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Revues scientifiques et procès en diffamation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et liberté d'expressionLe 11 novembre 2011, s’est ouvert à Londres un procès en diffamation qui pose, une nouvelle fois, la question de la crédibilité de certaines grandes revues scientifiques et celle de la liberté d’expression de ceux qui oeuvrent à une plus grande transparence dans les domaines scientifiques et médicaux. Le plaignant, Mohamed El Naschie, est un ingénieur égyptien, mathématicien et physicien, ancien éditeur en chef de la revue Chaos, Solitons et Fractals des éditions Elsevier. Il reproche à la célèbre revue Nature de l’avoir accusé dans l’un des articles publiés en 2008 de s’être servi de son poste de rédacteur en chef afin de publier de nombreux articles écrits de sa main sans qu’ils aient été appréciés et validés par ses pairs, comme l’explique le BMJ.

Il faut savoir que les revues scientifiques qui jouissent de la plus grande crédibilité sont, de nos jours, basées sur un système qui oblige les auteurs désireux de faire connaître le résultat de leurs travaux au sein d’une telle revue à soumettre leurs articles à son comité de lecture composé d’experts dans le domaine évoqué. Ce comité est censé relire ces articles avec un oeil critique, s’assurer que les recommandations aux auteurs propres à chaque revue ont bien été respectées, faire des remarques ou émettre des réserves sur la méthodologie employée pour obtenir les données présentées, apprécier la qualité et valider ou non l’ensemble de ce qui a été soumis. En procédant ainsi, une revue scientifique est censée diminuer les risques de faire paraître dans ses colonnes des travaux manquant de rigueur, d’objectivité, voire même des études falsifiées. Qu’une revue dispose d’un comité de lecture ne suffit pas à faire d’elle une publication de référence, mais sans comité de lecture une publication n’a aucune chance, à l’heure actuelle, de devenir une référence.
C’est sur ce principe que reposent, entre autres, les grandes revues médicales ou les publications de référence en droit. En santé, il est d’autant plus important de respecter ces règles de fonctionnement que les articles tirés de ces revues vont ensuite être utilisés pour influencer la politique de santé, permettre à des médicaments de s’imposer ou à des techniques chirurgicales de prendre leur essor.
Même si ne pas soumettre son travail avant publication à la critique de ses pairs ne présage en rien de sa qualité ou de son intérêt, il en va de la crédibilité du système que la procédure soit respectée, tout particulièrement par ceux qui sont à sa tête et qui se doivent de montrer l’exemple.

Pour les éditeurs de Nature, des doutes existent quant à la relecture des travaux de Mohamed El Naschie publiés dans la revue dont il était rédacteur en chef, élément que conteste l’intéressé et qui l’a amené à poursuivre devant les tribunaux le journaliste à l’origine de cette affaire et le Nature Publishing Group, appartenant à la société Macmillan Publishers Limited basée en Angleterre et au Pays de Galles. Pour l’avocat de Nature, il s’agit là d’un « enjeu fondamental pour la liberté d’expression scientifique ». En effet, cette affaire est la dernière d’une série d’actions en diffamation relatives à des questions scientifiques qui, selon cet avocat, nuirait à la liberté des débats au sein de la communauté scientifique. Comment imaginer qu’il ne soit pas possible de remettre en question le travail d’un scientifique, surtout lorsqu’il ne respecte pas les standards de sa profession, sans encourir une plainte pour diffamation ?

Nature a passé deux ans à préparer son dossier et a interrogé plusieurs scientifiques pour recueillir un avis sur les travaux de M. El Naschie. Selon ces derniers, les publications de cet auteur étaient de « mauvaise qualité » et leur relecture laissait à désirer. C’est en se basant sur ces témoignages que la revue Nature a décidé de publier un article à ce sujet.

M. El Naschie, après avoir fait appel à un cabinet d’avocats acceptant de n’être payé qu’en cas de victoire, assure désormais seul sa défense. Bien qu’ayant engagé la procédure, il a informé la cour qu’il ne disposait pas des moyens nécessaires pour se présenter devant elle, d’autant qu’il ne séjournerait en Grande-Bretagne qu’épisodiquement. Pour la revue Nature, l’auteur indélicat partagerait son temps entre l’Égypte, les États-Unis, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre et tenterait de faire traîner l’affaire. Une situation qui n’est pas favorable à Nature, selon la juge en charge de cette affaire, car même si la revue est reconnue innocente, elle ne pourra vraisemblablement pas obtenir de la partie adverse le remboursement des frais de procédure.

En Angleterre, selon le BMJ, le montant élevé des frais engagés pour se défendre d’une plainte en diffamation et l’issue judiciaire incertaine de telles affaires ont amené le gouvernement à réfléchir à une réforme des procédures afin qu’elles ne soient pas utilisées pour nuire à la liberté d’expression et à la santé publique. Une arme qui n’est pas propre aux Anglais à en juger par des affaires comme celle du médecin australien attaqué par le fabricant d’un produit amaigrissant, celle du chercheur ayant critiqué l’excès de sel dans les produits alimentaires ou dans le cas du Mediator et maintenant du Protelos.

