation de mise sur le marché. Jusqu’à aujourd’hui, aucun souci pour les fabricants qui ont compris qu’il fallait réserver ces produits aux pharmaciens.  Tout est fait pour que ce produit, très rentable, puisse être déjà amorti et avoir généré de gros bénéfices avant que l’on puisse se rendre compte qu’il est nécessaire de changer sa composition en raison de l’effet cancérigène de certains de ses composants…

Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques : le Conseil d’État dit oui

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Hépatite B, vaccin et sclérose en plaquesAlors que le calendrier vaccinal vient d’affirmer qu’il n’y avait pas de lien entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, le Conseil d’État maintient sa jurisprudence de 2007 (décision no 267635), selon laquelle « le lien direct entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques doit être regardé comme établi lorsque la maladie apparaît dans un bref délai à la suite de l’injection du vaccin alors que le patient était en bonne santé et ne présentait aucun antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination » pour un agent du secteur public.

Dans une décision du 10 avril 2009 (no 296630), le Conseil d’État confirme que « Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert commis au titre du règlement amiable, que Mme A n’a présenté aucun antécédent de la sclérose en plaques avant de recevoir les trois premières injections du vaccin les 27 juillet, 9 septembre et 19 octobre 1988 ; que les premiers symptômes de l’affection ultérieurement diagnostiquée qui aient fait l’objet de constatations cliniques ont été ressentis dès les mois de novembre et décembre 1988, soit dans un bref délai après la troisième injection ; que dans ces conditions, l’affection doit être regardée comme imputable à la vaccination ; qu’il revient dès lors à l’État, en application des dispositions précitées, de réparer les dommages subis par Mme A du fait de cette affection ».

Le Conseil d’État ne donne, bien entendu, pas un avis scientifique. Il constate que la sclérose en plaques a été imputée au vaccin par la cour, suivant l’avis de l’expert. Cette décision montre bien qu’il faut tenir compte des délais entre l’expertise, le jugement et le passage devant le Conseil d’État. La justice suit l’avis de l’expert jusqu’au bout de la procédure, même si l’on sait que cet avis, au cours de ce lent processus, peut évoluer, au point de s’inverser, en fonction de la progression des connaissances scientifiques.

La fiabilité des experts médicaux discutée au Royaume-Uni

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Difficile équilibre entre avis du médecin expert et réalité des faits en justiceL’Angleterre et le Pays de Galles réfléchissent à l’opportunité pour leurs juges de devoir s’assurer de la fiabilité des preuves basées sur l’avis des experts avant qu’une affaire ne passe devant la cour. Selon un article publié dans le British Medical Journal, le 9 avril 2009, intitulé Expert evidence should be reliability tested, says law reform body, plusieurs affaires récentes montreraient qu’il existe un problème qu’il est urgent de régler à ce sujet. Les expertises seraient admises trop facilement ce qui pourrait être à l’origine d’acquittements ou de condamnations injustifiés.

Afin d’actualiser la loi, une commission a été mise en place pour faire des propositions au gouvernement. Les juges pourraient recevoir des recommandations sur la façon d’évaluer la fiabilité des expertises. La preuve devra être fondée sur des principes, des techniques et des hypothèses solides et les experts devront pouvoir les justifier. Pour cette commission, les juges et les jeunes avocats devraient être formés pour réagir si les experts sortent de leur domaine de compétences, émettent des avis basés sur des hypothèses non fondées ou présentent des preuves d’une façon inappropriée. Des expertises d’une fiabilité douteuse font foi devant les tribunaux sans que les avocats de la défense s’y opposent avec virulence et les jurys en tiennent malheureusement compte pour l’issue du procès.

