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Crime violent et maladie mentale : l’alcool et la drogue mis en cause

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Folle de rageL’irresponsabilité pénale pour cause de maladie mentale fait régulièrement débat ces dernières années au sein de la société française. L’opinion publique et la famille de la victime ont souvent du mal à comprendre que l’auteur d’un crime puisse ne pas être jugé, et donc condamné, parce que des experts ont émis un avis sur un trouble psychologique ayant affecté l’accusé au moment des faits. Des experts dont la crédibilité souffre à chaque fois qu’un patient, ayant échappé au statut de criminel grâce à eux, récidive à sa sortie du lieu d’internement où il avait été placé et alors qu’il est toujours sous traitement.

Même si les textes ont évolué en 2008 avec la loi n° 2008-174 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le sentiment d’injustice n’a pas totalement disparu. Il faut rappeler que depuis l’adoption de cette loi, il est prévu, qu’en cas d’abolition du discernement d’une personne inculpée, la chambre d’instruction rende, en audience publique, un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Les juges ne peuvent plus notifier simplement un non-lieu. L’infraction ou le crime doivent être reconnus comme tels, en audience publique, devant la chambre de l’instruction qui prononce l’irresponsabilité. Cette mention est inscrite au casier judiciaire et cette décision peut être assortie de mesures de sûreté telles que l’hospitalisation psychiatrique d’office.
La loi du 28 février 2008 prévoit aussi l’enfermement dans un centre socio-médico-judiciaire des condamnés estimés dangereux. Les personnes à l’encontre desquelles est prononcée une peine de 15 ans ou plus, pour meurtre, assassinat, torture, acte de barbarie ou viol sur mineur et majeur peuvent être, à l’issue de leur peine, enfermés dans un centre de rétention. Une prise en charge sociale et médicale leur est proposée. Cette « mesure de rétention » est prononcée par une commission pluridisciplinaire composée d’experts (psychiatres, psychologues, préfets, magistrats, avocats, victimes, etc.) chargée d’évaluer le condamné un an avant la fin de sa peine. La décision de rétention est valable un an et peut être prolongée indéfiniment.

Dans ce contexte, il est intéressant de se pencher sur deux études réalisées par des chercheurs de la prestigieuse université d’Oxford en collaboration avec leurs confrères suédois. Selon ces travaux, publiés en mai 2009 dans le JAMA et en septembre 2010 dans la revue Archives of General Psychiatry, les crimes violents chez les personnes souffrant de troubles mentaux seraient dus davantage à des abus de drogues et d’alcool qu’à des facteurs inhérents à la maladie. L’auteur de cette étude, le docteur Seena Fazel, explique dans le BMJ que « Ces résultats ont des implications importantes pour la stigmatisation entourant la maladie mentale, car ils montrent que les patients psychotiques n’abusant pas de l’alcool ou de drogues ne sont pas plus violents que les autres [que la population générale, NDLR]. » Pour les malades bipolaires, le risque de commettre un crime n’est pas plus élevé chez les patients qui n’abusent pas de l’alcool ou qui ne consomment pas de drogues que chez les personnes en bonne santé. Pour les schizophrènes, il ne l’est que très légèrement dans les mêmes conditions, alors qu’il est six à sept fois plus élevé en présence d’alcool ou de drogue.

Même si pour d’autres spécialistes l’effet de l’alcool ou de la drogue n’explique pas tout, le docteur Fazel, un brin provocateur, estime qu’il est plus dangereux de passer devant un bar tard le soir qu’à côté d’un hôpital psychiatrique…

Facultés intellectuelles et droit de vote

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

vote et personne protégéePersonne n’ignore que l’âge moyen de la population française, comme celui dans de très nombreux autres pays industrialisés, dont l’Angleterre, ne cesse d’augmenter. Accès aux soins facilité, campagne de prévention, progrès de la médecine, les raisons à ce vieillissement de la population sont multiples. Malheureusement, elle s’accompagne aussi de nouveaux maux pour lesquels les réponses thérapeutiques ne sont pas encore totalement satisfaisantes. Si une maladie comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) peut être réellement handicapante pour la personne qui en est atteinte, elle n’altère pas pour autant les facultés intellectuelles du patient. Il n’en est pas de même pour toutes les pathologies en rapport avec l’usure du temps et la maladie d’Alzheimer en est un bel exemple.

