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Médecine & Droit — Numéro 115

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de juillet — août 2012

CouvertureElsevier — Masson

 

Protection de la personne
Considérations juridiques sur l’expression de la volonté en fin de vie
Laurence Cimar

Bioéthique
Le droit à l’ère des neurosciences
Peggy Larrieu

Bioéthique – Droit pénal
L’interdiction de créer des embryons transgéniques ou chimériques
Pierre-Jérôme Delage

Droit et médicaments
Le renforcement du système de pharmacovigilance de l’Union européenne. (Analyse du nouveau cadre réglementaire issu des dispositions de la directive 2012/84/UE et du règlement [UE] no 1235/2010)
Marie-Catherine Chemtob Concé

Indemnisation
Infections nosocomiales en médecine de ville : inéquité pour les victimes
Nathalie Jousset et Clotilde Rougé-Maillart

Lu pour vous

Pharmacovigilance : l’IGAS enfonce le clou

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

PharmacovigilanceAprès un premier rapport accablant et sans concessions en janvier 2011 sur l’affaire du Mediator, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a poursuivi la mission que lui avait confiée Xavier Bertrand : comprendre les dysfonctionnements de la pharmacovigilance française révélés ces derniers mois et faire des propositions pour l’avenir. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce second rapport de l’IGAS, publié le 21 juin 2011, adopte un ton tout aussi critique à l’égard de l’industrie, des agences de santé gouvernementales et des politiques que le premier et que les propositions sont audacieuses. Y a-t-il de quoi se réjouir pour autant ? Pas nécessairement lorsque l’on connaît le sort réservé par les pouvoirs publics à bon nombre de rapports une fois que les effets d’annonce se sont estompés…

Concernant l’affaire du Mediator, l’IGAS persiste et signe. Quelques mois de recul n’y changent rien, l’IGAS réitère les conclusions de son rapport précédent : le benfluorex (Mediator) est bien un anorexigène (coupe-faim) ; le laboratoire Servier a, dès l’origine, « déployé une stratégie de positionnement du Mediator en décalage avec la réalité pharmacologique de ce médicament, utilisant tous les moyens à sa disposition pour faire prévaloir sa position » ; l’Agence chargée du médicament a été « incompréhensiblement tolérante à l’égard du Mediator et a fait preuve d’une grave défaillance dans les méthodes et l’organisation de son système de pharmacovigilance » ; les pouvoirs publics ont été trop lents à dérembourser ce médicament et globalement trop faibles dans leur pilotage de la « chaîne du médicament ». Pour l’IGAS, il ne faut pas se voiler la face : « Au-delà des anomalies particulières qu’elle a relevées, la mission tient à souligner que de graves défaillances globales des politiques et autorités publiques du médicament au général, du système français de pharmacovigilance au particulier […] existent et qu’elles résultent à la fois d’un affaiblissement du rôle de l’État depuis la fin des années 90, et d’un retard pris par rapport aux pays comparables. »

Les propositions pour faire évoluer ou pour réformer le système sont nombreuses. Simplifier les déclarations et apporter un retour concret aux déclarants sont au nombre de celles-ci. Déconnecter celui qui déclare, qu’il soit professionnel de santé ou patient, de l’industrie semble aussi important aux rapporteurs : « Au Royaume-Uni, un courrier d’accompagnement précise à la personne qui notifie qu’elle ne sera pas inquiétée. L’anonymat du notificateur et du patient doit être respecté ». Mais il faut aussi donner une véritable indépendance à l’Afssaps vis-à-vis de l’industrie en lui permettant de ne plus tenir compter de l’avis des fabricants quant à l’imputabilité de leurs produits dans la survenue d’un effet indésirable et en donnant les moyens à l’Agence de réaliser des méta-analyses indépendantes afin qu’elle « n’accorde plus aux analyses fournies par les laboratoires pharmaceutiques un poids prépondérant dans la prise des décisions ».
Développer des signaux d’alerte automatisés et repenser la doctrine du risque individuel, c’est aussi ce que propose l’Igas. « L’Afssaps pour l’heure conduit plutôt un raisonnement sur le risque individuel. Elle s’est comportée comme une agence des produits de santé qui va, à tous les temps, juger si un médicament mérite ou pas de demeurer sur le marché. C’est probablement cette logique qui aboutit à l’inversion de la charge de la preuve avec un doute qui profite souvent au médicament. Il lui faut désormais développer une culture d’analyse populationnelle du risque. » Procéder ainsi, c’est ternir compte du fait que « les données de sécurité d’emploi disponibles lors des autorisations de mise sur le marché [AMM, NDLR] sont par essence limitées du fait notamment du nombre de personnes concernées par les essais cliniques et de la sous-représentation de certains groupes de population (personnes âgées, enfants, etc.). Les effets indésirables observés lors des essais cliniques ne représentent donc pas réellement les réactions dans la population une fois l’AMM obtenue. Dès lors, il est indispensable de disposer de données de sécurité d’emploi post AMM. »
D’autres propositions sont faites par l’Igas comme, par exemple, de renforcer le niveau d’expertise interne de l’Afssaps en lui permettant de se constituer un noyau d’experts. Ce dernier comprendrait des spécialistes de pharmacovigilance, des cliniciens et des spécialistes de santé publique. Ces experts cesseraient tous liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique dès qu’ils prennent leur fonction.