Le retard d’hospitalisation en cas de grippe est une perte de chance

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Trouver le bon équilibreHors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés au code de la santé publique, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. C’est ce que prévoit l’article L 1142-1 de ce même code. Un tribunal va donc s’évertuer à rechercher la faute d’un praticien lorsque la responsabilité de ce dernier est mise en cause par un patient ou sa famille, mais il ne doit pas pour autant négliger les autres éléments du dossier…

Si la grippe est une affection le plus souvent bénigne, malgré la présentation qui en a pu être faite à l’occasion de la pandémie survenue en 2009, il arrive parfois qu’un patient soit atteint d’une forme maligne de cette maladie. C’est ce qui est arrivé à une femme en décembre 2003, sans que rien ne laisse présager pour autant que son état de santé allait se dégrader brutalement et qu’elle décéderait d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë. La famille a porté plainte contre le médecin qui n’a pas hospitalisé la malade pensant que tout allait rentrer dans l’ordre rapidement.

Dans un premier temps, la cour d’appel a débouté la famille de sa demande en responsabilité du médecin. Certes si le praticien avait délivré à la patiente des soins consciencieux, attentifs et diligents, son hospitalisation serait intervenue plus tôt, mais que rien ne dit pour autant que l’évolution de la pathologie eût été différente ; l’administration de l’antibiothérapie aurait été avancée mais aucun élément médical ne permettait de dire que cela aurait évité la dégradation brutale de l’état de santé de la malade et son décès, dans la mesure où la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë dont elle était décédée n’avait pu être déterminée, de sorte qu’il n’était pas établi que la faute du médecin eût fait perdre à la patiente une chance de survie.

Mais la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 2010 (pourvoi nº 09-69195), ne l’a pas entendu de cette façon. Pour cette dernière, la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entraîné le décès n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin, laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de la patiente, et la perte d’une chance de survie pour cette dernière. En hospitalisant plus tôt la patiente pour sa grippe, le praticien ne lui aurait pas fait perdre une chance de survivre, peu importe que ce soit ou non cette maladie qui soit à l’origine de son décès…

La réalité juridique est parfois très éloignée du discours de terrain. D’un côté, les médecins sont de plus en plus encouragés, pour ne pas dire contraints, économies de santé obligent, à ne pas hospitaliser des patients pour des maladies qui sont, chez la très grande majorité des patients, peu sévères, surtout si ces maladies sont virales ou infectieuses afin d’éviter de contaminer inutilement les services de soins. De l’autre, les praticiens se retrouvent avec une véritable épée de Damoclès au dessus de la tête, le plus petit retard d’hospitalisation en cas d’aggravation brutale et imprévisible de la maladie chez un patient ne présentant pas de facteur de risque particulier suffisant à les faire condamner pour faute. Pas facile de travailler sereinement, chaque jour, à l’aplomb d’un précipice…

Bataille juridique autour des vaccins contre le H1N1 en Pologne pendant que l’Allemagne revend les siens

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'argent de la grippe A(H1N1)Après avoir envisagé d’acheter quatre millions de vaccins contre la grippe A(H1N1) pour immuniser les groupes à risque, le gouvernement polonais a renoncé à cette dépense face aux exigences des laboratoires et à la gravité très modérée de la grippe pandémique de 2009 comparée des grippes saisonnières habituelles. La ministre de la santé polonaise, Ewa Kopacz, médecin généraliste pendant plus de vingt, a même un brin ironisé en conseillant aux citoyens de ce pays de plus de 38 millions d’habitants le thé associé au jus de framboise pour lutter efficacement contre la maladie.
Bien que le taux de mortalité en Pologne (24 décès) ne soit pas significativement plus élevé qu’ailleurs en Europe, et particulièrement en France (124 décès pour plus de 62 millions d’habitants) où une campagne de vaccination de masse a été mise en place, des voix se sont élevées pour que les citoyens aient le choix de se faire immuniser ou non. Plus que de simples protestations, l’affaire a pris un tour juridique avec la plainte déposée par Janusz Kochanowski, avocat et commissaire aux droits civiques. Ce dernier s’oppose au gouvernement du premier ministre Donald Tusk, arguant que chaque Polonais doit être libre de choisir s’il veut ou non être vacciné. Il estime que les pouvoirs publics mettent en danger la vie de la population et, qu’à l’avenir, une telle situation ne doit pas se reproduire. Reste à savoir quelle suite donnera le procureur de la République à cette demande de poursuites…

Même s’il a conseillé à ses ressortissants l’immunisation, le gouvernement allemand a, quant à lui, laissé le choix à ses citoyens de se faire vacciner ou non. Cinquante millions de doses ont été achetées, mais le ministre de la santé, Philipp Rösler, a reconnu hier que seuls 5 % de la population avait accepté d’être immunisée. Les professionnels de santé allemands eux-mêmes, groupe considéré à risque comme en France ou ailleurs, ne sont que 15 % à avoir répondu à l’appel. Résultat, plus de 40 millions de doses achetées et qui doivent être payées risquent de ne pas être utilisées. Les États régionaux allemands ont donc demandé au gouvernement fédéral de revendre les doses excédentaires, plutôt que de voir leur budget ainsi amputé pour rien. Avec 86 décès pour une population de 82 millions d’habitants, l’Allemagne, sans aucune campagne de vaccination agressive, affiche des chiffres rassurants comparés à ceux des grippes saisonnières, et le pouvoir fédéral a donc répondu favorablement à la demande des régions. Reste à savoir qui va les acheter.