Les exemples d’expertises douteuses ayant entraîné une condamnation ne manquent pas : Sally Clarke et Angela Cannings — toutes deux condamnées en première instance pour avoir tué leur bébé et qui ont été innocenté en appel — ou des affaires dans lesquelles des parents ont été condamnés pour avoir « secoué » leur bébé. Dans l’affaire Clarke, un pédiatre a pu témoigner sur un sujet qui ne relevait pas de son domaine de compétences et donner une appréciation dénuée de fondement et mensongère sur la probabilité de décès multiples d’enfants au sein d’une même famille. Ses propos n’ont fait l’objet d’aucune vérification afin de s’assurer que ce témoignage était suffisamment fiable pour être entendu par le jury.
Quatre affaires de bébé secoué, plaidées en appel, ont remis en cause la façon dont le corps médical déduisait qu’une blessure à la tête était non-accidentelle. La cour a prouvé que dans de rares cas les blessures pouvaient résulter d’une chute sans gravité ou de gestes non violents, contrairement à ce qu’avaient affirmé les experts.

Pour le responsable de la commission en charge des propositions visant à faire évoluer la loi, les expertises, en particulier les preuves scientifiques, peuvent avoir une grande influence sur un jury. Il est donc indispensable que ces témoignages ne lui soient livrés que s’ils reposent sur une base solide permettant d’apprécier l’innocence ou la culpabilité d’un accusé. Les tribunaux doivent pouvoir s’assurer de la crédibilité d’une expertise avant d’en user.
La commission a fait des propositions dans ce sens et souhaite recueillir l’avis des experts et des scientifiques à ce sujet. Un forum de discussion sur Internet, traitant de la recevabilité des expertises dans les procédures criminelles en Angleterre et au Pays de Galles, a été ouvert à cet effet : www.lawcom.gov.uk/expert_evidence.htm.

La France n’est donc pas la seule à s’interroger sur le rôle des experts médicaux au sein des procédures judiciaires. L’article du British Medical Journal, écrit par Clare Dyer, montre que même un pays ayant un système juridique différent de celui de l’Hexagone peine à apprécier la valeur probante d’une expertise basée sur une science inexacte comme l’est la médecine et sur la subjectivité consciente ou non de l’avis d’un expert. Deux experts en arrivent rarement à des conclusions strictement identiques. Il est peut-être temps de réfléchir à une nouvelle approche de l’expertise médicale judiciaire avec, pourquoi pas, un avis obtenu dans certains cas avec des outils basés sur le Web 2.0 ?

Les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires sont des données personnelles

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulairesSelon un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 8 décembre 2008 (requêtes nos 30562/04 et 30566/04), les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires sont des données personnelles au sens de la Convention sur la protection des données. Cette convention du Conseil de l’Europe de 1981 pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel définit les « données à caractère personnel » comme toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable.

C’est en partant du constat que « la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données indique que l’objet des législations nationales relatives au traitement des données à caractère personnel est d’assurer le respect notamment du droit à la vie privée reconnu également à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et dans les principes généraux du droit communautaire » et que « cette directive énonce un certain nombre de principes qui précisent et amplifient ceux contenus dans la Convention sur la protection des données du Conseil de l’Europe », que la CEDH a donné raison à deux citoyens anglais qui avaient demandés à ce que leurs empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires soient effacés des fichiers de la police après que l’un des deux ait bénéficié d’un acquittement et l’autre d’une décision de classement sans suite, des poursuites pénales dont ils faisaient l’objet. Les accusés devenus plaignants avaient été poursuivis initialement pour vol avec violence pour le premier et harcèlement à l’égard de sa compagne pour le second.

Pour la cour européenne des droits de l’homme, l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a bien été violé en refusant à ces citoyens le droit de voir ces données personnelles détruites. Cet article 8 régit le droit au respect de la vie privée et familiale et stipule que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Pour la Cour si un État ne respecte pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, il outrepasse ses droits. Selon la CEDH, la conservation litigieuse des empreintes digitales, des profils ADN et des échantillons cellulaires de personnes non condamnées s’analyse en une atteinte disproportionnée au droit des citoyens au respect de leur vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique.

