Articles tagués ‘ordre’

La Cs pour les médecins généralistes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un euro de plus pour les généralistesAprès le “non” de la Cour de cassation à la possibilité pour les médecins généralistes de coter Cs (consultation spécialisée), il y a quelques jours, le chef de l’État a dit “oui” le 16 avril 2010. En visite à Livry-Gargan, dans une maison médicale représentant une nouvelle médecine de proximité que Nicolas Sarkozy appelle de ses voeux, le président de la République a annoncé que « la consultation C passera de 22 à 23 euros à la fin de l’année. La décision est prise. D’autre part, les médecins généralistes qui ont été reconnus par leur Ordre comme spécialiste, pourront coter CS s’ils sont spécialistes et reconnus comme tels. Il n’y a aucune raison qu’ils ne puissent pas coter comme des spécialistes. »

Des précisions ont été apportées dans la soirée sur le site de la présidence de la République quant à la mise en oeuvre de cette mesure. C’est à partir du 1er janvier 2011 qu’elle devrait être effective. Elle est prévue au règlement arbitral, prévu pour se substituer à la convention entre les médecins et l’Assurance-maladie en raison de l’échec des négociations sur sa reconduction, qui sera remis au ministre de la santé le 20 avril 2010. Début 2011, les généralistes pourront donc inscrire C ou Cs sur les feuilles de soins à leur convenance, les 23 euros s’appliquant à l’une ou l’autre de ces lettres-clé.

Dans le même temps, Nicolas Sarkozy a missionné Élisabeth Hubert pour une concertation sur la médecine de proximité. Selon les services de l’Élysée, « la concertation poursuit trois objectifs. Le premier objectif est de donner un nouvel élan au dialogue avec les médecins. Il y a plus de 210 000 médecins en France. Il est nécessaire et souhaitable d’être à leur écoute, de nouer un dialogue permanent avec eux. Le second objectif est de permettre à tout le monde de s’exprimer : aux syndicats de médecins, mais aussi aux médecins sur le terrain, qui vivent la médecine de proximité au quotidien, aux autres professions de santé qui coopèrent avec les médecins ainsi qu’aux élus et aux patients. Le troisième objectif est de faire des propositions modifiant l’exercice libéral, apportant des réponses concrètes aux évolutions structurelles que connaît la médecine ambulatoire depuis de nombreuses années. » Il est intéressant de noter que « le rapport de la mission Legmann sera versé aux débats de la concertation sur la médecine de proximité » et que la réforme de la médecine libérale passe donc au second plan.

En procédant ainsi, le président de la République se dispense d’une revalorisation de la Cs en elle-même et se contente de régulariser une situation qui n’avait que trop duré depuis la reconnaissance de la médecine générale comme une spécialité, selon plusieurs syndicats de praticiens.

Une nouvelle mission pour la médecine de proximité

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Vers une réforme de la médecine de proximitéCe n’est que quelques semaines après avoir confié au président du conseil national de l’ordre des médecins une mission sur les possibles évolutions de la médecine libérale que le chef de l’État a annoncé avoir décidé d’en confier une autre à Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité. Pour Nicolas Sarkozy, en déplacement dans une maison médicale à Livry-Gargan en Seine-Saint-Denis, à douze kilomètres au nord-est de Paris, lieu même où ont commencé les émeutes urbaines de novembre 2005, et justement au lendemain de la parution des Atlas régionaux de la démographie médicale, « il n’est pas acceptable qu’il y ait des quartiers à sur-densité médicale et des départements entiers à sous-densité médicale ». « Dans un département comme le département de la Seine-Saint-Denis, en 10 ans il y a eu 300 médecins généralistes de moins », et le président de la République de vouloir « apporter des réponses structurelles au malaise de la médecine de proximité ». Il faut dire que la Seine-Saint-Denis n’est plus le havre de paix où aimait venir se reposer Madame de Sévigné…

