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Réseaux sociaux et déontologie médicale

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Actualités, Humeur

Médecins face à un ordinateur

Twitter, Facebook, LinkedIn et bien d’autres réseaux sociaux ont envahi le quotidien de 91 % des internautes français et le temps passé sur ces sites a plus que triplé ces dernières années pour en faire la catégorie de services sur la Toile la plus populaire dans le monde entier1. Les médecins surfant sur le Net ne font pas exception et nombre d’entre eux disposent d’un profil, d’une page ou un compte sur un réseau social, que ce soit à titre personnel ou professionnel. Voilà qui peut expliquer que le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) se soit penché, dans son dernier livre blanc intitulé Déontologie médicale sur le Web, sur l’attitude qu’elle souhaite voir adopter par les praticiens sur ces réseaux sociaux.

Médecins face à un ordinateurS’ils continuent à fréquenter les forums de sites grand public ou professionnels ou à envoyer des messages à une communauté par le biais de listes de discussion plus ou moins ouvertes, les médecins n’hésitent plus à communiquer à l’aide d’un réseau d’informations comme Twitter ou à créer leur profil sur un réseau qui leur permet de rester en contact avec les personnes qui comptent pour eux, sur le modèle que propose Facebook. Comme l’immense majorité des internautes, les praticiens ont vu dans ces nouveaux moyens de communication de formidables outils pour dialoguer, apprendre, écouter ou informer. Souvent habitués à ces réseaux au sein de leur sphère familiale, les médecins sont encore souvent réticents à franchir le pas sur un plan professionnel. S’ils sont encore peu nombreux à les utiliser pour demander un avis à des confrères face à un cas difficile, ils commencent néanmoins à s’y intéresser pour diffuser de l’information ou pour surveiller l’actualité sur un sujet donné. Pour le CNOM, Twitter peut, par exemple, « compléter les outils déjà existants de veille des sources d’informations, d’autant plus qu’il attire régulièrement de nouveaux acteurs, institutionnels ».

Twitter et le micro-blogging

« Twitter n’a pas seulement aiguisé la curiosité de professionnels de santé pionniers du web puis du web 2.0. Le réseau de communication instantanée est progressivement investi en France par les associations de patients (timides), les institutions et quelques conseillers ordinaux (avec volontarisme), et, de façon remarquable, par les établissements de soins. […] cliniques et hôpitaux se mettent à tweeter aussi bien pour diffuser des offres d’emplois, que pour promouvoir des événements dans lesquels ils sont impliqués, mais aussi pour diffuser des informations médicales spécialisées (à l’instar de l’Institut de cancérologie Gustave Roussy). Ils suivent en cela une tendance qui s’affirme en Amérique du Nord où le média électronique est activement mis à profit pour soutenir le traditionnel bouche-à-oreille qui guide le patient dans son choix d’établissement. Un hôpital de Détroit est même allé assez loin en tweetant en direct le retrait d’une tumeur du rein. Pour le chirurgien, à l’origine de cette initiative, “cette pratique élimine les barrières de la communication. Elle aide à comprendre quelque chose d’effrayant a priori”. »

Facebook : les patients ne sont pas des amis

Pour ce qui est de Facebook ou d’autres réseaux comme Google+, le CNOM constate que « les frontières sont de plus en plus poreuses à la fois entre vie professionnelle et vie sociale et entre les différents médias en ligne auxquels chacun confie une facette de sa personnalité. » Pas question, dans ces conditions, de laisser les praticiens agir à leur guise dans ces espaces de communication. Pour l’Ordre, des règles de conduite s’imposent et la déontologie qui s’applique à la réalisation d’un site médical en ligne doit être respectée. « À̀ titre personnel, le médecin doit veiller à réserver l’accès à son profil et à paramétrer les filtres de confidentialité disponibles permettant de contrôler la divulgation des informations personnelles qui le concernent.
Il doit refuser toute sollicitation de patients désireux de faire partie de ses relations en ligne (c’est-à-dire être “ami” au sens de Facebook). Cette proximité “virtuelle” comporte en effet le risque de compromettre la qualité de la relation patients-médecins qui doit rester celle de l’empathie et de la neutralité des affects.
Les médecins – et étudiants en médecine – doivent se montrer vigilants sur l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes en ligne (leur e-réputation) et ne pas négliger l’influence que cette image peut avoir sur leur propre activité professionnelle comme sur la perception du corps médical dans son ensemble par les patients, et sur la confiance que ces derniers lui témoignent.
stethoscope sortant d'un écran d'ordinateurDès lors qu’un médecin poste un commentaire personnel, humeur ou récit, il doit veiller à ne pas manquer de respect tant à l’égard des patients que de ses confrères ou de tout public visé par sa publication. Si l’humour et l’émotion sont caractéristiques de ces écrits, ils ne doivent pas déraper vers la moquerie, l’ironie blessante, la stigmatisation d’une catégorie sociale, l’injure publique voire la diffamation.
Les risques de dérives sont bien réels comme on peut déjà s’en rendre compte dans les pays anglo-saxons. Un quotidien britannique a ainsi récemment révélé que de nombreux établissements du NHS ont dû procéder à des avertissements et des licenciements de personnels, tant soignants qu’administratifs, suite à leur utilisation des médias sociaux (et en particulier de Facebook). Commentaires inacceptables à propos des collègues ou des patients, conversations déplacées à propos des soins prodigués, publication inadmissible de photos… : le quotidien note que ces incidents deviennent préoccupants. »

