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Fin des restrictions sur la vente par Internet des médicaments non soumis à prescription

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique Jurisprudences

ePharmacie

Dans le cadre du renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, de l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et de la lutte contre la falsification de médicaments, François Hollande a signé le 19 décembre 2012 l’ordonnance no 2012-1427. Ce texte avait pour but, entre autres, de mettre un peu d’ordre dans le commerce électronique de médicaments par une pharmacie d’officine et ajoutait un nouveau chapitre au Code de la santé publique à cet effet, au prétexte de transposer en droit français la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 ayant modifié, en ce qui concerne la prévention de l’introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d’approvisionnement légale, la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. C’est dans ce cadre que l’article L 5125-34 prévoyait que « seuls peuvent faire l’objet de l’activité de commerce électronique les médicaments de médication officinale qui peuvent être présentés en accès direct au public en officine » ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché ou un des enregistrements prévus par le code de la santé publique pour certains médicaments homéopathiques ou traditionnels à base de plantes. Ce texte interdisait donc à un pharmacien installé en France de vendre tous les médicaments non soumis à prescription par le biais d’un site Internet, seule la vente de certains d’entre eux lui était autorisée.

Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Europe à la loupeMême si de plus en plus de citoyens des pays membres de l’Union européenne se demandent si ceux qui les dirigent tiennent vraiment compte de leur avis, la Commission européenne a compris depuis longtemps qu’il fallait au moins sauver les apparences grâce à ce qu’elle appelle des “consultations”. Elle offre ainsi la possibilité à ses ressortissants de s’exprimer sur les textes qu’elle envisage de proposer au Parlement et au Conseil de l’Union européenne. Les professionnels de santé et tous ceux qui s’intéressent à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union n’ont d’ailleurs plus que quelques jours pour donner leur opinion sur la prochaine réforme de la directive relative à ce sujet prévue pour la fin de l’année.

La Commission européenne a fixé au 20 septembre 2011 la fin de la consultation qu’elle a lancée sur la modernisation de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles (directive 2005/36/EC). Cette consultation est ouverte à tous et la Commission insiste sur le fait que « les contributions des particuliers, des organisations professionnelles, des administrations nationales et des autorités nationales compétentes sont particulièrement bienvenues ». Ces contributions serviront ensuite à la rédaction d’un « livre vert » censé servir de base au projet de réforme.
Cette directive intéresse, entre autres, les titres de formation de médecin donnant accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base et de médecin spécialiste, et les titres de formation d’infirmier responsable de soins généraux, de praticien de l’art dentaire, de praticien de l’art dentaire spécialiste, de vétérinaire, de sage-femme et de pharmacien détenus par les ressortissants des États membres. Si elle fait l’affaire de certaines universités, de cabinets de recrutement, des professionnels de santé eux-mêmes en fonction du lieu où ils exercent et de régions rurales de pays comme la France qui ont compris tous les avantages qu’ils pouvaient tirer de ce texte, elle fait aussi l’objet de nombreuses critiques et crée des conditions concurrentielles internationales qui ne sont pas toujours dans l’intérêt de la santé publique ou de la qualité des soins, suivant les points de vue. C’est dans ces conditions qu’une réforme que de nombreux acteurs, dont les autorités de santé de plusieurs pays européens, ont appelé de leurs voeux une réforme et ils ont été entendus par la Commission, même si la façon dont elle est présentée peut surprendre.

Pour la Commission européenne, « la réforme du système de reconnaissance des qualifications professionnelles en vue de faciliter la mobilité est l’une des actions prioritaires de l’Acte pour le marché unique élaboré par la Commission. Afin de préparer cette réforme, la Commission souhaite consulter les parties intéressées sur les moyens d’atteindre trois objectifs : renouveler les façons d’aborder la mobilité ; s’appuyer sur les structures existantes et de moderniser la reconnaissance automatique. »

C’est le 7 novembre 2011 qu’une conférence publique concernant la modernisation de la directive sur les qualifications professionnelles sera organisée par la Commission européenne.

