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Les paradoxes de la déontologie medicale sur le Web

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Souris d'ordinateur et électrocardiogramme

L’accès aux connaissances médicales, tant pour les médecins que pour les patients, a été révolutionné en quelques années par le Web. Si le colloque singulier reste la base des rapports entre un praticien et un patient, l’Internet s’est néanmoins imposé comme un outil pratique et simple pour obtenir des conseils et des informations en santé fiables. C’est dans ce contexte que le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) a publié, en décembre 2011, un livre blanc intitulé Déontologie médicale sur le Web. Ouvrage intéressant, mais plein de paradoxes : si une partie du propos vise à encourager les praticiens à investir le Web, les solutions imposées et les conseils prodigués laissent à penser qu’au-delà d’un discours de façade, la volonté de tenir les médecins français à l’égard d’Internet et de ses “dangers” est bien présente. Il est vrai que si le Web peut parfois donner l’image d’une certaine anarchie bien éloignée d’une pratique rigoureuse comme celle qu’impose la médecine, Internet représente plutôt un espace de liberté et d’innovations que les autorités, chacune à leur niveau, rêvent de réglementer et surtout de contrôler. Trouver un juste équilibre en ce domaine n’est pas simple et l’ouvrage du Cnom en est un nouvel exemple.

Le conseil national de l’ordre infirmier en sursis

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Infirmière d'un autre âgeÀ peine a-t-il vu le jour que le conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI) est passé à deux doigts de la cessation de paiement, incapable de rembourser ses dettes à la Bred, banque auprès de laquelle il a souscrit un emprunt. Après avoir longtemps refusé de surseoir à l’exigibilité des sommes dues en août au titre du crédit consenti, l’établissement bancaire a fini par offrir un répit à l’ordre des infirmiers, lui évitant ainsi une déclaration de cessation de paiement. L’instance ordinale n’est pas tirée d’affaire pour autant puisqu’il va lui falloir présenter son plan de restructuration au banquier à la rentrée et trouver près de 50 000 nouveaux cotisants, alors que l’ordre ne compte actuellement qu’un peu plus de 58 000 membres sur les 520 000 infirmiers en exercice selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

C’est la loi 2006-1668 du 21 décembre 2006 portant création d’un ordre national des infirmiers qui avait permis à ce dernier de voir le jour. Après des élections départementales puis régionales, c’est en janvier 2009 que le bureau national de l’ordre a été élu. Suite à une éclatante victoire, près de 85 % des voix alors que trois autres candidats étaient en lice, Dominique Le Boeuf, cadre infirmier, a pris sa tête sans imaginer à quel point la tâche serait ardue.

Alors que la loi prévoit qu’ « il est institué un ordre national des infirmiers groupant obligatoirement tous les infirmiers habilités à exercer leur profession en France, à l’exception de ceux régis par le statut général des militaires », il aura suffi d’une cotisation jugée excessive par une partie de la base pour que cette instance chargée d’assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession d’infirmier, ainsi que sa promotion, subisse la tempête. Très vite lâché par les pouvoirs publics craignant de mécontenter des soignants proches de la population peu de temps avant de grandes échéances électorales, l’ordre infirmier a aussi dû lutter contre divers syndicats hospitaliers voyant d’un mauvais oeil ce nouvel interlocuteur des autorités de santé. Rivalités entre libéraux et salariés des établissements de soins, mais aussi différents sur l’élaboration du code de déontologie, ont fini par porter le coup de grâce à cet organisme de droit privé que l’État n’a pas voulu financer tout en donnant raison à ceux qui ne voulaient pas payer leur cotisation, interdisant ainsi tout équilibre financier. Rendue responsable de tous les maux et accusée d’avoir engagé des dépenses que l’ordre ne pouvait honorer faute de cotisants, Dominique Le Boeuf a préféré démissionner le 8 juillet 2011, échappant ainsi de peu à une possible révocation.
Son successeur, David Vasseur, président par intérim, cadre formateur infirmier de bloc opératoire diplômé d’État (IBODE), n’a pu faire mieux. Après avoir compris qu’il n’obtiendrait pas le soutien du ministre de la santé, il a lui aussi préféré démissionner le 29 juillet 2011. C’est un infirmier normand qui a pris sa suite, Didier Borniche, issu lui aussi du bureau élu en 2009. Ce changement de présidence a semble-t-il suffi pour que la Bred accepte de donner un sursis au bureau décimé du CNOI et que Xavier Bertrand estime que ce dernier avait encore un avenir.

