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Première année d’études commune pour la filière santé en 2010 ou 2011

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Première année commune aux études en santéNouvelle mesure démagogique ou réforme réellement nécessaire ? La proposition de loi « portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants » a été définitivement votée. Elle instaure une première année d’études commune pour les étudiants en médecine, pharmacie, dentaire et sage-femme et, sous certaines conditions, aux masseurs-kinésithérapeutes. C’est donc en 2010 ou en 2011 que de nouvelles dispositions législatives à ce sujet devraient être adoptées.

La sélection est devenue un gros mot en 2009 et oser confronter des étudiants à l’échec n’est ni socialement, ni politiquement correct. Les étudiants de cette filière n’ont pourtant jamais revendiqué une telle mesure. Ils savent qu’il s’agit d’une voie difficile avant de s’y engager, ce qui explique sans doute que la filière santé ne connaisse quasiment jamais de grèves en première année (et très rarement, comparées aux autres facultés, dans les années suivantes). Difficile de comprendre, dans ces conditions, l’urgence d’une telle réforme… Son but est-il que des étudiants qui voulaient être médecins, mais ne sont pas assez bien classés choisissent par dépit la pharmacie ou les études de sage-femme ? Certes, ils n’auront pas “perdu” deux ans, mais ils se retrouveront dans une voie qui ne les motive pas, dans le domaine du soin et du conseil en santé, c’est particulièrement regrettable…
D’ailleurs, pourquoi ne pas avoir d’emblée étendu cette disposition à toute la filière santé ? Des études de médecine, en passant par celles de prothésiste dentaire, d’infirmière et d’aide soignante ! En effet, on imagine mal qu’il puisse y avoir autant de postes que de candidats à la fin de cette première année commune, il y aura donc encore des déçus et des frustrés. Élargir très nettement les possibilités d’offres à la fin de cette première année aurait peut-être permis de régler en partie la carence en infirmiers dont souffrent de nombreux établissements de santé. Certes, les infirmiers ne sont pas formés à l’université, mais il suffisait d’une mesure telle que celle prise pour les sages-femmes pour régulariser tout cela… La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, y semble favorable.

Il est également proposé de faciliter l’accès aux études de santé par l’instauration d’une passerelle d’accès en deuxième année réservée notamment aux titulaires d’un diplôme de master, aux diplômés des écoles de commerce délivrant le grade de master et aux diplômés des instituts d’études politiques, offrant ainsi une possibilité de rattrapage aux étudiants réorientés en première année. Une façon d’éviter le concours, mais qui rallongera des études déjà très longues…

Le “doublement”, plus communément appelé redoublement, ne sera plus automatique. Il est question de ne l’autoriser qu’aux seuls étudiants ayant obtenu la moyenne à l’un des concours (car, contrairement à d’autres filières, il ne suffit pas d’avoir la moyenne pour être reçu en santé). Pour le coup, il ne serait pas surprenant de voir les étudiants descendre dans la rue, même s’il est prévu que les dossiers soient examinés au cas par cas pendant une période de transition !

Un autre élément de ce texte est surprenant. Il concerne la réorientation. N’est-il pas méprisant pour la filière des sciences de prévoir que les étudiants ayant des résultats insuffisants à la fin du premier semestre de la filière santé pourront être réorientés vers celle-ci ? Sera-t-il proposé aux étudiants de la filière sciences ayant obtenu d’excellents résultats à la fin de leur premier semestre d’intégrer la filière santé ? S’il s’agit simplement d’un problème d’orientation et non d’un problème de niveau, on peut s’attendre à ce que les étudiants ayant obtenu des résultats insuffisants à la fin de leur premier semestre à l’université des sciences soient réorientés vers la filière santé.

Cette réforme répond surtout à l’impératif qu’a la France de mettre sa filière santé en adéquation avec le système licence, master, doctorat (LMD) européen. Cet aspect est loin d’être mis en avant alors qu’il est sans doute l’élément clé des changements à venir. Circuler d’une université à l’autre devrait être bien plus facile à l’avenir. Les étudiants n’ont pas attendu que les textes évoluent pour tirer avantage de la libre circulation et de la reconnaissance des diplômes.

