Articles tagués ‘patient’

Responsabilité médicale et faute du patient

Écrit par Georges Lacoeuilhe, Hannah Chéreau le . Dans la rubrique Actualités, Jurisprudences

 

« Sur la responsabilité du centre hospitalier de Troyes :

  • 4. Considérant que Madame A a été prise en charge, le 31 janvier 2005, par le centre hospitalier de Troyes, pour une blessure de la face palmaire des 4e et 5e doigts de la main droite avec section des tendons fléchisseurs ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment de l’expertise ordonnée en première instance, que seul le tendon profond de l’annulaire a été suturé et qu’en méconnaissance des règles de l’art, le praticien n’est intervenu ni sur le tendon superficiel du 4e doigt ni sur le tendon profond du 5e doigt ; que, par ailleurs, l’immobilisation des doigts mise en place après l’intervention était inadaptée tant dans sa position que dans sa durée ; que les fautes, au demeurant non contestées, ainsi commises dans la prise en charge de Madame A sont de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;
  • 5. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expertise, que les erreurs commises dans la prise en charge de la patiente ont permis un lâchage des sutures et ainsi entraîné une perte de chance, pour la patiente, d’obtenir une consolidation satisfaisante de son état ; que, toutefois, compte tenu de sa gravité, la blessure initiale présentée par Madame A aurait, dans tous les cas, laissé des séquelles à la requérante ; que les conséquences dommageables de la blessure ont également été aggravées par l’attitude de Madame A, qui n’a pas respecté les consignes strictes d’immobilisation des doigts préconisées par le chirurgien ; qu’il sera, dans ces conditions, fait une juste appréciation de la part de responsabilité du centre hospitalier de Troyes en la fixant à 40 % des préjudices subis par l’intéressée […] »

 

L’arrêt rendu le 13 juin 2013 par la cour d’appel administrative (CAA) de Nancy aurait pu passer inaperçu s’il n’avait pas été rendu en matière de responsabilité médicale.

Renforcement des droits des patients argentins

Écrit par Nathalie Ferraud-Ciandet le . Dans la rubrique Actualités, Evolution

Un dossier bien ferméLe décret 1089/2012 publié au Boletín Oficial de la Nación argentin du 6 juillet 2012 porte sur les droits des patients dans leurs relations avec les professionnels et les institutions de santé. Il permet ainsi l’application effective de la loi sur les droits du patient, le dossier médical et le consentement éclairé adoptée en 2009.

Les données personnelles de santé sont considérées comme sensibles, au même titre que celles révélant l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses, philosophiques ou morales. Seul le patient peut en autoriser l’accès à un professionnel de santé en vertu du principe de confidentialité. Il est un devoir pour les professionnels de la santé et les établissements de santé de respecter la vie privée du patient et l’autonomie de sa volonté dans toutes les activités de soins médicaux visant à obtenir, classer, utiliser, gérer, préserver et transmettre les informations et la documentation clinique du patient et en particulier de leurs données sensibles. En outre, le patient est souverain pour accepter ou rejeter les procédures médicales ou des thérapies biologiques ou qui lui sont soumises, pour lesquelles il a le droit de disposer des informations nécessaires et suffisantes pour la prise de décision et reste libre de refuser de participer à la recherche scientifique. Toute déclaration d’intention est révocable ou annulable. Le dossier médical doit notamment mentionner la décision du patient d’exiger les services d’un autre professionnel.

Tous les établissements de santé doivent désormais conserver les informations médicales des patients sur des supports garantissant leur sécurité et leur conservation. Le patient est propriétaire des informations le concernant et se voit reconnaître un droit d’accès à celles-ci sous la forme d’une copie authentique. Outre les mentions à des fins d’identification du patient, le dossier contiendra les actualisations horodatées réalisées par les professionnels de santé devra porter la signature du médecin qui peut être électronique, le terme « manuscrit » ayant disparu du droit en vigueur.

Cette mesure s’inscrit dans le plan stratégique de déploiement du numérique à l’échelle de la nation d’ici 2015 (Argentina Conectada) et le programme Conectar Igualdad. Le déploiement des TIC de santé fait également partie de l’agenda régional avec la mise en œuvre de la décision de Lima (2010) portant sur le Plan d’action sur la société de l’information en Amérique Latine et dans les Caraïbes.

Buenos Aires, le 26 juillet 2012

Grenoble École de Management — Pontificia Universidad Católica Argentina, Buenos Aires
L’approche franco-latino-américaine des aspects juridiques et éthiques de la télémédecine
est un programme de recherche soutenu par la région Rhône-Alpes.

Logo de la région Rhône Alpes

 

Réseaux sociaux et déontologie médicale

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Actualités, Humeur

Médecins face à un ordinateur

Twitter, Facebook, LinkedIn et bien d’autres réseaux sociaux ont envahi le quotidien de 91 % des internautes français et le temps passé sur ces sites a plus que triplé ces dernières années pour en faire la catégorie de services sur la Toile la plus populaire dans le monde entier1. Les médecins surfant sur le Net ne font pas exception et nombre d’entre eux disposent d’un profil, d’une page ou un compte sur un réseau social, que ce soit à titre personnel ou professionnel. Voilà qui peut expliquer que le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) se soit penché, dans son dernier livre blanc intitulé Déontologie médicale sur le Web, sur l’attitude qu’elle souhaite voir adopter par les praticiens sur ces réseaux sociaux.

Médecins face à un ordinateurS’ils continuent à fréquenter les forums de sites grand public ou professionnels ou à envoyer des messages à une communauté par le biais de listes de discussion plus ou moins ouvertes, les médecins n’hésitent plus à communiquer à l’aide d’un réseau d’informations comme Twitter ou à créer leur profil sur un réseau qui leur permet de rester en contact avec les personnes qui comptent pour eux, sur le modèle que propose Facebook. Comme l’immense majorité des internautes, les praticiens ont vu dans ces nouveaux moyens de communication de formidables outils pour dialoguer, apprendre, écouter ou informer. Souvent habitués à ces réseaux au sein de leur sphère familiale, les médecins sont encore souvent réticents à franchir le pas sur un plan professionnel. S’ils sont encore peu nombreux à les utiliser pour demander un avis à des confrères face à un cas difficile, ils commencent néanmoins à s’y intéresser pour diffuser de l’information ou pour surveiller l’actualité sur un sujet donné. Pour le CNOM, Twitter peut, par exemple, « compléter les outils déjà existants de veille des sources d’informations, d’autant plus qu’il attire régulièrement de nouveaux acteurs, institutionnels ».