On ne badine pas avec la déontologie sur les réseaux sociaux (comme ailleurs), à tel point que l’Ordre rappelleque « tout médecin qui agirait ainsi de manière à déconsidérer la profession doit être averti qu’il pourrait devoir en répondre devant les juridictions disciplinaires, même si l’acte a été commis en dehors de son exercice professionnel, mais en faisant usage de sa qualification ou de son titre. »

Des pseudonymes sous surveillance

Mieux vaut ne pas accepter un conseiller ordinal dans ses “amis”, se diront certains. D’autres penseront être protégés par un nom de plume ou par l’usage d’un pseudonyme. Il n’en est rien. Le Conseil de l’ordre des médecins « admet l’usage de pseudonymes, dans des contextes distincts du strict exercice professionnel et comme liberté d’expression de tout citoyen. Il demande toutefois à leurs utilisateurs de veiller à ne rien écrire qui puisse être lourd de conséquences ou reproché si l’identité venait à être révélée.Le pseudonyme d’un médecin doit impliquer les mêmes conditions éthiques et déontologiques que lorsque l’identité est connue. Conformément au code de déontologie médicale, le pseudonyme doit faire l’objet d’une déclaration auprès de l’Ordre. Le Cnom a engagé les travaux en vue de l’établissement d’un répertoire national qui puisse lui permettre de publier la qualité de médecin sous l’usage d’un pseudonyme, sans lever aucunement cet anonymat, ce qu’il exprime sous le vocable de “pseudonymat enregistré”. »

Alors que pour l’article L 4163-5 du code de la santé publique (CSP) « l’exercice de la médecine, l’art dentaire ou la profession de sage-femme sous un pseudonyme est puni de 4500 euros d’amende » et que « la récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 9000 euros d’amende », le code de déontologie médicale (art. R 4127-75 du CSP) précise qu’« un médecin qui se sert d’un pseudonyme pour des activités se rattachant à sa profession est tenu d’en faire la déclaration au conseil départemental de l’ordre » Quand on sait que l’une des définitions de “libérale” est l’« ensemble des doctrines actuelles qui tendent à garantir les libertés individuelles dans la société », voilà qui prête à sourire concernant la médecine dans un tel cas, surtout quand, dans le même temps, les autorités chinoises et certains parlementaires français envisagent d’interdire l’usage du pseudonyme sur Internet. Empêcher un charlatan de se faire passer pour un médecin et de tromper un malade est un principe des plus légitimes, mais il convient de rester vigilant afin qu’il n’en vienne à servir d’autres desseins.
Faut-il s’attendre à d’autres mesures visant à plus de “transparence” ? Le CNON « proposera aux médecins de référencer leur compte de micro-blogging sur le site web de l’Ordre national, agissant alors seulement en nom collectif, comme Twitter le propose actuellement aux sociétés. Ce référencement, qui ne vaut ni approbation ni improbation des contenus publiés sous la seule responsabilité légale de leur auteur, garantirait seulement contre l’usurpation d’identité numérique, qu’elle soit en nom propre ou sous pseudonyme enregistré. »

Internet et les réseaux sociaux sont devenus l’un des principaux vecteurs de l’information en ce début de XXIe siècle. On comprend que l’Ordre, garant du respect de la déontologie, s’y intéresse. À n’en pas douter, il va être amené à se servir de plus en plus de ces nouveaux espaces de communication pour faire passer des consignes aux praticiens ou à les surveiller pour être à même de sévir quand il se doit.

Tout cela mérite réflexion, tant la déontologie médicale sur le web peut soulever de paradoxes ; un débat public autour du thème « Éthique et technologie de l’information et de la communication », organisé par le Conseil national de l’ordre des médecins, est d’ailleurs prévu pour le 20 septembre 2012. Un débat qui ne manquera sans doute pas d’être tweeté…

1— Source comScore

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Les paradoxes de la déontologie medicale sur le Web

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Souris d'ordinateur et électrocardiogramme

L’accès aux connaissances médicales, tant pour les médecins que pour les patients, a été révolutionné en quelques années par le Web. Si le colloque singulier reste la base des rapports entre un praticien et un patient, l’Internet s’est néanmoins imposé comme un outil pratique et simple pour obtenir des conseils et des informations en santé fiables. C’est dans ce contexte que le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) a publié, en décembre 2011, un livre blanc intitulé Déontologie médicale sur le Web. Ouvrage intéressant, mais plein de paradoxes : si une partie du propos vise à encourager les praticiens à investir le Web, les solutions imposées et les conseils prodigués laissent à penser qu’au-delà d’un discours de façade, la volonté de tenir les médecins français à l’égard d’Internet et de ses “dangers” est bien présente. Il est vrai que si le Web peut parfois donner l’image d’une certaine anarchie bien éloignée d’une pratique rigoureuse comme celle qu’impose la médecine, Internet représente plutôt un espace de liberté et d’innovations que les autorités, chacune à leur niveau, rêvent de réglementer et surtout de contrôler. Trouver un juste équilibre en ce domaine n’est pas simple et l’ouvrage du Cnom en est un nouvel exemple.