L’Ukraine pourrait être un bon client puisque l’absence de vaccins dans ce pays a pris, là aussi, une tournure plus politique que sanitaire. Après une polémique sur les masques de protection et les antiviraux, comme le Tamiflu, en nombre insuffisant le gouvernement ukrainien se divise au sujet des vaccins.
La France est loin de tous ses problèmes. Le gouvernement fait bloc et de nouvelles dispositions ont été prises pour que le Tamiflu soit délivré “gratuitement” en pharmacie. Il faut dire qu’un gros stock a été constitué en 2005, suite à l’alerte liée à la grippe aviaire, dont la dangerosité était bien plus élevée que celle de la grippe A(H1N1). Son fabricant semblant regretter que les ventes restent modestes dans l’Hexagone, les médecins ne le prescrivant que lorsqu’ils l’estiment nécessaire, suivant ainsi les recommandations officielles réservant ce produit aux personnes avec une forme de grippe « grave d’emblée ou compliquée » et à celles présentant des facteurs de risque particuliers ou une infection avec un début brutal « si la forme clinique est jugée sévère par le médecin », ces dernières devraient être élargies. L’arrêté du 3 décembre 2009 relatif à la distribution de kits destinés au traitement des patients atteints par le virus de la grippe de type A (H1N1) 2009 prévoit, quant à lui, qu’un traitement antiviral et une boîte de masques anti-projections issus du stock national, est délivré gratuitement sur prescription médicale par les officines de pharmacie.
Dans le même temps, une publication scientifique parue début décembre 2009 remet en cause l’efficacité de ce produit sur le virus de l’actuelle pandémie, allant même jusqu’à évoquer un accroissement de l’activité virale avec le Tamiflu. Ces données ne vont pas manquer de relancer la polémique sur les conflits d’intérêts des différents experts à l’origine des recommandations des agences de santé “indépendantes” françaises et sur le caractère économique des décisions prises par les pouvoirs publics.

Si tout ceci n’était pas aussi sérieux, il serait tentant de citer Raymond Devos : « La grippe, ça dure huit jours si on la soigne et une semaine si on ne fait rien. »

 

Plainte contre X et vaccin de la grippe A(H1N1)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le vaccin contre la grippe A(H1N1) dans la balanceAprès quelques semaines de retard sur nos voisins belges à l’initiative d’une procédure judiciaire dans leur pays, neuf Français ont déposé plainte contre X avec constitution de partie civile, le 23 octobre 2009 à Grenoble, pour « tentative d’administration de substances […] de nature a entraîner la mort ». Au rang des plaignants figure une professionnelle de santé…

Petit rappel de l’histoire belge qui ne prête pas à sourire : après avoir posé des questions à la ministre de la santé du plat pays et n’ayant pas reçu de réponses satisfaisantes, un petit groupe de citoyens, rejoints depuis par plusieurs centaines d’autres personnes dont des médecins, ont assigné devant les tribunaux l’État belge pour qu’il suspende la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) prévue dans leur pays. Ils demandent à ce « qu’il soit apporté publiquement des éléments permettant de juger en connaissance de cause, les avantages et les inconvénients d’une telle vaccination ». Pour les requérants, les effets indésirables des vaccins, et particulièrement du Pandemrix, sont mal connus, puisque tout le monde s’accorde à dire que c’est la surveillance faisant suite à la campagne de vaccination qui permettra de tous les appréhender. Le texte de la plainte, disponible en ligne, permet de se faire une idée précise sur ce qui a poussé ces Européens, qui n’ont rien d’activistes antivaccins, à s’adresser à la justice.

En France, l’histoire est différente. C’est pour réagir à ce que les appelants estiment être « une véritable tentative d’empoisonnement » qu’une plainte contre X a été déposée. Connu pour son opposition quasi systématique à tous les vaccins, c’est Maître Jean-Pierre Joseph qui a remis au doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Grenoble cette plainte. Rien ne dit qu’elle soit recevable, car les règles juridiques en matière d’empoisonnement sans strictes, et il est d’ailleurs possible que ses instigateurs en soient conscients. Il pourrait surtout s’agir de médiatiser un mouvement idéologique prenant des positions extrêmes sur la vaccination en général. Il n’est pas certain que ce type d’initiative sert les intérêts collectifs, l’extrémisme jetant souvent le discrédit sur des actions pourtant fondées.
Il faut rappeler que si de nombreux médecins et scientifiques émettent des réserves quant à l’ardeur des pouvoirs publics à lancer une campagne de vaccination avec des produits sur lesquels le recul est insuffisant, montrant ainsi leur indépendance vis-à-vis de l’industrie et des tutelles, excessivement rares sont ceux à qui il viendrait à l’idée de remettre en cause tous les vaccins, quelle que soit la maladie à combattre.

Risques infectieux et acupuncture

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Presse

acupuncture et aiguilles à usage uniqueIl aura suffi d’une lettre adressée par un patient au conseil de l’ordre des Alpes-Maritimes concernant les conditions d’hygiène dans le cabinet d’un médecin acupuncteur pour que la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de ce département mène l’enquête. C’est ce que révèle le journal Nice-Matin dans son édition du 15 septembre 2009.

