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Un enfant décèdé quatre jours après avoir été vacciné contre la grippe A en France

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Possible décès d'un enfant après vaccination contre la grippeUn enfant de neuf ans est décédé quatre jours après avoir été vacciné contre la grippe A(H1N1) non loin des monts d’Auvergne. L’origine du décès n’est pas connue, mais cet enfant a présenté, le 6 décembre 2009, une fièvre et des troubles digestifs importants 48 heures avoir reçu une injection du vaccin Panenza des laboratoires Sanofi Pasteur. Ces symptômes ont duré deux jours avant qu’un malaise sévère ne nécessite l’intervention du service d’aide médicale urgente (Samu). Malgré cette prise en charge, l’enfant est décédé deux heures plus tard.
La mort étant survenue brutalement, une autopsie médico-légale a été effectuée le 10 décembre à la demande du parquet du Puy en Velay, dont les résultats ne sont pas disponibles, des examens virologiques et bactériologiques étant en cours.

Quelques questions se posent. Ce drame s’est déroulé le 8 décembre, mais ce n’est que le 12 décembre que cette information est communiquée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Pourquoi un tel délai ? Pour ne pas mettre à mal la confiance des Français dans la campagne de vaccination gouvernementale ? En raison de procédures de pharmacovigilance visant à laisser le temps à l’industrie et aux pouvoirs publics de minimiser les choses parce que l’État engage sa responsabilité en cas d’effets indésirables graves liés à la vaccination ? Parce qu’il s’agit d’un laboratoire français ? Sans doute, rien de tout cela.

La France est le seul pays avec la Suède à avoir choisi une immunisation de masse, appelant la population à se rendre dans les gymnases, et c’est aussi l’un des rares pays d’Europe où la pandémie continue à progresser, contrairement à ce qui se passe chez ses principaux voisins (Allemagne, Belgique, Espagne, Portugal, Italie, etc.)… Un hasard, bien entendu, à moins que le virus H1N1v ne soit comme les touristes étrangers et n’estime que la France est une destination où il fait bon séjourner.
Même si les longues files d’attente, dues à des dysfonctionnements dans l’organisation de cette campagne, sont un lieu propice à la propagation d’un virus du type influenza, les pouvoirs publics sont heureux d’avoir écoulé un peu plus de 3 millions de doses de vaccins sur les 94 millions de doses achetées.

Le vaccin Panenza de Sanofi Pasteur, division vaccins du groupe Sanofi-Aventis, est un vaccin contre la grippe A(H1N1) sans adjuvant. La France a déjà reçu, dans un premier temps, 1,2 million de doses de ce produit qui ont servi principalement à vacciner des femmes enceintes et de très jeunes enfants (nourrissons de 6 à 23 mois), complétées la semaine dernière par 3,3 millions de doses supplémentaires servant à proposer la vaccination aux enfants de 24 mois à neuf ans, en raison d’un risque plus faible d’avoir une douleur au niveau du point d’injection. Le recul pour les enfants de neuf ans avec ce vaccin, en France, est donc très faible. Bien plus faible que celui que des médecins indépendants ont face à la grippe A(H1N1) et qui leur permet d’affirmer qu’il s’agit d’une forme de grippe bien moins sévère que celle qui frappe chaque année notre territoire…

 

Vaccin contre la grippe A(H1N1) : la responsabilité des laboratoires atténuée en cas d’effets indésirables

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Responsabilité et vaccin contre la grippe A(H1N1)Il n’y a pas qu’aux États-Unis que les fabricants de vaccins contre la grippe A(H1N1) ont obtenu que leur responsabilité ne soit pas engagée en cas d’effets indésirables graves ou non durant la campagne d’immunisation. Le gouvernement français a pris les mêmes engagements comme le révèlent les contrats passés entre les industriels et l’État rendus publics après que le journal Le Point ait saisi la commission d’accès aux documents administratifs pour réussir à les obtenir. Les autorités de santé semblent ainsi montrer qu’elles ont une confiance dans ces produits qui va au-delà même de celle des laboratoires eux-mêmes…