Réforme de la loi HPST : grand ménage du Conseil constitutionnel

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Attention censureLa proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, adoptée fin juillet par l’Assemblée nationale et le Sénat, vient de voir plusieurs de ses articles déclarés contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, le 4 août 2011, suite à une saisine émanant de plus de 60 députés appartenant ou apparentés au groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Si le passage du texte concernant la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) n’a pas été revu, il n’en est pas de même de bien d’autres.

C’en est fini, pour le moment, de la législation sur le métier d’assistant dentaire. L’article 14 de la proposition de loi qui prévoyait un cadre légal pour les assistants dentaires a été adopté selon une procédure non conforme à la Constitution et est donc contraire à celle-ci. La profession d’assistant dentaire qui devait consister « à assister le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire dans son activité professionnelle, sous sa responsabilité » ne sera pas officialisée dans l’immédiat et les activités de prévention et d’éducation pour la santé dans le domaine bucco-dentaire restent de la compétence du chirurgien-dentiste.

La présentation des spécialités génériques sous des formes pharmaceutiques d’apparence similaire à celle du médicament princeps n’aura pas franchi non plus le cap du Conseil constitutionnel.
L’article 27, relatif aux conditions d’utilisation du titre de nutritionniste et prévoyant que « Ne peut utiliser le titre de nutritionniste qu’un médecin titulaire de diplômes ou titres relatifs à la nutrition », a été censuré, tout comme l’expérimentation permettant aux sages-femmes de pratiquer l’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse et autorisant les infirmiers à délivrer et administrer des médicaments ayant pour but la contraception d’urgence dans les services de médecine de prévention universitaires et interuniversitaires (art. 41).
Les conditions d’inscription sur la liste nationale des experts en accidents médicaux ne seront pas modifiées par la proposition de loi.

La constitution de sociétés de participations financières de professions libérales de pharmaciens d’officine et de biologistes médicaux ; les règles de prise en compte des regroupements d’officines pour l’application des règles applicables à la création de pharmacies ou le régime d’autorisation des préparations en pharmacie attendront avant d’être clarifiés.
Le domaine de la biologie est très présent dans plusieurs autres articles déclarés non conformes en totalité ou partiellement (domaines dans lesquels le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail peut prendre des décisions ; rattachement à une même section de l’ordre des pharmaciens de tous les pharmaciens exerçant dans le domaine de la biologie ; compétence donnée aux sections des assurances sociales de l’ordre des médecins ou de l’ordre des pharmaciens pour statuer sur une plainte déposée à l’encontre d’une société qui exploite un laboratoire de biologie médicale ; faculté pour les vétérinaires d’accéder à la formation de spécialisation en biologie médicale ; etc.).

La participation de l’assuré aux frais de transport des enfants accueillis dans les centres d’action médico-sociale précoce et les centres médico-psychopédagogiques ne pourra être limitée ou supprimée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, après que l’article 39 ait été reconnu non conforme à la Constitution.

L’ordonnance nº 2010-18 du 7 janvier 2010 portant création d’une agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ne sera pas ratifiée.

La modification du code des juridictions financières relative aux compétences de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes dans la certification des comptes des établissements publics de santé, ainsi que la modification du code de la santé publique permettant au directeur de la caisse d’assurance maladie de se faire représenter pour assister aux séances du conseil de surveillance des hôpitaux attendront. Il est en de même de la modification portant sur la nomination des directeurs d’établissement hospitalier et les directeurs généraux des centres hospitaliers régionaux ou de celle prévoyant des expérimentations relatives à l’annualisation du temps de travail des praticiens hospitaliers travaillant à temps partiel dans les collectivités d’outre-mer et autres mesures relatives, d’une part, au Centre national de gestion chargé des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, des directeurs des soins et des praticiens hospitaliers et, d’autre part, aux personnels de ce centre national.
La faculté de conclure des accords conventionnels interprofessionnels intéressant les pharmaciens titulaires d’officine et une ou plusieurs autres professions de santé entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les organisations représentatives signataires des conventions nationales de chacune de ces professions est, elle aussi, rejetée.

L’article 30 est le seul, parmi ceux qui étaient remis en question, à ne pas avoir été censuré. Un dossier médical implanté sur un support portable numérique sécurisé devrait donc pouvoir être remis, à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2013, à un échantillon de bénéficiaires de l’assurance maladie atteints d’une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse.