Choix politique, c’est donc à l’ancien ministre de la santé du premier gouvernement d’Alain Juppé, Élisabeth Hubert, en poste au moment de la fameuse réforme de la Sécurité sociale à coups d’ordonnances, médecin de formation et ancien directeur des Laboratoires Fournier, que le chef de l’État a choisi de s’en remettre pour brosser le tableau de ce qui pourrait bien être la fin de la liberté d’installation. L’enjeu : imposer aux jeunes (et aux moins jeunes) médecins un exercice dans les banlieues, plus encore que dans les campagnes. Appelée de leurs voeux par de nombreux praticiens installés de longue date et proches de la retraite, qui voient là un moyen de valoriser leur cabinet en se moquant bien de l’avenir de leurs jeunes confrères tout juste bon à courber l’échine pour pallier l’incurie de leurs aînés, la suppression de la liberté d’installation ne devrait pas être trop difficile à mettre en musique. Même si le Chef de l’État parle des dégâts causés par le numerus clausus et d’une réforme de la formation des médecins, c’est bien d’un des piliers du système de santé actuel dont il est question et d’une liberté de plus que l’on aimerait voir disparaître.

Cette mission « va s’étaler entre le mois de mai et le mois de septembre » et devra « proposer des mesures structurelles de façon à ce qu’il y ait à nouveau des jeunes qui souhaitent épouser la carrière de généraliste ».

Qu’en sera-t-il vraiment ? Il s’agit d’un thème politique récurrent, médiatiquement porteur et relancé chaque année quelques jours après la parution de l’Atlas de la démographie médicale par le conseil national de l’ordre des médecins. La crise de la médecine libérale est profonde et l’on voit que l’on cherche habilement à la dissocier de celle de la médecine de proximité. Reste à voir comment il sera possible d’imposer à des étudiants, au terme de leur long apprentissage durant lequel ils font déjà de nombreux sacrifices, d’aller s’installer dans des banlieues censées devoir être nettoyées « au kärcher » depuis quelques années, sans les détourner un peu plus de l’exercice libéral…

Les médecins généralistes interdits de Cs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La médecine libérale dans un cul de sacLa Cour de cassation a tranché le 8 avril 2010 : en l’état actuel du droit, même si la médecine générale est devenue une spécialité à part entière depuis 2004 et que de nombreux praticiens ont fait qualifier leur diplôme comme tel auprès de leur conseil de l’ordre, les médecins généralistes n’ont pas le droit d’utiliser la lettre-clé Cs (pour consultation spécialisée) pour coter leurs actes. Ils doivent continuer à utiliser pour le remboursement Sécurité sociale la lettre-clé C et le tarif à 22 euros qui s’y attache. Il en va de même pour les lettres-clé V et Vs (pour les visites à domicile).

Dans son arrêt (pourvoi n° 09-13772), la Cour de cassation a décidé qu’un médecin généraliste n’exerçait pas, à titre exclusif, une spécialité relevant des termes prévus par la convention nationale signée entre les médecins et l’assurance-maladie ou par les nombreux autres textes relatifs à la qualification des praticiens. Que le médecin est fait valider son diplôme comme qualifiant pour la spécialité de médecine générale n’y change rien.

Voilà qui ne devrait pas satisfaire ces praticiens qui espéraient une reconnaissance juridico-financière de leur “nouvelle” spécialité. Ils leur restent à s’en remettre au chef de l’État qui, au lendemain d’élections régionales qui n’ont pas été favorables au parti dont il est issu et sans doute après en avoir analysé les résultats par catégories socioprofessionnelles, a affirmé que la médecine de proximité était l’une des priorités de la politique qu’il entendait mener dans un futur proche.

La médecine générale est actuellement en crise, tout comme les autres composantes de la médecine libérale. Le burn-out des praticiens, le choix du salariat ou de modes d’exercice alternatifs et une démographie savamment orchestrée depuis de nombreuses années pour aboutir à une pénurie de médecins censée générer des économies de santé en réduisant l’offre ou en obligeant au transfert des tâches (plus que des compétences) vers des professionnels paramédicaux ou de la santé commerciale (comme les opticiens ou les audioprothésistes) à moindre coût expliquent en grande partie la frustration qui s’exprime actuellement si l’on en croit nombre de généralistes ou de spécialistes.