Twitter et le micro-blogging

« Twitter n’a pas seulement aiguisé la curiosité de professionnels de santé pionniers du web puis du web 2.0. Le réseau de communication instantanée est progressivement investi en France par les associations de patients (timides), les institutions et quelques conseillers ordinaux (avec volontarisme), et, de façon remarquable, par les établissements de soins. […] cliniques et hôpitaux se mettent à tweeter aussi bien pour diffuser des offres d’emplois, que pour promouvoir des événements dans lesquels ils sont impliqués, mais aussi pour diffuser des informations médicales spécialisées (à l’instar de l’Institut de cancérologie Gustave Roussy). Ils suivent en cela une tendance qui s’affirme en Amérique du Nord où le média électronique est activement mis à profit pour soutenir le traditionnel bouche-à-oreille qui guide le patient dans son choix d’établissement. Un hôpital de Détroit est même allé assez loin en tweetant en direct le retrait d’une tumeur du rein. Pour le chirurgien, à l’origine de cette initiative, “cette pratique élimine les barrières de la communication. Elle aide à comprendre quelque chose d’effrayant a priori”. »

Facebook : les patients ne sont pas des amis

Pour ce qui est de Facebook ou d’autres réseaux comme Google+, le CNOM constate que « les frontières sont de plus en plus poreuses à la fois entre vie professionnelle et vie sociale et entre les différents médias en ligne auxquels chacun confie une facette de sa personnalité. » Pas question, dans ces conditions, de laisser les praticiens agir à leur guise dans ces espaces de communication. Pour l’Ordre, des règles de conduite s’imposent et la déontologie qui s’applique à la réalisation d’un site médical en ligne doit être respectée. « À̀ titre personnel, le médecin doit veiller à réserver l’accès à son profil et à paramétrer les filtres de confidentialité disponibles permettant de contrôler la divulgation des informations personnelles qui le concernent.
Il doit refuser toute sollicitation de patients désireux de faire partie de ses relations en ligne (c’est-à-dire être “ami” au sens de Facebook). Cette proximité “virtuelle” comporte en effet le risque de compromettre la qualité de la relation patients-médecins qui doit rester celle de l’empathie et de la neutralité des affects.
Les médecins – et étudiants en médecine – doivent se montrer vigilants sur l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes en ligne (leur e-réputation) et ne pas négliger l’influence que cette image peut avoir sur leur propre activité professionnelle comme sur la perception du corps médical dans son ensemble par les patients, et sur la confiance que ces derniers lui témoignent.
stethoscope sortant d'un écran d'ordinateurDès lors qu’un médecin poste un commentaire personnel, humeur ou récit, il doit veiller à ne pas manquer de respect tant à l’égard des patients que de ses confrères ou de tout public visé par sa publication. Si l’humour et l’émotion sont caractéristiques de ces écrits, ils ne doivent pas déraper vers la moquerie, l’ironie blessante, la stigmatisation d’une catégorie sociale, l’injure publique voire la diffamation.
Les risques de dérives sont bien réels comme on peut déjà s’en rendre compte dans les pays anglo-saxons. Un quotidien britannique a ainsi récemment révélé que de nombreux établissements du NHS ont dû procéder à des avertissements et des licenciements de personnels, tant soignants qu’administratifs, suite à leur utilisation des médias sociaux (et en particulier de Facebook). Commentaires inacceptables à propos des collègues ou des patients, conversations déplacées à propos des soins prodigués, publication inadmissible de photos… : le quotidien note que ces incidents deviennent préoccupants. »

On ne badine pas avec la déontologie sur les réseaux sociaux (comme ailleurs), à tel point que l’Ordre rappelleque « tout médecin qui agirait ainsi de manière à déconsidérer la profession doit être averti qu’il pourrait devoir en répondre devant les juridictions disciplinaires, même si l’acte a été commis en dehors de son exercice professionnel, mais en faisant usage de sa qualification ou de son titre. »

Des pseudonymes sous surveillance

Mieux vaut ne pas accepter un conseiller ordinal dans ses “amis”, se diront certains. D’autres penseront être protégés par un nom de plume ou par l’usage d’un pseudonyme. Il n’en est rien. Le Conseil de l’ordre des médecins « admet l’usage de pseudonymes, dans des contextes distincts du strict exercice professionnel et comme liberté d’expression de tout citoyen. Il demande toutefois à leurs utilisateurs de veiller à ne rien écrire qui puisse être lourd de conséquences ou reproché si l’identité venait à être révélée.Le pseudonyme d’un médecin doit impliquer les mêmes conditions éthiques et déontologiques que lorsque l’identité est connue. Conformément au code de déontologie médicale, le pseudonyme doit faire l’objet d’une déclaration auprès de l’Ordre. Le Cnom a engagé les travaux en vue de l’établissement d’un répertoire national qui puisse lui permettre de publier la qualité de médecin sous l’usage d’un pseudonyme, sans lever aucunement cet anonymat, ce qu’il exprime sous le vocable de “pseudonymat enregistré”. »

Alors que pour l’article L 4163-5 du code de la santé publique (CSP) « l’exercice de la médecine, l’art dentaire ou la profession de sage-femme sous un pseudonyme est puni de 4500 euros d’amende » et que « la récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 9000 euros d’amende », le code de déontologie médicale (art. R 4127-75 du CSP) précise qu’« un médecin qui se sert d’un pseudonyme pour des activités se rattachant à sa profession est tenu d’en faire la déclaration au conseil départemental de l’ordre » Quand on sait que l’une des définitions de “libérale” est l’« ensemble des doctrines actuelles qui tendent à garantir les libertés individuelles dans la société », voilà qui prête à sourire concernant la médecine dans un tel cas, surtout quand, dans le même temps, les autorités chinoises et certains parlementaires français envisagent d’interdire l’usage du pseudonyme sur Internet. Empêcher un charlatan de se faire passer pour un médecin et de tromper un malade est un principe des plus légitimes, mais il convient de rester vigilant afin qu’il n’en vienne à servir d’autres desseins.
Faut-il s’attendre à d’autres mesures visant à plus de “transparence” ? Le CNON « proposera aux médecins de référencer leur compte de micro-blogging sur le site web de l’Ordre national, agissant alors seulement en nom collectif, comme Twitter le propose actuellement aux sociétés. Ce référencement, qui ne vaut ni approbation ni improbation des contenus publiés sous la seule responsabilité légale de leur auteur, garantirait seulement contre l’usurpation d’identité numérique, qu’elle soit en nom propre ou sous pseudonyme enregistré. »

