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Plus de cas de narcolepsie chez les enfants vaccinés contre la grippe A(H1N1)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un vaccin à la mainLe Comité consultatif mondial sur la sécurité des vaccins qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu le 8 février 2011 que l’apparition de cas de narcolepsie chez des enfants et des adolescents vaccinés contre la grippe A(H1N1) dans 12 pays différents méritait que des études complémentaires soient menées à ce propos. La narcolepsie est une affection neurologique grave se caractérisant par des envies de dormir irrépressibles et des épisodes de perte brusque du tonus musculaire sans altération de la conscience et survenant à un moment quelconque de la journée chez la plupart des patients. Cette pathologie, encore appelée maladie de Gélineau, est habituellement rare qui a tendance à toucher plus les adolescents et les quadragénaires.

Suite aux campagnes de vaccinations contre la grippe A(H1N1) en 2009, plusieurs pays, comme la Suède, la Finlande ou l’Islande, ont rapporté des taux plus élevés que d’habitude de jeunes patients souffrant de narcolepsie. En Finlande, après avoir étudié les cas recensés sur son territoire, l’Institut national de la santé et du bien-être de ce pays a même décidé de publier une déclaration préliminaire, le 1er février 2011. En effet, en 2009-2010, les équipes de cet institut ont mis en évidence un risque plus élevé de narcolepsie chez les 4—19 ans qui avaient reçu la vaccination contre la grippe A(H1N1) 2009 par rapport à ceux qui n’avaient pas été vaccinés. Il faut savoir que le seul vaccin utilisé en Finlande au cours de la pandémie a été le Pandemrix, un vaccin monovalent avec adjuvant fabriqué par les le laboratoire GlaxoSmithKline, utilisé dans 47 pays à travers le monde à la même période.

Dans son communiqué, l’OMS reconnaît que « l’Institut national finlandais (sur les conseils de la Finnish National Narcolepsy Task Force) a conclu que le risque de développement de la narcolepsie chez les personnes vaccinées âgées de 4 à 19 ans est environ neuf fois plus élevé que ceux non vaccinés pour une même tranche d’âge, ce qui correspond à un risque d’environ 1 cas de narcolepsie par 12 000 vaccinés. » Cette augmentation n’a pas été retrouvée pour les autres tranches d’âge.
Une prédisposition génétique a été retrouvée chez les patients atteints, cette maladie étant presque exclusivement observées chez des personnes qui ont un génotype (HLA) DQB1 * 0602, comme c’est le cas pour tous les jeunes Finlandais diagnostiqués. Au 24 janvier 2011, la Finlande comptait 56 cas de narcolepsie associée au Pandemrix, dont 54 dans la tranche d’âge 4—19 ans. Dans la plupart des cas les symptômes sont apparus dans les deux mois ayant suivi cette vaccination.
L’Institut national estime qu’il est possible que le vaccin Pandemrix soit un facteur contribuant à l’augmentation observée et a appelé à une enquête plus poussée sur les autres cofacteurs qui peuvent être associés à ce risque accru. Les chercheurs considèrent qu’il est probable que le vaccin Pandemrix augmente le risque de narcolepsie chez des patients prédisposés génétiquement et qui seraient aussi soumis à d’autres facteurs environnementaux ou génétiques qu’il reste à découvrir. Le rapport final du groupe de travail finlandais est prévu d’ici le 31 août 2011.

L’OMS considère que, bien que ce phénomène n’a pas été constaté dans tous les pays ayant utilisé ce vaccin, il est nécessaire de mener à bien des travaux à ce sujet. Il convient de rester prudent, car en Islande à la même période, l’apparition d’un plus grand nombre de cas de narcolepsie semble aussi avoir été constaté chez les enfants non vaccinés.

En France, 50 millions de doses de vaccins Pandemrix ont été commandées pour une valeur totale de 350 millions d’euros. Une partie de cette commande a été annulée et seules 18 millions de doses de ce vaccin avec adjuvant ont été livrées. Normalement, dans l’Hexagone, les enfants de moins de 10 ans n’ont pas été vaccinés avec ce vaccin, puisque les indications vaccinales à propos de la vaccination contre la grippe A(H1N1) imposaient d’utiliser pour eux le vaccin Panenza. Par contre, pour les enfants de 10 ans et plus, c’est le vaccin Pandemrix qui était recommandé. En pratique, on sait que ces indications n’ont pas toujours été respectées et il est possible que des enfants de moins de 10 ans aient reçu une injection de Pandemrix. En raison des dysfonctionnements dans l’organisation de la campagne de vaccination sur le territoire national, il risque malheureusement d’être difficile dans certains cas de savoir quel vaccin a été utilisé chez tel ou tel enfant en raison d’une traçabilité incorrecte rendant la pharmacovigilance difficile. Voilà une nouvelle affaire qui risque d’être embarrassante pour les pouvoirs publics…