Médecine & Droit — Numéro 107

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de mars — avril 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

Droit civil
La réparation du manquement à l’information médicale : d’une indemnisation corporalisée à la mise en oeuvre d’un droit de créance
Philippe Pierre

Médecine judiciaire
Prise en charge médicojudiciaire des auteurs d’infractions sexuelles
Alexandre Baratta, Alexandre Morali, Olivier Halleguen et Georges-Alin Milosescu

Exercice professionnel
Sanction disciplinaire d’une personne morale exerçant la pharmacie
Valérie Siranyan, Olivier Rollux et François Locher

Ouvrages parus

Les recommandations HAS remises dans le droit chemin

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Jurisprudences

Chemin baliséQui aurait pu croire il y a encore quelques mois que les effets secondaires du Mediator affecteraient le président de la Haute Autorité de santé (HAS) ou, tout du moins, ses décisions ? Qui aurait pu imaginer que les « recommandations » de bonne pratique de cette instance officielle, imposées à tous les médecins dans un but d’uniformiser les dépenses de santé, sous couvert d’améliorer la qualité de la prise en charge en méprisant l’unicité de chaque patient, et reconnues par le Conseil d’État comme opposables aux praticiens, ne s’appuyaient pas toujours sur des fondements scientifiques transparents ? Qui aurait pu douter de la détermination des experts à faire passer l’intérêt des patients avant celui de l’industrie ou d’un besoin de reconnaissance que chacun trouve légitime ? Pas grand monde, si ce n’est quelques rares médecins qui semblent avoir continué à faire leur l’un des préceptes de leur Art, garder l’esprit critique, plutôt que de sombrer dans le conformisme bien pensant par facilité, par compromission ou au nom de la sauvegarde du spectre de notre système de protection sociale…

C’est en 2009, bien avant que n’éclate le scandale du Mediator, que le Formindep, association pour une formation médicale indépendante, a déposé un recours en Conseil d’État contre le refus par le président de la HAS d’abroger deux recommandations émises par ses services, la première concernant le traitement du diabète de type 2 et la seconde la maladie d’Alzheimer, pour non-respect des règles de déclaration de liens d’intérêts des experts les ayant établies. Un combat qui valait la peine d’être mené puisque le 27 avril 2011, le Conseil d’État a annulé la décision par laquelle le président de la Haute Autorité de santé a refusé d’abroger la recommandation intitulée Traitement médicamenteux du diabète de type 2 et l’a contrait à abroger cette recommandation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision. En ce faisant, le Conseil d’État a reconnu que « la recommandation litigieuse a été élaborée en méconnaissance du principe d’impartialité dont s’inspirent les dispositions rappelées ci-dessus [article L 161-44 du code de la Sécurité sociale et L 5323-4 du code de la santé publique, NDLR], en raison de la présence, au sein du groupe de travail chargé de sa rédaction, d’experts médicaux apportant un concours occasionnel à la Haute Autorité de santé ainsi que d’agents de la Haute Autorité de santé et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui entretenaient avec des entreprises pharmaceutiques des liens de nature à caractériser des situations prohibées de conflit d’intérêts ».

Suite à ce camouflet et alors qu’une décision était attendue pour la recommandation Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, le président de la HAS a préféré couper court aux critiques. Dans un communiqué du 20 mai 2011, la HAS précise qu’elle retire cette recommandation de bonne pratique « dans un contexte d’exigence accrue en matière d’indépendance et de transparence des institutions et afin de restaurer la confiance avec les usagers du système de soins ». Prenant acte de la décision du Conseil d’État, la HAS décide par ailleurs de lancer l’analyse de toutes les recommandations élaborées entre 2005 et 2010 pour vérifier qu’elles sont conformes aux règles en matière de déclarations publiques d’intérêt. Cette mission est confiée au groupe Déontologie et Indépendance de l’expertise de la HAS présidée par Christian Vigouroux, conseiller d’État. La HAS suivra les conclusions de cette mission et s’engage à retirer immédiatement les recommandations qui seraient concernées et à réinscrire les thèmes à son programme de travail. » Il est aussi question d’un audit externe de ses procédures de gestion des conflits d’intérêts en 2012.

La décision du Conseil d’État a un autre intérêt, celui de préciser le rôle des recommandations de bonne pratique. Il considère que ces dernières « ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en oeuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ». Il estime aussi « qu’eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».

Malgré tout, les recommandations de bonne pratique ont encore de belles années devant elles. Beaucoup de médecins en redemandent, car il est plus simple de suivre une recette universelle toute faite que d’élaborer un diagnostic en tenant compte des spécificités de chaque patient, surtout quand cette réflexion chronophage, pourtant salutaire au malade, leur attire les foudres de l’assurance-maladie.
Les professions paramédicales en redemandent elles aussi. À l’heure où la délégation des tâches est portée aux nues, mieux vaut disposer de conduites à tenir élaborées par des experts pour pouvoir jouer au docteur sans trop engager sa responsabilité.
Les juristes en sont friands, habitués qu’ils sont aux normes, les utilisant pour faire condamner, plus souvent que pour défendre, les praticiens faisant preuve de sens critique (ou d’incompétence).
L’industrie les réclame, puisqu’elle ne doute pas un seul instant de réussir à nouveau à influencer d’une façon ou d’une autre leur contenu d’ici quelques mois.
La Sécurité sociale, les complémentaires santé et les décideurs, enfin, qui voient en elles un formidable frein aux dépenses de santé et la mise sous coupe réglée des professionnels de santé.
Médecine et indépendance ne sont décidément pas prêtes à ne plus être antinomiques…

Les recommandations de bonne pratique en médecine ne sont pas données

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Il est recommandé d'aller dans la bonne direction.En plus de s’être intéressé à la façon dont les liens d’intérêt peuvent influencer la rédaction des recommandations de bonne pratique en médecine, Roger Collier, journaliste au Canadian Medical Association Journal (CMAJ), a publié dans le numéro du 22 février 2011 de cette revue un article intitulé Clinical practice guidelines as marketing tools (Les recommandations de bonne pratique clinique comme outils marketing) sur lequel il peut être intéressant de se pencher.