On aurait pu croire que la déontologie n’avait pas de prix, surtout à l’heure où les problèmes de transparence et de conflits d’intérêts ont montré les dégâts qu’ils étaient susceptibles de faire. L’exemple de la cotisation de l’ordre des infirmiers prouve que les pouvoirs publics ne voient pas les choses ainsi. Sachant qu’ils ne seront pas interdits d’exercice, pourquoi les infirmiers céderaient-ils ? Faut-il leur en vouloir de refuser de cotiser pour un ordre qui finira, à l’image des autres ordres des professions de santé, par leur imposer de nouvelles contraintes, sous peine de sanctions, en fonction des desiderata politiques du moment ? Quant à la justice ordinale, chacun sait qu’elle est bien souvent “surprenante” et que sa transparence mériterait d’être grandement améliorée, ceci expliquant sans doute aussi que des milliers d’infirmiers, trop éloignés des cercles d’initiés, n’aient pas envie d’y être soumis.

Nombreuses sont les professions de santé qui n’ont pas encore de code de déontologie et d’ordre professionnel, la création chaotique de celui des infirmiers n’est vraisemblablement pas l’exemple à suivre…

La reconnaissance automatique des diplômes dans le secteur de la santé au sein de l’Union européenne devrait évoluer prochainement

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La santé en EuropeLa Commission européenne réfléchit depuis quelques années déjà à une réforme et à une modernisation de la directive visant à la reconnaissance automatique entre États membres de l’Union européenne (UE) des diplômes dans le domaine de la santé. Ces travaux pourraient déboucher sur du concret avant la fin 2011 si l’on en croit un article récent du BMJ.

La directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres, remplacée par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, a permis à de nombreux professionnels de santé de faire reconnaître leur diplôme au sein d’un autre État de l’Union et d’aller ainsi travailler pour un système de soins différent de celui dans lequel ils ont reçu leur formation initiale. Pour Jonathan Faull, directeur général du marché intérieur et des services à la Commission européenne, les principes fondamentaux du système actuel de reconnaissance ne doivent pas, selon lui, être remis en question dans le domaine de la santé. Ils ont fait la preuve de leur utilité en aidant, par exemple, certains États membres à faire face à leur pénurie de personnel. Nombreuses sont les illustrations de ces propos au sein de l’atlas de la démographie médicale en France au 1er janvier 2011 qui précise qu’« aucun des médecins nouvellement inscrits au tableau de l’Ordre du Loir-et-Cher n’est diplômé de la région. 71 % proviennent d’un pays autre que la France dont 60 % sont originaires de la Roumanie » ou « que 71 % des nouveaux inscrits en Lozère sont diplômés d’une faculté de médecine hors de France dont 80 % sont originaires de Roumanie ».

Si le système actuel de reconnaissance systématique d’une très grande partie des diplômes du secteur de la santé a d’indéniables avantages, il a aussi ses travers. Ces dernières années, profitant de cette législation établie pour simplifier les flux professionnels dans l’UE, des pays comme la Roumanie en ont profité, par exemple, pour développer des filières de formation destinées, entre autres, aux étudiants étrangers n’ayant pas réussi à franchir la sélection instaurée au sein de leur pays d’origine.
Le système a aussi permis à des praticiens interdits d’exercice dans le pays où ils ont été formés de continuer à voir des patients dans un autre pays de l’UE, le conseil de l’Ordre des médecins anglais s’étant même vu opposé des textes de loi sur la vie privée par certains pays de l’Union pour lui refuser le droit de savoir si un médecin avait perdu ou non son droit d’exercice chez eux.
Ces dérives, même si elles rendent service à certains citoyens, ne sont pas du goût de ceux qui estiment que de telles pratiques vont à l’encontre de la notion de qualité prônée par les institutions politiques de certains États membres qui utilisent ce prétexte pour renforcer chaque jour un peu plus les contraintes pesant sur leurs professionnels de santé.