Internet et les réseaux sociaux sont devenus l’un des principaux vecteurs de l’information en ce début de XXIe siècle. On comprend que l’Ordre, garant du respect de la déontologie, s’y intéresse. À n’en pas douter, il va être amené à se servir de plus en plus de ces nouveaux espaces de communication pour faire passer des consignes aux praticiens ou à les surveiller pour être à même de sévir quand il se doit.

Tout cela mérite réflexion, tant la déontologie médicale sur le web peut soulever de paradoxes ; un débat public autour du thème « Éthique et technologie de l’information et de la communication », organisé par le Conseil national de l’ordre des médecins, est d’ailleurs prévu pour le 20 septembre 2012. Un débat qui ne manquera sans doute pas d’être tweeté…

1— Source comScore

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Médecine & Droit — Numéro 111

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de novembre — décembre 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

4e Journée de droit du Centre hospitalier d’Angers

« Médecine et vulnérabilité : la relation de soin »

 

Éditorial
Médecine et vulnérabilité : la relation de soin
Clotilde Rougé-Maillart

Protection de la personne
Le mineur dans la relation de soin. Introduction
Clotilde Rougé-Maillart

La relation de soin
Sabine Bernheim-Desvaux 

Difficultés dans les relations de soin avec un mineur. Les réponses du procureur de la République
Annabelle Aubry

Vulnérabilité, enfant et recherche médicale
Emmanuelle Rial-Sebbag

Le consentement à l’acte médical du patient sous protection juridique
François Sauvage

Comment initier une mesure de protection juridique ?
Christelle Gouillet et Clotilde Rougé-Maillart

Synthèse des communications

Combien coûtent les évènements indésirables associés aux soins à l’hôpital ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Unité de soins intensifsLes évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ne sont plus un sujet tabou depuis quelques années. Si la transparence est encore loin d’être totale en ce domaine, certains indicateurs de sécurité des patients permettent, depuis peu, de se faire tout de même une idée de leur ampleur. Clément Nestrigue et Zeynep Or, chercheurs à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), ont ainsi pu estimer le surcoût de ces évènements indésirables et viennent de publier les résultats de leur étude dans le numéro de décembre 2011 de la revue Questions d’économie de la santé, à l’image de ce qui s’est fait aux États-Unis dès la fin des années 90.

Cette étude, basée sur neuf indicateurs de sécurité des patients développés outre-Atlantique, « fournit de premières estimations nationales du coût de prise en charge d’une partie des événements indésirables associés aux soins qui surviennent à l’hôpital, en exploitant les données hospitalières collectées en routine. » Si la qualité et la sécurité des soins sont mises en avant pour justifier de nouvelles contraintes au sein des établissements hospitaliers, il faudrait être naïf pour croire que le poids des conséquences financières de ces évènements est négligeable dans les décisions qui sont prises par les pouvoirs publics. Ce travail est donc des plus intéressants.

Un évènement indésirable associé aux soins (EIS) « est défini comme un événement défavorable pour le patient, consécutif aux stratégies et actes de diagnostics et de traitements, et qui ne relève pas d’une évolution naturelle de la maladie ». Si certains évènements indésirables associés aux soins sont sans doute liés à l’état du patient et qu’il n’est pas possible de s’y soustraire, d’autres sont considérés comme “évitables”. C’est à ces derniers que sont associés les indicateurs de sécurité des patients. Neuf d’entre eux, au rang desquels figurent les corps étrangers oubliés pendant une procédure de soins, les septicémies postopératoires ou les escarres de décubitus, ont été choisis par les chercheurs de l’Irdes, en collaboration avec la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), pour mener à bien cette étude. Ces indicateurs ont permis d’en arriver à la conclusion qu’en 2007, dans l’Hexagone, 0,5 % des séjours hospitaliers (établissements publics, privés ou participant au service public hospitalier) était associé à l’un des évènements indésirables retenus.
Les désordres physiologiques et métaboliques postopératoires sont les EIS les plus fréquents, le plus rare étant l’oubli d’un corps étranger dans le corps d’un patient à l’occasion des soins.

Toujours pour 2007, c’est un surcoût moyen de près de 700 millions d’euros pour les neuf événements indésirables choisis qui a pu être estimé. Si le coût moyen de prise en charge des traumatismes obstétricaux du vagin lors d’un accouchement par voie naturelle est voisin de 500 euros, il se monte à près de 20 000 euros quand il est question des septicémies. Quatre des évènements indésirables étudiés représentent à eux seuls 90 % du surcoût calculé : les désordres physiologiques et métaboliques postopératoires ; septicémies postopératoires ; les escarres de décubitus et les embolies pulmonaires postopératoires. Il est donc vraisemblable que les efforts à venir porteront plus particulièrement sur ces EIS.

Selon Clément Nestrigue et Zeynep Or, leur étude « montre que les défaillances dans l’organisation et le processus de soins à l’hôpital, qui peuvent se manifester par la survenue d’événements indésirables, représentent un coût économique significatif. Dans le contexte actuel de contrainte budgétaire des établissements de santé, il est essentiel d’explorer comment améliorer la qualité des soins tout en renforçant le rapport coût-efficience des établissements. » 

Sachant que ces chiffres ne portent que sur neuf évènements indésirables associés aux soins, il est probable que les économies susceptibles d’être réalisées puissent être bien plus importantes. Sans compter celles qui pourraient aussi être faites en s’intéressant aux coûts liés aux évènements indésirables liés aux médicaments, EIS qui n’ont pas été pris en compte faute de mesures standardisées, à la perte de productivité ou au nombre de jours non travaillés.