Dans plusieurs de ces contrats figure une clause de responsabilité qui remet en question la responsabilité des laboratoires signataires du fait de produits défectueux. C’est la solidarité nationale, donc les contribuables, qui devront prendre en charge l’indemnisation des éventuelles victimes d’effets indésirables. La situation de pandémie et l’urgence estimée par les pouvoirs publics de la vaccination seraient à l’origine de cette clause pour chacun des vaccins achetés. Dans le document reproduit ci-après, le “titulaire” correspond au laboratoire ayant signé le contrat :

« […] le titulaire s’engage à demander l’autorisation de mise sur le marché et à accomplir toute démarche de droit en vue de l’obtenir. Une fois l’autorisation de mise sur le marché obtenue, le titulaire s’acquittera de toutes les obligations du titulaire d’une telle autorisation telles que prévues dans le Code de la santé publique, y compris les obligations de pharmacovigilance.
L’administration déclare que l’utilisation des vaccins objet du présent marché ne se fera qu’en cas de situation épidémiologique le nécessitant. Dans ces conditions, les opérations de vaccination de la population seront décidées par la seule administration et seront placées sous la seule responsabilité de l’État.
Dans ce cadre, le titulaire est, en principe, responsable du fait des produits défectueux.
Toutefois, à titre dérogatoire et considérant les circonstances exceptionnelles qui caractérisent l’objet du présent marché, l’État s’engage à garantir le titulaire contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être élevées à l’encontre de ce dernier dans le cadre des opérations de vaccination sauf en cas de faute du titulaire ou sauf en cas de livraison d’un produit non conforme aux spécifications décrites dans l’autorisation de mise sur le marché ou, à défaut d’autorisation de mise sur le marché, aux caractéristiques du produit telles qu’elles figurent dans le dossier d’autorisation de mise sur le marché dans l’état où il se trouvait au moment de chaque livraison. »

Pourquoi une telle clause pour des produits que les fabricants disent issus des procédés de fabrication des vaccins contre la grippe saisonnière, des produits présentés comme sans réel danger ? Pourquoi l’État donne-t-il sa garantie aux laboratoires s’ils étaient poursuivis devant la justice pour des vaccins utilisés de façon massive pour une grippe dont le taux de mortalité est inférieur à celui de la grippe saisonnière ? Il y a là des questions que ne manquent pas de se poser de nombreux juristes et professionnels de santé…

 

L’industrie pharmaceutique paye les médecins pour prescrire plus de médicaments

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les médecins russes achetés par l'industrie pharmaceutique ?Plusieurs milliers de médecins sont, d’une façon ou d’une autre, rémunérés par l’industrie pharmaceutique et certains ont même des formulaires imprimés prêts pour les laboratoires. « Ces revenus devraient être interdits par la loi et des règles de déontologie plus strictes mises en place ». « Il doit être mis fin à cette pratique déplorable ». C’est ce qu’a déclaré le premier ministre Vladimir Poutine à l’occasion d’une réunion sur le développement de l’industrie pharmaceutique, car il est question des professionnels russes et non des praticiens français, bien entendu.

L’ancien président russe va plus loin puisqu’il estime qu’un spécialiste, qui donne son avis en tant qu’expert ou qui participe aux commissions d’évaluation pour un nouveau médicament, ne doit pas être rétribué par les laboratoires. Actuellement, selon lui, les membres de ces conseils d’experts ne se soucient pas de la qualité des produits pharmaceutiques, mais soutiennent simplement le produit de la société qui leur verse une indemnisation.

Ces affirmations ne sont pas gratuites. La vente de médicaments aux particuliers est un marché qui devrait connaître une très forte croissance dans les prochaines années en Russie et Vladimir Poutine ne veut pas que ces dépenses impactent de façon importante le budget de l’État. Pour ne plus avoir à importer 90 % des médicaments utilisés pour répondre aux programmes fédéraux d’achat de médicaments, le premier ministre souhaite que ces derniers et surtout leurs génériques soient produits sur place. Il est prêt à investir 700 millions de roubles pour subventionner des prêts pour le développement technologique et l’amélioration des entreprises pharmaceutiques en Russie. Les usines russes ont besoin d’évoluer, car la plupart des médicaments fabriqués dans le pays ne répondent pas aux normes internationales. Pour voir leurs parts de marché augmenter, les laboratoires pharmaceutiques russes doivent améliorer leurs standards de qualité en s’alignant sur ceux des autres pays développés.