Les fonctionnaires de la Commission européenne reconnaissent eux-mêmes que le système actuel n’est pas parfait et qu’il mérite d’être réformé. Plusieurs d’entre eux l’ont reconnu devant des parlementaires britanniques le 7 juillet 2011 à l’occasion de leur audition à la Chambre des Lords concernant l’avancée des réflexions de la Commission européenne à ce sujet. Malgré tout, pour Jonathan Faull, « de nombreux États membres ont eu à élever leur niveau de formation pour permettre aux personnes formées dans leur pays de bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications dans d’autres pays. » Pour lui, « cela montre que le principe de la reconnaissance automatique des diplômes, bien que pensé il y a une trentaine d’années, est toujours une question importante et d’actualités, et a été une force motrice dans l’amélioration des systèmes de santé de nombreux États membres ces dernières années. » Il ajoute néanmoins que la Commission européenne a bien conscience que « ces règles doivent être revues et modernisées » en raison des récentes controverses, d’où ses travaux sur le sujet et l’apparition d’une nouvelle législation avant la fin de cette année.
Jonathan Faull reconnaît, entre autres, que l’UE a besoin d’un dispositif de sécurité visant à diffuser des alertes immédiates aux services compétents des autres États de l’Union lorsqu’un médecin est interdit d’exercice dans le pays où il réside.

Les parlementaires anglais ont aussi demandé au représentant de la Commission européenne si celle-ci ne faisait pas parfois passer la liberté de circulation des personnes avant la sécurité des patients. Ils ont évoqué les craintes soulevées par les disparités subsistant entre les différentes formations nationales des professionnels de santé, des disparités qui font peser des doutes sur le bien-fondé d’une reconnaissance automatique. M. Faull a reconnu qu’il existait un débat à ce sujet. Plutôt que de baser la reconnaissance des diplômes uniquement sur une durée de formation minimale commune, il est question de reconnaître des compétences réelles. La plupart des pays de l’Union verraient bien un système mixte comprenant une durée d’études minimale commune et la prise en compte de compétences spécifiques.

La reconnaissance automatique entre États membres des diplômes dans le domaine de la santé est un élément essentiel des flux migratoires au sein de professions médicales et paramédicales. Si elle permet à certains États de pallier leur démographie médicale déclinante, elle entraîne parfois de fait la désertification de leurs voisins. Il s’agit donc d’une question complexe face à laquelle la Commission doit faire des choix délicats qui impacteront la santé de nombreux Européens. Reste maintenant à attendre quelques mois pour en savoir plus…

L’ordre national des pharmaciens condamné par la Commission européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Analyses de biologie médicaleC’est pour des restrictions à la concurrence sur le marché français des analyses médicales que la Commission européenne a condamné le 8 décembre 2010 l’ordre national des pharmaciens (ONP). Supervisant à la fois les officines et les laboratoires d’analyses de biologie médicale tenus par des pharmaciens, l’ONP a pris des décisions visant systématiquement des entreprises associées à des groupes de laboratoires avec l’objectif d’entraver leur développement sur le marché français et de ralentir ou d’empêcher des acquisitions et des modifications statutaires ou au capital de ces entreprises. Alors qu’elles auraient débuté fin 2003, ces pratiques ne semblent pas avoir cessé à ce jour, selon la Commission.