Vaccin contre le papilloma virus et sages-femmes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

L'injection est prête.L’arrêté du 10 janvier 2011 modifiant l’arrêté du 22 mars 2005 fixant la liste des vaccinations que les sages-femmes sont autorisées à pratiquer est paru au Journal officiel de la République du 14 janvier 2011. Il permet désormais aux sages-femmes de réaliser la vaccination contre le papilloma virus humain et le méningocoque C, une mesure que les uns verront comme favorisant la prévention et reconnaissant un peu plus les compétences de ces professionnelles de santé, et que les autres estimeront être un nouveau transfert d’acte dans le but de réaliser des économies de santé. Peu importe l’origine de cette décision, le plus ennuyeux est qu’elle soit intervenue quelques jours avant que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), prise en pleine tourmente de l’affaire Mediator, ne publie une liste de 59 médicaments faisant l’objet d’un plan de gestion des risques sur laquelle figure le Cervarix®, « vaccin papillomavirus humain [types 16, 18] (recombinant, avec adjuvant ASO4, adsorbé) », ainsi que le Gardasil®, « vaccin papillomavirus humain [types 6, 11, 16, 18] (recombinant, adsorbé) ».

S’il n’est pas permis d’affirmer que ces vaccins sont dangereux pour la santé, il faut néanmoins prendre en compte qu’il figure sur une liste de 59 médicaments sur plusieurs milliers qui font l’objet d’une surveillance accrue de la part des autorités de santé. Il faut aussi rappeler que ces produits ne semblent pas avoir prouvé leur efficacité si l’on en croit la revue Prescrire : « l’effet en termes de prévention des cancers du col utérin n’est pas démontré : un suivi prolongé et attentif des populations vaccinées est nécessaire ».

Alors que des médecins généralistes, les mêmes qui avaient été parmi les premiers à dénoncer les excès de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1), dénonce une campagne de prévention très médiatisée sur la vaccination à l’aide de ces vaccins et que d’autres s’étonnent de possibles conflits d’intérêts, n’est-il pas étonnant qu’un arrêté favorise l’utilisation de ces produits et autorise son usage par les sages-femmes ? Si la prévention est un moyen des plus efficaces de sauver des vies ou d’éviter qu’une maladie ne soit découverte que tardivement, entraînant par la même un traitement plus coûteux ou un handicap socialement dispendieux, il semble que l’industrie et certains médecins aient compris tous les avantages pouvant être tirés de la peur et de l’angoisse d’une partie de la population vis-à-vis de la maladie.

Était-il urgent de publier un tel arrêté quand de nombreux décrets autrement plus attendus par les professionnels de santé tardent à être finalisés ? L’intérêt des patients est-il la raison majeure d’une telle publication ? Sans doute…

Numéro de Sécurité sociale, santé publique et recherche médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

un code-barres sur le frontL’un des éléments clés pour les recherches effectuées dans les domaines de la médecine et de la santé publique est de pouvoir identifier de façon certaine les individus qui y participent. Être susceptible de compter plusieurs fois un même patient est susceptible d’entraîner des biais dans les études, les rendant ainsi moins fiables. Cela fait donc de nombreuses années que les chercheurs réclament de pouvoir utiliser le NIR, communément appelé numéro de Sécurité sociale, comme identifiant pour les personnes participant à leurs travaux. Jusqu’à aujourd’hui, il est strictement interdit de le faire, mais cette situation devrait évoluer très prochainement.