Donner son avis est indispensable pour les instances dont dépendent les professionnels de santé concernés par une telle consultation. Le conseil européen des ordres des médecins (CEOM) travaille sur le sujet depuis bien longtemps et une réunion informelle a eu lieu le 6 septembre, en Estonie, à ce propos.
Né de la Conférence internationale des Ordres et des organismes d’attributions similaires (CIO), le Conseil des Ordres ne se contente pas d’attendre les consultations de la Commission pour rappeler aux décideurs les positions défendues par les Ordres qu’il représente et pour faire des propositions visant à une meilleure cohérence professionnelle à l’échelon européen et à la promotion de l’exercice d’une médecine de qualité, respectueuse des intérêts des patients.
La charte européenne d’éthique médicale, adoptée en juin 2011, est le dernier exemple des efforts faits par le CEOM pour montrer qu’il existe une déontologie et des valeurs communes à tous les praticiens européens.

À une époque où de nombreuses décisions prises à Bruxelles et à Strasbourg ont un impact direct sur l’exercice des professionnels de santé de chacun des pays membres, même si les gouvernants aiment à rappeler que la santé est une compétence nationale dans certaines circonstances, il n’est plus possible de se contenter d’actions nationales. Il faut juste espérer que les instances qui ont décidé de coopérer entre elles ne reproduiront pas au niveau européen ce qui leur arrive de faire à l’échelle de leur territoire : ajouter toujours un peu plus de contraintes aux professionnels dont elles ont la charge.

 

Médecine & Droit — Numéro 109

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de juillet — août 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

Protection de la personne
L’intérêt de l’enfant à naître en AMP : regards croisés franco-polonais
Anna Grabinski et Joanna Haberko

Bioéthique
La Cour européenne des droits de l’homme et l’obligation de l’État à assurer une mort digne
Christian Byk

Médecine judiciaire
Place et méthodes de l’expertise post-sentencielle dans le dispositif de libération conditionnelle. Comparaison des procédures en Belgique et en France
Alexandre Baratta, Pauline Schwartz et George-Alin Milosescu

Droit et médicament
Non-respect des règles de dispensation des médicaments et responsabilité du pharmacien d’officine
Caroline Berland-Benhaïm, Anne-Laure Pélissier-Alicot et Georges Léonetti

Agenda

Société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Équipe de soinsLe Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté le 13 juillet 2011 la proposition de loi du sénateur Jean-Pierre Fourcade modifiant certaines dispositions de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Ce texte ayant fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel, le 21 juillet 2011, au sujet d’autres articles que celui qui nous intéresse les termes relatifs à une nouvelle forme d’exercice pour des professionnels de santé ayant décidé de se regrouper ne devraient plus évoluer et des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) devraient pouvoir bientôt voir le jour.

L’article 1 de ce texte poursuit plusieurs buts : regrouper des professionnels de santé relevant de professions différentes ; percevoir des financements publics (État, assurance maladie et collectivités territoriales) ; redistribuer ces sommes entre ses membres ; facturer certains actes à l’assurance maladie ; disposer d’un cadre sécurisé au niveau fiscal et social ; bénéficier de règles simplifiées en matière d’entrée et de sortie des professionnels de santé au sein de la structure, comme l’expliquait l’exposé des motifs de la proposition de loi. Le cadre juridique permettant un exercice en commun de professionnels de santé relevant de professions différentes est maintenant défini.