« Par ailleurs, entre septembre 2004 et septembre 2007, l’ONP a pris des décisions visant à imposer des prix minimums, notamment au détriment d’hôpitaux publics et d’organismes d’assurance santé publics, en cherchant à interdire les remises supérieures à 10 % sur les prix publics octroyées par des entreprises privées dans le cadre de contrats. Il a été constaté que pendant la période de l’enquête les prix de tests d’analyse de biologie médicale parmi les plus fréquents étaient jusqu’à deux à trois fois plus élevés en France que dans d’autres États membres. » C’est ce qu’indique le communiqué de la Commission européenne (référence IP/10/1683).

C’est un groupe leader en Europe dans le domaine des analyses de biologie médicale, présent dans six des vingt-sept pays membres de l’Union, qui a porté plainte en octobre 2007 auprès de la Commission européenne. Après une enquête et même une inspection au siège de l’ONP, la responsabilité de cette dernière a bien été retenue. En menaçant de sanctions disciplinaires les pharmaciens biologistes refusant de se plier à ses injonctions, l’Ordre a outrepassé ses fonctions et a protégé les intérêts de certains de ses membres. Pour Joaquìn Almunia, vice-président de la Commission en charge de la politique de concurrence, « une association qui représente et défend des intérêts privés ne peut pas se substituer à l’État pour édicter ses propres règles, en limitant la concurrence par les prix là où l’État avait entendu la maintenir et entravant le développement d’entreprises sur le marché au-delà de ce qui est prévu par la loi ». Or, pour la Commission, l’ONP doit bien être considérée comme une association d’entreprises au sens du droit européen de la concurrence, car certains de ses membres exercent une activité économique. De plus, les instances dirigeantes de l’ONP disposent d’une autonomie décisionnelle qui fait que c’est son comportement qui a été sanctionné et non la façon dont le marché français des analyses de biologie médicale est organisé par les dispositions légales.

C’est la première fois que la Commission européenne impose une amende à une association d’entreprises en invoquant la possible responsabilité financière des entreprises des membres dirigeants. En conséquence, l’amende s’élève à cinq millions d’euros. L’Ordre n’en est pas au bout de ses peines puisque d’autres actions en réparation peuvent être intentées contre lui. « Toute personne ou entreprise lésée par des pratiques anticoncurrentielles telles que celles qui sont décrites ci-dessus peut porter l’affaire devant les tribunaux des États membres pour obtenir des dommages et intérêts. La jurisprudence de la Cour et le règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil confirment que, dans les affaires portées devant les juridictions nationales, une décision de la Commission constitue une preuve contraignante de l’existence et du caractère illicite des pratiques en cause. Même si la Commission a infligé une amende à l’association d’entreprise et ses organes dirigeants considérés, des dommages et intérêts peuvent être accordés sans que le montant en soit réduit en raison de l’amende infligée par la Commission. »
Voilà qui pourrait donc coûter très cher à l’ONP. Cinq millions d’euros représentent, en effet, six mois de salaires et traitements de cet organisme. Si à cette somme viennent s’ajouter d’autres condamnations, l’Ordre des pharmaciens va devoir mobiliser une partie de ses ressources pour y faire face.

Tout ceci est d’autant plus étonnant qu’au sein du conseil national des pharmaciens siègent deux représentants des ministères et un conseiller d’État.

Pas de sanction pour un chirurgien ayant refusé d’opérer un patient tatoué d’une croix gammée

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Intervention chirurgicaleC’est un article du BMJ qui donne des précisions sur une affaire qui s’est déroulée en Allemagne en cette fin 2010. Un chirurgien ayant refusé d’opérer un patient déjà endormi par l’anesthésiste après avoir remarqué un tatouage en forme de croix gammée sur le bras droit du malade ne devrait pas être sanctionné, selon Jörg-Dietrich Hoppe, président du conseil de l’ordre des médecins allemand.

Après avoir vu le tatouage d’un aigle impérial perché sur une croix gammée, le chirurgien a dit qu’il ne pouvait pas continuer, comme l’explique un article publié dans le quotidien Süddeutsche Zeitung du 11 décembre 2010. « Je ne peux pas opérer cet homme, je suis juif », aurait dit le médecin à la femme du patient selon le journal.