Même si beaucoup de nos aînés gardent toute leur lucidité jusqu’à leur dernier souffle et que des traitements commencent à améliorer des situations cliniques jusque-là désespérées, le grand âge s’accompagne souvent d’une diminution des facultés intellectuelles. D’autres maladies peuvent, quant à elles, altérer les facultés mentales d’individus bien plus jeunes. Un article intitulé Voting and mental capacity, publié le 25 août 2010 dans le BMJ, s’intéresse tout particulièrement à la question du droit de vote chez les patients qui « n’ont plus toute leur tête » Outre-Manche. Les auteurs de ce travail s’interrogent sur la capacité à participer aux élections des 700 000 Anglais atteints de démence et des 1,2 millions présentant des troubles de l’apprentissage. Lors des dernières grandes élections au Royaume-Uni en 2010, Marcus Redley pense qu’un certain nombre de patients qui présentent de tels problèmes de santé n’ont pas eu l’opportunité de voter alors qu’ils avaient encore les capacités pour ce faire. Il estime qu’aux vues des travaux de Gill Livingston, le médecin finira par être consulté pour savoir si un patient est en mesure d’exprimer son suffrage ou non quand il souffre de troubles intellectuels. Selon lui, si les gens se voient refuser la possibilité de voter (car ils ne sont pas encouragés à s’inscrire ou parce que le vote n’est pas facilitée) leurs droits de citoyens s’en trouvent restreints. Par contre, parce que les façons de voter (et par conséquent de voter frauduleusement) se diversifient, la démocratie risque d’être compromise si cela permet de faire voter quelqu’un qui n’en a pas ou plus la capacité intellectuelle.
Au Royaume-Uni, la loi électorale a récemment aboli la notion de droit commun qui voulait que l’on soit considéré comme incapable de voter en cas de désordre mental diagnostiqué. Le Mental Capacity Act 2005, qui s’applique à l’Angleterre et au Pays de Galles, interdit explicitement qu’une personne décide pour une autre en matière de vote. La Commission électorale précise que, si une probable incapacité mentale n’est pas un obstacle à l’inscription sur les listes électorales ou au vote, les agents le vote par procuration est interdit à ceux qui n’en sont plus mentalement capables. C’est dans ce cadre que les médecins pourraient être invités à évaluer les capacités mentales d’une personne.

Une étude au Royaume-Uni a confirmé que les personnes ayant des troubles de l’apprentissage sont sous-représentés dans les sondages. Ce travail a également révélé que les adultes souffrant de ces mêmes troubles étaient six fois plus susceptibles de voter s’ils vivaient avec au moins un autre adulte participant au vote, confirmant les conclusions d’une équipe norvégienne sur le même sujet.
Aux États-Unis, des recherches ont montré que, bien que beaucoup de gens atteints d’une démence légère à modérée votent, ils tendent plus facilement à le faire si leur accompagnateur est leur conjoint plutôt que qu’un fils ou une fille. Dans une enquête menée auprès de 100 patients ambulatoires souffrant de démence, 60 % d’entre eux participent aux élections. Plus grave est la démence, moins les patients ont tendance à voter. Dans les maisons de repos et de logements-services, environ 29 % des résidents votent, avec d’importantes variations entre les résidences, d’après une autre étude rapportée par Marcus Redley.

La probabilité d’aller voter semble donc dépendre en partie du soutien social dont bénéficie le patient, d’où d’importantes variations. Les données indiquent également que ce sont les accompagnants qui décident si quelqu’un doit voter ou non. Savoir qui évalue la capacité d’un patient à voter a donc toute son importance. En Australie, où le vote est obligatoire, un électeur peut être retiré des listes électorales si un médecin certifie qu’il ou elle est « aliéné », incapable de comprendre la nature et l’importance du vote. Dans la pratique, il est difficile de savoir qui est exclu et les droits de recours dont ces personnes disposent.