Une société interprofessionnelle de soins ambulatoires peut être constituée « entre des personnes physiques exerçant une profession médicale, d’auxiliaire médical ou de pharmacien », mais aussi en commun avec des personnes morales. « Les professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et pharmaciens associés d’une société civile professionnelle ou d’une société d’exercice libéral peuvent également être associés d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire. » Les SISA sont des sociétés civiles régies par le code civil et par le code de la santé publique.
La société interprofessionnelle de soins ambulatoires a deux objets : la mise en commun de moyens pour faciliter l’exercice de l’activité professionnelle de chacun de ses associés et l’exercice en commun, par ses associés, d’activités de coordination thérapeutique, d’éducation thérapeutique ou de coopération entre les professionnels de santé, activités qui doivent être précisées par un décret en Conseil d’État. Il est bien question de soins ambulatoires, les activités d’hébergement n’étant pas concernées.
Seules des personnes remplissant toutes les conditions exigées par les lois et règlements en vigueur pour exercer une profession médicale, d’auxiliaire médical ou de pharmacien et qui sont inscrites, le cas échéant, au tableau de l’ordre dont elles relèvent peuvent être associées d’une SISA. Il faut néanmoins noter qu’une société de ce type doit compter parmi ses associés au moins deux médecins et un auxiliaire médical. Une condition qu’il convient de ne pas négliger puisque le tribunal peut, à la demande de tout intéressé, prononcer la dissolution de la société si elle n’est pas remplie. Autre élément auquel les associés doivent apporter un soin tout particulier : la rédaction des statuts de la société. Ces derniers doivent être écrits et ne pas méconnaître des mentions obligatoires précisées par un décret en Conseil d’État à paraître.
La loi impose que les associés puissent exercer hors de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires toute activité professionnelle dont l’exercice en commun n’a pas été expressément prévu par les statuts, ceux-ci devant aussi déterminer les conditions dans lesquelles un associé peut exercer à titre personnel une activité dont les statuts prévoient l’exercice en commun. Les statuts de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires ainsi que les avenants à ces statuts sont transmis, un mois au moins avant leur enregistrement, aux ordres professionnels aux tableaux desquels sont inscrits les associés ainsi qu’à l’agence régionale de santé. Malgré tout, elle n’est pas soumise aux formalités préalables exigées des personnes candidates à l’exercice individuel des professions médicales, d’auxiliaire médical ou de pharmacien.

Concernant le fonctionnement de la société, « les rémunérations versées en contrepartie de l’activité professionnelle des associés dont les statuts prévoient un exercice en commun constituent des recettes de la société et sont perçues par celle-ci. Par exception, lorsque ces activités sont exercées à titre personnel par un associé, les rémunérations afférentes ne constituent pas une recette de la société. » Pour ce qui est de la responsabilité professionnelle, chacun répond personnellement de ses activités.
Si l’un des associés veut quitter la SISA, il doit céder ses parts ou celles-ci doivent lui être remboursées par la société. « Sauf dispositions contraires des statuts, la société interprofessionnelle de soins ambulatoires n’est pas dissoute par le décès, l’incapacité ou le retrait de la société d’un associé pour toute autre cause. Elle n’est pas non plus dissoute lorsqu’un des associés est frappé de l’interdiction définitive d’exercer sa profession. L’associé frappé d’une interdiction définitive d’exercer sa profession perd, au jour de cette interdiction, la qualité d’associé. Ses parts dans le capital sont alors rachetées dans un délai de six mois par un associé ou, à défaut, par la société selon les modalités prévues par les statuts. »

Jusque-là les professionnels de santé de spécialités différentes exerçant dans un local commun ou travaillant en collaboration devaient faire attention de ne pas tomber sous le coup de l’interdiction de partage d’honoraires au sens du code de la santé publique ou de ne pas pouvoir être accusés de compérage. Les activités exercées en commun au sein d’une SISA échappent à ces dispositions.

Au moment où les maisons de santé sont amenées à se développer et où la collaboration entre professionnels de santé est l’un des principaux axes de réforme du système de santé, c’est avec impatience que de nombreux professionnels vont attendre les décrets en Conseil d’État évoqués une fois la loi promulguée. Cet article ne manquera pas d’être mis à jour à cette occasion.

Mise à jour du 12 août 2011

Le Conseil constitutionnel n’a pas remis en cause les éléments relatifs au SISA au sein de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires dans sa décision du 4 août 2011.

Nouvelle mission du pharmacien : ajuster le traitement du patient

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Choisir un médicamentNouvel épisode des transferts d’activités ou d’actes de soins entre professionnels de santé et de la réorganisation de leur intervention auprès du patient prévus par l’article 51 de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) devenu article L 4011-1 du code de la santé publique (CSP), les missions des pharmaciens d’officine correspondants viennent d’être officialisés par un décret paru au Journal officiel du 7 avril 2011.

