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Rémunération au mérite des praticiens hospitaliers

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Récompenses au mériteMême si la décision du Conseil d’État remonte au 30 décembre 2009 (n° 306040), il semble intéressant de revenir sur ce qui équivaut à une petite révolution dans le mode de rémunération des praticiens hospitaliers (PH). Salariés hospitaliers, ces derniers ne voyaient pas, jusqu’à maintenant, la notion de mérite intervenir dans le montant de leurs émoluments. L’arrêté du 28 mars 2007 relatif à la part variable de rémunération des praticiens hospitaliers à temps plein comme à temps partiel, sous forme d’indemnité complémentaire aux émoluments mensuels variant selon l’échelon des intéressés, fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale, et suivant l’évolution des traitements de la fonction publique, remettait en cause ce principe. Il a donc été contesté par la Confédération des praticiens hospitaliers et par le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs, les uns et les autres voulant qu’il soit annulé.

Les représentants des praticiens estimaient que l’indépendance professionnelle des médecins hospitaliers dans l’exercice de leur art était compromise par cette rémunération au mérite. Mais le Conseil d’État a balayé ces craintes aux motifs que « l’indemnité étant accordée, par spécialité, aux équipes de praticiens nommés à titre permanent qui s’engagent par contrat passé avec le directeur de l’établissement et le responsable de pôle, il en résulte que les objectifs d’activité et de qualité qui y figurent sont déterminés de manière concertée entre les médecins et les responsables administratifs de l’établissement dans le respect du code de déontologie […] ». De plus, « ces dispositions, qui, d’ailleurs, n’affectent qu’une partie de la rémunération globale versée aux praticiens hospitaliers, celle-ci étant d’abord fondée sur des émoluments mensuels variant selon l’échelon des intéressés, ne concernent pas l’exercice même des pratiques médicales et n’ont ainsi ni pour objet, ni pour effet, malgré le rôle dévolu au directeur de l’établissement dans la fixation négociée des objectifs, de porter atteinte à l’indépendance professionnelle dont bénéficient les médecins […] ».
Le fait qu’il existe un médecin responsable de pôle qui en organise le fonctionnement technique et qui participe aux évaluations des pratiques professionnelles ne fait pas « obstacle à ce que le pouvoir réglementaire organise une procédure de contractualisation des objectifs entre les équipes de praticiens et les dirigeants de l’établissement de santé ».
Le Conseil d’État estime aussi qu’ « une prime peut légalement donner lieu à une modulation des montants individuels en fonction de critères tels que les résultats obtenus par rapport aux objectifs, en l’espèce fixés par contrat conclu entre les équipes de praticiens, le directeur de l’établissement et le responsable de pôle ; que ce dispositif d’évaluation de l’activité des praticiens hospitaliers mesurée par des indicateurs et objectifs fixés contractuellement, à partir d’une liste d’actes traceurs, à la condition qu’une liste de prérequis, définis par l’arrêté, soit satisfaite, vise à l’améliorer l’offre de soins et ne soumet donc pas, par lui-même, l’activité des médecins à des normes de productivité, de rendement horaire ou toute autre disposition qui auraient pour conséquence une atteinte à la qualité des soins ». Il est intéressant de noter que la prime sera individuelle alors que les contrats semblent devoir être conclus par les équipes.

Autre principe remis en cause par ceux qui contestaient cet arrêté : le principe d’égalité. Pour le Conseil d’État, il est légitime de distinguer les praticiens hospitaliers nommés à titre permanent de ceux employés contractuellement et des chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux. Il estime aussi « que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire traite de manière différente des agents appartenant à un même corps si cette différence de traitement est justifiée par les conditions d’exercice des fonctions, par les nécessités ou l’intérêt général du service et si elle n’est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs susceptibles de la justifier », ce qui ne cesse de surprendre nombre de juristes dans ce cas précis. Enfin, que face à la complexité du dispositif d’appréciation du mérite, il n’est pas fait atteinte au principe d’égalité si seuls les chirurgiens sont amenés à tester ce dispositif dans un premier temps, avant qu’il ne soit généralisé aux autres praticiens.

Dernier point, « Considérant que l’arrêté du 28 mars 2007, publié au Journal officiel de la République française du 29 mars 2007, dispose dans son article 7 qu’il s’applique aux praticiens hospitaliers de chirurgie à compter du 1er janvier ; que, toutefois, son article 6 dispose : L’indemnité est versée annuellement au terme d’une année civile et au plus tard à la fin du premier trimestre de l’année qui suit ; qu’ainsi, et alors même que les indicateurs pris en compte pour apprécier le respect des objectifs d’activité et de qualité correspondent, pour une part, à une période antérieure à sa date de publication, l’arrêté ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ».

La rémunération au mérite des praticiens est donc bien en marche. Quant à savoir si la complexité du système mis en place pour la rendre effective, associée à des facteurs idéologiques non négligeables, permettra d’obtenir un résultat satisfaisant, rien n’est moins sûr. Dans le secteur de la santé, comme ailleurs, la mise en place de la rémunération au mérite est promise à un parcours semé d’embûches. Une vraie saga, avec de la passion, du suspens, de l’action et de la vilenie… Un feuilleton à suivre.