Jean-Luc Maupas explique, dans le bulletin d’information de janvier 2010 du conseil départemental de l’ordre des médecins de Seine-Maritime qu’il préside, que depuis 1997 « le nombre de nouveaux inscrits choisissant l’exercice salarié a dépassé celui des jeunes confrères optant pour l’exercice libéral, exercice séculairement dominant en France. » Il contacte aussi qu’en 2009, le tableau départemental, comme le tableau national de l’ordre des médecins, montre que cinq nouveaux inscrits seront rémunérés par un salaire et un seulement par des honoraires. Pour lui, « C’est, à l’évidence, un véritable changement de la pratique médicale qui, sans infléchissement choisi ou imposé, fait penser que le XXIe siècle sera celui du salariat médical dominant et, peut-être, qui sait, un jour exclusif. » À l’opposé des discours des principaux syndicats de médecins qui donnent l’impression de vouloir défendre l’exercice libéral, ce constat d’instances ordinales semble résigné et fataliste. Il s’accompagne d’ailleurs d’un appel aux médecins salariés pour qu’ils s’investissent plus au sein de l’ordre, sans doute pour pallier le désintérêt qu’ont montré les libéraux pour les élections ordinales, à l’image de celui des Français pour les élections régionales. Beaucoup ont l’impression d’être coupés de décisions nationales plus politiciennes qu’en prise directe avec les réalités de leur vie quotidienne. La crise de confiance est réelle.

Dans ces conditions, des praticiens en viennent même à se demander dans quelle mesure le rapport confié par le chef de l’État au président du conseil national de l’ordre des médecins sur une réforme de l’exercice libéral, surtout après avoir imposé la présence au sein du groupe de travail chargé de le rédiger de Christian Saout, n’est pas là pour éloigner un peu plus les futurs médecins du choix de l’exercice libéral. Remplacer des libéraux, souvent dociles, mais parfois frondeurs, par des praticiens salariés au service exclusif d’une politique sociale, est un rêve pour beaucoup. Peu importe que les régimes qui ont choisi cette voie n’aient pas fait leurs preuves, seule compte parfois l’idéologie, la volonté d’affirmer son pouvoir ou la démagogie…

Interdire de fumer est dangereux pour la santé

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique Presse

Planche d'anatomie

Le relâchement de l’application de la loi interdisant de fumer dans les lieux publics, les restaurants ou les cafés semble donner chaque jour un peu plus d’assurance aux fumeurs. D’autant que les interdits ne pèsent pas lourd face à ceux qui usent d’une substance qui présente toutes les caractéristiques d’une drogue (dépendance psychique et dépendance physique) et face à ceux qui ont des intérêts à sa vente. Rien ne dit que ce sont les effets psychotropes du tabac qui sont à l’origine de l’histoire relatée par le journal Midi libre, mais c’est bien cette substance qui en est la cause.

Vers une réforme de la médecine libérale ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Discours politique sur la réforme de la médecine libéraleC’est depuis Perpignan que le président de la République française a présenté ses voeux pour l’année 2010 aux personnels de santé. Profitant de sa visite au nouveau centre hospitalier de cette métropole catalane, Nicolas Sarkozy a réaffirmé que la santé était l’une des premières préoccupations des Français.

Ceux qui ont suivi les débats sur la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires adoptée en 2009, n’auront pas été surpris d’entendre le Président remercier en premier les directeurs d’hôpitaux pour le travail fourni, dont il a souhaité faire les “patrons” des établissements de soins publics. Les “ouvriers”, les cadres et personnels administratifs hospitaliers n’ont pas été oubliés. « Mais sont en première ligne aussi les cabinets libéraux, les médecins libéraux au domicile des malades qui remplissent chaque jour et chacun leur rôle dans une mission qui les honore : sauver des vies, soigner, soulager, accompagner. Il n’y a pas de mission plus noble, il n’y a pas de plus bel engagement », selon le chef de l’État. Rien concernant les infirmiers libéraux, les sages-femmes ou les masseurs kinésithérapeutes, mais il est difficile d’être exhaustif dès le début d’un tel discours.