Le chirurgien de 46 ans, expliquant par la suite que sa conscience ne lui permettait pas de traiter les personnes ayant des sympathies néo-nazies, a trouvé un collègue qui a effectué l’opération avec succès sur la glande thyroïde de l’homme.

L’épouse du patient, qui est un chauffeur routier, a publiquement critiqué le chirurgien, en disant qu’il devrait être interdit d’exercice pour ne pas avoir respecté le serment d’Hippocrate, d’après le Süddeutsche Zeitung. Mais l’hôpital a publié une déclaration précisant qu’ il y avait eu des réactions positives du public qui faisait l’éloge du courage du médecin. L’hôpital a ajouté que le patient se porte bien et qu’il avait été autorisé à rentrer chez eux.

Le Professeur Hoppe a déclaré au BMJ que le chirurgien peut raisonnablement expliquer qu’il était « trop choqué » après avoir vu la croix gammée pour effectuer l’opération. Le président de l’Ordre a noté que le chirurgien, toujours soumis à son obligation de soins envers le patient, l’avait remplie en trouvant rapidement un autre médecin pour réaliser la chirurgie.

« S’il s’était agi d’une urgence, ça serait une autre histoire », pour Jörg-Dietrich Hoppe. « En cas d’urgence, il aurait été obligé d’effectuer l’opération même si le patient avait été couvert des croix gammées. »

Dans une interview au BMJ, Claudia Wiesemann, directeur de l’Institut d’éthique médicale et d’histoire de la médecine à l’Université de médecine de Göttingen, a noté que le Déclaration de Genève de l’Association médicale mondiale, qui date de 1948, stipule : « Je ne vais pas permettre que des considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, de sexe, de nationalité, d’appartenance politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou de tout autre nature s’interposent entre mon devoir et mon patient. »
Elle estime que le médecin aurait dû opérer le patient. Il aurait dû être préparé à des situations de ce genre, selon elle. « Cependant, je pense que le médecin ne doit pas être réprimandé pour avoir refusé d’effectuer l’opération. Tout d’abord, parce qu’il a pris soin de prendre des dispositions pour que quelqu’un d’autre intervienne sans mettre en danger le patient. » Mais aussi, a-t-elle ajouté, parce que la Déclaration de Genève a été rédigée à l’origine afin « d’empêcher l’horrible politique raciale de la médecine pendant le national-socialisme allemand. Il s’agit d’une tournure tristement ironique de l’Histoire, car c’est ce même paragraphe qui devrait aujourd’hui servir à juger moralement contraire à l’éthique ce que le médecin de Paderborn a fait ou n’a pas fait à un néo-nazi. Je pense qu’il serait moralement douteux pour un tribunal de droit allemand de le poursuivre pour cela. »

Un seul collaborateur libéral par médecin, dentiste ou sage-femme

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Face à faceLe Conseil d’État a tranché : « il n’est loisible à tout médecin que de conclure un seul contrat de collaborateur libéral avec un confrère ». Et le Conseil d’État va même plus loin, puisque cette limitation à un seul contrat de collaborateur libéral s’impose aussi aux autres professions médicales (chirurgien dentiste, sage femme) : « la réglementation de la profession de médecin, ainsi d’ailleurs que celle des autres professions médicales, justifie légalement de limiter le nombre de collaborateurs libéraux dont le praticien peut s’entourer » comme l’explique une décision du 11 octobre 2011 (nº 330296).

