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L’argent public au secours des assureurs : pas d’action subrogatoire possible pour l’ONIAM

Écrit par Bertrand Hue, Jérôme Monet le . Dans la rubrique Evolution

En l’état actuel du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), l’article 18 quater B prévoit qu’il ne sera pas possible pour l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) d’engager des actions subrogatoires contre un médecin ou un assureur lorsque les plafonds de garantie prévus dans les contrats seront dépassés.

L’article 18 quater B est ainsi rédigé :

Après le quatrième alinéa de l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :« En outre, lorsque la personne responsable des dommages est un professionnel de santé exerçant à titre libéral conventionné pratiquant les tarifs fixés par la convention prévue à l’article L. 162‑5 du code de la sécurité sociale, l’office ne peut exercer d’action subrogatoire contre ce professionnel ou, le cas échéant, son assureur, lorsque les plafonds de garantie prévus dans les contrats d’assurance en application des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 1142‑2 du présent code sont dépassés. »

 

Cet article intéresse donc les praticiens libéraux et les praticiens hospitaliers ayant une consultation privée en secteur 2. Il prévoit que l’ONIAM ne peut pas exercer d’action récursoire contre un praticien libéral exerçant sur les bases de ce secteur conventionnel, ou l’assureur de ce dernier, lorsque les plafonds de garantie du contrat d’assurance sont dépassés.

L'ONIAM prend le relais des assureursIl est intéressant de prendre un exemple pour illustrer les conséquences de ce texte. Le praticien a un contrat en responsabilité civile professionnelle (RCP), obligatoire de par la loi s’il exerce, qui le couvre, en fonction des dispositions du décret du 28 mars 2003 nº 2003-288 reproduit à l’article R. 1142-4 du code de la santé publique (CSP), pour un minimum de trois millions d’euros par sinistre et de dix millions d’euros par année d’assurance. Si le praticien a un sinistre de plus de trois millions d’euros, il n’a plus de garantie. De même, si dans l’année il a quatre sinistres à trois millions d’euros chacun, il n’a plus de garantie assurantielle.

Au-delà du minimum garanti fixé par l’article R. 1142-4 du CSP, pour la complète indemnisation de la victime, il y a recours à la solidarité nationale (ONIAM). Il appartiendra alors à l’Office d’indemniser l’entier préjudice causé au patient en complément (ou à défaut si le plafond annuel a été dépassé par d’autres sinistres) des garanties accordées par l’assureur du responsable du dommage. L’ONIAM va indemniser la victime à défaut du praticien ou de son assureur. Se pose alors la question de l’action récursoire de l’ONIAM contre l’assureur du praticien ou à défaut le praticien. L’ONIAM est subrogé dans les droits de la victime, puisqu’il a payé l’indemnité à la victime en lieu est place du responsable. Si le projet de loi est voté en l’état, l’ONIAM ne pourra pas « se rembourser » sur le praticien, secteur 2, ou son assureur des sommes ainsi versées.

Si cette mesure “protège” les médecins, elle est surtout bénéfique aux assureurs, dont la solvabilité va bien au-delà de celle d’un praticien, secteur 2 ou non.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2009 au parlement (suite)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Après avoir consacré un article à la première moitié des articles du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2009, voici la suite de cette analyse.

Les ménages français ne sont pas les seuls à avoir des difficultés financières, des établissements publics de santé se retrouvent dans des situations de déséquilibre. Ces derniers ont l’avantage d’avoir les politiques à leur chevet et l’article 40 prévoit des mesures pour leur venir en aide avant qu’il ne soit trop tard.Assemblée nationale

L’article 42 amplifie le rôle des référentiels de la Haute Autorité de santé. Il n’est plus question de parler de recommandations. D’autant que ces textes doivent servir à imposer aux praticiens qui ne les respectent pas une procédure de mise sous accord préalable. « Cette mise sous accord préalable peut être décidée, sur proposition des directeurs des organismes d’assurance maladie, par la commission exécutive de l’agence régionale de l’hospitalisation, composée paritairement de représentants de l’État et de l’assurance maladie, à partir de l’analyse des données médico-économiques produites par les établissements de santé et par rapport aux référentiels établis par la Haute Autorité de santé. Elle intervient à l’issue d’une procédure contradictoire ».