Suite à cette enquête, le préfet des Alpes-Maritimes a pris un arrêté de suspension à l’égard du médecin contrôlé en juin 2009. Installé depuis 29 ans, le praticien avait pour habitude de restériliser ses aiguilles et n’avait pas jugé bon d’utiliser du matériel jetable. Mal lui en a pris puisqu’une plainte a été déposée contre lui auprès le procureur de la République et que la DDASS est à la recherche de plus de 1 200 de ses patients à qui elle conseille de passer des tests de dépistage du VIH et des hépatites B et C. Les confrères de ce praticien ont reçu un courrier pour aider la DDASS dans ses investigations, car des dysfonctionnements au regard des règles d’hygiène ont été constatés et font craindre que des patients aient pu être contaminés par des virus résistants au mode de stérilisation employé par l’acupuncteur. Le risque, s’il est exceptionnel, n’en est pas moins réel et seuls les résultats des tests anonymes et gratuits pourront rassurer une patientèle effrayée par de telles pratiques.

Il convient de rappeler que la loi n’impose pas aux acupuncteurs l’utilisation d’aiguilles à usage unique. Des recommandations de bonne pratique émanant d’organisations d’acupuncteurs ne bannissent pas la stérilisation, mais cette dernière ne concerne que des matériels particuliers et doit respecter des protocoles stricts. Le Poupinel du médecin maralpin ne semble pas répondre à ces exigences.

 

Prédisposition génétique à la sclérose en plaques, délai de survenue et vaccination contre l’hépatite B

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Vaccin contre l'hépatite B et Sclérose en plaquesUne décision du Conseil d’État en date du 24 juillet 2009 (nº 308876) vient de mettre fin aux espoirs d’une infirmière de voir sa sclérose en plaques (SEP) indemnisée comme maladie professionnelle suite, selon elle, à la vaccination contre l’hépatite B obligatoire dont elle a fait l’objet de janvier 1993 à février 1994 alors qu’elle travaillait dans un établissement public de santé.

Après avoir reçu cinq injections de vaccin contre l’hépatite B, cette professionnelle de santé s’est plainte de « troubles divers », mais ce n’est qu’au cours de l’année 1995 que le diagnostic de sclérose en plaques a été porté suite à une fatigue importante et à des douleurs au niveau de plusieurs articulations.

Le Conseil d’État a considéré que « si l’existence d’une prédisposition génétique à une affection démyélinisante n’est pas de nature, par elle-même, à exclure l’imputabilité d’une telle affection à la vaccination contre l’hépatite B, elle ne permet pas en revanche de regarder cette imputabilité comme établie dans l’hypothèse où la survenue des premiers symptômes de l’affection ne serait pas séparée de l’injection du vaccin par un bref délai ». Même si un patient est prédisposé à être atteint d’une sclérose en plaques, rien n’interdit de penser que le vaccin contre l’hépatite B peut être à l’origine de sa maladie, comme chez n’importe quel autre patient. Par contre, que la maladie intervient longtemps après la dernière injection n’implique, chez un malade prédisposé, que le vaccin soit obligatoirement en cause.
Pour le Conseil d’État, l’allégation, « à la supposer fondée », selon laquelle la patiente « présenterait une prédisposition génétique à l’affection dont elle souffre et la circonstance que l’État a accepté de l’indemniser sur le fondement de sa responsabilité au titre des dommages causés par les vaccinations obligatoires » ne suffisent pas à imputer l’origine de la maladie au vaccin obligatoire reçue par l’infirmière. Que les symptômes soient apparus un an et demi après la dernière injection représente « un long délai » qui ne permet pas de considérer que le vaccin est à l’origine de la maladie et d’affirmer le caractère professionnel de cette dernière.

La rapidité d’apparition des symptômes de la SEP après la vaccination contre l’hépatite B est bien, pour cette juridiction, un élément déterminant pour décider si les injections peuvent être à l’origine ou non de la maladie.

Plus de plaintes dans les hôpitaux depuis la loi du 4 mars 2002 ?

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Evolution

Augmentation des plaintes contre les établissements de santéUne étude française, puliée le 6 août 2009 dans la revue BMC Health Service Research et intitulée Evolution of patients’ complaints in a French university hospital: is there a contribution of a law regarding patients’ rights? [Évolution des plaintes des patients dans un hôpital universitaire français : une loi relative aux droits des patients y a-t-elle contribué ?, NDLR] n’a pas réussi à mettre en évidence un lien direct entre l’adoption de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et l’augmentation du nombre de plaintes formulées par écrit par les patients d’un grand centre hospitalier universitaire parisien, mais elle pourrait y avoir joué un rôle.

