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Le sexe n’est pas un facteur de risque comme un autre…

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Différences entre l'homme et la femme« Il est incompatible avec les droits fondamentaux de l’Union de tenir compte du sexe de l’assuré en tant que facteur de risque dans les contrats d’assurance » : c’est ce qui ressort des conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne dans une affaire opposant l’État belge à une association de consommateurs et à deux particuliers suite à une disposition prise par la Belgique visant à transposer la directive 2004/113/CE. Les plaignants souhaitaient voir annuler la partie du texte autorisant des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations versées aux assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques et que de telles différences peuvent être fondées sur des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. Cette disposition ne faisait que reprendre l’exception prévue pour les États en matière d’application de la directive 2004/113/CE, texte qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans l’accès à des biens et services et dans la fourniture de ceux-ci.
La cour constitutionnelle belge ayant eu à statuer sur ce litige a décidé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne à ce sujet (affaire C-236/09). Cette dernière n’a pas encore donné sa réponse, mais les conclusions de l’avocat général qui ne lient pas la Cour sont tout de même particulièrement intéressantes. La question qui se pose est de savoir si la dérogation énoncée dans la directive 2004/113/CE est compatible avec des normes de droit supérieur, à savoir le principe de l’égalité de traitement des hommes et des femmes consacré par le droit de l’Union.

Pour l’avocat général, des différences biologiques clairement démontrables pourraient justifier des différences de traitement entre les sexes. Mais ce constat ne suffit pas, encore faut-il voir si les situations dans lesquelles se trouvent les hommes et les femmes en ce qui concerne les facteurs de risque déterminants pour les prestations d’assurance peuvent différer d’une manière pertinente en droit. Pour l’avocat général, la règle dérogatoire en cause ne vise pas des différences biologiques claires entre les assurés, mais concerne des situations dans lesquelles des risques d’assurance différents pourraient en tout cas être statistiquement rattachés à l’appartenance sexuelle. De nombreux autres facteurs joueraient néanmoins un rôle important pour l’appréciation des risques d’assurance. C’est ainsi, principalement, que l’espérance de vie serait fortement influencée par des éléments économiques ou sociaux, comme, par exemple, la nature et l’importance de l’activité professionnelle, l’environnement familial et social, les habitudes alimentaires, la consommation de denrées d’agrément ou de drogues, les activités de loisirs et la pratique du sport.
Il serait juridiquement inapproprié de déterminer les risques d’assurance en fonction de l’appartenance sexuelle de l’assuré. Les différences individuelles qui ne présentent un lien avec cette appartenance sexuelle que de manière statistique ne pourraient pas entraîner une différence de traitement des assurés de sexe masculin et de sexe féminin au moment de la conception des produits d’assurance. Dans ce contexte, elle souligne en particulier que le sexe est une caractéristique qui, à l’instar de la race et de l’origine ethnique, est inséparable de la personne de l’assuré sur laquelle celui-ci n’a aucune influence. Contrairement à l’âge, par exemple, le sexe d’une personne ne serait pas soumis à des modifications naturelles.

En conclusion, l’avocat général estime qu’il est incompatible avec le principe de l’égalité de traitement des hommes et des femmes consacré par le droit de l’Union d’appliquer des facteurs de risque fondés sur le sexe pour déterminer les primes et les prestations d’assurance. Elle propose à la Cour d’annuler la disposition dérogatoire correspondante de la directive 2004/113/CE.

On imagine le bouleversement que pourrait produire une telle décision dans le monde de l’assurance. C’est pour cette raison que l’avocat général préconise qu’une telle mesure ne produise ses effets qu’à l’avenir, en respectant une période transitoire de trois ans après le prononcé de la Cour si ses conclusions étaient suivies.