Dans cette affaire, un praticien avait trouvé deux confrères souhaitant travailler à temps partiel au sein du cabinet, en parallèle de sa propre activité. Disposant, à cette époque, d’un remplaçant pour ses périodes de congés ou de formation continue, il n’était nullement pour lui question de laisser en d’autres mains les patients qui désiraient être suivis par lui, simplement d’offrir de nouvelles possibilités d’accès aux soins dans une région considérée comme sous médicalisée dans la spécialité qui est la sienne. Pour des raisons pratiques, les collaborateurs libéraux étaient intégrés à une société d’exercice libérale (SEL).
Mais le conseil de l’ordre des médecins ne l’a pas entendu de cette oreille et a refusé le recours à deux collaborateurs libéraux au motif qu’un contrat de collaboration libérale doit être conclu dans le respect des règles régissant la profession aux termes de l’article 18 de la loi nº 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et que, selon les principes du code de déontologie, le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle, l’exercice de la médecine est personnel, la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce, tout compérage entre médecins est prohibé et qu’il est interdit à un médecin de faire gérer son cabinet par un confrère.
Des principes qui semblaient compatibles ou très éloignés de l’esprit de la loi du 2 août 2005, comme pouvaient le laisser penser les conclusions du rapporteur public du Conseil d’État. Pour ce dernier, aucune disposition de l’article 18 de la loi du 2 août 2005, ni de l’article R 4127-87 du code de la santé publique ne permettait de limiter le recours à plus d’un collaborateur libéral par praticien ou société de praticiens, ce qui paraissait somme toute logique à la lecture de l’article Un seul collaborateur libéral par cabinet médical ? Pas selon la loi… publié en février 2009. De plus, le rapporteur public estimait que le risque d’atteinte aux principes déontologiques par le recours à deux collaborateurs libéraux n’était pas plus élevé que dans le cadre d’un exercice en société. Une telle limitation constituait même, selon lui, une atteinte à la liberté contractuelle dont seul le législateur pouvait décider.

Le Conseil d’État qui n’est pas lié aux conclusions de son rapporteur public en a donc décidé autrement et a reconnu le bien-fondé de la décision du conseil national de l’ordre des médecins selon laquelle un médecin ne peut recourir aux services que d’un seul collaborateur libéral aux motifs que le cumul de contrats de collaboration serait constitutif d’une gérance de cabinet et d’un exercice de la médecine comme un commerce, sur le fondement de l’article R 4127-91 du code de la santé publique.

Une décision surprenante, d’autant plus qu’elle est susceptible de s’appliquer à toutes les professions médicales, quand on sait que le décret nº 2009-168 du 12 février 2009 portant modification de diverses dispositions du code de la santé publique relatives à l’exercice de la profession de chirurgien-dentiste, publié au Journal officiel du 14 février 2009 a assoupli la restriction à un seul collaborateur qui pesait sur les chirurgiens-dentistes. Une décision qui laisse aussi songeur à un moment où l’on encourage les praticiens à travailler en équipe au sein de maisons médicales ou à développer le principe du travail aidé en collaborant avec des professionnels paramédicaux.
Les arguments retenus laissent penser que le cumul de contrats de collaboration salariée serait aussi constitutif d’une gérance de cabinet ou de l’exercice de la médecine comme un commerce pour le secteur libéral. Deux pas en avant, trois pas en arrière ?

Interdiction d’exercice d’un médecin ou d’un dentiste, collaborateur et remplaçant

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Interdiction d'exercice et remplacementIl peut arriver pour des raisons diverses qu’il soit interdit à un médecin ou à un chirurgien-dentiste de donner des soins aux assurés sociaux pour une période donnée. Lorsqu’il exerce en libéral, une telle sanction équivaut à la perte de ses revenus pendant le temps que dure l’interdiction, sans pour autant que les lourdes charges sociales, mais aussi celles liées au fonctionnement du cabinet et aux investissements effectués ne cessent de devoir être payées. Il peut aussi s’agir des charges relatives à une association au sein d’une société d’exercice libéral ou d’un autre type. C’est pour cette raison que l’intéressé peut être tenté de faire appel à un remplaçant ou à un collaborateur pour la durée de la sanction. Le Conseil d’État, dans une décision du 18 décembre 2009 (no 333873), a rappelé que cela n’était pas autorisé par la loi, même par le biais d’un contrat entre la société au sein de laquelle exerce le praticien et un remplaçant.