Ce travail, réalisé par Camila Giugliani du service de santé publique de l’École de médecin de l’université Paris Descartes et basé sur le constat que le nombre de plaintes relatives à des problèmes médicaux au sein d’un grand hôpital universitaire de la région parisienne a augmenté au fil du temps, montre que le sentiment des patients d’avoir été victime d’une erreur médicale aurait lui aussi augmenté. La loi du 4 mars 2002 pourrait avoir joué un rôle dans ce phénomène en faisant évoluer l’attitude des patients à l’égard des procédures permettant de se plaindre. Alors même que l’établissement était engagé dans une démarche de certification et que la durée des séjours tendait à diminuer, ce qui allait dans le sens d’une diminution des incidents graves liés à une hospitalisation, le nombre de courriers d’avocats ou de patients estimant être victime d’une erreur médicale n’a cessé d’augmenter. Le fait d’avoir élargi le débat sur ces évènements indésirables et sur les erreurs liées aux soins à l’occasion des discussions concernant la loi pourrait avoir fait prendre conscience aux patients de leurs droits et les avoir rendus plus exigeants à l’encontre du système de santé. Même si cette étude n’entre pas dans les détails, on peut aussi penser que la médiatisation de quelques erreurs médicales, comme l’affaire Perruche, a donné à réfléchir au plus grand nombre, surtout au regard des éventuelles réparations financières pouvant être obtenues si une faute est bien reconnue.
Les courriers d’avocat sont de plus en plus nombreux. L’accès plus facile à son dossier médical pourrait expliquer cette tendance, la volonté croissante d’engager des poursuites judiciaires aussi.

La plupart des plaintes reçues par cet hôpital ont été formulées par de femmes d’âge moyen, pour des problèmes liés à la chirurgie, à l’obstétrique, à la gynécologie et à la néonatalogie. Une complication survenue à la suite d’un acte chirurgical ou médical est le plus souvent à l’origine de la réclamation. Pour un grand nombre de patients, une plainte est le meilleur moyen d’exprimer leur frustration et leur déception concernant leur prise en charge. Elle peut aussi représenter un espoir de voir la qualité des soins s’améliorer afin de réduire le risque de voir se reproduire le même type d’événement indésirable que celui auquel ils ont été confrontés. C’est aussi une façon d’obtenir une sanction financière ou non à l’encontre de l’établissement ou d’un praticien considéré comme responsable.

Une telle étude semble être une première en France et devrait permettre de mieux répondre aux attentes des patients. De quoi se plaint-on ?

Pôle santé sécurité soins du Médiateur de la République

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médiateur et santéIl existait jusque-là une Mission pour le développement de la médiation, de l’information et du dialogue pour la sécurité des soins (MIDISS), mise en place par la Haute Autorité de santé en 2006, d’un côté, et le Médiateur de la République, d’un autre. Ces deux entités se sont réunies, début janvier 2009, pour créer un pôle santé et sécurité des soins « dédié à l’information des usagers et à la médiation entre les patients et les professionnels de la santé ». Cette fusion a pour but de renforcer le droit des patients et la sécurité des soins.

Partie d’un rôle d’information et de développement de la médiation sur les infections nosocomiales, la MIDISS a vu ses compétences élargies progressivement à l’ensemble des questions concernant la sécurité des patients. Les équipes de cette Mission viennent prêter main-forte à celles du Médiateur de la République qui peut maintenant informer et recevoir toutes les réclamations qui mettent en cause le non-respect du droit des malades ; la qualité du système de santé ; la sécurité des soins et l’accès aux soins. Tous les établissements publics et privés de santé, ainsi que la médecine de ville, sont de la compétence de cette nouvelle structure.

Il est intéressant de noter l’approche donnée à ces nouvelles missions sur le site du Médiateur de la République : « Le Médiateur de la République va désormais s’attacher à rétablir la confiance entre le monde médical et les usagers du service de santé, et à participer à l’amélioration de la sécurité des soins. […] Dans un contexte de défiance à l’égard du système de santé, il est apparu essentiel de proposer un dispositif de médiation indépendant de la sphère médicale. » On aurait pu penser qu’un Médiateur ferait preuve d’une impartialité à toute épreuve et écouterait en toute équité les deux parties. Ces remarques semblent, au contraire, pleines d’a priori.

En plus des recommandations de la Haute Autorité de santé, devenues opposables aux médecins, le Médiateur de la République rappelle qu’il a, lui aussi, un pouvoir de contrôle, voire même d’injonction, et qu’il peut formuler des recommandations. Les professionnels de santé du privé se voient donc confronter à une nouvelle formation pseudo administrative à qui ils devront rendre des comptes. Une de plus…

Un numéro vert et un site Internet ont été financés et mis à la disposition du public afin qu’il puisse porter plus facilement réclamation contre les médecins et les autres professionnels de santé. Il ne semble pas avoir été envisagé de numéro gratuit pour que ces derniers puissent exprimer leur insatisfaction quant à leurs conditions d’exercice et quant au harcèlement dont ils font l’objet de la part des instances administratives, politiques ou médiatiques. Il faut dire que le politiquement correct veut que les médecins n’aient pas à se plaindre…

Le médecin peut « se plaindre » de la CMU-C

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

S’il est normal d’attacher de l’importance aux plaintes des patients qui estiment être victimes d’une discrimination par certains médecins en raison de leur statut de bénéficiaires de la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C), il est logique d’écouter les praticiens qui s’estiment, eux aussi, victimes du comportement discourtois ou préjudiciable au système de soins de ces mêmes patients. Ce discours choquera sans doute les adeptes du « politiquement correct », mais une vision manichéenne est la preuve d’un manque d’objectivité. 