Si la santé a été mise en avant, son aspect économique n’a pas manqué d’être évoqué. Elle est un « secteur économique déterminant » représentant « 200 milliards d’euros chaque année » et « 2 millions d’emplois ». Nul n’ignore que les pouvoirs publics cherchent toutefois à réduire les dépenses de santé et ce n’est pas un hasard si le président de la République a insisté sur le fait qu’une infirmière peut, selon lui, parfaitement assurer le suivi des personnes atteintes de maladies chroniques. En plus de pallier la carence démographique médicale engendrée par des décisions politiques antérieures, de telles mesures ont toujours été considérées comme susceptibles de représenter, à court terme, un moyen de diminuer les remboursements de l’assurance-maladie et le transfert des actes prévu par la loi HPST en est le parfait exemple. Elles ont aussi une valeur électorale non négligeable.

C’est à la fin de son discours que le chef de l’État est revenu sur le sujet de la médecine libérale. « Le médecin libéral est le premier recours. Il a un rôle absolument central. Le médecin généraliste est un repère indispensable dans notre vie quotidienne et nous aurons toujours besoin d’un médecin à proximité. » Les services publics de proximité ayant tendance à être supprimés, le secteur privé va continuer à être mis à contribution pour assurer les soins au plus près des populations. Malheureusement, le président de la République reconnaît que « l’exercice libéral a perdu de son attractivité ». En raison des nouvelles aspirations des médecins libéraux, « la médecine libérale doit être […] refondée à l’heure même où les demandes qui lui sont adressées n’ont jamais été aussi nombreuses. »

C’est à son ami Michel Legman, président du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), que Nicolas Sarkozy a demandé d’ « inventer un nouveau modèle de soins de premier recours qui fasse toute sa place à la médecine libérale ». Des propositions, sous la forme d’un rapport, devront être remises au chef de l’Ètat au mois de mars, soit deux mois pour mettre à plat un système au sein duquel un véritable malaise s’est installé, malaise auquel le CNOM n’est pas totalement étranger si l’on en croit la crise de confiance des praticiens à l’égard de cette institution qui semble exister. Pourquoi une telle hâte dans la rédaction de ce rapport ? « Un rapport est intéressant s’il remet ses propositions rapidement et si le pouvoir politique prend les décisions dans la foulée. Notre pays croule sous les rapports interminables, exceptionnellement intelligents, tellement intelligents que personne ne les a compris. » Que de telles décisions soient prises juste après les élections régionales et loin de toute autre consultation citoyenne est sans doute un hasard.

Même si le président de la République attend un rapport, il sait déjà ce qui pose problème et il le dit. La charge administrative assurée par les médecins est « absolument anormale ». Si le problème est connu, que n’a-t-on agi plus tôt ?
« Il y a le problème de la qualité des soins et de l’évaluation. La médecine de demain est une médecine basée sur les preuves, avec des protocoles correspondant aux standards internationaux. »
Les maisons de santé et les centres de soins ambulatoires devraient être privilégiés, ainsi que la multiplicité des lieux d’exercice.
Pour le chef de l’État, il semble évident que les praticiens libéraux devront accepter de transférer des actes aux infirmiers et aux pharmaciens. « Si tout le monde veut faire la même chose, le système finit par ne plus fonctionner » : une phrase bien ambiguë qui laisse entendre que ce qui intéresse les infirmiers, les pharmaciens ou d’autres professionnels de santé ne devrait plus être confié aux médecins. Tout un programme…

Seuls 12 % des Allemands décidés à se faire vacciner contre la grippe A(H1N1)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Vaccins avec ou sans adjuvantDe récents sondages montrent que seuls 12 % des Allemands sont décidés à se faire vacciner contre la grippe A(H1N1). 19 % hésitent encore, mais le feront probablement. Pourquoi des chiffres aussi bas outre-Rhin ? En raison d’une polémique née il y a quelques jours quand le journal Der Spiegel a révélé que le ministère de l’intérieur allemand a acheté 200 000 doses d’un vaccin sans adjuvant destinées aux hauts fonctionnaires du gouvernement alors que ce sont 50 millions de doses du vaccin Pandemrix, contenant un adjuvant, que ces mêmes personnes ont choisi d’acheter pour vacciner la population…