Autre élément à ne pas oublier : les évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ont un coût pour la justice et pour les assurances. À l’origine, chaque année, d’un nombre de plaintes non négligeable, les ESI à l’origine de ces affaires chronophages et dispendieuses doivent bénéficier du plus grand intérêt. Certes, ils sont souvent à l’origine de jurisprudences ou de textes faisant progresser le droit de la santé, mais au regard de la souffrance de ceux qui en sont victimes, mieux vaut tout faire pour qu’ils soient encore plus rares au fil des ans.

Si l’approche économique des EIS a tendance à les déshumaniser, elle n’en est pas moins nécessaire pour faire évoluer les pratiques. L’étude de l’Irdes montre que de gros progrès restent à faire.

Vers un réel renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Vote et transparenceVa-t-on enfin voir un nouveau jour se lever sur la transparence dans le monde du médicament et des produits de santé en France ? L’équivalent d’un Sunshine Act est-il prêt à faire disparaître les zones d’ombre qui ont dissimulé pendant de nombreuses années dans l’Hexagone des affaires comme celle du Mediator ? C’est ce que l’on pourrait penser en s’intéressant au projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, le 4 octobre 2011, en première lecture après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

En l’état actuel du texte, les réformes proposées sont diverses et variées, mais elles ont toutes pour but de rendre plus transparents les rapports entre l’industrie des produits de santé, les autorités sanitaires et les professionnels de santé. Loin de se contenter de simples obligations, elles prévoient des sanctions claires à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les nouvelles règles que ce projet de loi prévoit d’instaurer en matière de déclaration d’intérêts.

Les membres des commissions et conseils siégeant auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ainsi que les dirigeants, personnels de direction et d’encadrement et les membres des instances collégiales, des commissions, des groupes de travail et conseils des autorités et organismes des comités de protection des personnes ; de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; de l’Établissement français du sang (EFS) ; de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ; de l’Institut de veille sanitaire ; de l’Institut national du cancer ; de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) ; de l’Agence de la biomédecine ; des agences régionales de santé (ARS) ; de l’établissement public chargé de la gestion des moyens de lutte contre les menaces sanitaires graves ; de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), seront tenus, lors de leur prise de fonctions, d’établir une déclaration d’intérêts.
Sont aussi concernés les mêmes personnels travaillant pour la Haute Autorité de santé (HAS), l’Office de protection contre les rayonnements ionisants et l’Institut de protection et de sûreté nucléaire, ainsi que les membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et une liste d’agents de ces différentes instances mentionnés sur une liste établie par décret en Conseil d’État.

Par intérêts, il faut entendre « leurs liens, directs ou indirects personnels, de leurs conjoints, de leurs ascendants ou descendants, établis au cours des cinq dernières années avec les entreprises, établissements ou organismes dont les activités, les techniques ou les produits entrent dans le champ de compétence de l’instance au sein de laquelle l’intéressé siège, ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ces secteurs. » Les déclarations d’intérêts seront rendues publiques et devront être actualisées, à l’initiative de l’intéressé, dès qu’une évolution intervient concernant ses liens d’intérêts.

Pas question pour les personnes mentionnées de prendre part aux travaux, aux délibérations ou aux votes des instances ci-dessus si elles ont un intérêt, direct ou indirect, à une affaire examinée ou si elles n’ont pas souscrit ou actualisé leur déclaration. Si l’une d’elles vient malgré tout à le faire, elle pourra encourir une peine prévue à l’article 432-12 du code pénal (cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour prise illégale d’intérêts). La peine sera moins lourde (30 000 euros d’amende) pour celles qui omettront sciemment d’établir ou de modifier une déclaration d’intérêts afin d’actualiser les données qui y figurent ou de fournir une information mensongère qui porte atteinte à la sincérité de la déclaration, alors qu’elles n’ont pas pris part aux travaux, aux délibérations ou aux votes.

Si ces personnels sont tenus au secret et à la discrétion professionnels dans les mêmes conditions que celles définies pour les fonctionnaires, les séances des commissions, conseils et instances collégiales d’expertise auxquelles elles participent, dont les avis fondent une décision administrative, seront intégralement rendues publiques et leurs débats seront intégralement enregistrés et publiés en ligne sur les sites internet du ministère chargé de la santé et des autorités ou des organismes mentionnés plus haut, à l’exclusion de toute information présentant un caractère de confidentialité commerciale ou relevant du secret médical, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Il s’agit donc là d’un élargissement majeur des règles instaurées par la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner. Les nombreux décrets en Conseil d’État prévus par ce texte et nécessaires à son application devront néanmoins appeler à la plus grande prudence avant de clamer qu’un réel progrès a été fait quant à la transparence du système.

Autre volet important de ce projet de loi, l’obligation faite entreprises produisant ou commercialisant des produits dont s’occupe l’Afssaps (médicaments, produits contraceptifs, dispositifs médicaux, lait maternel collecté, produits d’entretien des lentilles de contact, lentilles de contact non-correctrices, produits de tatouage, etc.) ou assurant des prestations associées à ces produits de rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent avec la majorité des acteurs du monde de la santé.

Sont ainsi concernés les professionnels de santé relevant de la quatrième partie du code de la Santé publique (du médecin à l’ambulancier, en passant par le pharmacien, l’infirmier, l’orthoptiste, l’opticien-lunetier ou l’aide-soignant) ; les associations de professionnels de santé ; les étudiants se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du même code ainsi que les associations et groupements les représentant ; les associations d’usagers du système de santé ; l’immense majorité des établissements de santé ; les fondations, les sociétés savantes et les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ce secteur des produits ou prestations ; les entreprises éditrices de presse, les éditeurs de services de radio ou de télévision et les éditeurs de services de communication au public en ligne ; les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance.
La même obligation s’appliquera, au-delà d’un seuil fixé par décret, à tous les avantages en nature ou en espèces que les mêmes entreprises procurent, directement ou indirectement, aux personnes, associations, établissements, fondations, sociétés, organismes et organes mentionnés ci-dessus.