Dans cette affaire, un chirurgien-dentiste s’est vu refusé par le conseil de l’ordre, puis par la justice la possibilité de faire appel à un remplaçant pendant laquelle il lui avait été interdit de donner des soins aux assurés sociaux par la section des assurances sociales de son conseil de l’ordre régional, dans un premier temps, puis par celle du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD), dans un second. Le praticien a accepté la sanction, mais a décidé de ne pas en rester là.
Sachant qu’il ne pouvait pas se faire remplacer directement, il a eu recours à un montage plus subtil. Le chirurgien-dentiste a signé au nom de la SELARL un contrat de remplacement libéral avec un confrère remplaçant. Comme la loi l’y oblige, il a transmis ce contrat au président du conseil départemental du conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes. Bien que le contrat ait prévu que le versement de tous les honoraires perçus à la SELARL pendant la période de remplacement et la rémunération du remplaçant sous forme de vacation en pourcentage des honoraires encaissés, le président de ce conseil départemental a informé le dentiste « de ce qu’il était interdit de se faire remplacer pendant les périodes de sanction d’interdiction de donner des soins et de prendre un collaborateur et a déclaré nul et non avenu le contrat qui lui avait été transmis », interdisant de ce fait le remplacement. Mécontent, le chirurgien a porté l’affaire devant le juge des référés pour qu’il annule cette décision, mais pour ce dernier le refus d’approuver le contrat organisant le remplacement n’était entaché d’aucune illégalité pour en déduire qu’aucune urgence ne s’attachait à l’organisation du remplacement du praticien. Contestant ce jugement, le chirurgien-dentiste a déposé un pourvoi au Conseil d’État demandant l’annulation de l’ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif avait rejeté sa demande et afin que cette haute juridiction ordonne qu’il puisse recourir à un remplaçant durant sa période d’interdiction de donner des soins.

Pour le Conseil d’État, même si « Considérant qu’aux termes de l’article R 4113-17 du code de la santé publique : En cas d’interdiction temporaire d’exercer ou de dispenser des soins aux assurés sociaux, sauf à être exclu par les autres associés (d’une société d’exercice libéral) […], l’intéressé conserve ses droits et obligations d’associé, à l’exclusion de la rémunération liée à l’exercice de son activité professionnelle », le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en estimant qu’il était interdit au chirurgien-dentiste de « percevoir une rémunération liée à l’exercice de sa profession alors qu’elle était sous le coup d’une interdiction d’exercer » et de relever que la suspension temporaire de l’activité professionnelle prononcée à titre de sanction à l’encontre du dentiste impliquait que celui-ci s’abstienne durant la période de suspension de percevoir des revenus tirés de son activité et non pas seulement qu’il s’abstienne de pratiquer des actes de sa propre main.

Un médecin ou un chirurgien-dentiste qui fait l’objet d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercice, même s’il exerce en association sous une forme ou sous une autre et hors de conditions particulières d’urgence, ne peut donc pas se faire remplacer ou prendre un collaborateur le temps de sa sanction. Reste néanmoins à apprécier ce qu’un juge pourra estimer être une “urgence” à l’organisation d’un remplacement face à l’évolution démographique au sein de certaines spécialités médicales ou dans des régions où priver la population du seul praticien restant équivaut à la priver de soins. Peut-être serait-il bon de commencer à réfléchir à des solutions permettant de sanctionner le fautif sans pour autant pénaliser les patients ?

Les personnes âgées n’aiment pas les génériques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les génériques en questionLe BMJ est un journal médical britannique qui fait référence, or c’est dans cette revue que vient d’être publiée une lettre intitulée Controversy over generic substitution. Des auteurs australiens y expliquent avoir réalisé une étude qualitative auprès de plus d’une centaine de personnes âgées du pays des kangourous. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces consommateurs réguliers de médicaments, habitués depuis de nombreuses années à la substitution, n’apprécient pas du tout cette pratique.