Quand on sait que Michael Kochen, président de l’ordre allemand des médecins généralistes et médecins de famille, a déclaré au BMJ que Pandemrix n’a pas été suffisamment testé pour être déclaré sûr pour des millions de personnes, surtout les jeunes enfants et les femmes enceintes et que sa principale préoccupation est l’adjuvant, il est facile de comprendre les réticences des hauts fonctionnaires à être immunisés avec ce produit. D’autant que Michael Kochen a affirmé qu’il n’utiliserait pas ce vaccin pour lui et qu’il déconseillait à ses confrères de l’administrer aux patients. Pour lui, les risques potentiels du vaccin l’emportent sur ses bénéfices. Difficile de comprendre, dans ces conditions, comment la traversée du Rhin suffit à rendre inoffensifs les vaccins contenant un adjuvant et à faire de la vaccination un devoir déontologique en France.

Pour le président de l’ordre des médecins généralistes allemands, les 50 millions de doses de Pandemrix sont « une expérience à grande échelle sur la population allemande. » Le fabricant du produit n’est, bien entendu, pas de cet avis et rappelle que l’adjuvant est là pour accroître l’efficacité du vaccin et qu’il a été autorisé par la Commission européenne. 22 gouvernements (dont la France) ont commandé du Pandemrix pour immuniser la majorité de leurs citoyens, ce qui représente un total de 440 millions de doses.

Il n’y aurait donc que très peu de risques à se faire ainsi vacciner, mais comme il convient d’être toujours prudent, c’est un vaccin sans adjuvant que le ministère allemand de la défense a choisi pour faire vacciner ses soldats déployés à l’étranger ou amenés à intervenir sur des théâtres d’opérations hors de leurs frontières. Pas d’adjuvant non plus pour la famille de ces troupes, car il n’est pas question de perturber le repos du guerrier.

La France a, elle aussi, commandé des doses de vaccins sans adjuvant en petite quantité. En théorie, elles ne sont pas destinées aux membres du gouvernement ou aux hauts fonctionnaires…

La médecine : un commerce ou pas ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecine, commerce et concurrenceL’article R 4127-19 du code de la santé publique a beau prévoir que « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce », cela n’empêche pas les médecins d’être de plus en plus souvent soumis aux règles du droit commercial. À la vue de certains sites de chirurgie ou de médecine esthétique, même ceux respectant les recommandations du conseil national de l’ordre des médecins, on pourrait très vite penser avoir compris pourquoi, mais ce n’est pourtant pas dans ces domaines que le droit commercial a le plus tendance à s’imposer. Qu’elle soit le fait des praticiens eux-mêmes, d’autres professionnels de santé, de l’industrie, des assureurs ou des complémentaires santé, de la Sécurité sociale ou des pouvoirs publics le fait d’assimiler la pratique des soins au commerce conduit à des dérives qui font passer les considérations économiques, bien avant les considérations propres à la santé publique.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire le plaidoyer du Conseil de la concurrence pour son action dans le domaine de la santé dans les études thématiques de son rapport pour l’année 2008. Il va sans dire que ce travail ne se résume pas aux seuls médecins, mais de nombreuses questions les intéressant y sont traitées. À la lecture de ce document, on comprend rapidement à quel point le Conseil de la concurrence assimile la médecine à un commerce et se plaît à y appliquer le droit de la concurrence. De façon assez paradoxale, si les règles de la concurrence sont appliquées aux médecins, il n’est nulle part suggéré de laisser aux praticiens la possibilité de lutter à armes égales lorsque leurs activités font l’objet de la concurrence d’autres professionnels de santé, qu’ils soient médecins ou non, basés dans l’Hexagone ou ailleurs. Excessivement rares sont les cas où le Conseil de la concurrence semble défendre les médecins, voire même des patients, donnant plutôt l’impression de prendre le parti des intérêts commerciaux de l’industrie, des professions de santé fortement impliquées dans le commerce ou des tenants des économies de santé aux dépens de la santé publique. Peut-être la composition du Conseil de la concurrence, y est-elle pour quelque chose ?

