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Affaire Mediator : de plus en plus de médecins entendus par la police

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et menottes« Depuis quelques jours certains médecins sont convoqués devant les services de police à Amiens, Montpellier, dans le Berry, le Cantal … pour interrogatoire au sujet de leurs prescriptions hors AMM de Benfluorex (Mediator®). » C’est ainsi que commence la lettre d’information de la cellule juridique de la Fédération des médecins de France (FMF) du 29 octobre 2011. Selon cette dernière, c’est le juge en charge du dossier mettant en cause le laboratoire Servier suite à l’affaire du Mediator qui, depuis son bureau de Nanterre, serait à l’origine de ces convocations.

Les praticiens entendus par la police n’ont, semble-t-il, pas été choisis au hasard. Ils auraient tous subi ces dernières années un contrôle du service médical des caisses d’assurance-maladie traitant leurs prescriptions de Benfluorex hors AMM (autorisation de mise sur le marché) au motif qu’ils n’avaient pas inscrit « NR » sur celles-ci. En effet, la mention « NR », abréviation de « Non remboursable », permet d’indiquer aux services de la Sécurité sociale que le produit délivré n’a pas à être pris en charge puisque prescrit pour un usage sortant du cadre de son autorisation de mise sur le marché et hors de tout accord préalable ou disposition particulière en prévoyant malgré tout le remboursement. Pouvant identifier assez facilement les patients souffrant de diabète grâce à leur prise en charge liée à l’affection de longue durée (ALD), il n’est pas très difficile pour la Sécurité sociale de suspecter la prescription hors AMM et non remboursable d’un antidiabétique, connu pour être utilisé comme coupe-faim, en étudiant les dossiers des assurés. Une fois les indus mis en évidence et après avoir entendu le praticien, l’assurance-maladie a la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre du médecin au regard des griefs initialement notifiés si elle estime qu’il y a abus. C’est alors à la section de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre, dite section des affaires sociales, qu’est confiée l’affaire (art. L 145-1 du code de la Sécurité sociale).
Selon la FMF, tous les médecins actuellement entendus par la police au sujet du Mediator dans les régions précédemment citées avaient fait l’objet ces dernières années d’une procédure devant la section des affaires sociales de leur conseil régional de l’Ordre suite à l’absence de mention « NR » sur des prescriptions de Benfluorex hors AMM. Ce serait par le biais d’une commission rogatoire lui permettant d’obtenir du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) la liste des médecins ainsi poursuivis que le juge de Nanterre a pu remonter jusqu’à eux.

D’après la Fédération des médecins de France, aucun des médecins entendus n’a, pour l’instant, été mis mis en examen. Rien ne dit qu’ils le seront, même s’il leur est conseillé d’être prudent. Ces médecins savaient-ils qu’ils mettaient en danger la vie des patients alors que les effets délétères du Benfluorex ne figuraient pas sur sa notice jusqu’à son retrait du marché en 2009 ? Ont-ils fait preuve de négligence ? Ont-ils vraiment omis d’informer les malades des risques à utiliser un médicament hors AMM ? Ou ont-ils plutôt été trompés par le discours du laboratoire et de sa force de vente ? On peut penser que c’est cette dernière hypothèse que le juge cherche à confirmer étant donné les circonstances. Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment. La justice est censée travailler en toute indépendance et peut demander à entendre les personnes susceptibles de l’éclairer.

Pour la FMF, « l’avenir des prescriptions hors AMM en France en sera à jamais affecté. » Il est vrai que, jusqu’à cette affaire, les médecins n’avaient pas pris conscience à quel point leur responsabilité est engagée lorsqu’ils prescrivent une spécialité hors AMM. Si beaucoup le font bien souvent sans le savoir, de nombreux médicaments étant utilisés depuis des dizaines d’années, sans aucun souci, pour le traitement ou le diagnostic de pathologies pour lequel ils n’ont pas l’AMM, il est possible que certains abusent de ce type de prescription par complaisance ou par intérêt. Si les premiers n’ont pas à être condamnés, les seconds ne doivent pas s’étonner d’être inquiétés.

L’utilisation hors AMM est une pratique que l’on trouve choquante quand une affaire comme celle du Mediator survient, mais qui est pourtant couramment utilisée par les Français quand il est question d’automédication. C’est aussi une pratique qui fait évoluer l’AMM de certains produits lorsqu’à l’usage, l’expérience montre qu’ils peuvent soigner un problème de santé pour lequel ils n’avaient pas été initialement prévus.

Qui est responsable dans l’affaire du Mediator ? Le laboratoire ? Les autorités de santé et leurs tutelles ? Les médecins ? Les patients ? Si la réponse à cette question est évidente pour chacun, elle n’est pas prête de faire l’unanimité. Il faut juste espérer que la justice triomphera avant que ce scandale ne soit oublié…

Mediator : premier procès en 2012

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Statue de la justiceLa justice se fait moins docile aux politiques au fil du temps et la décision prise par la Cour de cassation, contre l’avis du parquet, le 15 juin 2011 dans l’affaire du Mediator en est un nouvel exemple. Au nom de la « bonne administration de la justice », la Cour a rejeté le souhait du parquet de voir le dossier ouvert à Nanterre, suite à des citations directes délivrées par 150 plaignants, regroupé avec deux autres informations judiciaires ouvertes à Paris pour homicides involontaires et tromperie concernant 1 500 autres plaignants. Cette décision est lourde de conséquences puisque cela devrait permettre à un procès pour tromperie aggravée de se tenir au printemps 2012 dans les Hauts-de-Seine avec sur le banc des accusés les laboratoires Servier, sa filiale commerciale, son président fondateur Jacques Servier et quatre autres dirigeants de la société au lieu d’allonger la procédure d’au moins dix ans.

