Psychothérapeutes et business du ticket psy

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Qui se cache derrière votre psychothérapeute ?Nul besoin de diplôme jusque-là pour que n’importe qui puisse se décréter psychothérapeute et se mette ainsi à demander de l’argent à des personnes crédules et souvent en détresse psychologique. La loi de modernisation de l’économie no 2008-776 du 4 août 2008, avec la mise en place du statut d’auto-entrepreneur au 1er janvier 2009, a même eu tendance à faciliter les démarches pour tous ceux qui souhaitent vivre de cette pratique. Ce nouveau statut est en effet ouvert aux professions libérales relevant de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) depuis la loi no 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, venue compléter la précédente. Sont ainsi concernés les psychanalystes non médecins diplômés ou non ; les psychologues cliniciens ou non ; les psychothérapeutes diplômés ou non et les psychothérapeutes sophrologues non diplômés. Diplôme ou pas, monter son entreprise de psychothérapie est devenue un jeu d’enfant.

Le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) devrait mettre fin à cela si son article 22 septies est maintenu jusqu’au vote définitif de la loi. Ce texte stipule qu’ « Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article et les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir l’ensemble des professionnels souhaitant s’inscrire au registre national des psychothérapeutes. Il définit les conditions dans lesquelles les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur agréent les établissements autorisés à délivrer cette formation.
L’accès à cette formation est réservé aux titulaires d’un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d’exercer la médecine en France ou d’un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse.
Le décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l’article 44 de la loi nº 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations peuvent bénéficier d’une dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique.
Le décret en Conseil d’État précise également les dispositions transitoires dont peuvent bénéficier les professionnels justifiant d’au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du décret. »
Si la création de l’entreprise reste facile, l’obtention du titre de psychothérapeute devrait l’être un peu moins… Cela ne peut qu’être bénéfique à ceux qui pratiquent cette profession avec sérieux.
Un point du texte est tout de même étonnant : le fait qu’un doctorat en médecine permette d’accéder au même niveau de formation qu’un master, et non un doctorat, en psychologie ou en psychanalyse. Dépréciation du diplôme de docteur en médecine et de ses onze ans d’études et de stages à temps plein, souvent doublé d’un diplôme d’études spécialisées en psychiatrie, ou reconnaissance exceptionnelle des cinq années de formation au rythme universitaire de ces masters ? Sans parler des personnes non diplômées qui exercent la psychothérapie depuis tout juste cinq ans ; leur expérience est-elle jugée équivalente ? Il sera intéressant de voir qu’elles seront les mesures transitoires prévues dans le décret…

Réglementer pouvait s’avérer urgent, car avec la création du « ticket psy », présenté par la société qui le commercialise comme « un service pour les entreprises qui souhaitent contribuer au mieux-être psychologique de leurs salariés, dans le cadre de leur obligation de prévention des risques psychosociaux » et la très médiatique suspicion de harcèlement moral ou de souffrance psychologique au travail qui pèse sur les chefs d’entreprise, l’accès aux psychothérapeutes a lui aussi été facilité. À tel point que des services de médecine du travail se sont émus d’avoir vu la fréquence à laquelle ils étaient sollicités par des psychothérapeutes augmenter ces derniers temps alors qu’ils disposent de solutions alternatives de qualité à de telles pratiques.

 

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Commentaires (5)

  • AtouSante

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    Le ticket psy donne simplement l’illusion à l’entreprise qu’elle prend en charge les risques psychosociaux.
    Lorsque des salariés d’une entreprise sont victimes de souffrance au travail, c’est l’organisation du travail qui doit être analysée, le problème ne doit pas être renvoyé à l’individu. En effet, l’organisation du travail a pour cible l’appareil mental d’un individu.

    Lorsqu’un salarié nécessite réellement une prise en charge individuelle au plan psychologique, il est orienté par le médecin du travail vers un psychiatre libéral ou hospitalier, éventuellement vers un CMP, centre médico-psychologique, rattaché à un hôpital public dans lequel les consultations assurées par des psychiatres, des psychologues cliniciens, des infirmières sont entièrement prises en charge par la Sécurité sociale.
    Lorsque le salarié présente un état de souffrance liée au travail, une aide individuelle est possible grâce aux consultations spécialisées dans la prise en charge de la souffrance au travail auxquelles l’article fait allusion. Cette aide individuelle ne doit pas occulter la question de l’organisation du travail.

    Prenons l’exemple d’une entreprise où les salariés sont très régulièrement agressés par les clients parce que l’entreprise en raison d’un manque de communication en interne conduit les salariés à délivrer des informations contradictoires à un même client. …Remettre un ticket psy aux salariés qui sont en souffrance parce qu’ils sont très régulièrement victimes d’agressions verbales ne résoudra rien, c’est la communication au sein de l’entreprise qui devra être repensée, nécessairement plus difficile à mettre en œuvre que le ticket psy.
    Les médecins du travail utilisent de plus en plus le questionnaire de Karasek qui permet d’évaluer globalement la santé mentale au sein de l’entreprise, et de repérer les éléments de l’organisation du travail qui sont délétères pour la santé des salariés,.