Pour l’Igas, il faut une politique du médicament globale, car il n’existe pas de véritable chaîne organisée du médicament actuellement. « L’Afssaps, chargée par la loi de l’évaluation et de la sécurité sanitaires, applique les indulgentes règles européennes d’autorisation de mise sur le marché et a progressivement relâché sa vigilance, faisant donc la part trop belle à l’offre industrielle, participant d’une politique d’encombrement thérapeutique, devenant au fil du temps une « agence enregistreuse » sur le modèle de l’agence européenne, l’EMA ; la Commission de la transparence, ne disposant ni des règles précises, ni des moyens de pratiquer une véritable évaluation médico-économique s’est trop longtemps contentée de reprendre les données issues de la commission d’AMM pour accorder de façon trop peu sélective les autorisations de remboursement ; le CEPS [Comité économique des produits de santé, NDLR] agit de façon isolée, sans contact réel et formalisé avec la Commission de la transparence, et fixe les prix des médicaments et sur des fondements discutables. »
Le constat est dur quant à la dérive qu’a connue le système de pharmacovigilance ces dernières années : « Dans le cas particulier du médicament, le projet d’éloigner la décision relative au médicament vers des agences autonomes, dotées de fortes compétences et que l’on concevait comme incorruptibles, afin de créer des lieux de résistance aux firmes plus forts que l’État, ce projet a échoué. La coupure entre le sanitaire et l’économique n’a pas diminué l’emprise des firmes, bien au contraire. La « dépolitisation » voulue de la décision n’a pas donné entière satisfaction, loin de là.
Le risque de « capture » du régulateur par les entreprises régulées s’est réalisé et, progressivement, une banalisation de l’Afssaps s’est opérée, aboutissant à ce constat dangereux : une agence de sécurité sanitaire non seulement n’inspirant plus la crainte, mais trop souvent entravée elle-même par la peur du recours juridique ; une agence fascinée et dominée par son « modèle », l’agence européenne. »

Il est aussi question de valeur thérapeutique ajoutée pour les nouveaux médicaments afin d’éviter un « encombrement thérapeutique ». « La mission réaffirme la logique d’un nombre suffisant de médicaments, logique s’opposant à l’idée d’une infinité de choix possible en matière de protection sociale, financièrement non accessible, paradoxalement inefficace et inéquitable, potentiellement dangereuse. »

L’Igas propose enfin une meilleure formation des jeunes médecins à ce qu’elle appelle « une médecine sobre », susceptible de privilégier autant les stratégies de santé non médicamenteuses que les médicamenteuses. Elle demande que la mascarade sur l’indépendance de la formation médicale continue vis-à-vis de l’industrie cesse et que de vraies réformes interviennent dans ce domaine.

Cerise sur le gâteau : « La mission estime qu’il n’y pas d’alternative à l’interdiction de la visite médicale comme les tentatives de régulation menées depuis quelques années l’ont montré. » Elle « propose l’affichage de toutes les contributions des firmes pharmaceutiques aux parties prenantes de la politique de santé, quelle qu’en soit la nature, sur le modèle du Sunshine Act américain » et insiste sur « le maintien d’une opposition absolue de notre pays dans le concert européen à toute amodiation des règles actuelles de non-promotion des médicaments vers le public ».