Cet arrêt ne remet pas en cause la légitimité de la conservation des données de ce type pour les personnes condamnées ou servant à confondre des criminels à l’occasion d’affaires non élucidées depuis plusieurs années. Il s’agit néanmoins d’un élément important dont les pouvoirs publics français vont devoir tenir compte dans leur légitime volonté de mettre en place de nouveaux fichiers pour lutter contre la délinquance et le crime.

Des kinésithérapeutes en justice pour refus d’inscription à l’ordre

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Masseurs-kinésithérapeutes, ordre et justiceVingt masseurs-kinésithérapeutes de Haute-Garonne ont reçu des assignations en référé devant le tribunal de grande instance de Toulouse par voie d’huissier sur leur lieu de travail pour exercice illégal. Ils doivent comparaître le 16 février 2009. Ces professionnels de santé, salariés ou libéraux, risquent une interdiction d’exercice, car ils n’acceptent pas de se soumettre à la récente autorité de leur conseil de l’ordre. Cette vingtaine de contestataires est loin d’être isolée puisqu’ils auraient été tirés au sort parmi 435 non-inscrits dans ce département si l’on en croit le site du syndicat Alizé, assez représentatif du mouvement de grogne au sein de cette profession. Tous ces professionnels de santé ont refusé de s’inscrire à l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes qui leur a été imposé en 2004.

Il semble que les manoeuvres de l’ordre aient réussi à fédérer les centrales syndicales, puisque la quasi-totalité d’entre elles a appelé à manifester et à des mouvements de grève le jour de la comparution des physiothérapeutes de Haute-Garonne. Cet appel général vient en complément de nombreuses actions locales de soutien au sein de la profession avec comme mot d’ordre « abolition de la loi » et « abrogation des privilèges ». Les protestations sont plus nombreuses chez les salariés qui ne veulent pas payer 130 euros par an pour pouvoir exercer leur métier. La Fédération hospitalière de France a d’ailleurs apporté son soutien à cette revendication.
Fin 2008, 80 % des kinésithérapeutes du Finistère n’étaient toujours pas inscrits à l’ordre, malgré des actions au pénal menées contre eux. Comment imaginer que plus des trois quarts des kinésithérapeutes des hôpitaux ou des maisons de retraite publics puissent être interdits d’exercice ? Il ne s’agit pas seulement d’une question de cotisation. Ces salariés estiment qu’en l’état actuel, leur code de déontologie n’est pas adapté à leur activité.

La cotisation pour 2009 à l’ordre des médecins, pour les salariés comme pour les libéraux, a été fixée à 290 euros. Les médecins n’ont jamais eu quant à eux la possibilité d’exprimer leur mécontentement au moment où leur ordre leur a été imposé puisque c’est sous Pétain que le conseil national de l’ordre a vu le jour. Une période de l’Histoire où il ne faisait pas bon manifester…

Cour de justice des Communautés européennes et droit de la santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Congrès

Cour de justice des Communautés européennesL’Institut droit et santé continue en 2009 « Les entretiens droit et santé ». Le prochain rendez-vous de ces manifestations de qualité est prévu le lundi 16 mars 2009 de 17 h 30 à 19 h. La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) sera au coeur des débats, animés par Jean-Claude Bonichot, juge à la Cour de justice. Le thème retenu « CJCE et Droit de la Santé » est rarement abordé ce qui ne peut que rendre plus attrayant cet échange.

Les entretiens se dérouleront dans la salle du conseil de l’université Paris Descartes, 12, rue de l’École de médecine, dans le sixième arrondissement de Paris (métro Odéon). L’accès est libre et gratuit dans la limite des places disponibles. Il est toutefois obligatoire de s’inscrire au préalable sur le site de l’Institut droit et santé.