Les personnes interrogées n’ont pas confiance en l’industrie pharmaceutique et lui reprochent, en particulier, la trop grande diversité géographique de ses lieux de production. Sur les produits eux-mêmes, les critiques sont multiples : absence de cohérence entre la présentation des génériques et celle du médicament princeps (comprimés ou gélules de taille et de forme différente) ; goût différent ; incohérence des emballages, mais aussi des noms !

Pour les auteurs, peu importe que les professionnels de santé et les patients aient signalé ces problèmes depuis longtemps, les autorités de santé, obnubilées par les économies à réaliser, n’en ont cure. Selon les professionnels australiens, un renforcement des cadres réglementaires est nécessaire pour assurer non seulement une équivalence thérapeutique, mais aussi une cohérence de l’emballage et de l’étiquetage afin de minimiser la confusion causée par la substitution, surtout chez les patients qui prennent plusieurs médicaments.

En France, les critiques vont même parfois plus loin puisque, lors de la conférence sur les contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) qui a eu lieu au Medec 2010, le président du Conseil national de l’ordre des médecins, Michel Legmann, a reconnu que de nombreux rapports démontrent que les génériques ne sont pas équivalents au médicament princeps, contrairement à l’information diffusée par les chantres des économies de santé. Même Christian Lajoux, président des entreprises du médicament (LEEM), a confirmé que la biodisponibilité des génériques n’était pas la même que celle du médicament d’origine.

Lobbying pharmaceutique ou réalité, les génériques restent controversés. Quoiqu’il en soit, les propositions des auteurs australiens semblent pleines de bon sens.

Certificat médical et divorce

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Rupture et divorceOn ne compte plus, chaque année, le nombre de médecins mis en cause pour avoir rédigé un certificat médical, tout particulièrement lorsque ce document va être utilisé par un patient ou par son avocat dans une procédure de divorce. Cet acte, qui paraît souvent anodin au praticien, engage pourtant sa responsabilité au même titre qu’un acte diagnostic ou thérapeutique.

La section du contentieux du Conseil d’État, dans une décision du 26 mai 2010 (requête n° 322128), résume bien ce qui caractérise le médecin imprudent.

En août 2006, un généraliste du sud-est de la France remet à la mère d’un jeune garçon de quatorze ans qu’il vient d’examiner un certificat médical dans lequel il constate que cet adolescent présente des troubles psychosomatiques. Alors que les parents sont en instance de divorce, ce même praticien un mois plus tard délivre « un second certificat médical présentant ces troubles comme en rapport avec des problèmes relationnels avec son père et prescrivant qu’il ne se rende pas chez ce dernier pendant un mois, sans invoquer d’éléments nouveaux et sans avoir eu de contact avec le père ». Réaction immédiate du père qui demande au conseil de l’ordre dont dépend le praticien une sanction à l’égard de ce dernier. Après la procédure habituelle, le médecin se voit infliger un blâme. Cette peine, contestée par le généraliste, ayant été confirmée par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, il a formulé une requête devant le Conseil d’État.

Pour la section du contentieux, « en jugeant qu’en ne se bornant pas à relater les constatations médicales qu’il avait pu effectuer sur son patient et en mettant en cause la responsabilité du père, le Dr B s’est immiscé dans les affaires de famille et a établi un certificat tendancieux, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins n’a pas entaché sa décision d’erreur de qualification juridique au regard » de l’article R 4127-28 du code de la santé publique (art. 28 du code de déontologie) qui précise que « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite » et de l’article R 4127-51 du même code (art. 51 du code de déontologie) disant que « Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».

Un certificat médical doit être basé sur un examen clinique réalisé par le médecin lui-même et préciser la date à laquelle cet examen a eu lieu si le praticien ne veut pas voir sa responsabilité engagée. Revoir son diagnostic a posteriori sans nouvel examen ou sans élément nouveau et délivrer un autre certificat à cette occasion est une faute, surtout quand une tierce personne est mise en cause par cet acte. Lorsqu’il est question de divorce, le médecin doit être particulièrement prudent et son ressenti ne doit pas influencer ses actes s’il veut continuer à exercer en toute sérénité.