À quelques mois d’une élection présidentielle où la santé publique passe souvent bien après d’autres sujets et disparaît devant les intérêts des uns et des autres, on peut se demander qui pourrait avoir le courage de mener une telle réforme de la pharmacovigilance et de la politique du médicament sur la base de ces propositions qui n’ont rien de consensuel. Ces rapports de l’Igas ont le mérite de poser de vraies questions, mais y aura-t-il quelqu’un pour y répondre ?

Signalement des effets indésirables des médicaments par le patient à l’Afssaps

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Effets indésirables des médicamentsLa pharmacovigilance, selon l’article R 5121-150 du code de la santé publique, a pour objet la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain mentionnés au sein de ce même code. À cet effet, la loi prévoit, depuis les décrets 95-278 du 13 mars 1995, 2004-99 du 29 janvier 2004 et 2007-1860 du 26 décembre 2007, qu’en plus de toute entreprise ou tout organisme exploitant un médicament ou un produit mentionné à l’article R 5121-150, le médecin, chirurgien-dentiste ou la sage-femme ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à l’un de ces produits, qu’il l’ait ou non prescrit, en fasse la déclaration immédiate au centre régional de pharmacovigilance.
De même, le pharmacien ayant eu connaissance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article R 5121-150 qu’il a délivré le déclare aussitôt au centre régional de pharmacovigilance, au titre de l’article R 5121-170 de ce même code. Des obligations du même type reposent sur les établissements de santé publics et privés, ainsi que sur les centres antipoison et d’autres organismes.
Les autres professionnels de santé ayant eu connaissance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article R 5121-150 peuvent également en informer le centre régional de pharmacovigilance, sans que cela soit pour eux une obligation.

Bien que la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ait posé le principe d’une pharmacovigilance ouverte aux patients, il n’était pas possible pour ces derniers ou les associations les représentant de déclarer les effets indésirables des médicaments qu’ils étaient à même de constater, alors qu’ils en sont les premières victimes. Il aura fallu le scandale du Mediator pour que le décret d’application relatif à ces déclarations voie enfin le jour. Le décret nº 2011-655 du 10 juin 2011 relatif aux modalités de signalement par les patients ou les associations agréées de patients d’effets indésirables susceptibles d’être liés aux médicaments et produits mentionnés à l’article L 5121-1 du code de la santé publique a été publié au Journal officiel du 12 juin 2011. Il est accompagné de l’arrêté du 10 juin 2011 pris pour l’application des articles R 5121-154, R 5121-167 et R 5121-179 du code de la santé publique et relatif aux modalités de signalement des effets indésirables par les patients et les associations agréées de patients.
Si les obligations restent les mêmes pour les professions médicales, l’industrie, les établissements de santé, et qu’il n’y a toujours rien d’obligatoire pour les autres professionnels de santé, les patients et les associations agréées de patients peuvent désormais eux aussi informer un centre régional de pharmacovigilance d’un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à l’un des ces produits. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une simple possibilité.

L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qui au final est chargée de traiter toutes ces données a déjà mis en ligne un mode d’emploi à l’usage des patients afin qu’ils sachent quoi déclarer et comment le faire. Un formulaire spécifique est prévu à cet usage. Selon l’Afssaps, les patients ou leur représentant (dans le cas d’un enfant, les parents par exemple), ainsi que les associations agréées que pourrait solliciter le patient, peuvent déclarer les effets indésirables que le patient ou son entourage suspecte d’être liés à l’utilisation d’un ou plusieurs médicaments, y compris lors de la grossesse ou de l’allaitement, mais aussi les mésusages, abus ou erreurs médicamenteuses (avérés ou potentiels).
Il est évident qu’un mode d’emploi n’est pas superflu lorsqu’on lit l’annexe de l’Arrêté du 10 juin. Certes, il est logique de demander le maximum de précisions au patient afin de pouvoir agir efficacement, mais une nouvelle fois rien ne semble avoir été fait pour simplifier le recueil et le traitement de ces informations. Stylo et fax sont au rendez-vous. Comparée au système de télédéclaration des impôts ou aux moyens donnés à la Hadopi, la pharmacovigilance fait pâle figure ; elle est pourtant destinée à sauver des vies…
Dénoncés depuis de nombreuses années par les professions médicales, la complexité et le traitement erratique des dossiers de pharmacovigilance sont-ils inévitables ? Tout dépend de la volonté des différents acteurs de la filière de voir les problèmes résolus. L’industrie a-t-elle intérêt à ce qu’un effet indésirable soit toujours pris en compte ? Après l’affaire du Mediator, on est en droit d’en douter. Les agences de santé ont-elles les moyens humains et financiers de traiter ces informations ? Ont-elles la volonté ou la possibilité de le faire alors qu’elles ne sont pas à l’abri de pressions diverses et variées ?