Ce procès, en pleine campagne présidentielle et à la veille d’élections législatives, alors même que Nicolas Sarkozy a été l’avocat de Jacques Servier avant de devenir président de la République et qu’il est difficile de croire que, sans quelques appuis politiques, le Mediator ait pu être commercialisé d’aussi nombreuses années en France tandis que d’autres pays européens l’avait déjà interdit, risque de tomber au plus mauvais moment. D’autant que si la justice ne se montrait pas complaisante avec les prévenus, il pourrait être tentant pour certains de laisser filtrer quelques noms afin de ne pas être les boucs émissaires d’un scandale sanitaire aux multiples ramifications. Une longue procédure longue n’aurait eu que des « avantages » pour les principaux protagonistes de cette affaire : multiples expertises et contre expertises décourageantes ; lassitude des plaignants ; décès de patients pour lesquels les ayants droit préfèrent abandonner les poursuites ; opinion publique qui a oublié l’affaire ; pression médiatique sans commune mesure au moment du jugement ; responsables à la retraite ou décédés de leur belle mort sans avoir eu à répondre de leurs actes ; temps donné au laboratoire pour se restructurer ou pour provisionner afin de payer ce à quoi il sera condamné ; etc.

Les précédents scandales sanitaires ont montré au moins deux choses : les intérêts des victimes passent bien après ceux de l’industrie, comme dans le cas de l’amiante par exemple ; les responsables politiques ne sont pas déclarés coupables et continuent leur carrière sans jamais vraiment être inquiétés, avec la conscience tranquille de ceux qui sont réélus par des citoyens à la mémoire bien courte tant qu’ils ne sont pas au rang des victimes.
Pourquoi en serait-il autrement avec le Mediator ? Après quelques mois de tapage médiatique, au cours desquels les déclarations péremptoires et démagogiques se succèdent et quelques hauts fonctionnaires sont congédiés ou mutés, tout finit par rentrer dans l’ordre, et ce d’autant plus vite que l’actualité est riche en affaires diverses et variées.
Tout cela est assez facile à comprendre : mettre à terre un laboratoire comme Servier, c’est risquer de voir mis au chômage un grand nombre d’hommes et de femmes qui travaillent pour lui ; c’est compromettre ses exportations et affaiblir le commerce extérieur de la France ; c’est laisser le champ libre aux multinationales étrangères ; etc. N’est-on pas plus facilement réélu lorsque quelques centaines de patients meurent que quand des usines ferment ? Comment s’en prendre à une très riche industrie dont les dirigeants ne craignent pas les politiques qu’ils fréquentent régulièrement ? Comment mordre la main qui vous a peut-être nourrie en pleine campagne ? Cynique constat qui se reproduit pourtant d’un scandale à l’autre…

Malgré les beaux discours, tout est déjà en place pour calmer l’opinion publique tout en préservant l’intérêt des puissants. Les assises du médicament et leur promesse de transparence en manque cruellement ; des rapports parlementaires fleurissent et des réformes seront faites, des reformes qui auront reçu l’assentiment de l’industrie, qui ne remettront surtout pas en cause les liens d’intérêts au plus haut niveau, qui ne bouleverseront pas le travail de l’administration et renforceront un peu plus le pouvoir de la Sécurité sociale, mais qui créeront surtout de nouvelles contraintes pour les exécutants en bout de chaîne, c’est-à-dire les professions médicales uniquement.
Enfin, les contribuables, au rang desquels figurent les victimes, seront mis à contribution : un fonds d’indemnisation pour les victimes du Mediator est créé. Son fonctionnement est basé sur des fonds publics, ce qui permet aux pouvoirs publics de le contrôler bien plus sereinement et de minimiser les risques que représente une indemnisation laissée entre les mains de la justice. C’est de l’argent public qui ira donc dédommager les victimes, charge ensuite à l’État de se retourner au civil contre les laboratoires Servier, procédure excessivement longue qui n’est même pas sûre d’aboutir…

Le procès de Nanterre mettra-t-il un terme à cette chronique d’un scandale étouffé ? Aura-t-il vraiment lieu au printemps ? La justice finit toujours par triompher… dans nos rêves.