Le Conseil de la concurrence s’amuse à citer Noël Diricq lorsqu’il affirmait dans son introduction au colloque « Concurrence et organisation du système de santé » en 2008 que « Le serment d’Hippocrate, qui est probablement l’un des plus anciens documents anticoncurrentiels de la planète […], organise déjà des marchés, et bien plus, légitime la vocation non économique du secteur ». Lorsqu’il est question d’imposer des règles interdisant la concurrence aux praticiens, il semble exister un certain contentement, mais lorsqu’il est question de restreindre la concurrence à l’encontre des médecins ou de permettre aux praticiens d’utiliser des procédés servant à les rendre concurrentiels se fait jour un consensus pour s’opposer à de telles pratiques. En matière de concurrence, les médecins paraissent avoir bien des devoirs, mais quasiment aucun droit… Il faut reconnaître qu’une partie non négligeable des médecins et des conseils de l’ordre se satisfont de cette situation. Commerce et concurrence leur paraissent des mots grossiers, incompatibles avec l’exercice d’une profession où la jalousie du confrère a plus de poids qu’une évolution nécessaire à la survie d’une profession. Étrangement, lorsqu’il est question de petits arrangements avec l’industrie pharmaceutique, les mêmes sont prêts à quelques concessions. Sans doute est-il moins culpabilisant, ce que l’on s’autorise, mais que l’on interdit aux autres.

Contrairement à d’autres professionnels de santé ou à de grands groupes industriels ou de services, les médecins n’ont pas de formation commerciale. On entretient même chez eux un sentiment de culpabilité lorsqu’il est question de dépenses de santé et d’honoraires. Les aspects de reconnaissance d’un niveau d’études, de valorisation d’une formation continue ou de paiement pour un travail de qualité sont sacrifiés sur l’autel d’une médecine sociale qui se doit d’être gratuite, peu importe son coût. Les patients sont encouragés à négocier les tarifs, y compris pour les actes conventionnés, lorsqu’ils doivent faire l’avance des frais ou quand la possibilité est donnée aux médecins de demander des dépassements d’honoraires ; d’autres voient leurs dépenses remboursées par la Sécurité sociale pour des soins qu’ils ont choisi d’aller faire réaliser dans un pays étranger, séduits par les sites de tourisme médical interdits aux praticiens français, interdiction de la concurrence en France oblige. Ces mêmes praticiens à qui l’on demande aussi maintenant de transférer leurs actes à des professionnels de santé qui n’ont, pour certains, pas de code de déontologie et qui sont rompus aux pratiques commerciales et concurrentielles depuis bien longtemps… À force de dire que la médecine n’est pas un commerce, mais de la traiter comme tel, on affaiblit les médecins et on favorise leurs concurrents. Il va bien falloir que tout le monde finisse par admettre que la médecine est un commerce, certes particulier, mais un commerce, et que les médecins sont de très loin les mieux placés pour l’exercer avec éthique dans l’intérêt de la santé publique. Peut-être est-il temps de favoriser un commerce “éthicable” de la médecine, plutôt que de la laisser aux profits purement marchands ?

Se faire vacciner contre la grippe A : un devoir déontologique

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

VaccinationLes médecins vont-ils être sanctionnés par leur conseil de l’ordre s’ils ne se font pas vaccinés contre la grippe A(H1N1) ? C’est la question que l’on peut se poser à la lecture de la lettre d’information nº 12 du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM). En parlant de la vaccination contre le virus H1N1 comme d’un « devoir déontologique », au nom du principe de l’article 12 du code de déontologie médicale (article R 4127-12 du code de la santé publique), le CNOM va très loin. « Le médecin doit apporter son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire […] », c’est ainsi qu’est rédigé cet article.