Si ce décret peut apparaître comme un progrès pour ce qui est appelé la démocratie sanitaire, il ne doit pas faire oublier les limites imposées à la pharmacovigilance. Seuls les effets indésirables graves ou inattendus sont pris en compte à l’heure actuelle. Deux notions définies par la loi et qui ont bien souvent tendance à se confondre dans l’esprit des industriels ou des personnels des agences de santé. Par « effet indésirable », le code de la santé publique entend « une réaction nocive et non voulue, se produisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou pour la restauration, la correction ou la modification d’une fonction physiologique, ou résultant d’un mésusage du médicament ou produit » ; par « effet indésirable grave », il entend « un effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité importantes ou durables, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale » et par « effet indésirable inattendu », « un effet indésirable dont la nature, la sévérité ou l’évolution ne correspondent pas aux informations contenues dans le résumé des caractéristiques du produit ».
En pratique et faute d’avoir à tous les niveaux les compétences nécessaires, l’Afssaps s’en remet bien souvent aux fabricants pour savoir, dans un premier temps, si les effets indésirables signalés sont graves ou non, et s’ils sont inattendus si leur sévérité nécessite ou non de donner suite…
Offrir la possibilité aux patients et aux professionnels de santé de déclarer est une chose, mais prendre en compte ces déclarations en est une autre.

Le problème n’est pas propre aux médicaments, il existe aussi pour les dispositifs médicaux et la matériovigilance. Dans ce domaine, le code de la santé publique prévoit d’ailleurs que « le fabricant, les utilisateurs d’un dispositif et les tiers ayant connaissance d’un incident ou d’un risque d’incident mettant en cause un dispositif ayant entraîné ou susceptible d’entraîner la mort ou la dégradation grave de l’état de santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’un tiers doivent le signaler sans délai à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » (art. L 5212-2). On peut donc estimer que les patients sont déjà concernés et qu’ils peuvent déclarer, mais là aussi la pratique est très éloignée de la théorie et les obstacles auxquels sont confrontés professionnels de santé et patients les font très vite renoncer.

Seule l’expérience permettra de savoir si l’application des textes mis en place pour la pharmacovigilance est à la hauteur des espérances des patients, des patients qui en ont assez de voir les scandales sanitaires se succéder…

Des assises du médicament en 2011

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Une gélule rouge et blanche parmi d'autresLa Mission Mediator et pharmacovigilance de l’Assemblée nationale a entendu Xavier Bertrand, ministre de la santé, le 15 février 2011. C’est ce dernier qui a souhaité être entendu rapidement dans cette affaire dans laquelle il a reconnu, au même titre que de nombreux anciens ministres de la santé, avoir sa part de responsabilité.

En préambule Xavier Bertrand a rappelé que la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) n’avait pas pris fin avec la remise de son premier rapport, mais qu’elle se poursuivait afin de faire le point et des propositions concernant le fonctionnement de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Il a aussi insisté sur le fait que deux missions parlementaires étaient actuellement au travail suite à l’affaire du Mediator et que le travail de la justice suivait son cours.

Pour le ministre de la santé, le système de pharmacovigilance est à reconstruire. Avant l’affaire du sang contaminé toutes les informations sur un problème grave de pharmaco ou de matériovigilance remontaient au ministre ; suite à ce drame et à la mise en place de l’Afssaps, c’est aux experts que l’on a pris soin de déléguer les décisions. Pour Xavier Bertrand, il faut que la refonte du système actuel aboutisse à nouveau à une responsabilité politique, au gouvernement, mais aussi peut-être aux parlementaires. La nomination du nouveau directeur général de l’Afssaps par le ministre, en concertation avec l’Assemblée nationale et le Sénat alors que ce n’est normalement pas prévu par la loi, dans les jours qui viennent va d’ailleurs dans ce sens. C’est le nom de Dominique Maraninchi, professeur de cancérologie à la faculté de médecine de Marseille et actuel président de l’Institut national du cancer (INCa), qui a été soumis aux parlementaires.