 

Coups de fouet en Arabie saoudite pour les médecins égyptiens

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le fouet pour des médecinsDouble peine pour deux médecins égyptiens qui se sont vus condamnés à 1 500 coups de fouet et à 15 ans de prison, en octobre 2008, en Arabie saoudite pour avoir rendu dépendante une patiente saoudienne à la morphine. La réalité pourrait être tout autre puisqu’il semble qu’ils aient surtout eu le tort de prescrire ce traitement à l’épouse d’une haute personnalité locale qui en a profité pour se procurer auprès d’un hôpital étatique des doses bien supérieures à celles figurant sur l’ordonnance pour pouvoir se droguer.

Ces médecins ne sont pas les premiers professionnels de santé à avoir fait les frais de la justice expéditive et partiale de ce pays du Golfe si l’on en croit le conseil national de l’ordre des médecins français et l’Académie de médecine qui se mobilisent pour leurs confrères. L’Égypte est le seul pays de la région à avoir pléthore de médecins. C’est pour cette raison que ses praticiens exercent souvent dans les pays voisins et même dans de nombreux pays du continent africain. On peut être sûr que malgré, l’attrait financier que présente le travail en Arabie Saoudite, les futurs diplômés égyptiens préfèreront rester à l’ombre des pyramides plutôt que d’aller risquer leur liberté et leur vie en traversant la mer Rouge pour soigner leurs frères saoudiens.

L’Arabie saoudite est une monarchie absolue, dotée d’une constitution fondée sur le Coran et la Sunna. Elle n’a pas de code pénal écrit et sa justice fait souvent la Une des journaux occidentaux qui sont ses principaux partenaires commerciaux. En novembre 2007, une jeune femme a, par exemple, été condamnée à 200 coups de fouet et six mois de prison pour avoir parlé de son viol dans la presse…

Une parodie d’humanité émaille les peines puisque que les condamnés ne reçoivent que 15 coups de fouet par semaine pour éviter qu’ils ne meurent. À moins que ce ne soit pour épargner trop d’efforts au bourreau…

Entreprise pharmaceutique et exportations parallèles

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

« Une entreprise pharmaceutique exploite de façon abusive sa position dominante si elle refuse d’honorer des commandes normales de grossistes afin d’empêcher les exportations parallèles ». C’est ainsi que la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) commente sa décision du 16 sept. 2008 1.

MédicamentsLa filiale d’un fabricant de médicaments basée en Grèce, pays où ces derniers sont vendus moins chers que dans la plupart des autres pays européens, a refusé de fournir ses médicaments aux grossistes locaux au prétexte qu’ils les revendaient ensuite à d’autres grossistes basés dans des pays où ces spécialités pharmaceutiques sont vendues plus chers. 

Pour la Cour, « les exportations parallèles de médicaments d’un État membre où les prix sont bas vers d’autres États membres dans lesquels les prix sont plus élevés permettent, en principe, aux acheteurs desdits médicaments dans ces derniers États de disposer d’une source alternative d’approvisionnement à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les entreprises pharmaceutiques. Il ne saurait donc être soutenu que les exportations parallèles n’auraient qu’une utilité minime pour les consommateurs finals ». 

L’entreprise pharmaceutique a fait valoir qu’il lui fallait préserver ses intérêts commerciaux ce qu’a reconnu la Cour : « une telle entreprise doit pouvoir adopter des mesures raisonnables et proportionnées à la nécessité de préserver ses propres intérêts commerciaux ». Mais, pour elle, « le caractère normal des commandes doit être déterminé par rapport aux besoins du marché national en cause ainsi qu’aux relations commerciales antérieures ». Elle laisse l’appréciation du caractère normal aux juridictions locales.