EnquêteIl est vrai que l’approche fallacieuse du rapport du Fonds CMU a réussi à faire passer dans les médias, et donc dans l’opinion publique, l’idée que les médecins, tout particulièrement les spécialistes dits à honoraires libres, refusaient de soigner des patients au prétexte qu’ils étaient bénéficiaires de la CMU-C. Le rapport de mai 2006, intitulé « Analyse des attitudes de médecins et de dentistes à l’égard des patients bénéficiant de la Couverture Maladie Universelle », a étonné bon nombre de médecins par son manque de rigueur et d’objectivité et par sa partialité. Sept à huit soi-disant témoignages de praticiens, recueillis sur la base d’informations erronées, servent à condamner toute une profession. Plutôt que de discréditer le Fonds couverture médicale universelle et la caisse primaire d’assurance-maladie du Val-de-Marne qui a apporté son concours à sa réalisation, le battage médiatique a déclenché de virulentes réactions de parlementaires de tous bords contre ce manque d’humanisme des médecins nantis. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, ému par ce tintamarre, a sollicité la toute nouvelle HALDE (haute autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l’égalité) qui s’est hâtée de rendre un avis basé sur l’enquête biaisée et disant qu’il était discriminatoire de refuser de voir un patient CMU-C. La HALDE a donné des conseils au conseil de l’ordre des médecins qui s’est empressé de les suivre pour ne pas être soupçonné de couvrir ces pratiques. Personne pour relever les incohérences de l’enquête, juste quelques remarques timides quant à des difficultés rencontrées par les médecins concernant les CMU-C.
Le ministre a aussi commandé un rapport à Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales et directeur du Fonds CMU sur le sujet. Bien entendu, le directeur de l’organisme à l’origine de l’enquête de départ a cautionné les conclusions erronées et a proposé des sanctions et un contrôle renforcé des médecins… Xavier Bertrand a immédiatement validé ces conclusions. Il n’aurait pas été politiquement correct de donner l’impression de soutenir les praticiens dans une affaire médiatique liée à une possible discrimination.

Des décisions bien hâtives

Est-il objectif de dire que le rapport du Fonds CMU était biaisé et partial ? Il suffit pour s’en convaincre de lire la synthèse officielle de ce document. Les méthodes statistiques utilisées le prouvent : « En appliquant ces méthodes de surreprésentation, on était en mesure d’obtenir, un nombre de testing avec refus supérieur à celui d’un sondage aléatoire simple, ce qui permettait d’enrichir l’analyse » 1. C’est en effet un testing par téléphone, faisant appel à un comédien, qui a été utilisé pour obtenir les statistiques sur lesquelles sont basés les résultats.
« D’autre part, des entretiens avec quelques médecins et dentistes des 6 villes en questions, ont complété la méthodologie de manière à comprendre les logiques à l’œuvre, expliquant les attitudes différenciées des professionnels » 1. Sur les 230 médecins qui ont été testés, seuls 15 ont été interrogés. Parmi ces quinze, seuls 50 % d’entre eux avaient « refusé » de voir un patient, soit 7 ou 8 praticiens pour expliquer le comportement de l’ensemble des médecins français fautifs de refuser un patient… Suivant les conditions, ce n’est d’ailleurs pas une faute de refuser de voir un patient 2, mais le rapport se garde bien de le rappeler, si tant est que ses auteurs l’aient su…
OphtalmologisteDes « vérités » sont énoncées dans ce rapport : « Ainsi, les discriminations médicales, sociales et raciales se renforcent les unes les autres » 3. Ce n’est pourtant pas ce qu’il ressort de la conclusion de ce travail, qui presque à regret, n’a pas réussi à mettre en évidence de discrimination raciale dans ce qui a été considéré comme les « refus » des praticiens. Car lorsque l’on étudie les motifs de ces « refus », certains étonnent.

Pour mieux comprendre, il faut s’intéresser à quelques exemples. Le testing a été fait en demandant à l’acteur d’appeler pour prendre rendez-vous pour une simple conjonctivite lorsqu’il téléphonait à un ophtalmologiste, si l’on en croit le rapport. Est-il étonnant que des cabinets d’ophtalmologie aient pu conseiller au patient d’aller voir son généraliste pour une simple conjonctivite ? La Sécurité sociale, les parlementaires soucieux des économies de santé et le ministre recommandent-ils à tous les patients souffrant d’une conjonctivite d’aller directement consulter un spécialiste ? Il n’était pas question d’une conjonctivite chez un porteur de lentilles, puisqu’il est indiqué dans la synthèse du rapport que « Des restrictions ont été également repérées concernant la prescription de lentilles alors que pour d’autres demandes, les mêmes ophtalmologues acceptent les patients (prescription de lunettes ou conjonctivite) ». Les auteurs du rapport reprochent aussi aux ophtalmologistes d’informer les patients CMU-C sur le fait que les lentilles de contact ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale et assimilent cette information (censée décourager le patient à consulter) à un refus de soins.
Ce n’est pas le corps médical qui fixe la « Liste des produits et prestations remboursables » par l’assurance-maladie. Les lentilles de contact et leurs produits d’entretien sont exclus à de très rares exceptions près, ces exceptions n’étant aucunement basées sur des critères sociaux… N’est-ce pas le devoir du médecin d’informer le patient des conditions de prise en charge des soins ? C’est pourtant ce que la loi prévoit dans le code de la Sécurité sociale et le code de la santé publique, sachant que ces dispositions ont même été renforcées récemment au prétexte que les praticiens n’informaient pas suffisamment les patients sur leurs honoraires et leur prise en charge. Le directeur du Fonds CMU et la caisse d’assurance-maladie du Val-de-Marne ne connaissent-ils pas les conditions de prise en charge des lentilles de contact ?