Comme il faut des décisions radicales et rapides, des assises du médicament seront organisées cette année, si possible avant la fin du premier semestre, mais après la remise des conclusions des deux missions parlementaires qui se penchent actuellement sur la question. La loi pourrait ainsi être modifiée avant la fin de l’année 2011.

En plus de celles relatives au fonctionnement de l’Afssaps, des questions doivent se poser sur la procédure d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments et de leur éventuel retrait, sur la remontée des alertes et leurs suites. Ce dernier point est important, car dans le cas du Mediator dix-sept alertes sont remontées avant que l’une d’elles soit prise en compte. Ce système pourrait notamment s’accompagner d’une justification du non-suivi ou d’une déclassification d’une alerte.
La prévention des conflits d’intérêts doit aussi être un sujet sur lequel des décisions devront être prises afin d’aboutir à une transparence “totale”. La solution la plus simple permettant de régler cette question serait, selon le ministre, de transposer « directement et complètement » le Sunshine Act, c’est-à-dire la loi américaine en matière de liens d’intérêts qui s’applique dans le secteur de la santé. Dans ce pays, il est obligatoire de déclarer ces liens d’intérêts à partir du moment où ils sont supérieurs à dix dollars et surtout il existe des sanctions pour ceux qui ne déclarent pas ces choses, ce qui n’est pas le cas actuellement en France.
Xavier Bertrand a précisé qu’il avait lui-même, alors qu’il n’y est pas obligé, rempli une déclaration de liens d’intérêts et qu’il a demandé à son épouse de faire de même. Tous ses collaborateurs ont dû s’exécuter et il a eu à faire des choix en raison des réponses des uns et des autres. Le ministre estime que les personnels travaillant au sein des cabinets ministériels ne devraient avoir aucun lien d’intérêts avec l’industrie pendant qu’ils sont en fonction. Depuis 1995, lorsqu’ils quittent leur poste, la Commission de déontologie, ayant pour rôle de contrôler le départ des agents publics et de certains agents de droit privé envisageant d’exercer une activité dans le secteur privé et dans le secteur public concurrentiel, doit intervenir pour donner son avis et pourrait voir ses compétences renforcées. Reste à savoir si ces mesures seront suffisantes au regard de ce qui s’est passé en début d’année pour le directeur général de l’Agence européenne du médicament (European Medicines Agency ou EMA), comme l’a rappelé Gérard Bapt, président de la mission parlementaire.

 

Mediator : un rapport de l’IGAS accablant et sans concessions

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu au ministre de la santé, Xavier Bertrand, un rapport intitulé « Enquête sur le Mediator® » le 15 janvier 2011. Ce travail a été réalisé en six semaines, à la demande du ministre, suite à ce qu’il convient d’appeler l’affaire Mediator, médicament présenté par son fabricant, les laboratoires Servier, comme un médicament efficace dans le traitement des hypertriglycéridémies et du diabète de type II, dont l’usage a été détourné en coupe-faim pendant de nombreuses années et qui serait à l’origine de plusieurs centaines de décès en France d’après les autorités de santé. La mission d’enquête de l’IGAS a auditionné une centaine de personnes parmi lesquelles ne figure aucun membre du laboratoire mis en cause. Elle s’est aussi appuyée sur « l’exploitation des dossiers scientifiques et administratifs s’échelonnant sur 40 années » qu’elle avait en sa possession.

Les conclusions de ce rapport sont accablantes, tant pour le deuxième groupe pharmaceutique français que pour l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), anciennement appelée Agence du médicament. Il est rare de lire un rapport administratif qui aille si loin dans les reproches faits à un acteur majeur de l’industrie pharmaceutique hexagonale et à une agence de l’État. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la synthèse de ce travail dont un extrait est reproduit en encart.