Les articles L 4121-2 et L 4122-1 du code de la santé publique prévoit que l’ordre national des médecins a pour mission de veiller à l’observation des devoirs professionnels par tous les membres de l’ordre. Le conseil de l’ordre va donc devoir veiller à ce que tous les médecins se fassent vacciner contre la grippe A. Se portera-t-il partie civile s’il estime qu’un médecin non vacciné, soupçonné d’avoir contaminé un patient qui est décèdé, porte préjudice à la profession ?

Que penser des médecins qui ne veulent pas se faire vacciner contre la grippe A ? On pourrait douter de leurs compétences à la lecture de la lettre d’information. Pour le CNOM, il n’y a rien à craindre du vaccin qui « a été mis en place après une procédure d’autorisation de mise sur le marché rigoureuse ». Les vaccins avec adjuvants semblent être à privilégier, car ils sont plus efficaces. Ne pas se faire vacciner serait irresponsable, selon l’ordre, car c’est mettre sa famille en péril et risquer de contaminer les patients.

Cet empressement à faire de la vaccination un devoir déontologique est surprenant. Tout le monde s’accorde à dire que, bien qu’il s’agisse d’une pandémie, la gravité de cette grippe n’est pas plus importante que celle de la forme saisonnière. Le CNOM n’a jamais parlé de “devoir” concernant la vaccination des praticiens contre la grippe saisonnière.
Étonnant aussi l’attitude du CNOM qui semble avoir une confiance sans faille dans l’autorisation de mise sur le marché. Cette procédure “rigoureuse” a pourtant montré ses limites à plusieurs reprises. N’importe quel médecin sait ça. L’impression d’un vaccin développé dans l’urgence et l’expérience des professionnels de santé expliquent-elles en partie le manque d’empressement de ces professionnels à se faire immuniser ? La plaidoirie pour les adjuvants est aussi déconcertante. Le Haut Conseil de la santé publique lui-même recommande d’utiliser les vaccins sans adjuvant dans un certain nombre de cas.
Comment expliquer que les praticiens qui acceptent sans hésiter de soigner des patients atteints de maladies infectieuses bien plus sévères que la grippe A, au risque d’être eux-mêmes contaminés, ne souhaitent pas se faire vacciner ? Pourquoi refuser aux médecins l’usage de leur sens critique quand il est question de donner un avis sur l’intérêt collectif de la vaccination ? Parce que des experts français en ont décidé ainsi ? Les mêmes qui affirment aujourd’hui que la pandémie, en France, marque le pas sans que quiconque ait été vacciné. L’avis des experts étrangers n’a-t-il aucune valeur ? En droit, les experts n’ont qu’un avis consultatif, doit-il en être autrement dans certains domaines de la santé publique ? Lorsqu’il est question d’alcool ou de tabac, le pouvoir politique n’accorde pas le même poids aux experts…
Alors que la loi autorise n’importe quel patient à refuser un traitement ou des soins, le médecin n’aurait que des devoirs et renoncerait à ses droits ? Certes, l’arrêt du Conseil d’État du 29 juillet 1950 concernant l’ordre précise que « les sujétions imposées par lui à ses membres ne pouvant être tenues pour légales que dans le cas et dans la mesure où les restrictions qu’elles assignent à une liberté dérivent nécessairement des obligations qui incombent à l’ordre, et des mesures qu’impliquent ces obligations », mais parmi les missions de l’ordre figure aussi de veiller à la défense et à l’indépendance des médecins.
S’il est question de devoir déontologique pour les médecins, on attend l’avis des autres ordres. Le jeune ordre infirmier va-t-il laisser le choix à ses membres de se faire vacciner et faire le choix de l’indépendance vis-à-vis de l’ordre des médecins et du gouvernement ?