Enfin, la transparence et la concurrence doivent permettre au prix des médicaments de baisser. Dans la région de Chelyabinsk, il a suffi que le service “antimonopole” s’intéresse à la vente d’un important lot de médicaments pour que son prix soit divisé par cent. Une clarification des procédures sur le marché des produits pharmaceutiques est donc indispensable.

Dans un pays où l’alcool fait des ravages, où les discours politiques servent plus souvent à se donner une image qu’à promouvoir de réels changements et où la corruption est connue pour son ampleur, il n’est pas sûr que les paroles de Vladimir Poutine fassent réellement bouger les choses. Il est avant tout question d’exercer des pressions pour redistribuer les richesses du marché des médicaments vers des intérêts nationaux. Est-ce pour autant que de telles mesures profiteront à la population ? Rien n’est certain.
Vladimir Poutine semble vouloir s’inspirer de la politique menée par la France en pointant du doigt les médecins. Mais dans son cas, reprocher aux praticiens russes d’être corrompus, surtout si c’est vrai, aide peut-être à détourner l’attention de l’opinion de compromissions bien plus personnelles…

 

Pour ceux qui lisent le Russe, la source de cet article sur le site de RosBusinessConsulting.

Notice du vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Sclérose en plaques et notice du vaccin contre l'hépatite B Si rares sont ceux qui lisent la notice du vaccin qu’ils vont se faire injecter, elle a pourtant son importance si l’on s’en réfère à la décision de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 9 juillet 2009 (pourvoi nº 08-11073).

En juillet et en août 1997, une patiente se fait vacciner contre l’hépatite B. En octobre 2007, elle commence à présenter des troubles neurologiques qui conduisent au diagnostic de sclérose en plaques (SEP) en avril 2001. La patiente décide alors de rechercher la responsabilité du fait d’un produit défectueux du laboratoire fabriquant le vaccin utilisé pour l’immuniser. Le laboratoire pharmaceutique est déclaré responsable de la SEP survenue chez cette femme et condamné à réparer les préjudices par la cour d’appel de Lyon en novembre 2007. Il se pourvoit alors en cassation.

La Cour de cassation va confirmer la condamnation du laboratoire pour deux raisons :
— Au moment où la patiente a reçu l’injection, la notice du vaccin ne mentionnait pas dans les effets indésirables la possible survenue d’une sclérose en plaques. « […] la cour d’appel a constaté que le dictionnaire médical Vidal, comme la notice actuelle de présentation du vaccin, fait figurer au nombre des effets secondaires indésirables possibles du produit la poussée de sclérose en plaques, quand la notice de présentation du produit litigieux ne contenait pas cette information ; qu’elle en a exactement déduit que le vaccin présentait le caractère d’un produit défectueux au sens de ce texte [l’article 1386-4 du code civil relatif à un produit défectueux, NDLR]. » ;
— Ce n’est pas parce que le laboratoire verse au dossier des études ne mettant pas en évidence une augmentation statistiquement significative du risque relatif de sclérose en plaques ou de démyélinisation après vaccination contre l’hépatite B avec son produit que cela exclut, pour autant, un lien possible entre cette vaccination et la survenance d’une démyélinisation de type sclérose en plaques. Dans ces conditions, face à des premières manifestations de la sclérose en plaques moins de deux mois après la dernière injection du produit ; étant donné qu’aucun membre de la famille de la patiente n’avait souffert d’antécédents neurologiques, et que dès lors aucune autre cause ne pouvait expliquer cette maladie ; avec le témoignage du médecin traitant affirmant que « le lien avec la vaccination relevait de l’évidence », la cour d’appel, qui a souverainement estimé que ces faits constituaient des présomptions graves, précises et concordantes, a pu en déduire un lien causal entre la vaccination et le préjudice subi par la patiente.