La notion de « pharmacien d’officine correspondant » est apparue elle aussi avec la loi HPST et a été introduite à l’article L 5125-1-1-A du code de la santé publique. Selon cet article, « les pharmaciens d’officine : […] Peuvent, dans le cadre des coopérations prévues par l’article L 4011-1 du présent code, être désignés comme correspondants au sein de l’équipe de soins par le patient. À ce titre, ils peuvent, à la demande du médecin ou avec son accord, renouveler périodiquement des traitements chroniques, ajuster, au besoin, leur posologie et effectuer des bilans de médications destinés à en optimiser les effets ». Aux côtés du médecin traitant prend donc place le pharmacien d’officine correspondant…

Grâce à ce texte entrant en vigueur dès maintenant, le pharmacien d’officine peut donc se voir confier de nouvelles missions dans le cadre d’un protocole de coopération avec un médecin portant sur un traitement chronique. Il peut « renouveler le traitement et en ajuster la posologie. » Plus besoin de l’avis du médecin pour que le pharmacien dise au patient d’augmenter ou de réduire le nombre de comprimés ou de gélules qu’il doit prendre chaque jour, il suffit pour cela d’une prescription médicale rédigée dans le cadre du protocole qui précise, notamment, les posologies minimales et maximales et la durée totale du traitement comprenant les renouvellements.

En plus de pouvoir « proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes » comme n’importe quel autre pharmacien d’officine, celui qui aura été désigné comme « correspondant » par le patient se voit accordé le droit de réaliser un « bilan de médication » qui comprend « l’évaluation de l’observance et de la tolérance du traitement ainsi que tous les éléments prévus avec le médecin pour le suivi du protocole. Dans ce bilan, le pharmacien recense les effets indésirables et identifie les interactions avec d’autres traitements en cours dont il a connaissance. Il s’assure du bon déroulement des prestations associées. »

À la lecture de ce décret, bien que la durée totale du traitement et de son renouvellement ne puisse excéder douze mois, des questions se posent tout de même concernant le libre choix du patient. Quid du malade qui souhaite changer de pharmacien correspondant ou du patient qui change de médecin traitant ? Ne va-t-il pas être captif d’un système dont la lourdeur (mise en place d’un protocole entre les professionnels) l’empêchera d’exercer son libre choix à tout moment ?
Qu’en sera-t-il des patients qui ont un médecin prescripteur (qui peut être différent du médecin traitant) et un pharmacien correspondant qui ne réussissent pas à s’entendre pour signer un protocole ? Verra-t-on demain apparaître un texte contraignant tout médecin ou tout pharmacien à accepter la signature d’un tel protocole si le patient le souhaite ? À l’inverse, il pourrait être tentant pour le médecin de « conseiller » le patient sur le pharmacien susceptible d’accepter un protocole et vice-versa.

Des questions se posent aussi sur la tenue à jour du dossier médical du patient. Certes le décret précise que le bilan de médication et l’ajustement de posologie sont transmis au médecin prescripteur, mais qu’en sera-t-il vraiment dans les faits ? On sait la valeur d’une telle disposition dans la pratique quotidienne : rares sont les opticiens qui, ayant adapté la correction portée par un patient dans le cadre de l’article L 4362-10 du CSP, adressent à l’ophtalmologiste un courrier pour l’informer comme la loi les y oblige pourtant.
Même si le décret prévoit que le pharmacien doit mentionner le renouvellement de la prescription sur l’ordonnance et, en cas d’ajustement de la posologie, préciser sur une feuille annexée à l’ordonnance datée et signée, et comportant le timbre de la pharmacie, le nom du médicament qui donne lieu à un ajustement de la posologie ainsi que la nouvelle posologie ou le nom du produit concerné associé éventuellement à une prestation, feuille dont il doit indiquer la présence sur l’ordonnance, que se passera-t-il quand le patient aura oublié son ordonnance au moment de sa consultation ? Pour un médicament faisant l’objet d’un protocole, en cas d’effets indésirables graves nécessitant une hospitalisation, le centre de secours ou le service des urgences devra-t-il, en plus du médecin prescripteur, appeler le pharmacien d’officine correspondant pour s’assurer de la dose quotidienne réellement prise par un patient ?
Enfin, il va être intéressant de savoir si les assureurs en responsabilité civile professionnelle des pharmaciens et des médecins vont prendre en compte ce nouveau risque. Ajuster une posologie, même sous couvert d’une prescription, n’a rien d’anodin. Comment les juges apprécieront-ils le degré de responsabilité du pharmacien d’officine correspondant et du médecin prescripteur liés par un protocole en cas de problème grave ? Des questions qui semblent être pour l’instant sans réponse.