Là aussi des sanctions sont prévues si ces obligations ne sont pas remplies. Le fait d’omettre sciemment de rendre publique l’existence des conventions pourra être puni de 45 000 euros d’amende, ainsi que d’autres sanctions comme l’interdiction, pour une personne physique, de fabriquer, de conditionner, d’importer et de mettre sur le marché, pendant cinq ans, les produits dont s’occupe l’Afssaps.

La mise en place d’une charte de l’expertise sanitaire est aussi prévue par ce projet de loi. Approuvée par décret en Conseil d’État, elle s’appliquera aux expertises réalisées dans les domaines de la santé et de la sécurité sanitaire à la demande du ministre chargé de la santé ou à la demande des autorités et des organismes concernés par les déclarations d’intérêts évoquées au début de cet article. Elle précisera les modalités de choix des experts, le processus d’expertise et ses rapports avec le pouvoir de décision, la notion de lien d’intérêts, les cas de conflit d’intérêts, les modalités de gestion d’éventuels conflits et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d’intérêts.
En l’état actuel du texte, ces experts ne semblent pas encourir de sanctions s’ils ne remplissent pas ou remplissent incorrectement la déclaration d’intérêts spécifique qui leur sera demandée. Il n’y a donc là qu’une transparence de façade, alors qu’il s’agit d’un volet pourtant essentiel dans des décisions prises à l’heure actuelle pour les produits de santé. Le terme même de “charte” dans ce contexte reflète d’ailleurs bien le manque de contraintes associées à cette proposition.
À quoi bon avec des commissions dont les membres n’ont pas de liens d’intérêts avec l’affaire dont ils s’occupent, si c’est pour qu’ils écoutent l’avis d’experts qui, eux, peuvent dissimuler les leurs sans crainte d’être sanctionnés ?

Si la transparence tend à s’améliorer, elle n’est pas encore à la hauteur de ce que peuvent espérer les citoyens, surtout ceux qui ont été victimes des manquements du système en place jusque-là. D’autant plus que projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique n’avance pas et qu’il est évident que si ce dernier est voté sans prévoir de sanctions à l’égard des décideurs politiques, comme le ministre de la santé ou les parlementaires par exemple, ne déclarant pas leurs intérêts, l’argent visant à influencer telle ou telle décision ne fera qu’être réparti de façon différente. Ce n’est pas un hasard si le Physician Sunshine Act n’est qu’un texte parmi de nombreux autres imposant la transparence dans la plupart des secteurs de la vie politique et économique des États-Unis d’Amérique.

Déchets d’activité de soins à risque infectieux perforants : les textes évoluent

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Goutte au bout d'une aiguillePour un patient en autotraitement, la gestion des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) perforants, comme les aiguilles des stylos à insuline ou les lancettes servant à mesurer la glycémie au doigt, par exemple, n’était jusqu’à maintenant pas chose facile. L’entrée en vigueur, le 1er novembre 2011, des dernières mesures prévues par le décret nº 2010-1263 du 22 octobre 2010 relatif à l’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux produits par les patients en autotraitement devrait grandement faciliter les choses et éviter que des contaminations accidentelles des personnels chargés de collecter les ordures ménagères ou d’autres personnes pouvant être en contact avec ces déchets ne continuent à survenir.

Pour le code de la santé publique (art. R 1335-1 et suivants), les déchets d’activités de soins sont les déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire. Au sein de ceux-ci, certains présentent des risques infectieux. Il s’agit des déchets présentant un réel risque infectieux « du fait qu’ils contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants ». Il s’agit aussi des matériels et matériaux piquants ou coupants destinés à l’abandon, qu’ils aient été ou non en contact avec un produit biologique ; des produits sanguins à usage thérapeutique incomplètement utilisés ou arrivés à péremption ; des déchets anatomiques humains, correspondant à des fragments humains non aisément identifiables.
Les déchets issus des activités d’enseignement, de recherche et de production industrielle dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, ainsi que ceux issus des activités de thanatopraxie ayant les mêmes caractéristiques que les déchets à risques infectieux sont aussi considérés comme des déchets d’activité de soins.

Toute personne qui produit ce type de déchets est tenue par la loi de les éliminer. Cette obligation incombe à l’établissement de santé, l’établissement d’enseignement, l’établissement de recherche ou l’établissement industriel, lorsque ces déchets sont produits dans un tel établissement ; à la personne morale pour le compte de laquelle un professionnel de santé exerce son activité productrice de déchets ; dans les autres cas, à la personne physique qui exerce à titre professionnel l’activité productrice de déchets. Les professionnels de santé sont confrontés à cette obligation depuis plusieurs années, mais les patients étaient un peu livrés à eux-mêmes quand ils produisaient ces déchets à leur domicile, hors de toute structure de soins et sans l’intervention concomitante d’un professionnel de santé. Difficile à titre individuel de confier l’élimination ses déchets d’activités de soins et assimilés à une autre personne en mesure d’effectuer ces opérations, comme le font les professionnels, voire même de se procurer un conteneur adapté à leur récupération.

À partir du 1er novembre, les patients vont eux aussi pouvoir enfin agir efficacement pour éviter toute pollution de l’environnement par les DASRI qu’ils produisent, au moins concernant les produits piquants ou coupants. Des collecteurs adaptés et conformes aux règles en vigueur vont être mis gratuitement à la disposition des officines de pharmacie et des pharmacies à usage intérieur, charge à elles de les remettre gratuitement aux patients dont l’autotraitement comporte l’usage de matériels ou matériaux piquants ou coupants. Le collecteur de déchets remis doit être d’un volume correspondant à celui des produits délivrés. Une amende est prévue pour les pharmaciens qui ne s’exécuteraient pas.