À quelques semaines de la sortie du vaccin contre la grippe A(H1N1), cette décision de la Cour de cassation ne peut qu’encourager les patients à lire et à conserver la notice du produit qui leur sera injecté, ainsi que tous les documents qui pourront leur être remis. Juste au cas où…

Accord entre l’Europe et les États-Unis sur les essais cliniques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Contrôle commun americano-européen des bonnes pratiques pour les essais cliniquesL’agence européenne du médicament (European Medicines Agency, EMEA) et l’US Food and Drug Administration (FDA) se sont mis d’accord le 31 juillet 2009, dans un document intitulé EMEA-FDA GCP Initiative, pour prendre en considération les informations recueillies chacun de leurs côtés dans le cadre des protocoles permettant de mettre sur le marché un médicament. Il faut dire que dans la plupart des cas, ce sont les mêmes études cliniques qui sont demandées pour obtenir les Marketing Authorisation Applications (MAAs) de l’agence européenne ou les New Drug Applications (NDAs) et les Biologics Licence Applications (BLAs) de l’administration américaine.

En lisant le communiqué commun à ces deux agences, il est intéressant de constater que c’est à cause de la mondialisation et du manque de moyens dont elles disposent pour effecteur des contrôles des essais cliniques, qu’elles ont décidé d’étudier comment s’allier. Seul un petit échantillon de sites et d’essais cliniques peut être contrôlé comme répondant à de bonnes pratiques cliniques ou étant menées de façon éthique. En échangeant des informations, la FDA et l’EMEA pourraient accroître leur synergie et leur efficacité en travaillant en synergie.

À partir du 1er septembre 2009 et dans le cadre d’un accord d’échange d’informations confidentielles signé en 2005 entre la Commission européenne, l’EMEA et la FDA, dix-huit mois vont être consacrés à établir des relations de confiance entre les deux agences concernant les informations recueillies par l’une et l’autre concernant le respect des bonnes pratiques cliniques. Il s’agit d’une phase pilote durant laquelle le planning des contrôles sera mis en commun afin d’éviter des récurrences. Des inspections seront aussi menées en commun afin que chacun puisse apprécier le travail de l’autre, bénéficier de son expérience et tisser des liens de confiance. Une réflexion basée sur ces échanges d’informations sera conduite afin de savoir quels sont les points sur lesquels les convergences sont les plus fortes. Un bilan sera réalisé à la fin de cette première phase.

L’EMEA et la FDA cherchent des partenaires pour mener à bien leurs premières inspections communes. Ce qui peut paraître simple sur le papier peut se révéler délicat à l’usage. La concurrence industrielle peut faire que l’on n’ait pas envie que des informations sur un produit soient à la disposition des autorités d’un autre pays trop rapidement. L’harmonisation de la qualité des contrôles, potentiellement tirée vers le haut par de telles procédures, peut aussi ne pas être appréciée par certains acteurs de la filière. Par contre, le fait de n’avoir à fournir qu’une fois de volumineux dossiers et n’avoir à traiter qu’avec une seule administration pourrait intéresser les laboratoires pharmaceutiques. Une initiative à suivre…

Des doutes sur les revues médicales à comité de lecture

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Evolution

Manipulation de la presse médicale ?Une enquête du magazine des sciences de la vie The Scientist, reprise par Pharmacritique, remet sérieusement en cause la fiabilité des revues d’un grand éditeur de la presse médicale. C’est la revue Australasian Journal of Bone and Joint Medicine (AJBJM) qui est à l’origine de cette affaire. Présentée comme une revue à comité de lecture, cette publication a, en fait, été créée et financée par un grand laboratoire pharmaceutique. Elle n’est pas la seule puisque d’autres publications dans la série des Australasian Journals of sont basées un principe assez semblable. Les laboratoires pharmaceutiques achètent des annonces publicitaires et obtiennent ainsi un puissant droit de regard sur la ligne éditoriale de la revue qui les intéresse. Pendant cinq ans, ces revues médicales n’auraient quasiment publié que des articles choisis et financés pour servir les intérêts de l’industrie, sous couvert de journaux présentés comme indépendants et impartiaux. Certains numéros ont même été distribués gracieusement à tous les généralistes australiens.

