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Un médecin poursuivi en diffamation après avoir critiqué un produit amaigrissant

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le poids dans la balance de la justiceAlors que l’affaire du Mediator bouleverse le landernau français, Ken Harvey, un médecin australien militant pour un marketing éthique des médicaments et autres produits pour la santé continue à être poursuivi en justice pour diffamation par la société commercialisant un produit amaigrissant, le SensaSlim, qu’il a osé critiquer sur Internet et dénoncer auprès des autorités sanitaires. La cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud a décidé, le 14 juin 2011, de le faire comparaître en août pour juger l’affaire au fond en refusant de rejeter de la plainte dont il fait l’objet. S’il est condamné, il risque une amende de 590 000 €.

Selon les dirigeants de la société vendant le SensaSlim, ils ont engagé des poursuites contre le docteur Harvey afin de protéger leurs intérêts et de faire respecter leurs droits. Ils contestent les conclusions des études défavorables à leur produit mises en ligne par cet universitaire à la retraite et estiment qu’il a agi de façon déloyale, portant ainsi atteinte à l’image de leur entreprise. Pour le porte-parole de la société, il n’est pas question d’interdire à ce médecin de critiquer leur ligne de produits amaigrissants, mais de l’empêcher de continuer à dénoncer sur Internet la publicité qu’il présente comme mensongère pour le SensaSlim sans avoir laissé le temps à cette société de se défendre devant les tribunaux comme la loi l’y autorise. « Il ne s’agit pas bâillonner le Dr Harvey. Nous continuerons à poursuivre notre droit de protéger nos franchisés et leur investissement dans notre produit », ce dernier étant vendu en pharmacie, salons de beauté et dans le commerce sans ordonnance. Il est vrai que cette contre-publicité risque de compromettre l’argumentaire de cette société quand elle promet un bénéfice pouvant aller jusqu’à quinze millions de dollars à ceux qui deviendraient ses distributeurs exclusifs de par le monde.

Pourtant cette affaire ressemble bien à une nouvelle attaque contre un médecin dénonçant un produit amaigrissant et rappelle le combat qu’a eu à mener Irène Frachon contre le laboratoire Servier et le Mediator. Un combat auquel l’agence gouvernementale de santé locale, The Australian Therapeutic Goods Administration, équivalent de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), semble préférer ne pas être mêlée. Si elle reconnaît avoir reçu plusieurs plaintes à l’encontre du SensaSlim, y compris celle de Ken Harvey, elle explique ne pas pouvoir donner un avis tant que la justice ne s’est pas prononcée. La plainte en diffamation et l’enquête qui s’en est suivi bloqueraient l’action de l’agence de santé, selon sa porte-parole dans une déclaration au BMJ. Pour les médecins qui ont signalé la campagne publicitaire et dénoncé les arguments scientifiques servant à promouvoir le SensaSlim, il s’agit là d’une aberration du système de vigilance nécessitant qu’il soit réformé. On comprend facilement leur demande quand on sait que le Dr Capehorn, médecin qui avait scientifiquement cautionné la campagne publicitaire pour l’amaigrissant, a depuis peu reconnu ne jamais avoir pris connaissance des études cliniques censées prouver l’efficacité du produit promise par son fabricant. Comment accepter qu’un produit amaigrissant, vendu dans dix-sept pays de l’hémisphère nord et ailleurs sur la planète, puisse continuer à induire en erreur les consommateurs ?
Certes, il ne s’agit pas là d’effets indésirables graves mettant en jeu la vie des patients, mais il est tout de même question d’intérêts financiers, de santé et d’intimidation pour faire taire ceux qui dénoncent un produit au mieux inefficace et au pire dangereux…

Une association australienne, Australian Skeptics, connue pour lutter contre ceux qui usent d’arguments pseudoscientifiques ou paranormaux pour faire la promotion de leurs produits ou de leurs méthodes thérapeutiques, a pris parti pour le docteur Harvey. Elle collecte actuellement des fonds pour lui permettre d’assurer sa défense dans les meilleures conditions possible.

 

En France, l’Afssaps vérifie « chaque année pour plus de 10 000 dossiers le contenu des messages promotionnels des firmes. […] La publicité de produits présentés comme bénéfiques pour la santé prévus à l’article L 5122-14 du code de la santé publique, à savoir les produits autres que les médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l’état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques » fait l’objet d’un contrôle a priori dénommé visa PP.