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Bientôt une standardisation des paquets de cigarettes ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Une cigarette et une seringueIl est encore temps de présenter ses meilleurs voeux au rang desquels figure souvent la santé. L’année 2011 sera-t-elle l’occasion pour les parlementaires de prendre des décisions plus favorables à la santé publique qu’aux intérêts commerciaux de différents lobbies, à l’inverse de ce qui a été souvent fait ces dernières années ? Rien n’est moins sûr si l’on constate le peu d’écho fait à la proposition de loi du député Yves Bur, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2010, à l’instar de ce que prévoit de faire le gouvernement britannique.

C’est en se basant sur le constat que le tabac fait 66 000 morts en France chaque année, contre moins de 4 000 pour les accidents de la route en 2010 par exemple, que cet élu a décidé de proposer une loi visant à l’instauration d’un paquet de cigarettes neutre et standardisé. Selon Yves Bur, « sur ces 66 000 personnes, la moitié meurt avant d’avoir atteint l’âge de 69 ans. Le tabac est la première cause de mort par cancer, par maladies respiratoires et maladies cardiovasculaires avant 45 ans. S’il n’est pas la cause directe de ces décès, il est facteur d’aggravation de nombreuses maladies chroniques. Au total, un fumeur sur deux mourra à cause du tabac. Source de dégâts sanitaires majeurs, le tabac reste de loin la première cause de mortalité évitable dans notre pays et, contrairement aux idées reçues, il constitue également pour notre société un coût social et financier très lourd. »

Les mesures prises jusque-là sont vraisemblablement insuffisantes puisque le nombre total de fumeurs quotidiens a augmenté de 2 points entre 2005 et 2010, les femmes et les jeunes étant les nouvelles ciblent de l’industrie du tabac. Pour le député, il faut y voir le contournement incessant de la loi Évin du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme. « En effet, malgré l’interdiction de la publicité, les infractions sont nombreuses, comme le montre la jurisprudence en la matière. Parrainage de manifestations culturelles et sportives, cadeaux à l’achat de produits de tabac, produits dérivés et transformation de paquets de cigarettes telles que les éditions « collector », sont des exemples de manœuvres condamnées par les juges.
L’utilisation du paquet de cigarettes comme support de publicité n’est ni plus ni moins qu’une atteinte flagrante à cette interdiction. Les industriels du tabac redoublent toujours plus de créativité pour attirer de nouveaux fumeurs. En outre, l’attractivité des paquets conduit à annihiler l’information sur la toxicité du tabac. C’est une image trompeuse utilisée pour véhiculer l’imaginaire de la marque. »

De nombreuses études ont montré que la couleur du paquet de cigarettes avait une incidence sur le ressenti du client à l’égard du produit. Des tons pastel laissent par exemple penser que les cigarettes contenues dans un emballage de cette couleur sont moins nocives pour la santé… Pour l’élu, « le tabac est une drogue et il est illusoire de penser que nos concitoyens sont pleinement conscients des risques réels qu’implique leur propre consommation de tabac » et seule une législation plus contraignante a une chance d’éviter que le packaging utilisé par les fabricants de cigarettes ne détourne la portée du message sanitaire.

Alors qu’il faudra encore attendre jusqu’au mois d’avril 2011 pour que des images-chocs fassent obligatoirement leur apparition sur les paquets de cigarettes, l’épidémie de tabagisme progresse chaque jour un peu plus de par le monde d’après l’Organisation mondiale de la santé…

Les Européens favorables à une politique antitabac plus ferme

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Fumer tueLes enquêtes réalisées à la demande de la Direction générale de la santé et de la protection des consommateurs de l’Union européenne (UE) sont appelées des “eurobaromètres”. Elles ne représentent pas le point de vue de la Commission européenne, mais permettent à cette dernière d’avoir une idée plus précise des attentes de ses citoyens afin d’orienter sa politique dans le sens voulu par ces derniers, tout du moins en théorie. C’est pour cette raison que les résultats de l’Eurobaromètre spécial 332, publié en mai 2010 et consacré au tabac, sont intéressants.