Une enquête biaisée ?

Dans plusieurs cas, les cabinets n’ont été appelés qu’une fois et, tous médecins confondus, une simple « impression de malaise chez la secrétaire » a pu être considérée comme un refus ! Il serait intéressant d’avoir un sondage représentatif digne de ce nom sur le ressenti des secrétaires des cabinets médicaux concernant certains patients CMU-C pour pouvoir interpréter l’ « impression de malaise » de façon objective. Il est difficile de croire que ce personnel fasse partie des nantis, si ce n’est à considérer que toute personne ayant un emploi est de nos jours un nanti, et cela éviterait de s’en remettre à l’interprétation subjective et partiale qui en a été faite. Il se pourrait d’ailleurs que les résultats d’un tel sondage donnent à réfléchir…

La fiabilité des statistiques peut aussi prêter à discussion. Que penser d’une étude qui reconnaît avoir exclu des médecins après que les tirages au sort ayant servi à la rendre soi-disant fiable aient été effectués ? Comment considérer un travail qui repose sur des hypothèses non vérifiées quant à la fréquence des refus pour utiliser un modèle de surreprésentation ? Que dire d’une enquête qui se veut rigoureuse et qui traite les cabinets de groupe comme s’ils ne correspondaient qu’à un seul individu ?

justiceComment serait-il possible qu’un tel rapport puisse être à la base d’une modification législative comme il en est question dans la version non définitive d’un projet de loi obtenue par l’Agence France-Presse (AFP) ? Il serait question de lutter contre la « discrimination », en renforçant les sanctions à l’égard des praticiens qui refuseraient de soigner un patient sans raison valable. Ces sanctions « pourront faire l’objet d’une publication afin de montrer que le refus de soins est un acte grave » 4. On voit bien que la notion de « raison valable » peut être très subjective…

Il est déjà regrettable de constater que de nombreux travaux découlent de ce document. Preuve en est la circulaire 33/2008 de l’assurance maladie qui commence par cette phrase : « S’appuyant sur l’enquête réalisée au mois de juin 2006 par le Fonds de financement de la CMU, Monsieur Jean-François Chadelat a montré que des bénéficiaires de la CMU complémentaire éprouvent encore beaucoup de difficultés pour obtenir des soins ou des produits médicaux ». Il est tout de même heureux de constater que l’objet de cette circulaire est la « prise en charge des réclamations et plaintes formulées par les bénéficiaires de la CMU complémentaire ou par les professionnels de santé ». Il y est même admis qu’un soignant puisse « se plaindre » d’un bénéficiaire de la CMU-C : « Pour mettre fin aux situations de refus de soins, il convient de prendre également en compte les réclamations portées par les professionnels de santé ou établissements de santé à l’encontre des bénéficiaires de la CMU complémentaire ». Les plaintes peuvent porter, par exemple, sur retard injustifié aux rendez-vous, des rendez-vous manqués et non annulés ou des exigences exorbitantes du patient. Plus étonnants, les traitements non suivis ou interrompus sont des griefs admissibles.

Des droits et des devoirs

La lettre no 29 de l’assurance maladie confirme les informations de la circulaire 33/2008 et vient préciser que le refus de remboursement aux professionnels de santé par l’assurance-maladie de soins prodigués à un patient CMU-C est aussi un motif de réclamation légitime.

Après l’importance prise par l’enquête du Fonds CMU, le dernier épisode concernant ce sujet montre bien que la peur du ridicule n’est pas à l’ordre du jour. Un collectif de médecins, estimant que les bénéficiaires de la CMU-C ont bien raison de se plaindre de leurs confrères, vient de saisir la HALDE au motif que cette circulaire et cette lettre seraient discriminatoires à l’encontre des patients CMU-C, en rappelant à ces derniers, qu’en plus de droits, ils ont aussi des devoirs… L’assurance-maladie, qui a collaboré activement à l’enquête du Fonds CMU, va-t-elle être l’arroseur arrosé ? Ne sommes-nous pas là dans une dérive extrémiste ? Il est probable que la pression médiatique fasse à nouveau son oeuvre et que les devoirs de ceux qui bénéficient de soins gratuits du fait de l’effort de la Nation et des droits de ceux qui les soignent passent aux oubliettes. Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, dans une interview en direct des Jeux olympiques de Pékin, a déjà indiqué que cette circulaire n’avait pour but que de préciser le rôle des conciliateurs mis en place avant tout pour recueillir les plaintes des patients et n’a évoqué la « responsabilisation » de toutes les parties que du bout des lèvres.