Extrait de la synthèse du rapport de l’IGAS intitulé Enquête sur le Mediator®

Le rapport est organisé à la fois autour des principaux temps de la vie du médicament et autour de l’analyse des principales responsabilités identifiées par la mission :

  • les laboratoires Servier qui dès l’origine du médicament ont poursuivi un positionnement du MEDIATOR® en décalage avec sa réalité pharmacologique ;
  • l’Agence chargée du médicament, inexplicablement tolérante à l’égard d’un médicament sans efficacité thérapeutique réelle ;
  • le système de pharmacovigilance, incapable d’analyser les graves risques apparus en termes de cardiotoxicité du MEDIATOR® ;
  • enfin, les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé gérant avec lenteur les déremboursements de médicaments à service médical rendu insuffisant, aboutissant dans le cas du MEDIATOR® à des résultats inverses de ceux recherchés.

Bien que contesté par les laboratoires Servier, la lecture de ce rapport est édifiante et permet, entre autres, de comprendre que ce travail n’est sans doute pas étranger à la décision de son directeur général de quitter ses fonctions, même si l’annonce de son départ s’est faite le 12 janvier alors que l’Agence n’a officiellement reçu copie du rapport pour observations que le 13 janvier.

Pour l’IGAS, il ne fait aucun doute au regard des documents étudiés que le benfluorex, nom du principe actif contenu dans le Mediator, est depuis sa genèse un anorexigène. « Le suffixe « -orex » est en effet le segment-clé retenu par l’OMS [Organisation mondiale de la santé, NDLR] pour désigner les agents anorexigènes. […] L’OMS a attribué la DCI « benfluorex » au composé SE780 des laboratoires Servier et a publié cette dénomination dans sa chronique OMS volume 25, n° 3 de mars 1971.
Ce choix s’explique sans doute par la présence dans cette molécule d’un noyau benzène, portant un groupement fluoré et par les propriétés anorexigènes de la molécule. »
Bouton stopPour l’inspection générale, les laboratoires Servier auraient tout fait pour minimiser l’appartenance de ce médicament à cette classe de produits pour le différencier d’autres spécialités pharmaceutiques qu’ils commercialisaient comme anorexigènes et auraient joué la carte de l’originalité thérapeutique, oubliant ses caractéristiques pharmacologiques, pour que ce produit reste en vente alors que les risques liés à l’un des composants apparaissant au moment où ce médicament est métabolisé dans l’organisme sont suspectés depuis plusieurs dizaines d’années. Un document remis à l’Afssaps en 1999 par le laboratoire aurait même été modifié pour faire oublier que le benfluorex était un précurseur de l’un de ces composants. Pour l’IGAS, il s’agit d’un fait grave, car des composants de la même famille, contenu dans les autres anorexigènes des laboratoires Servier (Ponderal et Isomeride), ont été suspecté dès 1981 et 1992 d’être à l’origine d’hypertension artérielle pulmonaire, maladie particulièrement grave déjà rencontrée dans les années 60 chez l’animal lors des recherches ayant abouti à la commercialisation de ces produits…

Dès 1999, le Mediator aurait dû être retiré du marché, mais de nombreuses incohérences administratives et des tergiversations ont empêché cette mise à l’index du produit, selon l’IGAS. Il y a de quoi être effaré à la lecture du document et se poser des questions un système censé protéger les patients…
Mais le rapport va encore plus loin puisque la mission d’enquête dit avoir eu connaissance « de pressions exercées par des personnes appartenant aux laboratoires Servier ou ayant des liens d’intérêt avec eux sur des acteurs ayant participé à l’établissement de la toxicité du MEDIATOR®. La mission ne qualifie pas les pressions ainsi relatées. Elle procédera à un signalement de ces pratiques à l’autorité judiciaire en lui transmettant les pièces justificatives dont elle dispose. »

Personne n’est en mesure de dire quel sort sera réservé au rapport de l’IGAS, mais Xavier Bertrand a déjà annoncé que l’État allait prendre le relais des laboratoires quant au financement de l’Afssaps et qu’une plus grande transparence quant aux conflits d’intérêts devrait être de mise, y compris au sein des ministères, au moment où deux de ses collaborateurs ont été mis en cause dans cette affaire.