Alors que la première législation en matière de contrôle du tabac a été adoptée en Europe à la fin des années 1980, près d’un tiers des citoyens de l’Union (29 %) ayant répondu à cette étude continue de fumer, avec un triste record pour la Grèce dont plus de 40 % de la population est dépendante au tabac. Même si 49 % des Européens affirment ne jamais avoir fumé, des progrès restent à faire puisque ce n’est « pas loin de 650 000 personnes meurent chaque année de maladies liées au tabagisme, dont la moitié sont âgées de 35 à 69 ans, soit un âge de loin inférieur à leur espérance de vie. »
Des usages traditionnels ou des phénomènes de mode viennent parfois donner une fausse impression de sécurité aux consommateurs comme, par exemple, lors de l’usage de la pipe à eau (shisha, hookah) vis-à-vis du tabac ou de la cigarette électronique vis-à-vis de la nicotine.
« En moyenne, les fumeurs de l’UE fument 14,4 cigarettes (fabriquées industriellement ou roulées à la main) par jour. La moyenne va d’à peine 10,1 cigarettes par jour en Suède à un peu plus de 21 en Grèce et à Chypre. »

Un citoyen de l’UE sur six (17 %) pense à tort que certains types de cigarettes sont moins nocifs que les autres, souvent trompés qu’ils sont par l’utilisation de termes comme “légères” ou même par la couleur du paquet.

Alors que les autorités publiques hésitent chaque fois un peu plus à augmenter le prix du tabac, cette étude montre pourtant que 47 % des personnes interrogées estime que c’est une source de motivation pour décider de l’arrêt de sa consommation, avant même l’inquiétude à propos de l’effet de la fumée sur les non-fumeurs.

Enfin, les mesures législatives visant à lutter contre le tabagisme sont majoritairement bien perçues par les citoyens de l’Union. « La politique ayant remporté le plus grand succès est celle qui consiste à mettre des photos d’avertissement liées à la santé sur tous les paquets des produits du tabac. Les trois quarts (75 %) de tous les citoyens de l’UE sont favorables à cette politique.
Les deux tiers des citoyens de l’UE (67 %) sont favorables à l’introduction d’un coût supplémentaire pour les fabricants de produits contenant du tabac pour couvrir les soins de santé liés à la consommation des produits du tabac. Les citoyens de l’UE soutiennent également la mesure consistant à augmenter les taxes sur les produits contenant du tabac, puisque 56 % des personnes interrogées sont favorables à cette proposition.
Près des deux tiers des citoyens de l’UE sont favorables à l’interdiction de la publicité pour les produits contenant du tabac dans les points de vente/ magasins (63 %), et plus de la moitié des citoyens (55 %) est également favorable à la mesure consistant à garder les produits contenant du tabac hors de vue dans les magasins/points de vente.
Les citoyens de l’UE sont favorables, respectivement à 60 % et 52 %, à l’interdiction de la vente de tabac par Internet et dans des distributeurs automatiques.
La mesure d’interdiction des goûts qui rendent les produits contenant du tabac plus attirants a le soutien de six citoyens de l’UE sur dix (61 %).
Un peu plus de la moitié des citoyens de l’UE (54 %) sont favorables à l’interdiction des couleurs, des logos et des éléments promotionnels sur les paquets des produits contenant du tabac. »

Malgré cela, les souhaits des citoyens mettront très certainement du temps à aboutir à une harmonisation européenne vers le haut, visant à oeuvrer pour la santé publique, tant les intérêts commerciaux du lobby du tabac et les intérêts fiscaux des États sont importants.

 

La publicité plus forte que l’obésité

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

loi, obésité et industrie agroalimentaireDécidément, le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) n’a pas fini de surprendre les observateurs et surtout les professionnels de santé. Il faut tout d’abord rappeler que l’article 25 du projet de loi concerne les « cigarettes bonbons » (cigarettes aromatisées fraise, vanille ou chocolat, roses ou noires, et déjà testées par 14% des 12-15 ans, selon une enquête de l’association Paris sans tabac), mais il a aussi donné l’occasion aux députés de présenter de nombreux amendements relatifs à la santé des enfants et des adolescents.