Le décret nº 2011-763 du 28 juin 2011 relatif à la gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux perforants produits par les patients en autotraitement a prévu quant à lui que les exploitants et les fabricants des produits induisant des DASRI des dispositifs de collecte de proximité où les patients ou leur famille pourront aller déposer les collecteurs pleins. Ces dispositifs de collecte sont répartis sur tout le territoire national à des endroits qui sont facilement accessibles à leurs utilisateurs, sachant qu’un certain nombre d’organismes, comme les associations agréées dans le domaine de la santé, les collectivités territoriales ou les établissements de santé peuvent participer à la mise en place de ces dispositifs de collecte.
Si une zone du territoire ne dispose pas d’un dispositif de collecte spécifique, la loi prévoit que les officines de pharmacies, les pharmacies à usage intérieur et les laboratoires de biologie médicale collectent gratuitement les déchets d’activités de soins à risques infectieux perforants produits par les patients en autotraitement qui leur sont apportés par les particuliers dans les collecteurs prévus à cet effet.
Les exploitants et les fabricants sont chargés de l’enlèvement et du traitement des déchets collectés, à leurs frais ; un coût qu’il serait étonnant qu’ils ne finissent pas par répercuter sur les utilisateurs.

Il faut savoir que tous les patients ne sont pas considérés comme susceptibles de produire des DASRI et donc d’obtenir les collecteurs gratuitement. Seuls ceux souffrant d’une affection prévue par l’arrêté du 23 août 2011 fixant, en application de l’article R 1335-8-1 du code de la santé publique, la liste des pathologies conduisant pour les patients en autotraitement à la production de déchets d’activité de soins à risque infectieux perforants, sont concernés.
Cette liste est la suivante :
acromégalie ;
algies vasculaires de la face et migraines ;
anémie secondaire à l’insuffisance rénale chronique ;
choc anaphylactique ;
déficits immunitaires traités par immunoglobulines par voie sous-cutanée ;
diabète ;
dysfonction érectile d’origine organique ;
hémophilie sévère A et B ;
hépatites virales ;
infection à VIH ;
infertilité ovarienne ;
insuffisance rénale chronique ;
insuffisance surrénale aiguë ;
maladie de Parkinson ;
maladie veineuse thrombo-embolique ;
maladies auto-immunes ;
ostéoporose post-ménopausique grave ;
retard de croissance de l’enfant et déficit en hormone de croissance.

Pour un patient, mieux vaut ne pas négliger la collecte de ses déchets. On peut rappeler à ce propos la jurisprudence de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 2 juin 2005 (pourvoi nº 03-20011) qui a décidé que « L’employé d’un service de ramassage des ordures, imputant sa contamination par le virus d’immunodéficience humaine (VIH) à la piqûre d’une aiguille de seringue déposée dans un sac-poubelle provenant d’un immeuble, une cour d’appel a pu déduire l’existence d’un lien de causalité certain entre cette contamination et les fautes commises par le syndicat des copropriétaires et un médecin exerçant dans l’immeuble en retenant que, selon les experts médicaux, rien ne permettait d’exclure que la contamination soit due à la piqûre subie, que les circonstances de l’accident et l’évolution de la contamination établissaient des présomptions suffisamment graves précises et concordantes pour imputer la contamination à la piqûre, que, si les seringues provenaient bien des déchets médicaux du médecin incorporées aux ordures ménagères des autres copropriétaires, l’accident ne se serait pas produit si les ordures ménagères de l’immeuble avaient été laissées dans le bac prévu à cet effet, pour être enlevées dans des conditions excluant toute manipulation autre que le bac lui-même. » Le médecin, son assureur et le syndicat des copropriétaires se sont vus condamnés in solidum à verser à l’employé du service de ramassage des ordures une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination. Un exemple qui se retrouve aussi chez nos voisins belges.

La vie en société, c’est aussi savoir préserver la santé des autres.

 

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Une France sans nuage

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Nuage radioactifLes frontières naturelles ou politiques de notre territoire n’ont pas empêché les légions romaines, les Huns ou les Vikings de fouler nos verts pâturages. La ligne Maginot, elle-même, n’a pas réussi à repousser l’envahisseur teuton. Mais en 1986, un gouvernement a réussi à interdire l’entrée du territoire à un nuage radioactif venant de Tchernobyl ! Il aura suffi de quelques décisions dans les salons feutrés de la République pour que cette page de l’Histoire de la France soit écrite. Les salades, les champignons, le lait français n’ont pas été contaminés par les retombées, évitant aux forces vives de l’agriculture et du commerce nationales quelques mois sans profits. Des élus courageux ont su dire “non” à ce nuage sournois qui avait réussi à faire interdire la consommation de ces produits dans les pays voisins de l’Hexagone au nom de la santé publique. Il y a quelques siècles, ce phénomène aurait été qualifié de miracle et les décideurs sanctifiés, mais, de nos jours, il n’est question que de la gestion responsable d’un nuage de particules radioactives francophobes que les autorités ont menée avec brio…

Le grand public découvrait à peine Internet quand, le 26 avril 1986, le réacteur flambant neuf d’une centrale nucléaire ukrainienne partit en fumée. Pas de réseaux sociaux, pas d’accès à des sources d’information indépendantes, seuls les journaux télévisés de deux grandes chaînes de l’époque (le 19/20 de FR3 n’a commencé que le 6 mai 1986) et les grands quotidiens, habitués à taire grands et petits secrets d’État, étaient là pour apporter la bonne parole à une population naturellement inquiète. Les fidèles de la grand-messe du 20 heures ne pouvaient pas douter du professionnalisme de journalistes tels que Marie-France Cubadda ou Jean-Claude Bourret pour TF1, Bernard Rapp ou Claude Sérillon pour Antenne 2, sur les plateaux desquels les experts gouvernementaux se succédaient pour expliquer que tout allait bien.

Dans un pays dont les dirigeants successifs avaient fait le choix du nucléaire et souhaitaient vendre sa technologie, pas question de penser que cette énergie pouvait comporter des risques pour le territoire national. D’autant plus que la France n’était (et n’est toujours) pas un pays où l’on pouvait imaginer que des malfaçons touchent une centrale nucléaire, comme c’était le cas pour la centrale de Tchernobyl. Impossible aussi de croire qu’une série d’erreurs humaines puissent entraîner la destruction de toutes les coques de protection mises en place et que la santé de tout un chacun puisse être menacée à 2000 kilomètres du lieu d’une telle catastrophe alors que la centrale la plus proche de Paris ne s’en situe qu’à quelques dizaines de kilomètres. Tout cela ne pouvait arriver (n’arrive et n’arrivera) qu’aux autres. C’est ce que se sont sans doute dit, en toute bonne foi, les ministres de l’époque.