Le swing du Mediator

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Exercice particulièrement délicat que celui qui consiste à répondre en direct aux questions des journalistes. Dominique Dupagne, médecin généraliste et maître toile du site Atoute.org, habitué des médias, a relevé ce défi sur France-Inter, le 11 mars 2011, dans la chronique de Pascale Clark « 5 minutes avec… »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Dominique Dupagne ne pratique pas la langue de bois. Pour lui, nombreux ont été ceux qui ont dû fermer les yeux pendant plusieurs années pour être aveugle dans le dossier du Mediator, en France. Il n’hésite pas à mettre en cause tous les niveaux de la chaîne de décision dans le domaine du médicament et à s’amuser du discours prononcé par Nicolas Sarkozy lorsque Jacques Servier est fait grand-croix de la Légion d’honneur, dont voici un extrait : « En tant qu’entrepreneur, vous avez été souvent sévère à l’endroit de l’administration française. Vous critiquez l’empilement des mesures, des normes, des structures et vous avez raison ». Un discours qui a disparu depuis peu du site du laboratoire éponyme où il figurait pourtant en bonne place.

Pour le docteur Dupagne, les assises du médicament, auxquelles il a participé jusque-là pour avoir fait partie de ceux qui ont très tôt dénoncé le Mediator, ne déboucheront sur rien. Les patrons de l’industrie pharmaceutique s’y pressent et les travaux ne sont pas publics. Il a même été interdit aux participants de filmer les séances sous peine de poursuites alors qu’il y est question de la transparence de l’information dans le domaine du médicament…

Magie d’Internet, il est possible de revoir l’intervention de Dominique Dupagne en ligne. Un plaisir dont il serait dommage de se priver.

 

Des assises du médicament en 2011

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Une gélule rouge et blanche parmi d'autresLa Mission Mediator et pharmacovigilance de l’Assemblée nationale a entendu Xavier Bertrand, ministre de la santé, le 15 février 2011. C’est ce dernier qui a souhaité être entendu rapidement dans cette affaire dans laquelle il a reconnu, au même titre que de nombreux anciens ministres de la santé, avoir sa part de responsabilité.

En préambule Xavier Bertrand a rappelé que la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) n’avait pas pris fin avec la remise de son premier rapport, mais qu’elle se poursuivait afin de faire le point et des propositions concernant le fonctionnement de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Il a aussi insisté sur le fait que deux missions parlementaires étaient actuellement au travail suite à l’affaire du Mediator et que le travail de la justice suivait son cours.

Pour le ministre de la santé, le système de pharmacovigilance est à reconstruire. Avant l’affaire du sang contaminé toutes les informations sur un problème grave de pharmaco ou de matériovigilance remontaient au ministre ; suite à ce drame et à la mise en place de l’Afssaps, c’est aux experts que l’on a pris soin de déléguer les décisions. Pour Xavier Bertrand, il faut que la refonte du système actuel aboutisse à nouveau à une responsabilité politique, au gouvernement, mais aussi peut-être aux parlementaires. La nomination du nouveau directeur général de l’Afssaps par le ministre, en concertation avec l’Assemblée nationale et le Sénat alors que ce n’est normalement pas prévu par la loi, dans les jours qui viennent va d’ailleurs dans ce sens. C’est le nom de Dominique Maraninchi, professeur de cancérologie à la faculté de médecine de Marseille et actuel président de l’Institut national du cancer (INCa), qui a été soumis aux parlementaires.

Comme il faut des décisions radicales et rapides, des assises du médicament seront organisées cette année, si possible avant la fin du premier semestre, mais après la remise des conclusions des deux missions parlementaires qui se penchent actuellement sur la question. La loi pourrait ainsi être modifiée avant la fin de l’année 2011.

En plus de celles relatives au fonctionnement de l’Afssaps, des questions doivent se poser sur la procédure d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments et de leur éventuel retrait, sur la remontée des alertes et leurs suites. Ce dernier point est important, car dans le cas du Mediator dix-sept alertes sont remontées avant que l’une d’elles soit prise en compte. Ce système pourrait notamment s’accompagner d’une justification du non-suivi ou d’une déclassification d’une alerte.
La prévention des conflits d’intérêts doit aussi être un sujet sur lequel des décisions devront être prises afin d’aboutir à une transparence “totale”. La solution la plus simple permettant de régler cette question serait, selon le ministre, de transposer « directement et complètement » le Sunshine Act, c’est-à-dire la loi américaine en matière de liens d’intérêts qui s’applique dans le secteur de la santé. Dans ce pays, il est obligatoire de déclarer ces liens d’intérêts à partir du moment où ils sont supérieurs à dix dollars et surtout il existe des sanctions pour ceux qui ne déclarent pas ces choses, ce qui n’est pas le cas actuellement en France.
Xavier Bertrand a précisé qu’il avait lui-même, alors qu’il n’y est pas obligé, rempli une déclaration de liens d’intérêts et qu’il a demandé à son épouse de faire de même. Tous ses collaborateurs ont dû s’exécuter et il a eu à faire des choix en raison des réponses des uns et des autres. Le ministre estime que les personnels travaillant au sein des cabinets ministériels ne devraient avoir aucun lien d’intérêts avec l’industrie pendant qu’ils sont en fonction. Depuis 1995, lorsqu’ils quittent leur poste, la Commission de déontologie, ayant pour rôle de contrôler le départ des agents publics et de certains agents de droit privé envisageant d’exercer une activité dans le secteur privé et dans le secteur public concurrentiel, doit intervenir pour donner son avis et pourrait voir ses compétences renforcées. Reste à savoir si ces mesures seront suffisantes au regard de ce qui s’est passé en début d’année pour le directeur général de l’Agence européenne du médicament (European Medicines Agency ou EMA), comme l’a rappelé Gérard Bapt, président de la mission parlementaire.