On peut penser qu’un rapport du type de celui du Fonds CMU et la pression politico-médiatique qui s’en est suivie ne peuvent que créer un sentiment de malaise entre les professionnels de santé et les patients CMU-C. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille exonérer tous les acteurs de la santé d’une tentation discriminatoire. La profession en est consciente et il faut saluer des initiatives comme celle que l’Union régionale des médecins libéraux d’Aquitaine a présenté, le 19 janvier 2008, lors de la journée des Associations de patients organisée à la Maison des Associations de Mérignac-Bordeaux un document intitulé « CMU : pour des soins sans dysfonctionnement Droits et Devoirs ».
Pour cet organisme, il s’agirait de la première charte de « bonne conduite » concernant la couverture médicale universelle (CMU). Elle rappelle les droits et les devoirs de chacun, sans esprit polémique et sans arrière-pensée politique.
Il s’agit d’un travail mené avec des patients, des professionnels de santé et l’assurance-maladie afin que ces trois parties respectent leurs engagements concernant la CMU.
Bel exemple de concertation, sans aucune intervention politique…

 


1 – page 3, de la synthèse officielle du rapport du Fonds CMU.
2 – Lire l’article « Un médecin libéral peut-il refuser de voir un patient ? »
3 – page 6, de la synthèse officielle du rapport du Fonds CMU.
4 – « Santé: plus de pouvoir aux agences régionales et directeurs d’hôpitaux »

 

 

Annuaires gratuits pour les médecins et autres professionnels de santé : prudence

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

De nombreux médecins ont attiré l’attention de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les pratiques de sociétés basées en Europe qui proposent des référencements d’entreprises dans un annuaire professionnel. Les praticiens s’interrogent sur la licéité des pratiques de ces sociétés et la DGCCRF leur adresse en retour un courrier que l’un de nos lecteurs a eu la gentillesse de nous communiquer et dont cet article s’inspire.

LireCes pratiques qui donnent lieu à de nombreuses plaintes sont bien connues des services de la DGCCRF. En vertu du principe constitutionnel de territorialité des lois, les compétences géographiques des agents de la DGCCRF sont limitées au seul territoire national. Les services de la DGCCRF ne peuvent donc pas faire procéder à une enquête sur ces sociétés ou intervenir directement auprès d’elles.

Cependant, en cas de pratique transfrontière illicite caractérisée (publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, tromperie, voire tentative d’extorsion de fonds), la DGCCRF peut saisir, dans le cadre de la coopération mise en place au sein de l’Union européenne ou de l’OCDE, les autorités compétentes du pays concerné. Ces dernières ont déjà été saisies à de nombreuses reprises d’affaires identiques par la DGCCRF concernant ces entreprises et ayant donné lieu à un certain nombre de plaintes émanant de professionnels installés en France.

Certaines de ces sociétés ont fait l’objet de diverses condamnations par les autorités du pays où elles sont basées, mais elles n’hésitent pas à déménager pour brouiller les pistes.

« En matière d’action civile, notamment de saisine des juridictions commerciales pour demander l’annulation des contrats sur le fondement de l’article 1109 du code civil (vice de consentement, manœuvres dolosives), il convient de noter que la juridiction civile juge au cas par cas et sur la base d’un seul et unique contrat. Elle ne prend pas en compte la dimension nationale ou internationale de l’affaire y compris dans sa composante pénale. Il en résulte des décisions de justice qui ne sont pas unifiées.
 
En effet, plusieurs décisions, au plan purement civil, sont intervenues, parfois à l’avantage du professionnel plaignant, parfois en faveur de la société. Dans tous les cas, ce sont les victimes qui ont déposé plainte et non les sociétés proposant des annuaires.

Néanmoins, certains juges ont estimé qu’une lecture attentive du formulaire aurait permis d’éviter l’engagement vis-à-vis de ce type d’entreprise. Effectivement, il est important de noter que le formulaire diffusé par certaines de ces sociétés a été modifié et que sa présentation actuelle indique, au bas du document, la mention « commande » et le coût annuel qui en résulte ».

Les sociétés indélicates procèdent, par l’intermédiaire de sociétés de recouvrement, à des « relances agressives » de ses « clients » et les menacent d’obtenir une décision de justice à leur encontre dans leur État d’origine, en vue de les amener à procéder à un règlement complet ou à une transaction « amiable ».

Le courrier de la DGCCRF précise que deux types de menaces d’obtention d’une décision de justice devant la juridiction compétente pour les litiges afférents au contrat (généralement la juridiction du siège de l’entreprise) sont généralement utilisés : soit la menace d’obtention d’une injonction de payer ; soit celle de l’obtention d’un titre exécutoire européen. Ces deux actions judiciaires sont fondées sur les règlements européens qui portent leurs noms.

Le titre exécutoire européen obéit à des conditions extrêmement strictes qui ne paraissent pas remplies par les sociétés étrangères qui proposent des insertions dans des annuaires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, les sociétés d’annuaires se contentent généralement d’annoncer un « préavis d’assignation ».

Quand bien même l’une de ces sociétés parviendrait à obtenir une telle décision d’un tribunal compétent, il reviendrait au professionnel français de la contester immédiatement, ce qui aurait pour effet de suspendre la procédure.

Il est regrettable que de tels agissements portent préjudices aux professionnels de santé, mais aussi à des sociétés respectables qui font un commerce transparent et respectueux de ce type d’annuaires. Il convient d’informer au maximum les professionnels de santé à ce sujet. Le conseil de l’ordre s’y emploie, mais il est indispensable que le plus de médecins, dentistes, kinésithérapeutes, etc. soient sensibilisés afin qu’ils puissent séparer le bon grain de l’ivraie.