Médicaments sans ordonnance : le revers de la médaille pour les pharmaciens ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Verra-t-on bientôt des médicaments pouvant être délivrés sans ordonnance en vente dans les rayons des grandes surfaces en France ? Après la vente de matériel médical en grande surface, y compris celui nécessitant une prescription et pris en charge par l’assurance-maladie, validée par le Conseil d’État en 2009, rien n’interdit de penser que cette question reviennent prochainement dans les prétoires à l’occasion de la nouvelle campagne publicitaire de la grande distribution.

En janvier 2010, un tribunal de grande instance a condamné le groupe d’hypermarchés Leclerc à verser 100 000 euros de dommages et intérêts à des groupements de pharmaciens d’officine et à « cesser toute communication publicitaire faisant la promotion de ses produits, de son activité, en utilisant une référence au prix des médicaments distribués en pharmacies », la cour d’appel de Colmar a infirmé ce jugement quelques mois plus tard estimant qu’il n’y a pas de concurrence déloyale en la matière et que la liberté d’expression doit prévaloir. Profitant du fait que cette affaire soit en cassation, une seconde campagne de publicité vient d’être lancée par la même chaîne d’hypermarchés.

Première campagne de publicité Leclerc

En juillet 2008, les pharmaciens ont accueilli favorablement la décision des pouvoirs publics de mettre de très nombreux médicaments en vente libre au sein des officines. Il a été expliqué à la population qu’il n’y avait plus besoin d’ordonnance pour acheter ces produits que l’assurance-maladie ne remboursait plus faute d’un service médical rendu suffisant et tout le bien que l’on pouvait attendre de l’automédication ou de la médication sur les conseils de son pharmacien pour la santé des patients.
Autre argument mis en avant par tous les acteurs concernés : une importante baisse des prix, favorable aux consommateurs, liée à la concurrence qu’allaient se faire les officines sur ces médicaments dont le prix était redevenu libre.
En coulisse, personne n’était dupe : il s’agissait plutôt de récompenser les pharmaciens pour avoir joué le jeu de la substitution et des génériques en leur offrant une nouvelle source de revenus ne pesant pas sur les épaules de l’assurance-maladie. Une récompense nullement désintéressée puisqu’en encourageant ainsi le conseil en pharmacie les pouvoirs publics espéraient faire diminuer le nombre de consultations chez le médecin et transférer une bonne partie de la charge du traitement aux patients qui ont les moyens de payer pour ces produits qui ont été considérés comme efficaces, ont bénéficié d’autorisation de mise sur le marché après moult études scientifiques censées prouver leurs bienfaits et ont été prescrits durant de nombreuses années.
Médicaments en rayonUne façon aussi de calmer le mécontentement de l’industrie : autoriser ces ventes sans ordonnance de molécules amorties depuis longtemps et que la Sécurité sociale n’a plus les moyens de prendre en charge était une bonne façon de faire passer la pilule des génériques. Plus de deux ans après les annonces de façade relayées par les médias, force est de constater qu’aucune forte baisse du prix de ces médicaments n’est intervenue et que les patients, eux, sont très loin de faire toujours des économies avec ce système. De nombreux malades constatent, en effet, qu’après avoir acheté un premier “traitement” sur les conseils de leur pharmacien qui n’a donné aucun résultat, ils sont tout de même obligés de prendre rendez-vous chez le médecin où une prescription adaptée leur est faite qu’ils devront aller chercher à nouveau chez le pharmacien… La concurrence pourrait pourtant jouer puisque des études montrent que le prix sur ces produits peut varier de 1 à 3.