 

Ministres de la santé, anorexigènes, laboratoires Servier et génériques

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Signature sur un documentLe rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a été rendu public hier et il a le mérite de faire l’historique du drame que représente le retrait tardif du marché du benfluorex, dont la dénomination commerciale est Mediator®, considéré comme un anorexigène dérivé de l’amphétamine par l’Organisation mondiale de la santé et les auteurs du rapport. Lors de la conférence de presse qui a suivi la présentation de ce document, Xavier Bertrand, actuel ministre du travail, de l’emploi et de la santé, accompagné de Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé, a reconnu de façon courageuse qu’il assumait une part de responsabilité, en tant que ministre de la santé et des solidarités du 3 juin 2005 au 26 mars 2007, dans cette affaire alors que la suspension de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du benfluorex date du 30 novembre 2009.

Le Mediator n’est pas le premier anorexigène des laboratoires Servier à voir son AMM suspendue. Le rapport de l’IGAS fait état de la fenfluramine, dont le nom dans les officines était Ponderal®, commercialisé depuis 1963, et le dexfenfluramine, appelé Isomeride®. C’est en 1995 que la dangerosité des fenfluramines a été établie, selon le rapport, et c’est le 15 septembre de cette même année que leur AMM a été suspendue, alors que le Ponderal était suspecté d’être à l’origine d’hypertension artérielle pulmonaire chez l’homme depuis 1981 et l’Isomeride depuis 1992. Or, pour les membres de la commission d’enquête de l’IGAS, les fenfluramines et le benfluorex sont pharmacologiquement, méthodologiquement et chronologiquement liés.

S’il est peu probable d’envisager que la responsabilité des ministres de la santé depuis 1981 puisse être recherchée, ceux ayant exercé leurs fonctions depuis la fin de 1995 pourraient avoir à répondre à des questions embarrassantes devant les commissions parlementaires qui vont chercher à faire la lumière, tout du moins en théorie, sur les dysfonctionnements ayant conduit à la mort de plusieurs centaines de patients.
Que faut-il attendre de ces commissions parlementaires franco-françaises ? On aurait pu être tenté de répondre « pas grand-chose », si ce n’est des rapports visant à minimiser le rôle des décideurs politiques et de l’administration, comme dans le cas de la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1), mais la virulence du rapport de l’IGAS pourrait faire réfléchir les élus, surtout après que Xavier Bertrand ait reconnu que l’administration et les ministres de la santé avaient une part de responsabilité dans l’affaire Mediator. Même si les laboratoires Servier vont être en première ligne, l’opinion publique pourrait ne pas apprécier que les anciens responsables gouvernementaux, de droite comme de gauche, jouissent une nouvelle fois de la magnanimité de leurs pairs.
Autre élément à prendre en compte, la justice va être amenée à se prononcer sur le dossier à un moment ou à un autre, les premières auditions ayant déjà commencé. Des ministres seront-ils entendus ? C’est possible si leur responsabilité est mise en cause, comme cela a été le cas au moment de l’affaire du sang contaminé. Pourraient-ils être condamnés ? En théorie, oui, mais là encore, cette même affaire du sang contaminé a montré qu’il était difficile de s’attaquer à la responsabilité d’un ministre de la santé, même si la justice s’exerce, bien entendu, en toute indépendance…

Seuls le Mediator et les laboratoires Servier sont cités, mais il ne faut pas oublier qu’il existait des génériques à ce produit et il est intéressant de relire le communiqué de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) publié à ce moment : « L’Afssaps suspend l’autorisation de mise sur le marché des médicaments contenant du benfluorex.
Mediator 150 mg®, Benfluorex Mylan® et Benfluorex Qualimed® ne seront plus disponibles à compter du 30 novembre 2009.
Leur autorisation de mise sur le marché (AMM) est suspendue en raison d’une balance bénéfice-risque jugée défavorable par la Commission d’AMM compte-tenu du risque avéré de valvulopathie et de l’efficacité modeste dans la prise en charge du diabète de type 2.
L’Afssaps recommande par mesure de précaution de procéder à un interrogatoire et un examen clinique de tous les patients ayant eu un traitement par benfluorex dans le passé, à l’occasion de leur prochaine consultation médicale.
Les patients qui sont, à ce jour, traités par benfluorex doivent arrêter leur traitement et consulter, sans urgence, leur médecin traitant. »
Il est étonnant qu’il n’y ait pas plus de communication auprès des patients à ce sujet et que des AMM aient été données à ces génériques en 2008 alors que des soupçons d’effets indésirables graves pesaient sur la molécule princeps.

 

Ministres et secrétaires d’État à la santé en poste de 1981 à 1995

Jusqu’au 13 mai 1981, Jacques Barot, est ministre de la santé et de la sécurité sociale ; Rémy Montagne, secrétaire d’État auprès du ministre de la santé et de la sécurité sociale, tout comme Jean Farge (démissionnaire le 12 mai 1981).