D’ailleurs, la cour d’appel de Paris vient de leur donner raison. C’est en toute logique qu’elle a prononcé un non-lieu, le 7 septembre 2011, dans la seule affaire dans laquelle ce fameux nuage faisait de l’ombre au seul responsable poursuivi : le professeur Pierre Pellerin, 88 ans, ancien responsable du service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI). Un homme courageux qui a dû se rendre au tribunal n’ayant pas la chance de pouvoir rester chez lui faute d’être atteint d’anosognosie, mieux conservé en cela que le premier ministre de l’époque, Jacques Chirac, à qui l’on reprochait d’avoir dit que les retombées radioactives épargnaient la France. Il n’est pas nécessaire de poursuivre une enquête qui n’aboutira à rien puisque les analyses scientifiques, en France, ne permettent pas d’établir un lien entre le passage du nuage radioactif et des maladies de la thyroïde, comme le soulignaient les recommandations du Parquet.
Face à une telle injustice, ne faut-il pas conseiller au professeur Pellerin de porter plainte à l’encontre de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui en 2006 a publié des cartes montrant les zones du territoire national les plus exposées aux retombées de césium 137 ? Ne faut-il pas encourager ce scientifique à traîner en justice l’endocrinologue corse qui a osé suggérer une augmentation du nombre de cas de pathologies de la thyroïde après 1986 sur l’île de Beauté, particulièrement touchée ? Tout comme les laboratoires Servier ont réussi à faire condamner l’éditeur du Docteur Irène Frachon pour la couverture du livre dans lequel elle dénonçait le scandale du Mediator, Pierre Pellerin pourrait sans doute obtenir justice…

Mais en attendant, il faut rendre hommage aux hommes et aux femmes qui géraient les affaires de la France à cette époque, car ils ont su faire preuve de sang-froid face à ce nuage s’échappant d’un brasier atomique. Il est important de citer quelques-uns de ses élus que l’on ne remercie pas assez souvent : François Mitterand, alors président de la République ; Jacques Chirac, premier ministre, comme cela a déjà été dit ; Michèle Barzach, ministre de la santé ; Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur et bien d’autres ministres ou secrétaires d’État, comme Alain Juppé, Michèle Alliot-Marie, Gérard Longuet, André Santini et tous les autres.

Il faut se réjouir que, dans cette affaire, il n’y ait aucun responsable et aucun coupable, juste des “présumées” victimes. Il est vrai qu’après l’affaire du sang contaminé et de ses « responsables, mais pas coupables », qui avait touché le gouvernement sortant (celui de Laurent Fabius, auquel appartenaient Georgina Dufoix et Edmond Hervé), une nouvelle mise en cause du pouvoir politique aurait été des plus malvenue. Elle n’aurait pas empêché les uns et les autres de poursuivre leur carrière au plus haut niveau, mais elle aurait pu entamer la confiance sans faille qu’ont les citoyens en leurs dirigeants.

Quelles leçons tirer de ce passé ?
Les accidents nucléaires ne peuvent survenir qu’à des milliers de kilomètres de la métropole, l’accident de Fukushima en est la preuve.
Les techniciens français, dont la compétence est reconnue dans le monde entier, sont à l’abri de toute erreur humaine.
Si les autorités japonaises ont été assez naïves pour croire d’une seule coque pouvait permettre de confiner un réacteur, les autorités françaises ne font pas la même erreur. Les centrales françaises sont à double coque et leurs systèmes de sécurité sont à toute épreuve. Les experts sont formels sur ce point, aussi sûrs d’eux que l’était le professeur Pellerin quand il parlait des retombées radioactives.
C’est uniquement grâce à l’efficacité du formidable système de santé français que le nombre de cancers de la thyroïde a augmenté après 1986. Pour les experts de l’Institut national de veille sanitaire (InVS), établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé qui a conseillé le gouvernement au moment de la grippe H1N1, c’est l’évolution des pratiques médicales qui a permis un meilleur dépistage de cette pathologie à l’origine de cette augmentation.
La justice française est des mieux armée et totalement indépendante pour gérer les affaires qui touchent à la santé publique, surtout lorsqu’elles s’accompagnent d’un volet politique.
Il n’y a pas eu de victimes de la catastrophe de Tchernobyl dans l’Hexagone grâce à des décisions gouvernementales, aussi discrètes que courageuses.

Douce France…

Une loi pour inciter les médecins à s’installer à la campagne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Drapeau allemandLa France n’est pas la seule à être confrontée au vieillissement de sa population et à une mauvaise gestion de sa démographie médicale au cours des dernières décennies. L’Allemagne commence, elle aussi, à souffrir cruellement d’un manque de médecins en zone rurale et c’est pour cette raison que les autorités d’outre-Rhin viennent de faire voter une loi visant à favoriser l’installation des praticiens à la campagne.

Comme l’explique Annette Tuffs, dans le BMJ, le gouvernement de coalition allemand a promulgué une loi incitant les jeunes médecins à assurer la relève au sein des cabinets de généralistes et des cliniques spécialisées en zone rurale, là où le ratio médecin/patient baisse de façon constante, tandis que le nombre de personnes âgées, lui, est en hausse. L’Allemagne a pourtant mieux anticipé que la France la crise de la démographie médicale : elle a actuellement un ratio de 38 médecins pour 100 000 habitants, contre 30 pour 100 000 en 1990. Mais cela n’empêche pas la moitié des patients qui vivent à la campagne de devoir aller en ville pour pouvoir être examinés par un praticien, situation qui ne devrait pas s’arranger quand on sait que 67 000 médecins vont prendre leur retraite dans les dix ans qui viennent.
Ce sont les régions rurales de l’ancienne Allemagne de l’Est et de Basse-Saxe qui sont les plus mal loties.

La nouvelle loi prévoit une prime pour chaque patient traité, sans limitation de nombre et sans forfait, pour les médecins installés à la campagne. Il faut dire que le mode de rémunération des praticiens outre-Rhin les encourage à l’exode face à une population rurale où le nombre de personnes âgées et de patients souffrant d’affections chroniques lourdes à gérer augmente sans cesse.