Aux États-Unis, certains états refusent systématiquement le droit de vote aux citoyens sous tutelle pour démence, mais ceci fait débat. Un outil d’évaluation pour juger de la compétence fonctionnelle d’une personne à voter a été développé. Un tel test, s’il est utilisé au Royaume-Uni et s’adressent uniquement aux personnes ayant un diagnostic de démence, de troubles d’apprentissage, ou d’une autre déficience mentale, serait probablement contraire à la loi interdisant toute discrimination envers les personnes handicapées (Disability Discrimination Act 2005), selon l’auteur de l’article.

Tout cela est étonnant quand on sait que, depuis 2006, la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’Organisation des nations unies (ONU) garantit aux citoyens avec ou sans handicap les mêmes droits civiques, « estimant que les personnes handicapées devraient avoir la possibilité de participer activement aux processus de prise de décisions concernant les politiques et programmes, en particulier ceux qui les concernent directement ». Néanmoins, une enquête récente n’a recensé que quatre Etats démocratiques (Canada, Irlande, Italie et Suède) n’ayant pas de restrictions juridiques au droit de vote des adultes mentalement handicapés, d’après l’article du BMJ. Le Kenya s’est aussi mis en conformité avec l’article 29 de la Convention de l’ONU offrant plusieurs garanties aux personnes handicapées quant à leur participation à la vie politique et à la vie publique. Il convient de rappeler que « par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. » La démence, qu’elle soit sénile ou autre, entre tout à fait dans ce cadre, par exemple.

En France, le code électoral en son article L5 précise que « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée. » C’est le juge qui décide de laisser ou non le droit de vote à une personne dont les facultés mentales sont altérées, le médecin n’intervenant que pour ce qui est des constatations prévues pour la mise en place de la protection juridique. L’article 425 du code civil est clair : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique […] ». L’article 440 du code civil précise pour sa part que « La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante. »

Pouvoir voter librement est l’un des fondements de la démocratie. Défendre cette valeur est le devoir de chaque citoyen, c’est ce qui fait toute la difficulté des rapports entre facultés mentales altérées et droit de vote.

Une fête de la bière sans tabac

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Fête de la bièreQui n’a jamais entendu parler de la célèbre Oktoberfest, plus connue sous le nom de « fête de la bière », qui a lieu tous les ans depuis 1810 à Munich, capitale du land de Bavière, en Allemagne ? Chaque année, plusieurs millions de personnes viennent célébrer le début de l’automne sur un grand champ de foire couvert d’immenses tentes décorées dans lesquels la bière coule à flots et où des orchestres jouent le plus souvent de la musique bavaroise seize jours durant. Lieu festif, où les Allemands aiment venir en famille pour faire honneur à leurs traditions, le tabagisme passif y était malheureusement la règle jusque-là. Si, en 2011, chacun pourra continuer à déguster son litre de bière tranquillement, quantité habituellement servie à chacun des convives, au moins sera-t-il possible de le faire sans avoir à subir les nuisances de la cigarette.

61 % des Bavarois viennent, en effet, de décider par référendum d’une interdiction de fumer dans les lieux publics de leur région à partir du 1er août 2010 ; une initiative que les partis politiques traditionniels, censés représenter les citoyens, s’étaient toujours refusés à prendre. Jusqu’à maintenant, les élus opposaient l’argument de la liberté individuelle aux associations anti-tabac, reléguant au second plan les enjeux de santé publique et oubliant qu’il n’est aucunement question de liberté individuelle quand le tabagisme est passif et, le plus souvent, imposé par les fumeurs. Rien d’étonnant à cela quand on sait qu’une partie des congrès des partis politiques étaient financés par l’industrie cigarettière… Il faut dire qu’avec un chiffre d’affaires annuel de près de vingt milliards d’euros, les fabricants ont de quoi faire du lobbying. À tel point que bien peu nombreux étaient les élus de Bavière à s’insurger contre le non-respect des mesures déjà existantes quant à l’interdiction de fumer dans les débits de boisson, un interdit très souvent contourné par les bars et les boîtes de nuit où il arrivait même que des distributions gratuites de cigarettes soient organisées. Des politiciens pas plus pressés d’agir une fois au sommet de l’État puisque les taxes sur le tabac ont rapporté treize milliards d’euros en 2009 et qu’il est toujours plus agréable de regarder la colonne recettes d’un budget que d’ouvrir les yeux sur les dépenses.