Le NIR est le numéro d’inscription au répertoire de L’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) : « Toute personne née en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer (DOM) est inscrite au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). L’inscription à ce répertoire entraîne l’attribution du numéro d’inscription au répertoire (NIR) qui est utilisé notamment par les organismes d’assurance maladie pour la délivrance des “cartes vitales”.
Ce numéro d’identification unique de l’individu est formé de 13 chiffres : le sexe (1 chiffre), l’année de naissance (2 chiffres), le mois de naissance (2 chiffres) et le lieu de naissance (5 chiffres). Les 3 chiffres suivants correspondent à un numéro d’ordre qui permet de distinguer les personnes nées au même lieu à la même période ; une clé de contrôle à 2 chiffres complète le NIR. »

En mars 2007, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), sous la pression de diverses associations et à un moment où il était prévu que le dossier médical personnel (DMP) voit le jour, s’était prononcée pour un identifiant santé dérivé du NIR par anonymisation pour tout ce qui touchait au système de soins. « En effet, parce qu’il est signifiant et peut donc être reconstitué à partir d’éléments d’état civil, parce que la généralisation de son usage faciliterait grandement les rapprochements de fichiers sans cesse plus importants, l’extension de l’usage du NIR reste, à elle seule, une menace, quand bien même d’autres dangers sont apparus avec des identifiants encore plus intrusifs, comme la biométrie. »
Mais en 2011, alors que le DMP est censé avoir été “amorcé”, le problème lié à l’identification des participants aux recherches médicales et aux études de santé publique reste entier. C’est dans ce contexte qu’intervient une nouvelle décision de la CNIL. Dans un communiqué intitulé « L’utilisation encadrée du NIR par les chercheurs et les autorités sanitaires : un véritable enjeu de santé publique », la CNIL explique qu’elle « a été sensibilisée aux difficultés auxquelles sont confrontés les chercheurs et les autorités sanitaires en France, qui, faute de pouvoir utiliser le NIR, ne sont pas toujours en mesure de fournir aux pouvoirs publics des indicateurs statistiques fiables. Ces derniers sont pourtant indispensables à la définition et à l’évaluation des politiques de santé publique et à la surveillance sanitaire de la population. […] À l’issue de ces travaux, la CNIL a demandé aux pouvoirs publics de prendre les mesures réglementaires nécessaires pour définir une politique d’accès au NIR à des fins de recherche et d’études de santé publique. En conséquence, elle a saisi le Premier ministre et les ministres de la santé et de la recherche de cette demande. » Le croisement de données individuelles provenant de sources différentes, comme des fichiers de la Sécurité sociale par exemple, est indispensable aux recherches en santé et seul le NIR semble pouvoir apporter la fiabilité nécessaire.

Serait-ce l’un des effets, désirables cette fois, des couacs de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) ? On comprend l’importance d’une utilisation correcte d’un identifiant unique fiable lorsque l’on se souvient des promesses liées à la pharmacovigilance concernant ce vaccin controversé, la traçabilité des personnes vaccinées a montré des dysfonctionnements compromettant les travaux de santé publique et les alertes individuelles en cas d’apparition d’effets indésirables graves apparaissant sur le long terme. Que des chercheurs indépendants puissent croiser les fichiers de l’assurance-maladie pour identifier les patients de façon fiable les patients ayant pris du Mediator ou l’un de ses génériques et suivis pour une pathologie évoquant une hypertension artérielle pulmonaire pourrait aussi être utile. Rien ne dit pourtant que le décret demandé par la CNIL verra bien le jour…

Prise en charge du transsexualisme : du nouveau

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique Variations

Le transsexualisme fait toujours l’objet d’un important « tourisme médical », principalement en Asie, compte tenu du manque de structures de soins dans l’Hexagone susceptibles d’assurer cette prise en charge. Quant au droit français, jusqu’en mai 2010, il se caractérisait par l’absence de toute disposition législative ou réglementaire pour les changements de sexe à l’état civil alors qu’ils doivent bien être entérinés sur le plan juridique. Plusieurs rapports et textes officiels publiés récemment devraient contribuer à améliorer la prise en charge des personnes transsexuelles.

Photocopier une feuille de soins ?

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique La forme

Le médecin peut-il utiliser la photocopie d’une feuille de soins papier (formulaire CERFA 12541*01) quand il n’arrive plus à en obtenir auprès des organismes servant les prestations de l’assurance-maladie ? C’est à cette question qu’il peut être intéressant de répondre alors qu’il semble que des praticiens se plaignent d’avoir du mal à être approvisionnés en feuilles de soins papier (FSP) à quelques semaines de la mise en place de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels de santé qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes aux organismes d’assurance-maladie obligatoire.