Du 21 mai 1981 au 22 juin 1981, Edmond Hervé, est ministre de la santé.

Du 22 juin 1981 au 22 mars 1983, Jack Ralite est ministre de la santé.

Du 22 mars 1983 au 20 mars 1986, Edmond Hervé est secrétaire d’État auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé de la santé.

Du 25 mars 1986 au 10 mai 1988, Michèle Barzach est ministre déléguée auprès du ministre des affaires sociales et de l’emploi, chargé de la santé et de la famille.

Du 13 mai 1988 au 2 octobre 1990, Claude Évin, est ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l’emploi, chargé de la santé et de la protection sociale, puis ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale ; Léon Schwartzenberg, ministre délégué auprès du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, chargé de la santé (du 13 mai au 8 juillet 1988).

Du 2 octobre 1990 au 3 avril 1992, Bruno Durieux est ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité, chargé de la santé, puis ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l’intégration, chargé de la santé.

Du 5 avril 1992 au 30 mars 1993, Bernard Kouchner est ministre de la santé et de l’action humanitaire.

Du 31 mars 1993 au 12 mai 1995, Simone Veil est ministre d’État, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville ; Philippe Douste-Blazy, ministre délégué auprès du ministre d’État, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, chargé de la santé.

 

Ministres et secrétaires d’État à la santé en poste de 1995 à 2009

Du 19 mai 1995 au 8 novembre 1995, Élisabeth Hubert est ministre de la santé publique et de l’assurance-maladie.

Du 8 novembre 1995 au 3 juin 1997, Hervé Gaymard est secrétaire d’État auprès du ministre du travail et des affaires sociales, chargé de la santé et de la sécurité sociale.

Du 5 juin 1997 au 7 juillet 1999, Bernard Kouchner est secrétaire d’État auprès du ministre de l’emploi et de la solidarité, chargé de la santé, puis chargé de la santé et de l’action sociale.

Du 28 juillet 1999 au 6 février 2001, Dominique Gillot est secrétaire d’État auprès du ministre de l’emploi et de la solidarité, chargé de la santé et de l’action sociale.

Du 6 février 2001 au 7 mai 2002, Bernard Kouchner est ministre délégué à la santé, auprès de la ministre de l’emploi et de la solidarité.

Du 8 mai 2002 au 31 mars 2004, Jean-François Mattéi est ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Du 1er avril 2004 au 31 mai 2005, Philippe Douste-Blazy est ministre de la santé et de la protection sociale.

Du 3 juin 2005 au 26 mars 2007, Xavier Bertrand est ministre de la santé et des solidarités.

Du 26 mars 2007 au 15 mai 2007, Philippe Bas est ministre de la santé, des solidarités, de la sécurité sociale, des personnes âgées, des personnes handicapées et de la famille.

Du 19 mai 2007 au 14 novembre 2010, Roselyne Bachelot-Narquin est ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, puis de la santé et des sports.

Mediator : un rapport de l’IGAS accablant et sans concessions

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu au ministre de la santé, Xavier Bertrand, un rapport intitulé « Enquête sur le Mediator® » le 15 janvier 2011. Ce travail a été réalisé en six semaines, à la demande du ministre, suite à ce qu’il convient d’appeler l’affaire Mediator, médicament présenté par son fabricant, les laboratoires Servier, comme un médicament efficace dans le traitement des hypertriglycéridémies et du diabète de type II, dont l’usage a été détourné en coupe-faim pendant de nombreuses années et qui serait à l’origine de plusieurs centaines de décès en France d’après les autorités de santé. La mission d’enquête de l’IGAS a auditionné une centaine de personnes parmi lesquelles ne figure aucun membre du laboratoire mis en cause. Elle s’est aussi appuyée sur « l’exploitation des dossiers scientifiques et administratifs s’échelonnant sur 40 années » qu’elle avait en sa possession.

Les conclusions de ce rapport sont accablantes, tant pour le deuxième groupe pharmaceutique français que pour l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), anciennement appelée Agence du médicament. Il est rare de lire un rapport administratif qui aille si loin dans les reproches faits à un acteur majeur de l’industrie pharmaceutique hexagonale et à une agence de l’État. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la synthèse de ce travail dont un extrait est reproduit en encart.

Extrait de la synthèse du rapport de l’IGAS intitulé Enquête sur le Mediator®

Le rapport est organisé à la fois autour des principaux temps de la vie du médicament et autour de l’analyse des principales responsabilités identifiées par la mission :

  • les laboratoires Servier qui dès l’origine du médicament ont poursuivi un positionnement du MEDIATOR® en décalage avec sa réalité pharmacologique ;
  • l’Agence chargée du médicament, inexplicablement tolérante à l’égard d’un médicament sans efficacité thérapeutique réelle ;
  • le système de pharmacovigilance, incapable d’analyser les graves risques apparus en termes de cardiotoxicité du MEDIATOR® ;
  • enfin, les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé gérant avec lenteur les déremboursements de médicaments à service médical rendu insuffisant, aboutissant dans le cas du MEDIATOR® à des résultats inverses de ceux recherchés.