Si les médecins sont habitués à garder un oeil critique vis-à-vis des divers journaux et revues qu’ils reçoivent gracieusement, ils attachent plus de crédit aux revues à comité de lecture publiées par les grands éditeurs médicaux, surtout quand celles-ci bénéficient d’un impact factor. Les experts médicaux du monde entier et les juristes vont aussi régulièrement chercher leurs sources dans cette littérature scientifique pour estimer quelles sont les données acquises de la science. Contrôler le contenu éditorial de revues censées être indépendantes, c’est avoir le pouvoir d’influencer des prescriptions, des recommandations de bonne pratique et, parfois, la décision d’un magistrat ou d’une institution. Que les bureaux d’un grand éditeur médical se prêtent à de tels agissements pour voir augmenter son chiffre d’affaires fait planer un doute sur la crédibilité de ce système.

Les revues à comité de lecture sont l’un des pilliers de la diffusion du savoir auprès des professionnels de santé. Elles ont néanmoins certaines limites. Le phénomène de la littérature grise est l’une d’elles. Spontanément, certaines équipes préfèrent ne pas publier les résultats d’études n’étant pas favorables à un traitement dans ces revues pour ne pas avoir à subir la pression d’un laboratoire. Cette autocensure influence même les recommandations de bonne pratique, comme l’a montré un article du Lancet.
La médecine n’a pas encore son générateur automatique d’articles, comme c’est le cas pour l’informatique, mais elle a aussi son lot d’auteurs publiant de fausses études, acceptées par les comités de lecture. Scott S. Reuben, par exemple, chef de service d’un centre anti-douleur du Massachusetts, a utilisé de fausses informations dans ses recherches, publiées dans plusieurs journaux scientifiques entre 1996 et 2008, permettant à des médicaments contestés de rester en vente plus longtemps.

Face à de telles pratiques, il n’est pas certain que les cours de « lecture critique » mis en place au sein des facultés de médecine soient suffisants. Ils ont néanmoins le mérite de faire prendre conscience aux futurs praticiens qu’il faut toujours savoir remettre en question la parole de ses maîtres.

Réforme de la biologie médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le Conseiller général des établissements de santé Michel Ballereau a remis, le 23 septembre 2008, son rapport sur la réforme de la biologie médicale à la ministre de la santé. Selon la synthèse de ce travail, « Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a montré, en 2006, que la qualité moyenne des laboratoires de biologie médicale était bonne mais avec quelques insuffisances, plus particulièrement sur des laboratoires à faible activité. Par ailleurs, la structure des laboratoires français de biologie médicale n’a pas progressé aussi vite que l’évolution des connaissances scientifiques et des technologies l’aurait exigé et certains ont une activité trop faible pour être solides et capables de s’adapter aux techniques d’analyses les plus modernes, tout en dégageant le temps nécessaire à la prestation intellectuelle toujours plus importante, partie intégrante de l’examen de biologie médicale ».Laboratoire

Ce rapport met en avant l’aspect médical de cette spécialité qui ne doit pas se contenter de remettre quelques feuilles de résultats sans explication en échange d’une prescription qui ne s’accompagne quasiment jamais d’informations. Elle doit rapprocher cliniciens et biologistes afin qu’ils travaillent de concert. Une analyse biologique hors de son contexte clinique n’a que peu de valeur. Il en va de même de tout examen pratiqué sans une connaissance parfaite des circonstances qui amènent à sa réalisation. Les médecins spécialistes ne sont pas de simples techniciens, mais des praticiens à part entière qui doivent participer activement à l’amélioration des soins.
Belle déclaration d’intentions qui devrait s’adresser à tous les confrères des médecins biologistes qui ne seraient sans doute pas mécontents de voir arriver tous les patients avec un courrier leur expliquant la raison des prescriptions. Le code de déontologie impose ce type de correspondance, mais tout un chacun sait qu’il n’est quasiment jamais respecté, dans un sens comme dans l’autre…