C’est dans ce contexte qu’intervient la seconde campagne de publicité du groupe Leclerc. Sachant que ce dernier dispose de pharmaciens salariés dans les parapharmacies implantées au sein de certains de ses magasins, pourquoi lui refuser le droit de vendre ces médicaments à prescription facultative ? En quoi la sécurité sanitaire serait-elle mise en danger sachant qu’un pharmacien diplômé est là pour conseiller l’acheteur, de la même façon qu’au sein d’une officine ?
Si les médicaments sont, en France, parmi les moins chers d’Europe, ce n’est pas du fait des pharmaciens, mais des contraintes liées à l’assurance-maladie. Et si les prix sont plus chers ailleurs, les produits y sont souvent vendus au détail et non par boîte.
À part une nouvelle concurrence sur les prix qui mettrait à mal le chiffre d’affaires de certaines officines, on voit mal en quoi l’arrivée de médicaments à prescription facultative dans les rayons d’un hypermarché, sous le contrôle d’un docteur en pharmacie, entraînerait un risque plus grand de contrefaçon ou remettrait en cause le rôle prépondérant des pharmacies de campagne dans le système de santé publique.

Une bataille d’arrière-garde à un moment où la vente des médicaments par Internet va elle aussi finir par s’imposer ? C’est bien possible, lorsque l’on voit ce qui s’est passé dans le domaine des dispositifs médicaux, y compris ceux remboursés par l’assurance-maladie, ou même dans celui du médicament au Royaume-Uni.

Mais tout cela ne doit pas faire oublier que les officines sont aussi synonymes d’emploi et de proximité. Leurs médicaments en vente libre, c’est un peu le dépassement d’honoraires des médecins. Sans cet apport de trésorerie, quid des investissements et du personnel ? C’est aussi une carotte pour maintenir un maillage du territoire et un service de garde efficace, car une fois que les pharmacies de proximité auront mis la clé sous la porte, faute d’un chiffre d’affaires suffisant, qui assurera la délivrance des médicaments sur ordonnance la nuit, le dimanche et les jours fériés ?
Il ne faut pas oublier non plus que la grande distribution est régulièrement montrée du doigt pour sa politique tarifaire qui manque parfois de transparence et qui n’est pas toujours en corrélation avec l’intérêt du consommateur. Pourquoi en serait-il autrement pour les médicaments sans ordonnance ?

Il n’y a plus de solidarité au sein des professions de santé, chacun cherchant à tirer la couverture à soi et à trouver des compromis avec la Sécurité sociale pour être épargné par les coupes sombres ou pour obtenir des compétences réservées jusque-là à d’autres. Mais en jouant le jeu de la concurrence entre eux, il ne faut pas que ces mêmes professionnels de santé viennent se plaindre quand ils sont à leur tour mis en concurrence avec leurs homologues des autres pays de l’Union européenne ou avec des acteurs extérieurs au système, comme la grande distribution. Il n’y a rien de déloyal à cela…

L’ordre national des pharmaciens condamné par la Commission européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Analyses de biologie médicaleC’est pour des restrictions à la concurrence sur le marché français des analyses médicales que la Commission européenne a condamné le 8 décembre 2010 l’ordre national des pharmaciens (ONP). Supervisant à la fois les officines et les laboratoires d’analyses de biologie médicale tenus par des pharmaciens, l’ONP a pris des décisions visant systématiquement des entreprises associées à des groupes de laboratoires avec l’objectif d’entraver leur développement sur le marché français et de ralentir ou d’empêcher des acquisitions et des modifications statutaires ou au capital de ces entreprises. Alors qu’elles auraient débuté fin 2003, ces pratiques ne semblent pas avoir cessé à ce jour, selon la Commission.