Est-ce la fin d’une époque ? Il faut l’espérer, car pour l’IGAS, « La chaîne du médicament fonctionne aujourd’hui de manière à ce que le doute bénéficie non aux patients et à la santé publique mais aux firmes. Il en va ainsi de l’autorisation de mise sur le marché qui est conçue comme une sorte de droit qu’aurait l’industrie pharmaceutique à commercialiser ses produits, quel que soit l’état du marché et quel que soit l’intérêt de santé publique des produits en question. La réévaluation du bénéfice/risque est considérée comme une procédure exceptionnelle. La prise en compte du risque nécessite de fortes certitudes scientifiques, l’existence d’un bénéfice étant, elle, facilement reconnue. Dans ces conditions, le retrait d’une AMM est perçu comme une procédure de dernier recours et comme une sorte de dédit pour la commission qui a accordé l’autorisation. »

La justice a commencé à se pencher sur cette affaire, mais il serait étonnant qu’un tel dossier aboutisse à des condamnations rapides, tant les précédents scandales sanitaires ont montré la lenteur du système dans de tels cas. Pour de nombreuses familles, il est malheureusement déjà trop tard.

Ne pas nuire à la réputation des laboratoires

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Ouvrage

Couverture censurée du livre Mediator 150 mg - Combien de morts ?En France, se poser des questions sur les effets indésirables d’un médicament, même quand ils sont avérés, semble être bien compliqué.

Il n’est pas question ici des vaccins contre la grippe A(H1N1) ou de ceux contre l’hépatite B, mais d’un médicament prescrit pour perdre du poids : le Mediator des laboratoires Servier. Dans un ouvrage intitulé Mediator 150 mg, initialement sous titré « Combien de morts ? », le docteur Irène Frachon, pneumologue hospitalier à Brest, raconte le combat qu’elle a dû mener pour que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en arrive à suspendre l’autorisation de mise sur le marché d’un produit dont les effets toxiques pouvaient être fortement soupçonnés en raison de sa métabolisation proche de celle de l’isoméride, un autre coupe-faim de triste mémoire.

Comment expliquer qu’un praticien ait été obligé de dépenser autant d’énergie, d’affronter une bureaucratie censée protéger le public et non des intérêts privés et passer du temps à lutter contre un système qui lui impose pourtant de déclarer les effets indésirables graves ? Si les médecins sont habitués à sauver des vies en toute discrétion et à accompagner des malades qui souffrent, pourquoi ont-ils l’impression de ne plus être aidés pour ce faire ? Pourquoi l’actuel dispositif de pharmacovigilance donne-t-il l’impression d’être fait pour décourager les médecins de l’utiliser ? Pourquoi l’industrie a-t-elle un tel poids en son sein sans que cela soit vraiment transparent ? Combien de morts sont nécessaires pour que les pouvoirs publics osent remettre en question les investissements réalisés par un laboratoire sans trop traîner dans l’espoir que le seuil de rentabilité ait été atteint ? Ce sont des questions que l’on peut se poser à la lecture de cet ouvrage.

À noter l’initiative de l’éditeur qui offre gracieusement divers formats numériques de son ouvrage à l’acheteur de la version papier.

 

La couverture de l’ouvrage a été censurée par le tribunal des référés de Brest, le 7 juin 2010, à la demande du laboratoire Servier. Malgré la suspension de l’AMM par l’Afssaps pour un risque avéré de valvulopathie du Benfluorex (nom du principe actif contenu dans le Mediator), le juge a estimé que « la relation entre la valvulopathie et un décès n’est pas pour l’instant établie par l’Afssaps. » L’éditeur a fait appel de ce jugement.

 


 

Résumé

« Le 25 novembre 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé — Afssaps — annonce la suspension de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament. Il s’agit du Mediator, commercialisé depuis plus de trente ans par le laboratoire Servier, alors consommé quotidiennement par près de 300 000 Français. Cette décision fait suite à la révélation d’une toxicité grave directement liée au médicament : une atteinte des valves du coeur, aux conséquences parfois mortelles.

Les premiers éléments laissant suspecter la possibilité d’une telle toxicité remontent à 1997, date à laquelle un médicament proche et commercialisé par le même laboratoire, le coupe-faim Isoméride, est interdit pour les mêmes raisons.

Médecin, j’ai été pendant vingt ans témoin puis acteur de cet épisode dramatique. La transparence est une condition de la qualité de la politique de santé des populations. C’est pourquoi je témoigne dans ce livre de ce que j’ai vécu, de la manière la plus factuelle possible. Mon objectif est de permettre à chacun de comprendre comment sont prises certaines décisions de santé publique en France et de contribuer ainsi au débat public, constitutif de l’exercice de la démocratie. »

Irène Frachon

 

Irène Frachon.
Mediator 150 mg — Combien de morts ?
Editions-dialogues.fr, 2010.
ISBN 9782918135142 — 152 pages – 15,90 €.