Statut professionnel, arrêt de travail et chirurgie du canal carpien

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Début 2010, l’assurance-maladie a distribué aux médecins concernés des référentiels d’arrêt maladie concernant les suites de la chirurgie du canal carpien. Ce référentiel, basé sur des travaux réalisés pour le système de santé anglais (le NHS) et d’autres études réalisées outre-Manche, ainsi que sur des données de l’Anaes (l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, ancêtre de la Haute Autorité de santé)1, conseille aux médecins de prescrire un arrêt de travail compris entre 7 jours et 56 jours, en fonction de la technique chirurgicale utilisée et du travail effectué par le patient (Tableau I).

 

Tableau I : seuil fixé pour un arrêt de travail après chirurgie du canal carpien
Suite à une chirurgie par voie endoscopique Suite à une chirurgie à ciel ouvert
Sédentaire –> 7 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 14 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 21 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 28 jours

Sédentaire –> 14 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 28 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 42 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 56 jours

 

La Haute Autorité de santé a été saisie à ce sujet par la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts). La HAS a fait remarquer que le rapport d’évaluation technologique de l’Anaes réalisé en l’an 2000, travail comparant les techniques à ciel ouvert et endoscopique dans le cadre de la prise en charge chirurgicale du syndrome du canal carpien, n’avait montré aucune différence en termes d’efficacité clinique ni de sécurité d’utilisation en fonction de la méthode utilisée. Ce rapport propose de réserver l’utilisation de la technique endoscopique à des chirurgiens expérimentés. La HAS explique que la recherche bibliographique portant sur les recommandations de pratique clinique publiées en France ou au niveau international n’a pas permis d’identifier de préconisations concernant les durées d’arrêt de travail après intervention chirurgicale du canal carpien.La lumière sur la chirurgie du canal carpien Néanmoins, pour la Société française de chirurgie de la main, le travail ou l’activité sont repris selon le type d’occupation, en général après 15 à 21 jours et pour le Royal College of Surgeons of England, la durée d’arrêt de travail varie entre 1 et 10 semaines selon le type d’activité (sédentaire : 1 à 2 semaines / travail manuel léger : 2 à 4 semaines / travail manuel moyen : 4 à 6 semaines / travail manuel lourd : 6 à 10 semaines). « Dans tous les cas, le type de technique chirurgicale n’apparaît pas comme un facteur discriminant. »

L’uniformisation des durées d’arrêt de travail est discutable lorsque l’on part du principe que chaque patient est unique, mais on comprend aisément l’intérêt de telles pratiques quand il est question d’économies de santé. S’il fallait s’en convaincre, il suffirait de se référer à une étude publiée en 2001 par une équipe de chirurgiens de la main nantais, intitulée « Interruption professionnelle et chirurgie des syndromes du canal carpien. Résultats d’une série prospective de 233 patients ». Réalisée pour évaluer les liens entre protection sociale et interruption professionnelle après chirurgie des syndromes du canal carpien, ses résultats sont particulièrement intéressants. Pour un même protocole thérapeutique, réalisé par le même chirurgien, chez 233 malades, ce travail montre que le type de couverture sociale des patients a une influence sur la durée de l’interruption professionnelle postopératoire dans le cadre de la chirurgie des syndromes du canal carpien idiopathique. Même s’il a été recommandé à tous les patients une mobilisation active des doigts et l’utilisation de la main opérée, dans la limite des douleurs, dès les premières heures postopératoires, pour les non-salariés, l’interruption de travail est en moyenne de 17 jours ; pour ceux du secteur privé, elle est de 35 jours ; pour les fonctionnaires et assimilés, elle passe à 56 jours. Ces différences sont statiquement significatives.
Les patients du régime maladie interrompent en moyenne leur travail 32 jours, alors que l’arrêt est de 49 jours lorsque c’est le régime des maladies professionnelles qui est concerné.
Si l’activité manuelle ou non entraîne une différence significative pour les non-salariés et les employés du secteur privé, cette différence disparaît quand on s’intéresse aux fonctionnaires et assimilés sans qu’un état pathologique particulier (douleurs spontanées, douleurs cicatricielles, diminution de la force de prise) ait pu être mis en évidence.