Si, en France, la majorité des recommandations de bonne pratique est élaborée sous l’égide de la Haute Autorité de santé et financée par celle-ci, ce n’est pas le cas pour celles qui sont publiées chaque semaine un peu partout dans le monde. Être réalisées à l’aide de fonds publics pourrait donner l’impression que les recommandations hexagonales ne sont pas biaisées par l’industrie pharmaceutique, mais il faut comprendre que les travaux étrangers servent bien souvent de sources aux experts français, faisant ainsi d’eux, consciemment ou non, des relais d’une information sous influence. S’il est admis que les résultats d’essais cliniques tendent à favoriser ceux qui les financent, cet impact est rarement mis en avant lorsqu’il est question de recommandations de bonne pratique alors qu’elles sont largement utilisées par les médecins, quand elles ne leur sont pas tout simplement imposées. Elles jouent donc un rôle particulièrement important dans la prise en charge des patients.

Publier des recommandations de bonne pratique de qualité n’est pas chose aisée. Il s’agit souvent d’un processus long et coûteux, comme l’explique Roger Collier, processus qui oblige les auteurs qui se lancent dans l’aventure à trouver un financement pour mener à bien leurs travaux et y consacrer le temps nécessaire (de 18 mois à 3 ans, habituellement). En fonction du sujet traité, les besoins ne seront pas les mêmes, mais il arrive souvent que les promoteurs des recommandations soient contraints de se tourner vers l’industrie pour obtenir les fonds suffisants, surtout dans le cas de projets ambitieux portant sur la prise en charge globale de pathologies comme le diabète ou l’hypertension artérielle.

À quoi sert cet argent ? Il faut tout d’abord identifier de façon précise ce sur quoi vont porter les recommandations et identifier les priorités en tenant compte de l’avis des personnes concernées qu’il conviendra de cibler (médecins, patients, administratifs, etc.), effectuer un examen approfondi et systématique de la littérature scientifique sur le sujet choisi en remontant parfois sur plusieurs décennies, évaluer et faire la synthèse des preuves scientifiques ainsi recueillies, convoquer un groupe d’experts pour examiner ces preuves et formuler des recommandations cliniques, présenter ce travail à des experts “indépendants”, publier les recommandations et trouver les moyens de les diffuser pour qu’elles soient prises en compte par le plus grand nombre. Tout ceci a un coût.
Quand on est un médecin salarié et que cela ne pose pas de problèmes à l’organisation dans laquelle on travaille, il est aisé de participer à de tels travaux. Quand on travaille en libéral, le temps consacré à participer à des réunions de ce type est un manque à gagner. Si le promoteur des recommandations n’a pas prévu d’indemnisation, cela peut avoir un retentissement sur le recrutement des participants, voire même sur le fait qu’ils soient tentés d’accepter un financement extérieur pour participer tout de même à ces travaux. Doivent aussi être financés les coûts générés par la bibliographie qui peut nécessiter que l’on fasse appel à du personnel qualifié ; les déplacements et l’hospitalité offerts aux experts lors des indispensables réunions ; l’impression et la reliure des recommandations.

Pour le docteur Valerie Palda, directeur médical du comité consultatif relatif aux recommandations d’une organisation médicale indépendante canadienne, interrogée par Roger Collier, « L’édition n’est pas ce qui coûte le plus cher. Ce qui est le plus onéreux, c’est la revue systématique de la littérature et les réunions ». Pour elle, utiliser l’argent de l’industrie pour ça est acceptable si des garanties sont prises pour éviter les biais liés à ce financement. « Ce n’est pas trop de savoir si l’on peut accepter une aide financière de l’industrie qui importe, mais de savoir si on peut en atténuer l’impact ».