Comment obtenir des médicaments par téléphone sans passer par son médecin traitant ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Téléprescription de médicaments.Votre médecin n’est pas joignable et vous avez besoin de médicaments ? Vous n’avez pas envie de payer une consultation chez le médecin, mais il vous faut néanmoins une ordonnance ? Rien de plus simple : appelez le centre 15 et soyez assez persuasif pour obtenir une prescription par téléphone du médecin régulateur…

Voilà une approche volontairement caricaturale et provocatrice des recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la Haute Autorité de santé (HAS), publiée en février 2009, intitulées Prescription médicamenteuse par téléphone (ou téléprescription) dans le cadre de la régulation médicale. Bien que ce travail ait été réalisé dans le but d’encadrer cette pratique et de sécuriser l’accès aux médicaments, il peut être interprété de bien des façons et amener à se poser de nombreuses questions.

Pour le docteur Christine Crevel, chef de projet, appartenant au service des bonnes pratiques professionnelles de la HAS et auteur de l’éditorial de la revue EPP infos nº 36, « la prescription médicamenteuse par téléphone est appelée à se développer compte tenu de l’évolution de l’organisation de la permanence des soins ». Il est donc logique que la HAS, avec le souci constant d’uniformisation et d’encadrement des pratiques médicales qui la caractérise, agisse dans ce domaine. La démographie médicale fait qu’il ne sera plus toujours possible d’envoyer un praticien de garde au domicile du patient, la HAS semble donc penser que la prescription par téléphone est une solution à ce problème.
Si de telles recommandations offrent un cadre défini et sécurisant à la responsabilité du médecin régulateur, elles font naître de nouvelles contraintes pour ce dernier. Sa liberté d’appréciation est restreinte et ses obligations renforcées en lui rendant opposables des recommandations qui sont en fait de véritables instructions.

Les situations dans lesquelles pourraient intervenir ces prescriptions sont les suivantes :
« — demande de soins non programmés nécessitant un conseil médical ou thérapeutique pouvant aboutir à une prescription médicamenteuse (médicament présent ou absent de la pharmacie familiale), après avoir éliminé une urgence vitale ou une urgence vraie nécessitant un examen médical immédiat ;
— situations nécessitant en urgence l’adaptation d’une prescription préalable (par exemple adaptation des posologies en fonction des résultats d’analyses biologiques, de l’état clinique du patient, etc.) alors que le patient et/ou le médecin régulateur n’ont pu joindre le médecin prescripteur. »
Il est bien question de prescrire des médicaments à des patients hors du cadre de l’urgence, dans le simple cadre d’une « demande de soins non programmés ». Il est aussi question d’adapter un traitement lorsque le médecin traitant n’est pas joignable. Cette dernière proposition est faite, quant à elle, dans le cadre de l’urgence. Reste à savoir la notion que vont avoir les patients de l’urgence, alors que les centres 15 sont déjà envahis par des appels qui sont loin de relever de la véritable notion d’« urgence médicale ». Comme pour les services hospitaliers des urgences, la gratuité et la permanence d’accès risquent d’être détournées par de nombreux patients pour un usage de confort ou dans le but de ne pas avoir à assumer le coût d’une visite en secteur libéral.

La mise en place de ce système de téléprescription pose aussi des problèmes quant à la transmission et à la gestion de la prescription. Le patient doit prendre contact avec la pharmacie pour l’informer de sa venue. En plus que sa garde “physique”, le pharmacien devra donc assurer une garde téléphonique et répondre aux patients. Qu’en sera-t-il de sa responsabilité concernant de tels appels ? Devront-ils être enregistrés comme le sont ceux qui arrivent au centre 15 ? Il ne faudra pas longtemps pour que le numéro de téléphone des officines circule sur Internet, les pharmaciens seront, dans ce cas, confrontés à des appels non régulés durant leurs gardes. Leur devoir de conseil s’appliquera-t-il à ces situations ?
Dans certaines agglomérations, le patient doit se rendre au commissariat de police, muni de son ordonnance pour avoir accès au pharmacien de garde à certaines heures. Ces mesures ont été prises suite à des agressions ayant pour principal objet de récupérer des stupéfiants. Alors que la criminalité à l’égard des commerces de proximité est en très forte augmentation, les pharmaciens continueront-ils à bénéficier d’une telle protection avec la mise en place d’une téléprescription ?

Il est vraisemblable que la publication de ces recommandations va freiner les initiatives locales et l’apparition de solutions innovantes dans ce domaine. Plutôt que de faire confiance aux professionnels, c’est une nouvelle fois la voie de la réglementation qui a été choisie.