Même si des études à grande échelle seraient très éloignées du politiquement correct ambiant, on voit l’intérêt qu’elles auraient sur un plan économique et surtout l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’émergence d’une assurance sociale tendant à motiver tous les patients dans leurs efforts de rééducation, leur permettant ainsi de retrouver leur indépendance plus rapidement et de lutter contre une sédentarité délétère. Voilà qui donne à réfléchir…

 


1- Medical Disability Advisor, 5th Edition, 2008 ; Official Disability Guidelines, 14th Edition, 2009, NHS ; Royal College of Surgeons ; Anaes 2000

 

 


 

Droit-medical.com tient à remercier le Dr Virginie Berard, chirurgien de la main à Rouen, pour l’aide qu’elle a apportée à la rédaction de cet article.

 

Contrôle des arrêts de travail : tous les fonctionnaires ne sont pas concernés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Des jumelles pour contrôlerIl n’aura échappé à personne que le décret no 2010-1095 du 17 septembre 2010 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif au contrôle à titre expérimental des congés de maladie des fonctionnaires de l’État est venu compléter les mesures prévues par la loi no 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 et son article 91 précisant qu’ « Afin d’harmoniser les règles et modalités de contrôle des assurés se trouvant dans l’incapacité physique médicalement constatée de continuer ou de reprendre le travail, le contrôle des arrêts de travail dus à une maladie d’origine non professionnelle des personnes mentionnées à l’article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est confié, à titre expérimental et par dérogation à l’article 35 de la même loi, aux caisses primaires d’assurance maladie et aux services du contrôle médical placés près d’elles. » La Commission nationale de l’informatique et des libertés avait donné son accord en avril 2010 à la création de ce fichier, mais il aura fallu attendre plusieurs mois avant que tout ne soit mis en place et les textes publiés au Journal officiel.
Des personnes ayant un emploi permanent à temps complet et titularisées dans un grade de la hiérarchie des administrations centrales de l’État, des services déconcentrés en dépendant ou des établissements publics de l’État vont donc pouvoir être contrôlées par des agents de la Sécurité sociale, composée majoritairement par des organismes de droit privé exerçant une mission de service public contrairement à beaucoup d’idées reçues, et non plus exclusivement par d’autres agents de l’État.

Alors que tous les médias semblent présenter ces mesures législatives comme définitives, il n’en est rien. Elles ne sont qu’expérimentales et prévues pour deux ans. Et loin d’être nationales, elles sont géographiquement très limitées puisqu’elles ne concernent que les échelons locaux du contrôle médical placés auprès des caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, du Rhône, des Alpes-Maritimes, d’Ille-et-Vilaine, de Paris et du Bas-Rhin.
De plus, le décret prend soin de préciser que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône et l’échelon local du contrôle médical placé auprès de cette caisse participent également à cette expérimentation en ce qui concerne le contrôle à domicile des heures de sortie autorisées. Ce qui laisse penser que les autres CPAM vont se contenter de convoquer les patients en arrêt maladie dans leurs locaux…

Limitation supplémentaire : l’expérimentation ne s’applique pas à tous les fonctionnaires pouvant être concernés par l’article 91 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2010, elle ne concerne que les fonctionnaires des services déconcentrés de l’État, des établissements publics locaux d’enseignement, des établissements publics locaux d’enseignement agricole, des écoles maternelles et élémentaires situés dans le ressort géographique de chacune des caisses primaires d’assurance maladie énumérées au paragraphe précédent, excepté pour la ville de Paris pour laquelle sont seuls concernés par l’expérimentation les fonctionnaires des services centraux des ministères sur lesquels le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État et le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ont une autorité exclusive ou conjointe dont la liste figure en annexe à la convention prévue à l’article 91 de la loi du 24 décembre 2009 déjà citée.

Enfin, le fichier créé par le décret du 17 septembre 2010 a pour objectif de ne contrôler que les congés de maladie accordés en raison d’une maladie non professionnelle, pour une durée inférieure à six mois consécutifs et ne relevant pas du régime des congés de longue maladie ou de longue durée. Il a aussi pour but d’évaluer les résultats de ces contrôles par service, établissement public local d’enseignement ou établissement public local d’enseignement agricole et ressort des caisses primaires d’assurance-maladie participant à cette expérimentation.

Des textes sont prévus pour les fonctionnaires hospitaliers et les fonctionnaires territoriaux. Ils feront l’objet d’un prochain article, mais ils n’ont, eux aussi, pour but que d’orchestrer des expérimentations qui ne deviendront peut-être jamais pérennes.