Malgré les résultats de ce référendum et la volonté des Européens de lutter contre la cigarette, des voix s’élèvent déjà pour demander une dérogation pour la fête de la bière 2010. Après avoir financé les partisans du non à ce vote, on peut s’attendre à ce que l’industrie du tabac et certains élus unis dans un même combat fassent tout pour minimiser les résultats de ce scrutin et obtenir qu’une nouvelle fois la volonté des citoyens soit ignorée. Mais le vent est peut-être en train de tourner, car il semble que le monde politique ne soit plus aussi uni qu’avant à ce sujet, des parlementaires allant même jusqu’à demander qu’un référendum sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics soit organisé dans chacune des régions allemandes. Stratégie électorale, moyen d’obtenir plus des fabricants de cigarettes ou réel désir d’améliorer la santé publique en évitant, par exemple, des problèmes mentaux aux personnes exposées au tabac ? Seules les décisions qui seront prises dans les mois qui viennent permettront de le savoir…

La santé mentale du Parlement européen

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Santé mentale en EuropeLe parlement européen a adopté une résolution sur la santé mentale en Europe le 19 février 2009. Ce texte repose sur de nombreux travaux, dont le « pacte européen pour la santé mentale et le bien-être » de juin 2008, et sur 26 considérations, comme celle expliquant « que la santé mentale et le bien-être sont au cœur de la qualité de vie des personnes et de la société et qu’ils constituent un facteur clé pour la réalisation des objectifs de l’Union européenne dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et de la stratégie de développement durable révisée et considérant que la prévention, le diagnostic précoce, l’intervention et le traitement des troubles mentaux permettent de limiter considérablement leurs conséquences individuelles, économiques et sociales ».

Cette question méritait que le Parlement s’y intéresse puisqu’il estime que les problèmes de santé mentale ont coûté 436 milliards d’euros à l’Union en 2006, sachant que ce chiffre est vraisemblablement sous-estimé. Des inégalités importantes existent entre et dans les États membres dans ce domaine, il convient donc d’agir, d’autant que le vieillissement de la population de l’Union augmente la fréquence des troubles neurodégénératifs ce qui va aggraver la situation actuelle si rien n’est fait. Le Parlement souhaite sensibiliser les professionnels du secteur de la santé, mais aussi dans des groupes cibles tels que les parents, les enseignants, les prestataires de services sociaux et judiciaires, les employeurs, les soignants, et surtout le grand public aux problèmes de santé mentale.

Malheureusement, à la lecture de cette résolution, on voit vite la portée limitée qu’elle peut avoir. Elle « invite », « demande » et « encourage » les États membres à se donner les moyens de progresser à ce sujet. Optismisme immodéré quand on sait que des États n’ont pas encore adopté la résolution des Nations unies pour « La protection des personnes atteintes de maladies mentales et l’amélioration des soins de santé mentale » (46/119), élaborée par la commission des Nations unies pour les droits de l’homme et adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1991 ? Le problème est épineux et on le comprend quand on voit le Parlement demander à des États membres « de définir, pour la santé mentale, des dispositions législatives modernes qui soient conformes aux obligations internationales en matière de droits de l’homme – égalité et élimination des discriminations, inviolabilité de la vie privée, autonomie, intégrité physique, droit à l’information et à la participation ».

D’autres axes de travail sont évoqués, comme la prévention de la dépression et du suicide ; une prise de conscience de la jeunesse et des enseignants ; une action sur la santé mentale au travail. Il faut espérer que toutes ces propositions ne feront pas perdre la tête aux élus nationaux…