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Les optométristes québécois vont-ils venir exercer en France ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le monde de la santé visuelleOn connait les plombiers et les médecins polonais, qui dans le cadre de l’Union européenne, viennent exercer en France afin de pallier la carence démographique ou le surcoût de certaines professions dans l’Hexagone. Voici maintenant les optométristes québécois si l’on en croit le syndicat des orthoptistes de France. Suivant les informations qu’a réussi à obtenir Droit-medical.com, c’est dans le cadre de l’entente de mobilité de la main-d’oeuvre entre la France et le Québec que les optométristes québécois souhaitent obtenir un « arrangement de reconnaissance mutuelle » (ARM). Pratiquant dans la Belle Province des actes réservés aux orthoptistes en France, l’ordre des optométristes du Québec ne pouvait faire autrement que de trouver un accord avec les orthoptistes français pour obtenir cet ARM.

Quelques précisions s’imposent. Concernant l’entente de mobilité de la main-d’oeuvre entre la France et le Québec, le premier ministre du Québec, Jean Charest, et le président de la République française, Nicolas Sarkozy, ont signé le 17 octobre 2008 à Québec, une entente sans précédent en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles. Par cette entente, la France et le Québec adoptent une procédure commune de reconnaissance des qualifications professionnelles qui viendra faciliter et accélérer l’acquisition d’un permis pour l’exercice d’un métier ou d’une profession réglementé sur l’un et l’autre territoire. Le but de cet accord est de créer un nouvel espace économique pour le Québec. En plus d’une reconnaissance mutuelle des diplômes, des compétences et des acquis dans de nombreux secteurs d’activités, les gouvernements français et québécois souhaitent une entente de libre-échange. Pour le premier ministre français François Fillon, le gouvernement français veut « un accord large, de coopération économique, qui permettra une meilleure circulation des biens et aussi une harmonisation des réglementations qui peuvent parfois gêner le développement économique » entre la France et le Québec. Le gouvernement québécois n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine et des accords semblables ont déjà été signés avec d’autres pays depuis une dizaine d’années et les enjeux économiques sont majeurs pour cette province d’un pays qui avait jusque-là des échanges commerciaux soutenus avec les États-Unis.

Il est étonnant de voir l’ordre des optométristes du Québec aussi pressé de trouver un accord, car cette profession ne semble pas faire partie des métiers et professions qui se sont engagés à conclure un arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications à brève échéance, contrairement aux médecins, aux pharmaciens, aux sages-femmes et aux avocats. Les membres de cet ordre veulent-ils mettre un pied sur le vieux continent pour venir y exercer l’orthoptie ? Veulent-ils venir grossir les rangs des centaines d’opticiens formés chaque année dans un marché déjà saturé ? Cherchent-ils à faire venir au Québec des professionnels qui ont une formation radicalement différente de la leur ?

Ce qui est tout aussi étonnant c’est que cet accord repose sur la « protection du public ». Or, en France, si le diplôme d’optométriste existe, il n’ouvre droit à aucune compétence particulière sur un plan légal par rapport à l’exercice de l’opticien lunetier. La jurisprudence a été constante et n’a pas évolué depuis plus de vingt ans dans l’intérêt de la santé publique, semble-t-il. Si l’on peut comprendre que les optométristes québécois soient habilités à réaliser des actes réservés aux ophtalmologistes ou aux orthoptistes en France en raison d’une formation spécifique, au contact des patients, propre aux pays anglo-saxons, il serait surprenant d’assimiler l’enseignement reçu par les optométristes français au parcours particulier de leurs homologues de la Belle Province. Comparer le nombre d’années d’études ne suffit pas, il convient d’apprécier la manière et les conditions dans lesquelles l’enseignement est dispensé. Si l’on se réfère au texte de l’entente et à ses annexes, on peut considérer qu’il existe une différence substantielle entre la formation en optométrie québécoise et l’optométrie française ou toute autre profession hexagonale, à l’exception de celle d’opticien lunetier. Hors de cette dernière, les champs de pratique paraissent même profondément différents, tant les activités des optométristes anglo-saxons n’ont pas d’équivalents au sein d’une seule profession dans le système français. Si l’expérience professionnelle des optométristes du Québec peut compenser la différence substantielle, celle des optométristes français est loin d’être identique. Si l’on s’en tient au texte officiel, cela signifierait la nécessité d’une mesure de compensation, voire même d’un complément de formation pour qu’un optométriste français puisse exercer au Québec. Il en serait de même pour qu’un orthoptiste du vieux continent aille exercer de l’autre côté de l’Atlantique. C’est sans doute pour cette raison que l’entente et ses annexes ne font à aucun moment référence à l’optométrie en France, mais ne parlent que des opticiens et des orthoptistes.