Comparées à celles concernant les employés du secteur privé, les mesures mises en place à titre expérimental pour les fonctionnaires paraissent donc être très modérées. Malgré le battage médiatique, il ne semble vraiment pas y avoir de quoi en faire une maladie…

La réforme de la santé au travail cachée dans celle des retraites

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecin de santé au travailQui aurait pu penser que la réforme de la santé au travail, dont on parle depuis plusieurs mois, se cacherait au sein du projet de loi portant réforme des retraites… Loin de la sérénité qui aurait pu être nécessaire à des décisions qui vont engager l’avenir de la médecine du travail, c’est en plein brouhaha social et médiatique concernant les retraites, sans parler des pressions subies par le ministre du travail dans le cadre de ce que l’on appelle l’affaire Bettencourt, que les débats parlementaires concernant la santé au travail ont eu lieu.

Les députés ont adopté le 15 septembre 2010 en première lecture le projet de loi portant réforme des retraites, après l’avoir amendé. Il doit maintenant être examiné au Sénat et rien ne dit qu’il restera en l’état, mais il est néanmoins intéressant de savoir à quoi ressemble le texte après les premiers débats.
C’est dans le cadre de la pénibilité du parcours professionnel, à l’article 25 et subsidiaires, que l’évolution législative relative à la médecine du travail trouve sa place. Il est d’abord prévu la création d’un carnet de santé au travail : il est constitué par le médecin du travail et doit retracer, dans le respect du secret médical, les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail, notamment les mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Ce carnet ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l’intéressé. En cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail. Ce carnet peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur. Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci, toute personne autorisée par le code de la santé publique, peut demander la communication de ce carnet.
Parallèlement à ce carnet, il est prévu que pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue. Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’évaluation des risques, prévue à l’article L 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail. Elle complète le carnet de santé au travail de chaque travailleur. Le modèle de cette fiche est fixé par arrêté du ministre chargé du travail.
Une copie de ce document est remise au salarié à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. En cas de décès du travailleur ou d’incapacité supérieure à un taux fixé par décret, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle il a signé un pacte civil de solidarité ainsi que ses ayants droit peuvent obtenir, dans les mêmes conditions, cette copie.

Conformément à la loi actuelle, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces dernières devront maintenant tenir compte de la pénibilité au travail.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, quant à lui, procède déjà à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l’établissement ainsi qu’à l’analyse des conditions de travail. Il procède également à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposées les femmes enceintes. Il est prévu qu’il procède aussi à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité.

Le médecin de travail n’est plus que l’un des éléments des services de santé au travail avec ce projet. Il est maintenant plutôt question d’équipes pluridisciplinaires.
Les services de santé au travail ont pour mission exclusive : de conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ; de conseiller, notamment dans le cadre de leur action en milieu de travail, les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels et d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi, notamment des personnes âgées et des travailleurs en situation de handicap ; d’assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ; de participer au suivi des expositions professionnelles et à la veille sanitaire et de contribuer à la traçabilité de ces expositions professionnelles.

Dans les services de santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions des services de santé sont exercées par les médecins du travail, en lien avec les employeurs et les salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels.
Pour les services de santé au travail interentreprises, les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail composée au moins de médecins du travail, d’intervenants en prévention des risques professionnels, d’infirmiers et, le cas échéant, d’assistants des services de santé au travail. Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes. Toujours pour les services de santé au travail interentreprises, les missions de service de santé au travail sont précisées, en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d’autre part, après avis des organisations d’employeurs et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
De nombreuses autres mesures pour les services interentreprises sont prévues par le projet de loi adopté à l’Assemblée.

Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé de certains travailleurs (artistes, techniciens intermittents du spectacle, mannequins, salariés du particulier employeur, voyageurs, représentants et placiers) dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le code du travail. Pour les mannequins et les salariés du particulier employeur, des médecins non spécialisés en médecine du travail peuvent signer cette convention.

Il est prévu que ce soit un décret qui détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs comme les salariés temporaires ou les travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie, par exemple.

Dernier point intéressant, un décret pourra fixer les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter à titre temporaire un interne de la spécialité.

Le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a immédiatement réagi au texte adopté, estimant l’indépendance des médecins de santé au travail compromise. La lecture qui sera effectuée au Sénat sera donc décisive.

Santé, travail et indépendance médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Être indépendant...L’impartialité des médecins est depuis de nombreuses années un sujet sensible lorsqu’il est question de santé et de travail. Qu’il s’agisse de l’indépendance des praticiens de santé au travail vis-à-vis des entreprises pour lesquelles ils interviennent ou de la possible complaisance de certains médecins qui signent des arrêts maladie larga manu. Deux évolutions législatives relatives à ces sujets ont d’ailleurs amené le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) à faire des remarques et à émettre des recommandations à ce propos.

Personne n’ignore que la réforme des textes régissant la santé au travail est en cours de discussion et devrait déboucher sur une refonte de la loi. Lors de sa session plénière du 25 juin 2010, le CNOM s’est donc penché sur cette question et l’a mesuré à son aune. Un rapport présentant ses recommandations et intitulé La réforme de la santé au travail passée au crible de la déontologie médicale résume ces travaux.
Dès la première recommandation, c’est l’indépendance des médecins de santé au travail qui est abordée : « L’indépendance des médecins du travail ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail. Il ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. » Nouvelle remarque quelques lignes plus bas : « Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir le respect effectif de l’indépendance professionnelle du médecin du travail. Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir la confidentialité absolue des données de santé à l’égard des employeurs dès lors que la consultation du DMP par le médecin du travail pourrait le conduire à en reporter des éléments dans le dossier médical de médecine du travail ». Il est, en effet, question que le médecin de santé au travail puisse accéder directement au DMP (dossier médical personnel : celui tenu par le médecin traitant ou les autres spécialistes auxquels l’employé fait appel dans sa sphère privée), d’où les craintes de certains : des employeurs indélicats pourraient tenter d’utiliser ces informations au mépris du secret médical et faire pression dans ce sens sur les médecins du travail. Pas seulement sur les praticiens d’ailleurs puisque qu’il est aussi question des employés dans le rapport du CNOM : « Tout comportement d’un employeur visant directement ou indirectement à faire pression auprès d’un salarié pour qu’il donne accès à son DMP doit être sévèrement puni. »

Deuxième évolution législative déjà consommée celle-là : la mise en place d’une nouvelle procédure visant à mieux contrôler les arrêts maladie des salariés du régime général et du régime agricole. Le décret n° 2010-957 du 24 août 2010 relatif au contrôle des arrêts de travail a fait réagir l’Ordre. Ce texte fixe les délais nécessaires à la mise en œuvre de deux dispositifs ayant pour objet de mieux contrôler les arrêts de travail dus à une maladie ou un accident.
Le premier dispositif concerne les salariés qui ont fait l’objet, pendant leur arrêt de travail, du contrôle d’un médecin mandaté par leur employeur. Lorsque ce médecin conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail, le médecin-conseil de l’assurance maladie peut demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières. Le salarié dispose alors d’un délai de dix jours francs à compter de la notification de la décision de suspension des indemnités journalières pour demander à la caisse de sécurité sociale dont il relève un examen de sa situation par le médecin-conseil. Ce dernier doit se prononcer dans un délai de quatre jours francs à compter de la saisine du salarié.
Le second dispositif prévoit que tout arrêt de travail prescrit dans les dix jours francs suivant une décision de suspension des indemnités journalières est soumis à l’avis du médecin-conseil de l’assurance maladie qui dispose d’un délai de quatre jours francs pour se prononcer.
Le CNOM conteste ce décret d’application relatif à la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010. Pour l’Ordre, ce texte veut dire que le service médical de l’assurance maladie peut demander la suspension du versement des indemnités journalières de l’assurance maladie sur la seule base d’un contrôle effectué par un médecin mandaté par l’employeur. L’examen de l’assuré par le médecin-conseil n’est plus obligatoire, il se borne alors à valider l’avis du médecin contrôleur patronal.
En relisant les débats parlementaires, l’esprit de la loi semble être respecté par ce décret. En effet, pour venir en aide à un système de contrôle institutionnel vraisemblablement débordé et dans un souci d’économies, le législateur a mis en place un système faisant appel à un médecin privé, mandaté par l’employeur qui rend normalement un avis en toute indépendance. Dans ces conditions, pourquoi suspecter cet avis et refuser qu’il soit utilisé par un confrère, fut-il médecin-conseil ? Parce qu’il s’agit d’un médecin contrôleur “patronal” ?
Le CNOM s’insurge aussi contre l’une des dispositions de ce texte qui, selon lui, « jette une suspicion inacceptable sur la justification médicale de l’arrêt de travail qui est présumé avoir été prescrit par simple complaisance ». S’il est scandaleux de présumer qu’un médecin qui donne un arrêt maladie peut agir par complaisance, en quoi est-ce légitime de soupçonner un médecin contrôleur patronal de rendre un avis partial ? Et si cet avis est indépendant, pourquoi ne pourrait-il pas être utilisé par le service de contrôle de l’assurance-maladie pour suspendre les indemnités journalières ? La Sécurité sociale ne se fonde-t-elle pas chaque jour sur l’avis de médecins extérieurs à ses services pour accorder ou refuser des prestations aux assurés sociaux ? L’article 69 du code de déontologie médicale précisant que « L’exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes » ne doit-il s’appliquer que quand il est question de refus ?