Le texte prévoit aussi la suppression des gardes et astreintes sur place, tâches incombant dorénavant en partie aux hôpitaux, permettant ainsi aux praticiens de ne plus résider sur leur lieu d’exercice et de ne pas se retrouver seuls la nuit à couvrir d’immenses secteurs de garde dans des conditions souvent difficiles.
Tout comme leurs homologues français, les médecins allemands ne supportent plus de devoir être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comme c’est souvent le cas en zone rurale, préférant laisser les affres du burn-out à d’autres. Même s’ils ont la vocation et sont prêts à faire preuve d’abnégation, ils estiment que leur famille ne mérite pas d’être sacrifiée pour autant. Sachant que ceux avec qui ils vivent ne trouvent pas d’emploi dans ces zones où l’activité économique a disparu, qu’il n’y a pas de crèches et que le choix est restreint quand il est question d’écoles, d’activités sportives ou culturelles, ils préfèrent s’installer en ville.

Si cette loi a été bien accueillie par les organisations représentant les médecins, elle est critiquée par les compagnies d’assurance santé qui estiment qu’il aurait mieux valu pénaliser les praticiens exerçant dans des villes comme Munich, Hambourg ou Heidelberg, où la densité médicale est plus forte qu’ailleurs. Les médecins de ces villes devraient recevoir moins d’argent, alors que les praticiens dans les campagnes devraient être mieux payés, selon eux. Les partis d’opposition ont le même discours et expliquent que ces mesures incitatives ne seront pas efficaces tant que l’on ne dissuadera pas les médecins de s’installer en ville dans le même temps.
Pour le gouvernement allemand, cette loi, dotée d’une enveloppe de 320 millions d’euros, devrait permettre de réaliser des économies en réduisant les temps d’hospitalisation des patients vivant en milieu rural qui pourront être suivis à domicile ou près de chez eux. Elle va aussi permettre de réduire le coût de la prise en charge des urgences et de diminuer les frais de transport.

Qui a dit que vivre à la campagne était bon pour la santé ?

Réforme de la loi HPST : grand ménage du Conseil constitutionnel

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Attention censureLa proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, adoptée fin juillet par l’Assemblée nationale et le Sénat, vient de voir plusieurs de ses articles déclarés contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, le 4 août 2011, suite à une saisine émanant de plus de 60 députés appartenant ou apparentés au groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Si le passage du texte concernant la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) n’a pas été revu, il n’en est pas de même de bien d’autres.

C’en est fini, pour le moment, de la législation sur le métier d’assistant dentaire. L’article 14 de la proposition de loi qui prévoyait un cadre légal pour les assistants dentaires a été adopté selon une procédure non conforme à la Constitution et est donc contraire à celle-ci. La profession d’assistant dentaire qui devait consister « à assister le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire dans son activité professionnelle, sous sa responsabilité » ne sera pas officialisée dans l’immédiat et les activités de prévention et d’éducation pour la santé dans le domaine bucco-dentaire restent de la compétence du chirurgien-dentiste.

La présentation des spécialités génériques sous des formes pharmaceutiques d’apparence similaire à celle du médicament princeps n’aura pas franchi non plus le cap du Conseil constitutionnel.
L’article 27, relatif aux conditions d’utilisation du titre de nutritionniste et prévoyant que « Ne peut utiliser le titre de nutritionniste qu’un médecin titulaire de diplômes ou titres relatifs à la nutrition », a été censuré, tout comme l’expérimentation permettant aux sages-femmes de pratiquer l’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse et autorisant les infirmiers à délivrer et administrer des médicaments ayant pour but la contraception d’urgence dans les services de médecine de prévention universitaires et interuniversitaires (art. 41).
Les conditions d’inscription sur la liste nationale des experts en accidents médicaux ne seront pas modifiées par la proposition de loi.

La constitution de sociétés de participations financières de professions libérales de pharmaciens d’officine et de biologistes médicaux ; les règles de prise en compte des regroupements d’officines pour l’application des règles applicables à la création de pharmacies ou le régime d’autorisation des préparations en pharmacie attendront avant d’être clarifiés.
Le domaine de la biologie est très présent dans plusieurs autres articles déclarés non conformes en totalité ou partiellement (domaines dans lesquels le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail peut prendre des décisions ; rattachement à une même section de l’ordre des pharmaciens de tous les pharmaciens exerçant dans le domaine de la biologie ; compétence donnée aux sections des assurances sociales de l’ordre des médecins ou de l’ordre des pharmaciens pour statuer sur une plainte déposée à l’encontre d’une société qui exploite un laboratoire de biologie médicale ; faculté pour les vétérinaires d’accéder à la formation de spécialisation en biologie médicale ; etc.).

La participation de l’assuré aux frais de transport des enfants accueillis dans les centres d’action médico-sociale précoce et les centres médico-psychopédagogiques ne pourra être limitée ou supprimée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, après que l’article 39 ait été reconnu non conforme à la Constitution.

L’ordonnance nº 2010-18 du 7 janvier 2010 portant création d’une agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ne sera pas ratifiée.

La modification du code des juridictions financières relative aux compétences de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes dans la certification des comptes des établissements publics de santé, ainsi que la modification du code de la santé publique permettant au directeur de la caisse d’assurance maladie de se faire représenter pour assister aux séances du conseil de surveillance des hôpitaux attendront. Il est en de même de la modification portant sur la nomination des directeurs d’établissement hospitalier et les directeurs généraux des centres hospitaliers régionaux ou de celle prévoyant des expérimentations relatives à l’annualisation du temps de travail des praticiens hospitaliers travaillant à temps partiel dans les collectivités d’outre-mer et autres mesures relatives, d’une part, au Centre national de gestion chargé des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, des directeurs des soins et des praticiens hospitaliers et, d’autre part, aux personnels de ce centre national.
La faculté de conclure des accords conventionnels interprofessionnels intéressant les pharmaciens titulaires d’officine et une ou plusieurs autres professions de santé entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les organisations représentatives signataires des conventions nationales de chacune de ces professions est, elle aussi, rejetée.

L’article 30 est le seul, parmi ceux qui étaient remis en question, à ne pas avoir été censuré. Un dossier médical implanté sur un support portable numérique sécurisé devrait donc pouvoir être remis, à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2013, à un échantillon de bénéficiaires de l’assurance maladie atteints d’une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse.