Le secret médical n’est plus…

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Variations

Au nom d’une plus grande transparence, censée permettre un contrôle économique plus facile aux caisses d’assurance maladie, une nouvelle classification commune des actes médicaux a été mise en place fin 2005. Il est indéniable que le secret médical en est affecté.

Il convient de rappeler que le secret médical a été instauré pour protéger le patient et non pour empêcher un médecin d’être trop bavard ou pour lui permettre de cacher une vérité au patient.

Avant 2005, lorsque vous alliez consulter ou vous faire opérer, la cotation permettant le remboursement des actes médicaux effectués était codée par un petit nombre de lettres-clés (C, Cs, K, Kc…) associées à des coefficients (Kc20, par exemple). Cette méthode de classification ne permettait que dans de rares cas de savoir quel acte médical ou quelle intervention chirurgicale vous aviez exactement subi. Le nombre de combinaisons possibles étant limité le même code pouvait s’appliquer à un grand nombre d’actes médicaux différents, préservant ainsi le secret médical.

Une classification bien plus précise

L’heure de la maîtrise comptable des dépenses de santé ayant sonné, une réforme a été décidée et mise en application. Les codes de classification sont devenus beaucoup plus complexes afin de permettre une identification de l’acte médical beaucoup plus précise qu’avant (par exemple, QAJA004 : parage et/ou suture de plaie profonde de la peau et des tissus mous de la face de moins de 3 cm de grand axe).

Deux expériences personnelles récentes m’amènent à penser que le secret médical est mis à mal par la réforme de la classification commune des actes médicaux. La première expérience est survenue lors d’un entretien avec un employé d’une caisse primaire d’assurance maladie. Cet employé m’expliquait que, depuis cette réforme, elle était assaillie d’appels d’amis ou de connaissances lui demandant de leur préciser l’intitulé correspondant à la cotation figurant sur leurs feuilles de soins ou leurs relevés de remboursements. Cette information ne semblait pas relever du secret professionnel à ses yeux et répondait sans malice aux demandes de précisions. La seconde expérience découle d’un séjour en clinique effectué par un proche. Sur la facture de ce séjour figurait le code de la nouvelle classification commune des actes médicaux (CCAM) associé à l’intitulé très précis de l’intervention chirurgicale subie par cette personne, or une copie de cette facture devait être transmise à l’assurance prévoyance de cette dernière.

Le problème ne vient pas du fait que le patient sache quel type d’acte médical a été effectué ; le devoir d’information du médecin et le bon sens font que le patient sait ce qui a été réalisé. Le souci est qu’une tierce personne, grâce à ce code et sans l’accord du patient, puisse savoir très précisemment l’acte qui a été réalisé et, souvent par là même, ce dont souffre le patient.

La divulgation d’un secret médical est sanctionnée mais la culture de ce secret disparaît

Le serment d’Hippocrate et le Code de déontologie médicale ([art. 4->http://www.conseil-national.medecin.fr/?url=deonto/article.php&offset=2]) sont déjà des garde-fous pour le médecin. Le Code de la Santé Publique (art. L 1110-4) et le Code de la Sécurité Sociale (art. L162-2 et L315-1) en font aussi état. Enfin le Code pénal sanctionne la violation du secret professionnel par l’article 226-13 d’un an d’emprisonnement et de 150 00 euros d’amende. Des exceptions existent à la divulgation du secret comme, par exemple, celles de l’article 226-14 du Code pénal mais elles sont rares.

La réforme de la CCAM n’est pas le seul danger qui pèse sur le secret médical. Il en existe d’autres comme l’ont montré les discussions qui ont eu lieu autour de l’article L162-4-1 du Code de la Sécurité Sociale.

« Les médecins sont tenus de mentionner sur les documents produits en application de l’article L. 161-33 et destinés au service du contrôle médical :
– 1° Lorsqu’ils établissent une prescription d’arrêt de travail donnant lieu à l’octroi de l’indemnité mentionnée au 5° de l’article L. 321-1, les éléments  d’ordre médical justifiant l’interruption de travail
– 2° Lorsqu’ils établissent une prescription de transport en vue d’un remboursement, les éléments d’ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit.

Ils sont tenus en outre de porter sur ces mêmes documents les indications permettant leur identification par la caisse et l’authentification de leur prescription. »

Hors le fait que ces dispositions ne s’imposent pas lorsque le patient est fonctionnaire, elles ont suscité une polémique quant au secret médical.

Le secret médical n’est pas qu’une affaire de médecins

Le manque de sensibilisation des personnels ayant connaissance des dossiers médicaux ou des codes CCAM (secrétariat médical, personnels administratifs, personnel des complémentaires santé, etc.) est à l’origine de manquements au secret médical. L’utilisation du téléphone, du fax et maintenant de l’Internet, ne permettant pas toujours d’identifier de façon formelle la personne à qui l’on s’adresse, sont des pièges fréquents.

La confusion qui règne aussi parfois entre secret professionnel et secret médical peut être source d’erreur. Les rapports entre assurés, médecins et assureurs, en sont un bon exemple.  L’assureur est tenu par le secret professionnel mais cela ne signifie pas qu’il a accés directement au secret médical. Un autre exemple est le rapport entre médecin traitant et médecin du travail. Même entre médecins, le secret peut s’appliquer pour le bien du patient. La tentation est forte pour certains, depuis la Loi 2002-303 du 4 mars 2002 et l’accés direct du patient à son dossier médical, de faire pression sur ce dernier pour en fournir une copie. Ces pressions existent. Dans ce cas c’est l’article 226-14 du Code pénal qui peut s’appliquer.

L’avenir du secret médical est tout aussi incertain. L’hébergement des données de santé avec le dossier médical personnel électronique laissent planer bien des doutes.

Le secret médical ne doit-il plus servir uniquement qu’à condamner les médecins bavards ? Doit-il être sacrifié pour des raisons économiques au détriment de la sécurité qu’il représente pour un patient vis-à-vis de son employeur, de son banquier ou de son assureur ? Doit-il disparaître sans que l’on pense à conserver la liberté et la dignité d’un patient atteint d’une maladie dont il souffre et qui ne veut pas que tout le monde le sache ?

Plus il y a de personnes à connaître un secret, moins il le reste.

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Commentaires (2)

  • teiklive

    |

    bonjour
    suite a mon intuition qui ne se trompe que rarement…
    je n’arrive plus a trouver de travail ! se pourrait’il que mon psy m’ai crée un dossier qui parvienne a mes employeurs???
    JE COMPTE DéPOSER PLAINTE POUR HARCELEMENT MORAL ET ATTEINTE A LA VIE PRIVée

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  • hulky

    |

    bonjour, que dit la loi qu’en au fait de donner des nouvelles par téléphone à des proches ? est qu’on peut divulguer des choses d’ordre général (par exemple : le sommeil) et qui peut le faire ? (AS,IDE ou uniquement médecin ?) merci

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