Des médecins, en toute bonne foi, pensent qu’il est possible de mettre ces garanties en place. Selon eux, il suffirait pour cela de bien encadrer l’élaboration des recommandations, de poser une question claire à laquelle on doit s’attacher de répondre sans s’écarter de cette problématique, publier la méthodologie afin que d’autres équipes puissent reproduire les travaux réalisés, de soumettre les recommandations cliniques à des experts indépendants de plusieurs spécialités et à de nombreux organismes de santé pour qu’ils les critiquent et les valident et, enfin, les publier dans des revues, comme le CMJA, spécialisées dans l’édition de ce type de travaux.
D’autres reconnaissent que le meilleur moyen d’éviter toute influence des laboratoires pharmaceutiques, c’est de trouver d’autres sources de financement. Mais cela serait plus facile à dire qu’à faire, s’empressent-ils d’ajouter…

Un nouveau rapport sur la responsabilité civile professionnelle des disciplines médicales

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Pas d'assuranceSi leur responsabilité civile professionnelle (RCP) assure les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, elle est loin de les rassurer. Ce n’est pas tant l’augmentation quasi incessante du montant des primes pour des garanties régulièrement revues à la baisse que les limitations de leurs contrats qui inquiètent ces professionnels. Ils ont pour la plupart une véritable épée de Damoclès au-dessus de leur tête à l’origine d’un malaise profond chez ces praticiens qui préfèrent de plus en plus renoncer à certaines activités ou à leur exercice libéral plutôt que de mettre en danger leur avenir et celui de leurs ayant-droits. C’est dans ce contexte qu’une mission sur le sujet a été confiée à Gilles Johanet, devenu président du Comité économique des produits de santé quelques jours avant de rendre le rapport faisant la synthèse de ses travaux au ministre de la santé, le 24 février 2011.

On imagine à quel point le sujet est sensible quand on sait qu’il aura fallu près de 2 ans et demi à Gilles Johanet pour mener à bien sa mission. Un temps relativement long comparé à celui accordé à Élisabeth Hubert pour remettre celui sur l’avenir de la médecine de proximité ou à l’Inspection générale des affaires sociales pour faire la lumière sur l’affaire du Mediator. Pourtant, ce haut fonctionnaire habitué de la Cour des comptes connaît bien le monde de la santé. C’est lui qui a démissionné de son poste de Directeur de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), dans lequel était prévu le conventionnement sélectif des médecins en fonction des besoins géographiques, quand celui-ci a été refusé. C’est aussi un homme qui connaît bien le monde de l’assurance puisqu’il a dirigé le pôle santé pour la compagnie AGF pendant plusieurs années, période durant laquelle il a proposé « une réduction de la cotisation à l’assurance santé maison contre des preuves d’achat du yaourt Danacol™ de Danone, et une complémentaire santé dite Excellence santé à 12 000 € par an et par personne, donnant accès aux meilleurs médecins de France. »

Ce rapport rappelle que cette mission avait notamment pour objectif « de définir les conditions et les modalités de mise en place, d’une part, d’un dispositif de mutualisation plus large par l’assurance de la responsabilité médicale permettant une amélioration des garanties et, d’autre part, d’un dispositif de solidarité entre plusieurs professions de santé pour la prise en charge des primes ».

À la lecture du rapport, on comprend très vite la problématique à laquelle sont confrontés les professionnels médicaux : « si l’assureur est naturellement libre de fixer le montant de la prime, la garantie qu’il accorde est limitée, alors que le juge est libre de fixer le montant de l’indemnisation. Il en résulte ce qu’il est convenu d’appeler des « trous de garantie », affectant la durée d’exposition du professionnel de santé au risque de réclamation (« l’expiration »), ou la couverture du sinistre par la garantie (« l’épuisement »). » Les plafonds des garanties, fixés à 3 millions d’euros, au-delà desquels les professionnels sont redevables sur leurs fonds propres et la garantie subséquente limitée à 10 ans après la fin du contrat alors que le professionnel ou ses ayants droit peuvent être mis en cause au-delà de cette période. Un médecin retraité depuis plus de 10 ans, peut ainsi se voir condamné à payer plusieurs millions d’euros d’indemnités à un plaignant alors qu’il n’est plus couvert par son ancien contrat de RCP.
Autre élément clé de ce secteur, Gilles Johanet explique qu’il n’est pas facile de légiférer à ce sujet, car ne représentant qu’un marché de niche pour les compagnies d’assurance, elles n’hésitent pas à s’en détourner quand les pouvoirs publics cherchent à les contraindre à y faire quelque chose. N’ayant déjà pas hésité à le faire par le passé, le marché se trouve ainsi concentré sur l’offre de 15 assureurs ou mutuelles, dont deux en situation de quasi-monopole en fonction des spécialités, par exemple. Cette offre réduite a entraîné une hausse des primes, loin de refléter l’augmentation de la sinistralité comme ce rapport n’est pas le premier à le faire remarquer.

Alors que depuis 2002, des outils ont été mis en place pour tenter de savoir ce qu’il en est vraiment de la sinistralité et de son coût pour les assureurs, il faut bien constater un manque complet de transparence concernant ce coût, même si ces derniers n’hésitent pas à provisionner pour des risques pas toujours évidents. « Sans passé utile, éclatée dans l’espace, avec un futur aveugle, l’indemnisation crée une imprévisibilité majeure.
Il est logique, dans ces conditions, que les assureurs se soient d’abord attachés à constituer des provisions à l’aune de ces incertitudes. Le montant des primes augmente donc en fonction du provisionnement et non de la sinistralité, ce qui est source d’incompréhension voire de défiance de la part des professionnels de santé. »