 

Vers une vaccination contre la grippe A(H1N1) en entreprises ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les médecins du travail et la grippe AAlors que l’idée de confier aux médecins généralistes la vaccination contre la grippe A(H1N1) semble être remise en question chaque jour un peu plus, le gouvernement cherche de nouvelles solutions permettant d’écouler une partie suffisamment importante des 94 millions de doses de vaccins achetées pour ne pas avoir à gérer ce qui pourrait bien se transformer en un nouveau scandale économico-sanitaire. Tous les éléments de communication sont mis en place pour mettre en avant les décès liés à la grippe A(H1N1), les mutations communes du virus et le faible risque d’effets indésirables que présente cette vaccination. Plus discrètes sont les informations relatives aux choix économiques qui ont guidé et guident encore la façon dont la campagne de vaccination est effectuée en France. Très rares aussi sont les données concernant la grippe saisonnière en 2009, à tel point que l’on aurait l’impression que cette dernière a totalement disparu, qu’elle n’entraîne aucune hospitalisation et qu’elle ne fera aucune victime cette année, alors que cette grippe tue souvent plus de 2 000 Français par an. Quant aux données de pharmacovigilance relatives aux vaccins contre le virus H1N1v, chacun sait que le système déclaratif français en ce domaine est très loin de refléter une réalité de terrain. Même si les médecins ont l’obligation légale de déclarer les incidents liés aux produits, en pratique bien peu le fond en raison, selon eux, d’une lourdeur administrative excessive et de la délégation à l’industrie du processus d’enquête servant à déterminer si l’incident est grave ou non, et s’il est nécessaire de poursuivre des investigations risquant de remettre en cause les investissements de l’industrie. Quand on voit qu’il faut très souvent plusieurs années, surtout s’il est fabriqué par un laboratoire français, pour qu’un médicament soit retiré du marché, alors même que c’est la responsabilité du fabricant qui est en cause, on imagine le temps qu’il risque de falloir pour voir mis en cause un vaccin dont l’État a accepté de se porter garant

C’est dans ce contexte que Roselyne Bachelot, ministre de la santé, a indiqué sur France Info qu’elle étudiait la possibilité de confier aux médecins du travail des grandes entreprises ou à ceux des sociétés faisant appel à un service inter-entreprises la vaccination contre la grippe A(H1N1) pour compléter l’oeuvre des centres de vaccination. Selon Roselyne Bachelot, des problèmes logistiques se posent, mais proposer l’immunisation dans le cadre de la médecine du travail serait envisageable.
Il convient de rappeler que les médecins responsables de la santé au travail ne sont habituellement pas encouragés à assurer la vaccination des salariés. Ces actes de prévention sont laissés aux bons soins du médecin traitant, le médecin du travail s’assurant simplement que les vaccinations sont à jour.

Ce n’est sans doute pas un hasard si la solution des médecins de santé au travail est évoquée. Ces derniers sont salariés et ils font déjà l’objet d’incitations, pour de ne pas dire de pressions, pour se rendre dans les centres de vaccination. Il leur a, par exemple, été expliqué que s’ils étaient volontaires, un souhait relatif aux horaires de leurs réquisitions pourrait être pris en compte. D’autres ont reçu des documents dans lesquels il est clairement précisé qu’ « à défaut de volontaires suffisants, les réquisitions s’effectueront donc sur un mode plus impératif ».
Alors que le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Belgique n’éprouvent aucune difficulté à faire vacciner les personnes qui le désirent, sur leur territoire, par le biais d’une partie des médecins généralistes qui croient en cette prévention de masse, la France en est encore à chercher des solutions pour imposer à tous les professionnels de santé un vaccin contesté, même si un certain nombre d’entre eux propose de le faire au sein de leur cabinet. Les réquisitions, qui devaient ne concerner que des personnels volontaires, servent maintenant à obliger les professionnels de santé à effectuer des gestes qu’ils refusent pour eux-mêmes ou pour leurs proches, et ce, malgré une pression médiatique qui s’intensifie et qui pousse la population vers les centres de vaccination, permettant ainsi aux pouvoirs publics de donner l’impression de répondre à une demande…