Bien que contesté par les laboratoires Servier, la lecture de ce rapport est édifiante et permet, entre autres, de comprendre que ce travail n’est sans doute pas étranger à la décision de son directeur général de quitter ses fonctions, même si l’annonce de son départ s’est faite le 12 janvier alors que l’Agence n’a officiellement reçu copie du rapport pour observations que le 13 janvier.

Pour l’IGAS, il ne fait aucun doute au regard des documents étudiés que le benfluorex, nom du principe actif contenu dans le Mediator, est depuis sa genèse un anorexigène. « Le suffixe « -orex » est en effet le segment-clé retenu par l’OMS [Organisation mondiale de la santé, NDLR] pour désigner les agents anorexigènes. […] L’OMS a attribué la DCI « benfluorex » au composé SE780 des laboratoires Servier et a publié cette dénomination dans sa chronique OMS volume 25, n° 3 de mars 1971.
Ce choix s’explique sans doute par la présence dans cette molécule d’un noyau benzène, portant un groupement fluoré et par les propriétés anorexigènes de la molécule. »
Bouton stopPour l’inspection générale, les laboratoires Servier auraient tout fait pour minimiser l’appartenance de ce médicament à cette classe de produits pour le différencier d’autres spécialités pharmaceutiques qu’ils commercialisaient comme anorexigènes et auraient joué la carte de l’originalité thérapeutique, oubliant ses caractéristiques pharmacologiques, pour que ce produit reste en vente alors que les risques liés à l’un des composants apparaissant au moment où ce médicament est métabolisé dans l’organisme sont suspectés depuis plusieurs dizaines d’années. Un document remis à l’Afssaps en 1999 par le laboratoire aurait même été modifié pour faire oublier que le benfluorex était un précurseur de l’un de ces composants. Pour l’IGAS, il s’agit d’un fait grave, car des composants de la même famille, contenu dans les autres anorexigènes des laboratoires Servier (Ponderal et Isomeride), ont été suspecté dès 1981 et 1992 d’être à l’origine d’hypertension artérielle pulmonaire, maladie particulièrement grave déjà rencontrée dans les années 60 chez l’animal lors des recherches ayant abouti à la commercialisation de ces produits…

Dès 1999, le Mediator aurait dû être retiré du marché, mais de nombreuses incohérences administratives et des tergiversations ont empêché cette mise à l’index du produit, selon l’IGAS. Il y a de quoi être effaré à la lecture du document et se poser des questions un système censé protéger les patients…
Mais le rapport va encore plus loin puisque la mission d’enquête dit avoir eu connaissance « de pressions exercées par des personnes appartenant aux laboratoires Servier ou ayant des liens d’intérêt avec eux sur des acteurs ayant participé à l’établissement de la toxicité du MEDIATOR®. La mission ne qualifie pas les pressions ainsi relatées. Elle procédera à un signalement de ces pratiques à l’autorité judiciaire en lui transmettant les pièces justificatives dont elle dispose. »

Personne n’est en mesure de dire quel sort sera réservé au rapport de l’IGAS, mais Xavier Bertrand a déjà annoncé que l’État allait prendre le relais des laboratoires quant au financement de l’Afssaps et qu’une plus grande transparence quant aux conflits d’intérêts devrait être de mise, y compris au sein des ministères, au moment où deux de ses collaborateurs ont été mis en cause dans cette affaire.

Est-ce la fin d’une époque ? Il faut l’espérer, car pour l’IGAS, « La chaîne du médicament fonctionne aujourd’hui de manière à ce que le doute bénéficie non aux patients et à la santé publique mais aux firmes. Il en va ainsi de l’autorisation de mise sur le marché qui est conçue comme une sorte de droit qu’aurait l’industrie pharmaceutique à commercialiser ses produits, quel que soit l’état du marché et quel que soit l’intérêt de santé publique des produits en question. La réévaluation du bénéfice/risque est considérée comme une procédure exceptionnelle. La prise en compte du risque nécessite de fortes certitudes scientifiques, l’existence d’un bénéfice étant, elle, facilement reconnue. Dans ces conditions, le retrait d’une AMM est perçu comme une procédure de dernier recours et comme une sorte de dédit pour la commission qui a accordé l’autorisation. »

La justice a commencé à se pencher sur cette affaire, mais il serait étonnant qu’un tel dossier aboutisse à des condamnations rapides, tant les précédents scandales sanitaires ont montré la lenteur du système dans de tels cas. Pour de nombreuses familles, il est malheureusement déjà trop tard.

Un fusible saute : panne de courant à l’Afssaps

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Des médicaments sur des dollarsLes fusibles commencent à sauter au sein des autorités de santé françaises suite à « l’affaire Mediator », comme le prouve l’annonce du départ du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) le 12 janvier 2011 dans un article du journal Libération. Pourtant en place depuis sept ans, ce qui prouve qu’il n’avait jusque-là réussi à ne froisser personne au sein des instances politiques ou de l’industrie pharmaceutique, Jean Marimbert donne sa version des raisons qui font que le système actuel, visant à protéger le patient, n’a pas rempli correctement son rôle dans le cas de cet antidiabétique utilisé comme coupe-faim.

Il n’est plus possible d’ignorer que les alertes ont été nombreuses avant la sortie du livre d’Irène Frachon sur le Mediator, élément déclencheur de cette affaire, même si chacun tente désormais de tirer la couverture à soi en expliquant qu’il avait dénoncé le problème depuis la nuit des temps. Assurance-maladie, autorités de santé, cabinets de différents ministres ont pu avoir connaissance, pour ne pas dire ont eu connaissance, des risques encourus par les patients depuis de nombreuses années. Les vraies raisons qui font que tout le monde a gardé le silence ne seront malheureusement jamais reconnues, même si la justice a été saisie, et les responsables jouiront d’une impunité propre à leur rang, surtout s’il s’avère que des politiques ou des bailleurs de fonds finissent par apparaître clairement parmi ceux qui ont retardé la décision relative au retrait du marché de ce médicament. Cette affaire n’aurait d’ailleurs sans doute jamais pris autant d’ampleur si le fabricant du Mediator n’avait pas eu l’idée de faire censurer la couverture du livre du docteur Frachon, attirant du même coup l’attention des médias sur cette affaire. La condamnation de l’éditeur pour avoir fait apparaître en couverture la mention « Combien de morts ? » montre d’ailleurs les limites de la justice dans la plupart des dossiers de ce type. Les précédents scandales sanitaires ont prouvé que les intérêts économiques, ce qui n’équivaut pas seulement aux profits des entreprises ou au financement de campagnes, mais aussi aux emplois et au montant des importations, des exportations ou des rentrées fiscales, pesaient bien plus lourd dans toutes les balances décisionnelles que la vie de centaines ou de milliers de patients.

La lettre du directeur général de l’Afssaps n’est pourtant pas là pour remettre en question ce système. Il se félicite du travail accompli par ces subalternes et estime que cette institution, qui prend selon lui des décisions “autonomes” au nom de l’État, ne doit pas être restructurée. « Le travail quotidien de police sanitaire ne peut pas matériellement être recentralisé dans une administration ministérielle classique. Il ne doit pas non plus être transféré à une autorité indépendante soustraite à toute forme de contrôle gouvernemental, sous peine de couper le lien nécessaire entre la responsabilité administrative et le lieu où s’exerce la responsabilité politique. »
Il faut plutôt réformer les processus d’évaluation et de décisions. Pour cela, le directeur général de l’Afssaps sur le départ commence en proposant une solution alourdissant un peu plus le système dans un parfait esprit administratif. Il est question d’une nouvelle instance intervenant en amont de la délibération de la commission d’AMM.
La transparence et les conflits d’intérêts sont aussi évoqués dans ce courrier. Il est vrai que face aux nombreuses attaques dont ont fait l’objet l’Afssaps et la Haute Autorité de santé ces derniers temps à ce sujet, il eût été difficile de ne pas aborder ces deux éléments fondamentaux. Le modèle américain est pris en exemple, ce qui paraît assez cocasse dans les colonnes d’un journal plutôt habitué à privilégier les modèles de pays moins libéraux. Mais là encore, les solutions prêtent à sourire, malgré la fermeté de façade : « Mais l’heure est à l’application totale et sans faille de toutes les règles essentielles [en matière de conflits d’intérêts, NDLR], y compris de celles qui veulent qu’un expert ayant un conflit d’intérêt important quitte la salle de réunion au moment où le point concerné va être abordé. » Cela veut dire que tel n’est pas le cas actuellement et que le problème des conflits d’intérêts est bien réel. Comment un système qui estime qu’un expert ayant un conflit d’intérêts dans une décision n’a qu’à sortir de la salle où se tient une réunion pour qu’il n’y ait aucune pression peut-il être crédible ? Est-ce pour sauver la face ou se la voiler que de telles propositions sont faites ? Sans parler du simulacre de recoupement qui est suggéré et qui montre à quel point le fonctionnement actuel manque de contrôles sérieux : « De plus, la véracité des déclarations des experts, dont l’écrasante majorité est parfaitement intègre et dévouée à la santé publique, doit pouvoir être vérifiée, au moins par recoupement entre la déclaration elle-même qui sera mise en ligne sur le site de l’agence pour tous les experts et les déclarations que pourraient faire les laboratoires de leurs collaborations avec les experts. » Quand on sait les résultats que donnent les déclarations des aides versées par les industriels de santé aux associations de patients, voilà qui laisse songeur…

Dernier acte de cette comédie, à moins qu’il ne s’agisse d’une tragédie, la réforme de la pharmacovigilance. Pourquoi parler d’une instance scientifique indépendante seulement lorsqu’il est question d’études post-AMM ? Pourquoi ne pas faire en sorte qu’une indépendance au dessus de tout soupçon puisse être acquise en amont de l’AMM ?
Et quand il est question de « mettre en place une possibilité de déclaration par les patients eux-mêmes ou d’inscrire le devoir de notification des effets indésirables dans un « mandat sanitaire » des professionnels de santé de ville, notamment dans le cadre de la prise en charge des pathologies chroniques », grande est la surprise. Comment le directeur général de l’Afssaps peut-il ignorer que les médecins qu’ils soient de ville ou d’ailleurs et les autres professionnels de santé ont déjà l’obligation légale de faire la déclaration en pharmacovigilance des effets indésirables graves constatés ? Est-ce un mandat sanitaire qui les fera mieux respecter cette obligation ou est-ce la mise en place d’un système leur donnant l’impression que leurs déclarations sont réellement suivies d’effets et que l’on ne se contente pas de faire suivre au fabricant qui va parfois se charger d’envoyer son délégué faire pression sur le médecin pour qu’il cesse de satisfaire à ses obligations légales ? Belle démagogie que celle qui consiste à proposer des outils aux patients ou aux praticiens tout en faisant de son mieux pour qu’ils soient peu pratiques à utiliser, pour que les déclarations restent lettre morte ou qu’elles ne soient pas traitées de façon indépendante.

À la lecture de cette lettre, quand Jean Marimbert parle de « rénovation sans complaisance », on est en droit de se demander qui aura la volonté de la mettre en place. Certainement pas les acteurs déjà en place à en juger par les propositions faites par son auteur. Le fusible va être remplacé, le boîtier électrique un peu noirci va être repeint et le courant rebranché. Jusqu’à la prochaine électrocution de quelques centaines ou quelques milliers de patients s’accompagnant de suffisamment d’étincelles pour que cette lumière attire les médias…

Ne pas nuire à la réputation des laboratoires

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Ouvrage

Couverture censurée du livre Mediator 150 mg - Combien de morts ?En France, se poser des questions sur les effets indésirables d’un médicament, même quand ils sont avérés, semble être bien compliqué.

Il n’est pas question ici des vaccins contre la grippe A(H1N1) ou de ceux contre l’hépatite B, mais d’un médicament prescrit pour perdre du poids : le Mediator des laboratoires Servier. Dans un ouvrage intitulé Mediator 150 mg, initialement sous titré « Combien de morts ? », le docteur Irène Frachon, pneumologue hospitalier à Brest, raconte le combat qu’elle a dû mener pour que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en arrive à suspendre l’autorisation de mise sur le marché d’un produit dont les effets toxiques pouvaient être fortement soupçonnés en raison de sa métabolisation proche de celle de l’isoméride, un autre coupe-faim de triste mémoire.

Comment expliquer qu’un praticien ait été obligé de dépenser autant d’énergie, d’affronter une bureaucratie censée protéger le public et non des intérêts privés et passer du temps à lutter contre un système qui lui impose pourtant de déclarer les effets indésirables graves ? Si les médecins sont habitués à sauver des vies en toute discrétion et à accompagner des malades qui souffrent, pourquoi ont-ils l’impression de ne plus être aidés pour ce faire ? Pourquoi l’actuel dispositif de pharmacovigilance donne-t-il l’impression d’être fait pour décourager les médecins de l’utiliser ? Pourquoi l’industrie a-t-elle un tel poids en son sein sans que cela soit vraiment transparent ? Combien de morts sont nécessaires pour que les pouvoirs publics osent remettre en question les investissements réalisés par un laboratoire sans trop traîner dans l’espoir que le seuil de rentabilité ait été atteint ? Ce sont des questions que l’on peut se poser à la lecture de cet ouvrage.

À noter l’initiative de l’éditeur qui offre gracieusement divers formats numériques de son ouvrage à l’acheteur de la version papier.

 

La couverture de l’ouvrage a été censurée par le tribunal des référés de Brest, le 7 juin 2010, à la demande du laboratoire Servier. Malgré la suspension de l’AMM par l’Afssaps pour un risque avéré de valvulopathie du Benfluorex (nom du principe actif contenu dans le Mediator), le juge a estimé que « la relation entre la valvulopathie et un décès n’est pas pour l’instant établie par l’Afssaps. » L’éditeur a fait appel de ce jugement.

 


 

Résumé

« Le 25 novembre 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé — Afssaps — annonce la suspension de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament. Il s’agit du Mediator, commercialisé depuis plus de trente ans par le laboratoire Servier, alors consommé quotidiennement par près de 300 000 Français. Cette décision fait suite à la révélation d’une toxicité grave directement liée au médicament : une atteinte des valves du coeur, aux conséquences parfois mortelles.

Les premiers éléments laissant suspecter la possibilité d’une telle toxicité remontent à 1997, date à laquelle un médicament proche et commercialisé par le même laboratoire, le coupe-faim Isoméride, est interdit pour les mêmes raisons.

Médecin, j’ai été pendant vingt ans témoin puis acteur de cet épisode dramatique. La transparence est une condition de la qualité de la politique de santé des populations. C’est pourquoi je témoigne dans ce livre de ce que j’ai vécu, de la manière la plus factuelle possible. Mon objectif est de permettre à chacun de comprendre comment sont prises certaines décisions de santé publique en France et de contribuer ainsi au débat public, constitutif de l’exercice de la démocratie. »

Irène Frachon

 

Irène Frachon.
Mediator 150 mg — Combien de morts ?
Editions-dialogues.fr, 2010.
ISBN 9782918135142 — 152 pages – 15,90 €.