Ce qui est assez surprenant, c’est qu’après avoir réaffirmé l’aspect médical de cette spécialité, la synthèse du rapport propose une réforme marquant « le passage d’obligations de moyens à des obligations de résultats tournées vers le patient ». Une nouvelle fois, un haut fonctionnaire, pourtant médecin à l’origine, veut obliger une science qui n’est pas exacte à des résultats… Heureusement, ce fantasme semble ne pas concerner les résultats médicaux en eux même, mais plutôt le cabinet médical qui passerait d’un régime de normes à une accréditation du type de celles qui ont été mises en place pour les établissements de santé. Un système de certification ISO, du type de celui mis spontanément en place par les ophtalmologistes dans un souci d’amélioration de la qualité de la prise en charge du patient, n’a pas été retenu en raison de l’importante part technique de la biologie médicale. Cette accréditation serait obligatoire. La synthèse du rapport n’aborde ni le coût d’une telle accréditation pour les professionnels, ni le temps consacré par ces derniers à répondre à de nouvelles obligations administratives et qui sera perdu pour la prise en charge des patients.
Toute aussi surprenante l’idée de diminuer le prix des actes de biologie au regard de l’automatisation des analyses et de la standardisation de l’interprétation si on estime que le médecin est là pour apporter son expérience et faire appel à ses longues années de formation.

« La définition du laboratoire de biologie médicale, qu’il soit hospitalier ou libéral, change dans la réforme proposée. Cette définition impose au laboratoire de biologie médicale de participer à l’offre de soins et elle permet l’existence de laboratoires multisites sur un territoire de santé. Il en résulte une plus grande liberté d’organisation du biologiste et la fin de règles telles que le rattachement du biologiste à un site (ex laboratoire) ». Il ne fait pas de doute que c’est un pur hasard si ce rapport va exactement dans le sens du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires »… C’est aussi en toute indépendance que ce travail alloue aux directeurs généraux des futures agences régionales de santé (ARS) des pouvoirs importants dans le secteur de la biologie médicale. Les investissements seraient sous leur surveillance et les délocalisations pourraient être interdites. Il s’agit là de mesures administratives tendant vraisemblablement à s’opposer à la volonté des instances européennes de voir le capital des sociétés médicales s’ouvrir à tous les investisseurs. En 2006, la Commission européenne avait déjà rappelé à l’ordre l’Hexagone « en raison de l’incompatibilité avec la liberté d’établissement établie par l’article 43 du traité CE de restrictions en matière de détention du capital d’une société exploitant des laboratoires d’analyse de biologie médicale par un non-biologiste (limitation à un quart au maximum des parts sociales pouvant être détenues par un non-biologiste) et de l’interdiction faite à une personne physique ou morale de détenir des participations dans plus de deux sociétés constituées en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale. La Commission considère que ces restrictions limitent les possibilités de partenariat, notamment avec des personnes morales d’autres États membres et la liberté d’établissement en France de laboratoires établis dans d’autres États membres et ne satisfaisant pas aux critères posés par la législation française ». Le conseil national de l’ordre des médecins sera-t-il satisfait par ces mesures ? Il est lui aussi très hostile aux idées européennes d’un capital ouvert, mais de là à souhaiter le renforcement du rôle de l’Administration…

La réforme proposée tient compte de l’arrêté du 21 juillet 2008 fixant les critères permettant de vérifier les conditions d’autorisation ou d’agrément des laboratoires établis hors de France dans un État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen puisque ces derniers vont pouvoir réaliser des analyses sur des prélèvements effectués en France, pour le compte de patients français.

Enfin, Michel Ballereau insiste sur un point sur lequel Droit-medical.com revient fréquemment : « en l’absence de cadre européen spécifique, la santé est considérée le plus souvent sous l’égide de règles économiques pures, qui sont inadaptées à certaines situations ». Sur un plan national, qui lui ne manque pas de cadre, l’auteur du rapport propose un montant d’économies dans le domaine de la biologie médicale d’environ 100 millions d’euros net, sur trois années consécutives.