Le rôle et les prescriptions des médecins traitants des personnes âgées vivant en institution doivent être mis sous surveillance par le biais de l’article 45 si l’on en croît les commentaires qui l’accompagnent. « Les polypathologies, fréquentes chez les personnes âgées, supposent de développer une véritable expertise pharmaceutique dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) afin de lutter efficacement contre la surconsommation médicamenteuse. Celle-ci est à la fois coûteuse et gravement préjudiciable en termes de santé publique. Il convient de responsabiliser et d’intéresser l’ensemble des acteurs en intégrant les médicaments dans la dotation soins des EHPAD.
Cette mesure permettra une meilleure maîtrise des volumes de médicaments du fait d’une rationalisation de la prescription, de la lutte contre les accidents iatrogéniques et d’une meilleure politique d’achat des médicaments. Elle sera de nature à encourager les EHPAD à mobiliser sur une base conventionnelle le rôle d’expertise des pharmaciens d’officines dans leurs relations avec les EHPAD ».

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) devrait voir ses compétences accrues grâce à l’article 47. Il pourra engager des procédures amiables pour l’indemnisation des victimes de vaccinations obligatoires, des victimes du VIH et de l’hépatite C d’origine transfusionnelle. Sous le couvert de réduire les frais de justice des procédures en contentieux des patients, il est difficile de ne pas se demander si cette mesure n’est pas intéressante pour les services publics qui pourraient voir les indemnités à verser être d’un niveau bien plus faible que celles fixées par la justice.

Le chapitre VIII s’intitule « Pénalités » et c’est sous cette dénomination que des mesures sont proposées pour favoriser le travail des seniors. Un exemple : « Des limites d’âge empêchent aujourd’hui certains fonctionnaires de prolonger leur activité professionnelle alors même qu’ils le souhaiteraient et qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge de 65 ans.
Dans le cadre de la mobilisation pour l’emploi des seniors, et afin de rendre à chacun la liberté de travailler et de choisir le moment de son départ en retraite, le gouvernement entend supprimer ces clauses « couperets » dans la fonction publique, comme il l’a déjà fait à l’occasion de la réforme des régimes spéciaux. Les agents qui le souhaitent pourront désormais être maintenus en activité sur leur demande et sous réserve de leur aptitude physique ». À l’heure où la réduction du nombre de fonctionnaires est un sujet qui fait régulièrement la Une des journaux, il sera intéressant de voir à qui bénéficieront ces mesures.

L’article 65 s’intéresse aux remboursements liés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. « Le faible pourcentage de prise en charge de certaines prestations (notamment les prothèses dentaires et auditives, les frais d’optique, les dispositifs médicaux individuels tels que fauteuils roulants pour handicapés) s’explique par le décalage existant entre le prix de vente de ces matériels ou la tarification pratiquée pour les prestations et leur base de remboursement. Afin d’améliorer la prise en charge effective de ces dépenses, la présente disposition autorise une majoration du niveau de prise en charge en appliquant un taux multiplicateur qui sera déterminé par arrêté ministériel ». 

L’article 77 est relatif à la lutte contre la fraude. Il met sur un même plan « le refus par un professionnel de santé de reporter dans le dossier médical personnel les éléments issus de chaque acte ou consultation » et « le fait d’organiser ou de participer au fonctionnement d’une fraude en bande organisée ». Les mêmes pénalités, prononcées par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie, sont prévues pour ces deux comportements. Pas question de réitérer les erreurs de la mise en place de la télétransmission et d’accepter une révolte des médecins contre un dossier médical personnel qu’ils estimeraient contraire à une pratique médicale de qualité… On est loin de la liberté accordée aux médecins suisses de remplir ou non le dossier informatisé. Il faut dire que, dans ce pays, le dossier médical personnel est institué dans le but premier d’améliorer la qualité des soins et non d’assurer une surveillance des dépenses de santé.