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  • sebastien nicolas

    |

    🙂
    Amusantes ces conditions car a priori, il suffit juste que mon boulanger constitue « l’association des psychanalystes du pain », qu’il constitue un annuaire des membres de l’association des psychanalystes du pain, et il peut exercer en qualite de psychotherapeute-psychanalyste sans avoir a justifier de quoi que ce soit comme diplôme puisqu’il est bien ecrit :
    « les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations peuvent bénéficier d’une dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique. »
    pratique en fait… Il sera un psychotherapeute tout ce qu’il y a de plus respectable non ?

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  • Sophie André

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    sauf que, si je ne m’abuse, le boulanger qui viendra faire psychanalyser son pain ne devrait pas se faire rembourser…
    sauf que… si je ne m’abuse, ni la psychothérapie ni la psychanalyse ne sont sensées être remboursées par la Sécurité Sociale… sauf si elle est exercée par un médecin qui se prévaut du titre… joli tour de passe-passe qui consiste en un superbe abus.

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  • Sophian

    |

    Devenir un bon psychothérapeute ne s’apprend ni en master de psychologie, et certainement pas en médecine. Comme Carl Rogers l’a préciser « être un bon psy, c’est moins savoir que savoir être » mais ça, peu de gens peuvent le comprendre…

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  • Fred

    |

    Les incompétents dans le domaine des psychothérapies ne sont pas ceux qu’on croit : les médecins n’ont aucune formation dans ce domaine, les psychiatres non plus, et les psychologues également.
    On peut critiquer les 700 organismes privés qui donnent en France une formation en psychothérapie, le fait est que les diplômés d’Etat ont encore moins de savoir-faire qu’eux dans ce domaine ! Pas de quoi pavoiser !
    Enfin, il y a des centaines d’écoles de pensées différentes en psychologie dans le monde, et de même des centaines de psychothérapies différentes. Sur quels critères ces gens vont-ils évaluer celles qui vont être exercées en France et celles qui ne le seront pas ? Vu qu’ils n’ont aucune qualification requise dans ce domaine, aucune compétences, et les politiciens chargés de légiférer encore moins ?
    Demander à ces gens de légiférer un domaine qu’ils ne maitrisent absolument pas, c’est remettre un chèque en blanc à des incompétents !

    Il existe de plus en plus de troubles de santé reconnus comme étant d’origine psychosomatique – dont certains très graves. La liste s’agrandie sans cesse. Un trouble d’origine psychosomatique se soigne par une psychothérapie, cela va de soit.

    Quels compétences ces gens vont-ils avoir pour évaluer les compétences d’un hypnothérapeute dans ce domaine ? Aucune. (et il existe peut-être des dizaines de psychothérapies différents dans le monde à base d’hypnose, ils ne peuvent en évaluer aucune, par pure incompétence !)Quels compétences vont-ils avoir pour évaluer les compétences d’une psychothérapie utilisant le rire pour soulager la douleur ? (Et des guérisons ont déjà obtenues grâce aux neuropeptides sécrétés par le cerveau lorsque le patient rit – à condition que la production soit fréquente et régulière). Si on demande à ces gens la liste des troubles qu’on peut ainsi soulager – voire guérir en certaines circonstances – vous verrez qu’ils ne sauront pas répondre : car ils sont IN-COM-PE-TENTS !
    Sur la base de quoi vont-ils pouvoir évaluer l’impact des sophrologies, relaxalogies, méditations (au pluriel car il y en a plusieurs dans chaque cas) sur le système nerveux des patients ? C’est ici un travail de scientifiques, et les scientifiques n’ont pas terminés leurs investigations dans ce domaine, chaque année de nouveaux travaux sont publiés, validant clairement les effets de ces psychothérapies dans la lutte contre le stress, l’insomnie, l’angoisse, etc
    Mais ces gens n’y connaissent RIEN !!! Qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir légiférer avec un niveau NEANT en psychothérapies ?

    C’est une affaire de professionnels, de gens qui ont reçus une formations sérieuses dans ce domaine ! Et à ce jour, ni les médecins, psychiatres & psychologues en France ne font partie des gens sérieux qui ont reçu une formation dans ce domaine ! Et encore moins les politiciens qui devront juger, évaluer, et légiférer.

    On remet un pan entier de compétences et d’activités dans les mains d’incapables ! Surtout en France où les décideurs influents sont hostiles aux psychotérapies, parce qu’ils les considèrent comme des concurrents des chimiothérapies pour soigner les troubles d’origine psychosomatiques. Et le vrai problème est là : évincer une concurrence pour conserver un monopole commercial, évaluer à une fortune en chimiothérapies !

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