En signant ce document, les chefs d’État ont engagé les professionnels de santé à s’entendre pour aboutir au plus grand nombre d’arrangements de reconnaissance mutuelle avant le 31 décembre 2010. Reste à savoir si les orthoptistes, les audioprothésistes, les psychomotriciens, les orthophonistes et les autres métiers de la santé française rêvent d’avoir leur cabane au Canada.

Licence-Master-Doctorat et professions paramédicales

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Il y a un an que le ministre de la santé et le ministre de la recherche ont missionné l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche concernant l’évolution des systèmes d’enseignement actuels vers une formation du type Licence-Master-Doctorat (LMD) pour les professions paramédicales et pour les sages-femmes, seule profession médicale dont la formation ne débouche pas sur un doctorat. Il est amusant de lire cette lettre de mission et de constater que des membres du gouvernement insistent sur « le contexte actuel de besoins toujours accrus de soins, sous l’effet notamment du vieillissement de la population, et de départs à la retraite de nombreux des professionnels de santé dans les prochaines années, nécessite de réfléchir sur l’attractivité des métiers sanitaires ».Université Face au découragement exprimé par de nombreux médecins et chirurgiens-dentistes, il faut noter l’intérêt porté à ne pas décourager les paramédicaux et les sages-femmes. Le transfert des tâches, censé permettre de réaliser des économies de santé et pallier le déficit dû à une gestion économique du numerus clausus des professionnels médicaux, doit s’accompagner de mesures donnant envie aux infirmiers, aux orthophonistes, aux orthoptistes, aux audioprothésistes, aux psychomotriciens, aux manipulateurs d’électroradiologie médicale, aux ergothérapeutes, aux masseurs-kinésithérapeutes, aux pédicures-podologues, etc. de s’investir. La perspective d’obtenir le titre de docteur ne devrait pas manquer de motiver certains étudiants et permettrait, de façon très démagogique, de cultiver une confusion quant aux compétences des uns et des autres.

Le rapport intitulé « Évaluation de l’impact du dispositif LMD sur les formations et le statut des professions paramédicales » vient d’être rendu public. Il est favorable à la mise en place du LMD, encore appelée « mise en oeuvre du processus de Bologne ». Pour les auteurs de ce travail, il n’y a quasiment que des avantages à l’adoption de ce projet. Selon eux, il permet « l’amélioration de la qualité de l’enseignement et du contenu des formations ; le partage entre professionnels de différentes filières d’un certain nombre d’enseignements notamment en économie, éthique et sciences humaines, afin qu’ils acquièrent un langage et une culture communs ; le décloisonnement des différentes filières d’études médicales et paramédicales en permettant l’instauration de passerelles grâce à la validation des crédits ECTS [European credits transfer system, NDLR] ; la sensibilisation des professionnels à la recherche documentaire et à l’analyse de publications ; la conception de formations de niveau supérieur (masters 1 ou 2) permettant aux professionnels d’évoluer vers des compétences plus étendues en matière de soins et de pratiques de santé publique et d’accéder ainsi à de nouveaux métiers ; la possibilité pour les professionnels de santé de s’engager, avec la mise en place d’un doctorat, dans un parcours d’enseignement et de recherche en soins, et par là même le développement en France d’une recherche clinique actuellement quasi inexistante ; l’ouverture, enfin, du dispositif de formation sur l’espace européen et la facilitation des échanges dès la formation initiale ».
Malheureusement, tout n’est pas si rose. Un facteur clé risque de faire défaut : l’argent. Une telle mesure coûte, d’après les rapporteurs, 2,6 milliards d’euros sur 5 ans pour la seule fonction publique du fait du passage de ces personnels en catégorie A. Il n’est que de 400 millions pour le secteur privé. Mais, tel un illusionniste sortant un lapin de son chapeau, le gouvernement devrait pouvoir faire apparaître les crédits, au moins pour le secteur public, car le rapport souligne qu’il s’agit d’une mesure sociale. « Il paraît indispensable de tenir compte de la réalité sociologique et du niveau de recrutement actuel des infirmières : la moitié environ des élèves ont un bac professionnel ou sont des aides soignantes admises au titre de la formation professionnelle. Ceci doit conduire à écarter toute formule qui ferait courir le risque d’une formation élitiste ou trop abstraite, dérive qui détournerait cette formation d’une de ses vocations : la promotion professionnelle ».

Dans quelques années, les seuls personnels à ne pas pouvoir revendiquer le titre de docteur ou à ne pas être en mesure d’intégrer la carrière médicale plus facilement seront les agents d’entretien et les aides soignants. Peut-être faudrait-il réfléchir dès maintenant à ce problème qui ne manquera pas d’être considéré, par certains, comme de la discrimination…