À première vue, ces décisions sont favorables aux citoyens européens, mais il convient de pousser un peu plus loin l’analyse pour ne pas s’arrêter à une simple logique commerciale.
Tout d’abord, si le prix des médicaments dans un pays européen est plus faible que dans les autres, il est important de comprendre que cela n’est pas dû au jeu de l’offre et de la demande, mais, le plus souvent, a une volonté politique, par le biais d’une réglementation spécifique, d’offrir des remèdes à moindre coût aux grossistes locaux et, par ce biais, à sa population.  Ces tarifs sont souvent négociés entre les entreprises pharmaceutiques et le gouvernement de ce pays, chacun faisant des concessions. La décision de la CJCE implique que seules les concessions faites par le laboratoire sont prises en compte et s’appliquent à toute la Communauté, alors que les conditions de commercialisation et les exigences au sein des autres pays n’ont pas fait l’objet de concessions. Sans se faire le défenseur de l’industrie pharmaceutique, il y a là quelque chose de surprenant.
Vient ensuite un autre aspect des exportations parallèles qui n’a pas été soulevé dans cette affaire et qui pose un problème de santé publique, celui de la traçabilité. Malgré les Directives, les fabricants de médicaments (ou de dispositifs médicaux) semblent constater que plus la chaîne de distribution entre eux et le patient est longue, plus la traçabilité perd en efficacité. Selon eux, lorsque les produits passent aux mains de plusieurs grossistes d’un pays à l’autre, il ne leur est plus possible d’assurer le suivi des produits et de s’assurer de leurs conditions de stockage. Ce problème est encore plus flagrant lorsque le circuit des grossistes passe par un pays hors de l’Union européenne. C’est ainsi que des produits marqués CE sont vendus à l’étranger, où les textes régissant la traçabilité sont bien moins contraignants, voire même inexistants, et où la contrefaçon existe, avant de revenir sur le marché européen pour être revendu à des prix plus faibles. Dans de tels cas, la concurrence devrait savoir céder le pas à la sécurité sanitaire.

 


1 – Affaires jointes C-468/06 à C-478/06, Sot. Lélos kai Sia EE e.a. c/ GlaxoSmithKline AEVE.

 

Don Camillo et Peppone d’accord sur l’euthanasie

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Presse

Le titre de cet article peut prêter à sourire, il s’agit pourtant d’un sujet grave. C’est une information de Radio Canada, intitulée « L’Italie en ébullition« , qui rappelle les relations étroites entre la religion et la politique en Italie.

croixÀ l’âge de 20 ans, une jeune Italienne du Nord, prénommée Eluana, a été victime d’un accident de la route et a plongé dans un coma dont elle ne s’est pas réveillée depuis plus de seize ans. En état de mort cérébrale, son état est jugé irréversible pour les médecins qui l’ont prise en charge. Ses parents, désespérés, ont à plusieurs reprises fait appel à la justice pour que toutes les mesures de vie artificielle soient stoppées afin de laisser partir leur fille. Ils ont fini à obtenir gain de cause, après plusieurs péripéties et rebondissements judiciaires. La cour d’appel civile de Milan a accédé à la requête des parents et a autorisé que l’on débranche immédiatement le respirateur.

C’était sans compter sur l’Église dans un premier temps et sur les députés italiens dans un second. Ce n’est pas aux juges, selon eux, de décider de la vie ou de la mort d’un fidèle ou d’un électeur. Pour la faction religieuse, c’est à Dieu de choisir le moment où il rappellera cette jeune femme à lui. Pour les politiciens, les conditions de fin de vie sont affaire de législateurs. « La Chambre des députés, après avoir débattu du cas d’Eluana, décide de soulever devant la Cour constitutionnelle une exception d’« inconstitutionnalité » pour con­­­flit de compétence entre instances judiciaire et parlementaire ». Le procureur de Milan a, quant à lui, introduit un pourvoi en cassation en estimant qu’une patiente en état de mort cérébrale avait peut-être toujours une conscience…

Pendant ce temps, les parents d’Eluana souffrent. Peu importe l’avis de la famille, des médecins et des juges, il s’agit maintenant d’une affaire politico-religieuse. Et pour une fois, Don Camillo et Peppone sont d’accord.