Plus que l’indépendance de tous les médecins, c’est celle des praticiens payés par une entreprise qui semble poser problème. Mais, en dehors de tout aspect idéologique, doit-il vraiment exister une suspicion légitime à l’égard des médecins de santé au travail ou des praticiens contrôleurs “patronaux” ?

Crime violent et maladie mentale : l’alcool et la drogue mis en cause

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Folle de rageL’irresponsabilité pénale pour cause de maladie mentale fait régulièrement débat ces dernières années au sein de la société française. L’opinion publique et la famille de la victime ont souvent du mal à comprendre que l’auteur d’un crime puisse ne pas être jugé, et donc condamné, parce que des experts ont émis un avis sur un trouble psychologique ayant affecté l’accusé au moment des faits. Des experts dont la crédibilité souffre à chaque fois qu’un patient, ayant échappé au statut de criminel grâce à eux, récidive à sa sortie du lieu d’internement où il avait été placé et alors qu’il est toujours sous traitement.

Même si les textes ont évolué en 2008 avec la loi n° 2008-174 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le sentiment d’injustice n’a pas totalement disparu. Il faut rappeler que depuis l’adoption de cette loi, il est prévu, qu’en cas d’abolition du discernement d’une personne inculpée, la chambre d’instruction rende, en audience publique, un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Les juges ne peuvent plus notifier simplement un non-lieu. L’infraction ou le crime doivent être reconnus comme tels, en audience publique, devant la chambre de l’instruction qui prononce l’irresponsabilité. Cette mention est inscrite au casier judiciaire et cette décision peut être assortie de mesures de sûreté telles que l’hospitalisation psychiatrique d’office.
La loi du 28 février 2008 prévoit aussi l’enfermement dans un centre socio-médico-judiciaire des condamnés estimés dangereux. Les personnes à l’encontre desquelles est prononcée une peine de 15 ans ou plus, pour meurtre, assassinat, torture, acte de barbarie ou viol sur mineur et majeur peuvent être, à l’issue de leur peine, enfermés dans un centre de rétention. Une prise en charge sociale et médicale leur est proposée. Cette « mesure de rétention » est prononcée par une commission pluridisciplinaire composée d’experts (psychiatres, psychologues, préfets, magistrats, avocats, victimes, etc.) chargée d’évaluer le condamné un an avant la fin de sa peine. La décision de rétention est valable un an et peut être prolongée indéfiniment.

Dans ce contexte, il est intéressant de se pencher sur deux études réalisées par des chercheurs de la prestigieuse université d’Oxford en collaboration avec leurs confrères suédois. Selon ces travaux, publiés en mai 2009 dans le JAMA et en septembre 2010 dans la revue Archives of General Psychiatry, les crimes violents chez les personnes souffrant de troubles mentaux seraient dus davantage à des abus de drogues et d’alcool qu’à des facteurs inhérents à la maladie. L’auteur de cette étude, le docteur Seena Fazel, explique dans le BMJ que « Ces résultats ont des implications importantes pour la stigmatisation entourant la maladie mentale, car ils montrent que les patients psychotiques n’abusant pas de l’alcool ou de drogues ne sont pas plus violents que les autres [que la population générale, NDLR]. » Pour les malades bipolaires, le risque de commettre un crime n’est pas plus élevé chez les patients qui n’abusent pas de l’alcool ou qui ne consomment pas de drogues que chez les personnes en bonne santé. Pour les schizophrènes, il ne l’est que très légèrement dans les mêmes conditions, alors qu’il est six à sept fois plus élevé en présence d’alcool ou de drogue.

Même si pour d’autres spécialistes l’effet de l’alcool ou de la drogue n’explique pas tout, le docteur Fazel, un brin provocateur, estime qu’il est plus dangereux de passer devant un bar tard le soir qu’à côté d’un hôpital psychiatrique…