Chose étonnante, ce rapport, alors qu’il a tendance à montrer que le discours basé sur une sinistralité en augmentation, la fameuse « dérive à l’américaine », depuis plus de vingt ans, est inexact, il estime qu’à l’avenir cette augmentation sera bien réelle… On sent qu’il n’est pas question de fâcher les assureurs et de leur ôter l’argument leur servant à justifier l’incessante inflation du montant des primes.
Intéressante aussi la notion selon laquelle il existe « un manque d’organisation des soins particulièrement aigu en France, où la dispensation relève encore largement de l’art et de l’artisanat » et que « puisqu’il est reconnu internationalement que le risque trouve sa source majeure dans les carences organisationnelles, notre pays peut être sur exposé au risque. » Il est aussi question du fait que « le mythe du risque zéro se nourrit de l’inorganisation de notre système de soins : la faiblesse de la politique d’éradication des risques évitables occulte l’existence de risques inévitables et rend inaudible tout discours de reconnaissance de ces risques. L’exigence croissante des patients n’est donc qu’en partie bénéfique et sa part d’illusions conduit logiquement les praticiens à développer ce qu’il est convenu d’appeler une médecine défensive, caractérisée par l’existence d’actes et prescriptions de précaution, dont la balance bénéfice /risque pour le patient est incertaine et le coût certain pour les assurances maladie obligatoire et complémentaire. »

En conclusion, Gilles Johanet fait onze propositions pour sortir de la situation insatisfaisante qui est celle qui prévaut actuellement. Trois exemples : « étendre la limitation à 10 ans de la mise en jeu de la responsabilité à l’ensemble des professionnels de santé libéraux conventionnés et à l’ensemble de leur activité de soins » ; « […] adoption d’un barème médical unique et d’un barème unique de capitalisation des rentes » ; « étudier la redéfinition du champ de la responsabilité civile des professionnels de santé », tout particulièrement dans le domaine du devoir d’information.

La balle est maintenant dans le camp des politiques qui devront savoir s’ils préfèrent satisfaire les professionnels de santé qui délaissent petit à petit certaines spécialités et l’exercice libéral, ou les assureurs, sachant qu’en terme de lobbying et de moyens de pression, l’avantage est très nettement en faveur des compagnies d’assurance.

Les revues médicales financées par la publicité incitent à prescrire

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Des médicaments en orUne équipe de chercheurs allemands et canadiens a voulu savoir si les sources de financement d’une revue médicale pouvaient avoir une influence sur sa ligne éditoriale et sur les recommandations que l’on pouvait être amené à trouver dans les articles qu’elle publie. Intéressante question quand on sait que nombreuses sont les revues “gratuites”, financées par la publicité et adressées directement au cabinet de nombreux médecins, qui revendiquent jouer un rôle prépondérant dans la formation médicale continue (FMC) des praticiens. Un rôle que personne ne conteste, les médecins reconnaissant en être friands et avoir habituellement recours à cette littérature, plutôt qu’à des revues tirant leurs revenus de leurs seuls abonnements, comme source d’informations pour actualiser leurs connaissances professionnelles.

Annette Becker, de l’université de Marburg en Allemagne, et ses collaborateurs ont donc décidé d’étudier les recommandations de prescription faites au sein des articles publiés en 2007 par onze revues allemandes dédiées à la FMC. Seuls des périodiques parmi les plus lus par des médecins généralistes ont été sélectionnés, en prenant soin néanmoins de prendre en compte des revues “gratuites” totalement financées par la publicité, des revues totalement financées par les abonnements et d’autres ayant un financement mixte.
Neuf médicaments ou classes de médicaments condidérés comme innovants et donc largement présents dans les encarts publicitaires ont été sélectionnés comme échantillon à étudier. Ces produits ont aussi été choisis parce qu’ils étaient encore protégés par des brevets, qu’ils étaient plus chers que d’autres médicaments utilisés pour traiter les mêmes problèmes et parce qu’il existait une certaine controverse soit leur efficacité soit sur l’éventail des indications pour lesquelles ils devaient être prescrits.
Les chercheurs, une fois cette liste établie, ont analysé les liens entre les publicités présentes dans les revues et les recommandations formulées dans le contenu rédactionnel de tous les articles faisant référence à l’un des produits sélectionnés. Chaque article a été évalué à l’aide d’une échelle allant de -2 à +2 : un papier noté +2 conseillait clairement de prescrire le produit ; au contraire, un article évalué à -2 déconseillait l’utilisation du médicament ou de la classe médicamenteuse. Un article neutre quant à savoir s’il fallait ou non prescrire le produit se voyait attribuer la note de 0.

Les résultats de ce travail, publiés dans le Canadian Medical Association Journal (CMAJ) du 28 février 2011, sont éloquents. Les auteurs de cette étude estiment que les recommandations visant à l’utilisation ou non d’un médicament dépendent de la source de financement des revues. Les journaux gratuits recommandent quasi systématiquement l’utilisation des médicaments sélectionnés alors que les revues financées par leurs abonnements sont enclines à déconseiller leur usage. Pour Annette Becker, le biais lié au mode de financement d’une revue devrait être pris en compte par le lecteur. Les revues gratuites vont à l’encontre des efforts faits pour apprendre aux médecins à avoir une lecture critique et à privilégier la médecine basée sur les preuves. L’industrie, par l’intermédiaire de ces journaux, profite du peu de temps qu’ont à consacrer les généralistes à leur FMC, de la complexité sans cesse grandissante de la médecine et du flot incessant d’informations auquel les praticiens doivent faire face pour encourager ces médecins à prescrire.