Valérie Boyer, députée de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, n’a pas manqué de participer aux débats. Cela n’a rien d’étonnant puisqu’elle est l’auteur du rapport d’information no 1131 de l’Assemblée nationale sur la prévention de l’obésité publié en septembre 2008. Pour ce travail, « l’épidémie d’obésité met en danger notre système de protection sociale ». On comprend que cette approche politico-économique, qui fait passer la protection sociale avant la santé aux yeux de la grande majorité des décideurs politiques et administratifs actuels, l’ait conduite à proposer un amendement faisant de la prévention de l’obésité et du surpoids une priorité de la politique
de santé publique. Cet amendement ayant été voté, la France compte une grande cause de plus.
Si cette grande cause nationale est noble, elle doit toutefois, pour la majorité des députés, avoir ses limites, y compris pour Valérie Boyer. Pas question, par exemple, que l’industrie agroalimentaire pâtisse une nouvelle fois de ce désir de sauver le système social et accessoirement la santé des Français… Un amendement, pourtant présenté par Jean-Marie Rolland, rapporteur du projet de loi et appartenant au même groupe politique que Valérie Boyer, proposant que les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés portant sur des boissons et des produits alimentaires manufacturés avec ajout de sucres, matières grasses, ou édulcorants de synthèse, ne puissent pas être diffusés pendant des programmes qui sont qualifiés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, d’émissions dont une partie importante du public est constituée d’enfants et d’adolescents, et dans les quinze minutes qui précèdent et suivent de tels programmes, a été rejeté. La ministre de la santé a demandé que cet amendement ne soit pas adopté en insistant sur le fait qu’il ne fallait pas trop en demander aux industriels qui s’étaient engagés dans une démarche de bonne conduite concernant l’obésité des plus jeunes. Il semble que l’on croit plus facilement aux promesses de bonne conduite des industriels qu’à celles des professionnels de santé à l’examen de l’ensemble des débats à l’Assemblée nationale.

La santé est-elle au centre des préoccupations du législateur ? Outre l’approche politico-économique privilégiant la défense du système social, un amendement voté dans les jours précédents peut laisser penser que c’est par la négative qu’il faut répondre à cette question. Les députés ont, en effet, retenu l’amendement autorisant la publicité pour l’alcool sur quasiment tous les sites Internet. L’alcool qui pèse lui aussi sur le système social français…

Coup de tabac sur une convention internationale en Russie

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le tabac tue de nombreux russesLe gouvernement russe a ratifié, début 2008, la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac qui date de 2003. De nombreux articles de la presse officielle russe ont fait l’éloge de cette décision, insistant sur son intérêt pour la santé publique. On aurait pu croire que la Fédération de Russie respecterait ses engagements…

Les politiciens de la Duma, chambre basse du parlement, n’auront pas mis longtemps à céder aux pressions des lobbies du tabac et, au mépris de la Convention, une nouvelle norme va autoriser la publicité trompeuse sur les cigarettes, selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé. L’usage du mot « légère », par exemple, est permis pour décrire certaines marques. Le texte offre même la possibilité aux représentants de l’industrie du tabac de prendre part au processus législatif. Ce qui montre à quel point les lobbyistes ont fait du bon travail, c’est que plusieurs médecins soutiennent ces mesures.

Environ 60 % des adolescents russes fument et l’espérance de vie, proche de celle des pays les plus pauvres, est seulement de 60 ans pour les hommes. On estime à 330 000 le nombre de personnes qui meurent, chaque année, de maladies liées au tabac en Russie. À Moscou, on peut trouver un paquet de cigarettes sans filtre pour 2,5 roubles, soit 7 centimes d’euro.

Il n’y a pas qu’en France que les lobbies sont puissants et dépensent sans compter pour dénaturer les lois sur la santé. Contrairement au tabac froid, l’argent n’a pas d’odeur.

[Source : BMJ 2008;337:a2837]