« Par ailleurs, entre septembre 2004 et septembre 2007, l’ONP a pris des décisions visant à imposer des prix minimums, notamment au détriment d’hôpitaux publics et d’organismes d’assurance santé publics, en cherchant à interdire les remises supérieures à 10 % sur les prix publics octroyées par des entreprises privées dans le cadre de contrats. Il a été constaté que pendant la période de l’enquête les prix de tests d’analyse de biologie médicale parmi les plus fréquents étaient jusqu’à deux à trois fois plus élevés en France que dans d’autres États membres. » C’est ce qu’indique le communiqué de la Commission européenne (référence IP/10/1683).

C’est un groupe leader en Europe dans le domaine des analyses de biologie médicale, présent dans six des vingt-sept pays membres de l’Union, qui a porté plainte en octobre 2007 auprès de la Commission européenne. Après une enquête et même une inspection au siège de l’ONP, la responsabilité de cette dernière a bien été retenue. En menaçant de sanctions disciplinaires les pharmaciens biologistes refusant de se plier à ses injonctions, l’Ordre a outrepassé ses fonctions et a protégé les intérêts de certains de ses membres. Pour Joaquìn Almunia, vice-président de la Commission en charge de la politique de concurrence, « une association qui représente et défend des intérêts privés ne peut pas se substituer à l’État pour édicter ses propres règles, en limitant la concurrence par les prix là où l’État avait entendu la maintenir et entravant le développement d’entreprises sur le marché au-delà de ce qui est prévu par la loi ». Or, pour la Commission, l’ONP doit bien être considérée comme une association d’entreprises au sens du droit européen de la concurrence, car certains de ses membres exercent une activité économique. De plus, les instances dirigeantes de l’ONP disposent d’une autonomie décisionnelle qui fait que c’est son comportement qui a été sanctionné et non la façon dont le marché français des analyses de biologie médicale est organisé par les dispositions légales.

C’est la première fois que la Commission européenne impose une amende à une association d’entreprises en invoquant la possible responsabilité financière des entreprises des membres dirigeants. En conséquence, l’amende s’élève à cinq millions d’euros. L’Ordre n’en est pas au bout de ses peines puisque d’autres actions en réparation peuvent être intentées contre lui. « Toute personne ou entreprise lésée par des pratiques anticoncurrentielles telles que celles qui sont décrites ci-dessus peut porter l’affaire devant les tribunaux des États membres pour obtenir des dommages et intérêts. La jurisprudence de la Cour et le règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil confirment que, dans les affaires portées devant les juridictions nationales, une décision de la Commission constitue une preuve contraignante de l’existence et du caractère illicite des pratiques en cause. Même si la Commission a infligé une amende à l’association d’entreprise et ses organes dirigeants considérés, des dommages et intérêts peuvent être accordés sans que le montant en soit réduit en raison de l’amende infligée par la Commission. »
Voilà qui pourrait donc coûter très cher à l’ONP. Cinq millions d’euros représentent, en effet, six mois de salaires et traitements de cet organisme. Si à cette somme viennent s’ajouter d’autres condamnations, l’Ordre des pharmaciens va devoir mobiliser une partie de ses ressources pour y faire face.

Tout ceci est d’autant plus étonnant qu’au sein du conseil national des pharmaciens siègent deux représentants des ministères et un conseiller d’État.

Le Viagra vendu en supermarché !

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Gélules bleuesC’est officiel, une grande chaîne de supermarchés a obtenu le droit de vendre sans ordonnance du sildenafil, mieux connu sous le nom de Viagra™, dans ses magasins ! Loin d’être une plaisanterie, cette mesure a été décidée par les autorités britanniques. À partir de cette semaine, les pharmacies présentes dans les supermarchés du groupe Tesco vont pouvoir délivrer ce médicament destiné à lutter contre les dysfonctionnements érectiles à tous ceux qui le souhaiteront, qu’ils aient ou non une prescription médicale.