Évaluation médicale des atteintes à l’intégrité physique et psychique

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Ouvrage

Si l’Europe du commerce est effective depuis de très nombreuses années, celle de l’expertise médicale est loin d’être uniforme. Chaque pays membre de l’Union a construit son système d’évaluation et d’indemnisation sur des spécificités culturelles et sur des sentiments nationaux. Réalisé par la Confédération européenne d’experts en évaluation et réparation du dommage corporel, le guide barème européen d’évaluation médicale des atteintes à l’intégrité physique et psychique tente d’harmoniser les réponses données aux justices nationales afin que tous les citoyens européens puissent être égaux en matière de réparation du dommage.

L’ordre national des pharmaciens condamné par la Commission européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Analyses de biologie médicaleC’est pour des restrictions à la concurrence sur le marché français des analyses médicales que la Commission européenne a condamné le 8 décembre 2010 l’ordre national des pharmaciens (ONP). Supervisant à la fois les officines et les laboratoires d’analyses de biologie médicale tenus par des pharmaciens, l’ONP a pris des décisions visant systématiquement des entreprises associées à des groupes de laboratoires avec l’objectif d’entraver leur développement sur le marché français et de ralentir ou d’empêcher des acquisitions et des modifications statutaires ou au capital de ces entreprises. Alors qu’elles auraient débuté fin 2003, ces pratiques ne semblent pas avoir cessé à ce jour, selon la Commission.

« Par ailleurs, entre septembre 2004 et septembre 2007, l’ONP a pris des décisions visant à imposer des prix minimums, notamment au détriment d’hôpitaux publics et d’organismes d’assurance santé publics, en cherchant à interdire les remises supérieures à 10 % sur les prix publics octroyées par des entreprises privées dans le cadre de contrats. Il a été constaté que pendant la période de l’enquête les prix de tests d’analyse de biologie médicale parmi les plus fréquents étaient jusqu’à deux à trois fois plus élevés en France que dans d’autres États membres. » C’est ce qu’indique le communiqué de la Commission européenne (référence IP/10/1683).

C’est un groupe leader en Europe dans le domaine des analyses de biologie médicale, présent dans six des vingt-sept pays membres de l’Union, qui a porté plainte en octobre 2007 auprès de la Commission européenne. Après une enquête et même une inspection au siège de l’ONP, la responsabilité de cette dernière a bien été retenue. En menaçant de sanctions disciplinaires les pharmaciens biologistes refusant de se plier à ses injonctions, l’Ordre a outrepassé ses fonctions et a protégé les intérêts de certains de ses membres. Pour Joaquìn Almunia, vice-président de la Commission en charge de la politique de concurrence, « une association qui représente et défend des intérêts privés ne peut pas se substituer à l’État pour édicter ses propres règles, en limitant la concurrence par les prix là où l’État avait entendu la maintenir et entravant le développement d’entreprises sur le marché au-delà de ce qui est prévu par la loi ». Or, pour la Commission, l’ONP doit bien être considérée comme une association d’entreprises au sens du droit européen de la concurrence, car certains de ses membres exercent une activité économique. De plus, les instances dirigeantes de l’ONP disposent d’une autonomie décisionnelle qui fait que c’est son comportement qui a été sanctionné et non la façon dont le marché français des analyses de biologie médicale est organisé par les dispositions légales.

C’est la première fois que la Commission européenne impose une amende à une association d’entreprises en invoquant la possible responsabilité financière des entreprises des membres dirigeants. En conséquence, l’amende s’élève à cinq millions d’euros. L’Ordre n’en est pas au bout de ses peines puisque d’autres actions en réparation peuvent être intentées contre lui. « Toute personne ou entreprise lésée par des pratiques anticoncurrentielles telles que celles qui sont décrites ci-dessus peut porter l’affaire devant les tribunaux des États membres pour obtenir des dommages et intérêts. La jurisprudence de la Cour et le règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil confirment que, dans les affaires portées devant les juridictions nationales, une décision de la Commission constitue une preuve contraignante de l’existence et du caractère illicite des pratiques en cause. Même si la Commission a infligé une amende à l’association d’entreprise et ses organes dirigeants considérés, des dommages et intérêts peuvent être accordés sans que le montant en soit réduit en raison de l’amende infligée par la Commission. »
Voilà qui pourrait donc coûter très cher à l’ONP. Cinq millions d’euros représentent, en effet, six mois de salaires et traitements de cet organisme. Si à cette somme viennent s’ajouter d’autres condamnations, l’Ordre des pharmaciens va devoir mobiliser une partie de ses ressources pour y faire face.

Tout ceci est d’autant plus étonnant qu’au sein du conseil national des pharmaciens siègent deux représentants des ministères et un conseiller d’État.