94 millions de doses de vaccin ont été commandées par les pouvoirs publics. Si ces doses sont peu utilisées, les citoyens risquent de demander des comptes pour ces dépenses injustifiées. Alors que l’utilisation des antiviraux, comme le Tamiflu, achetés eux aussi en grande quantité, fait déjà débat, il serait dangereux pour les décideurs, mais aussi pour la crédibilité et les intérêts de l’industrie pharmaceutique, que les professionnels de santé n’encouragent pas les Français à se faire vacciner. Comment inciter les citoyens à recevoir une dose de vaccin que celui qui leur injecte a refusée ? Il suffit pour cela de s’en remettre à des ordres “indépendants” et d’en faire un devoir déontologique ! À la question « Va-t-on obliger les médecins à se faire vacciner ? », la réponse est donc “Oui”.
À n’en pas douter, tous les élus des conseils de l’ordre sans exception vont donner l’exemple et être les premiers à se faire vacciner dans chaque département, sans oublier les élus nationaux. Il en va de la crédibilité d’une instance dont la décision ne peut que la couper un peu plus d’une partie de sa base.
Et demain ? On connait les effets néfastes du tabagisme passif ; de nombreux médecins fument et exposent leurs proches et d’autres citoyens aux risques de cancer, de maladies respiratoires chroniques et autres. Va-t-on faire d’arrêter de fumer un devoir déontologique ?

Le conseil de l’ordre national infirmier a son site Internet

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'ordre national des infirmiers se met en place.Contrairement à de nombreux conseils régionaux de l’ordre infirmier, le site Internet du conseil national de l’ordre infirmier qui vient d’être mis en ligne ne fait pas appel à la publicité pour son financement, mais plus vraisemblablement aux cotisations ordinales des infirmiers et aux aides de l’État. L’éditorial, réalisé par Dominique Le Boeuf sa présidente, donne le ton. Tout reste à construire et les objectifs sont la fiabilité, le pragmatisme, la réactivité et la transparence. La déontologie, la qualité et la sécurité des soins sont elles aussi évoquées. Avant même que tout ne soit mis en place en France, le rayonnement de l’ordre au-delà des frontières fait déjà partie des ambitions affichées. Il est certain qu’au moment où le système LMD infirmier (licence, master, doctorat) va se mettre en place, il est important de se placer au plus vite dans le cadre d’une mondialisation croissante de la profession.

Ce site est un excellent moyen de communication et il permet de faire le point sur les questions qui se posent sur l’inscription à l’ordre, par exemple. Les infirmiers dont les dossiers sont complets devraient bientôt recevoir une carte professionnelle européenne et un caducée. C’est aussi l’occasion de rappeler les devoirs de chacun, comme l’obligation de cotiser et de s’inscrire au tableau de l’ordre.
Le conseil national de l’ordre infirmier (CNOI) a déjà commencé à remplir ses obligations régaliennes et prépare un code de déontologie. Des chambres de discipline vont être mises en place dans les mois qui viennent. Le CNOI veut aussi « contribuer aux travaux législatifs, réglementaires ou techniques en cours sur tous les aspects du système de santé pour y apporter l’éclairage de la compétence infirmière ».
Promouvoir et défendre la profession est au nombre des objectifs de la nouvelle équipe dirigeante, il faut « faire rêver les jeunes générations afin d’assurer l’attractivité de la profession ».

Au 1er janvier 2007, le répertoire Adeli recensait 483 380 infirmiers. Faire accepter à tous ces professionnels, la légitimité des nouvelles instances pourrait prendre un peu de temps, un contre ordre national infirmier ayant déjà fait son apparition. Il est vraisemblable que c’est sur des sujets d’actualités comme la vaccination contre la grippe A (H1N1) que les infirmiers pourront juger rapidement de l’indépendance de leur ordre vis-à-vis des pouvoirs publics, gage d’un réel engagement pour la profession. Les exemples donnés par les autres ordres relatifs à la santé semblent les faire douter…

Évolution de la pratique des ostéopathes

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique La parole à...

Serge Bamas, ostéopathe, représentant du syndicat national des ostéopathes de France (SNOF / Profession ostéopathe), exerce l’ostéopathie de façon exclusive et se consacre désormais totalement à la reconnaissance de sa profession. Ancien kinésithérapeute, secrétaire général de la Société française des kinésithérapeutes du sport pendant de longues années, il peut ainsi facilement parler de ces deux professions qu’il connaît bien.
Nous remercions Serge Bamas, en collaboration avec Jean Fancello, président du SNOF, d’avoir répondu aux questions de Droit-medical.com.