Le Viagra ne sera pas en libre service et sera toujours considéré comme un médicament par la Medicines and Healthcare Regulatory Agency, l’agence du médicament outre-Manche, mais il suffira de la demander au pharmacien de l’officine du supermarché pour l’obtenir. Tesco, qui s’est vu accorder le droit d’implanter des pharmacies dans ses supermarchés il y a déjà de nombreuses années, a obtenu, pour vendre ce produit sans ordonnance, une autorisation spéciale délivrée dans l’intérêt de la santé publique.

Quelques précautions ont néanmoins été prises. Shona Scott, directrice commerciale des services de pharmacie du groupe Tesco, explique que ce service ne sera offert qu’aux hommes âgés de 40 à 65 ans. Ils auront à remplir un questionnaire et se soumettre à un contrôle de leur pression artérielle, ainsi qu’à des tests de dépistage du diabète et d’une hypercholestérolémie qui seront réalisés par les pharmaciens. En fonction des résultats, le professionnel informera les patients des différents choix qui s’offrent à eux et pourra leur vendre un traitement efficace ou leur conseiller de consulter. Les clients devront débourser 60 €, ce prix incluant les examens et 8 comprimés de Viagra. Ce prix a été déterminé grâce à une étude pilote menée à Manchester en 2007, ainsi que dans 30 magasins Boots.

Pour un porte-parole de l’agence du médicament britannique, il est préférable que les patients puissent se procurer ce traitement sous contrôle d’un pharmacien parfaitement identifié et après avoir fait l’objet d’un dépistage du diabète et du cholestérol plutôt que de les voir aller acheter directement ce médicament par Internet pour des problèmes d’érection dont les hommes hésitent encore parfois à parler à leur médecin. De plus, les produits sur Internet pouvant être chers, d’une qualité douteuse ou même contrefaits et vendus sans aucun questionnaire de santé, c’est pour les autorités une bonne façon d’améliorer la sécurité sanitaire.
L’un des arguments à l’origine de cette décision est qu’environ 2,3 millions d’hommes au Royaume-Uni sont affectés par une dysfonction érectile et que la moitié de tous les hommes âgés de plus de 40 va en faire l’expérience à un moment ou à un autre de sa vie. Malgré cela, seul un homme sur 10 demande de l’aide pour cette raison, alors qu’une dysfonction érectile chez un homme asymptomatique peut être un marqueur de maladie coronarienne sous-jacente.

Les instances représentant les pharmaciens anglais ne sont pas opposées à cette décision. Elles insistent sur la nécessité d’une formation adaptée pour le pharmacien et sur l’importance de directives claires.

Une autre approche aurait pu être d’autoriser les médecins à vendre le Viagra dans leur cabinet, car s’il est délicat d’aborder ce sujet avec son praticien, il est difficile de comprendre qu’il n’en soit pas de même avec son pharmacien… Mais n’est-il pas là plutôt question de trouver une nouvelle solution pour vendre des médicaments sans avis médical ? L’impuissance des autorités à lutter contre la vente par Internet de médicaments contrefaits, l’aspiration à voir le commerce traditionnel prospérer et la volonté de limiter au maximum le nombre de consultations médicales prises en charge par l’assurance-maladie dans l’espoir de faire ainsi des économies de santé ne sont-elles pas plutôt les vraies raisons de telles mesures ? Suffit-il qu’il soit délicat d’évoquer un problème de santé avec son médecin ou qu’un médicament contrefait puisse être vendu par Internet pour que le pharmacien soit substitué au praticien de premiers recours ?

Rien n’interdit de penser que de telles dispositions seront prises dans quelque temps en France. Pas celles visant à vendre des médicaments dans les supermarchés, car il n’est pas encore temps de remettre en question le partenariat entre pouvoirs publics, assurance-maladie et pharmaciens (droit de substitution, augmentation du nombre de médicaments non remboursés et vendus sans ordonnance, mise en avant du rôle de l’apothicaire dans le dépistage, etc.) qui a montré son efficacité à réduire le poids des médecins dans le système de santé, mais celles relatives à la vente encore plus large de médicaments sans ordonnance, au besoin sous couvert d’un ou deux tests de dépistage faits par le pharmacien. Puisque la santé publique a tout à y gagner…