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Le conseil national de l’ordre infirmier en sursis

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Infirmière d'un autre âgeÀ peine a-t-il vu le jour que le conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI) est passé à deux doigts de la cessation de paiement, incapable de rembourser ses dettes à la Bred, banque auprès de laquelle il a souscrit un emprunt. Après avoir longtemps refusé de surseoir à l’exigibilité des sommes dues en août au titre du crédit consenti, l’établissement bancaire a fini par offrir un répit à l’ordre des infirmiers, lui évitant ainsi une déclaration de cessation de paiement. L’instance ordinale n’est pas tirée d’affaire pour autant puisqu’il va lui falloir présenter son plan de restructuration au banquier à la rentrée et trouver près de 50 000 nouveaux cotisants, alors que l’ordre ne compte actuellement qu’un peu plus de 58 000 membres sur les 520 000 infirmiers en exercice selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

C’est la loi 2006-1668 du 21 décembre 2006 portant création d’un ordre national des infirmiers qui avait permis à ce dernier de voir le jour. Après des élections départementales puis régionales, c’est en janvier 2009 que le bureau national de l’ordre a été élu. Suite à une éclatante victoire, près de 85 % des voix alors que trois autres candidats étaient en lice, Dominique Le Boeuf, cadre infirmier, a pris sa tête sans imaginer à quel point la tâche serait ardue.

Alors que la loi prévoit qu’ « il est institué un ordre national des infirmiers groupant obligatoirement tous les infirmiers habilités à exercer leur profession en France, à l’exception de ceux régis par le statut général des militaires », il aura suffi d’une cotisation jugée excessive par une partie de la base pour que cette instance chargée d’assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession d’infirmier, ainsi que sa promotion, subisse la tempête. Très vite lâché par les pouvoirs publics craignant de mécontenter des soignants proches de la population peu de temps avant de grandes échéances électorales, l’ordre infirmier a aussi dû lutter contre divers syndicats hospitaliers voyant d’un mauvais oeil ce nouvel interlocuteur des autorités de santé. Rivalités entre libéraux et salariés des établissements de soins, mais aussi différents sur l’élaboration du code de déontologie, ont fini par porter le coup de grâce à cet organisme de droit privé que l’État n’a pas voulu financer tout en donnant raison à ceux qui ne voulaient pas payer leur cotisation, interdisant ainsi tout équilibre financier. Rendue responsable de tous les maux et accusée d’avoir engagé des dépenses que l’ordre ne pouvait honorer faute de cotisants, Dominique Le Boeuf a préféré démissionner le 8 juillet 2011, échappant ainsi de peu à une possible révocation.
Son successeur, David Vasseur, président par intérim, cadre formateur infirmier de bloc opératoire diplômé d’État (IBODE), n’a pu faire mieux. Après avoir compris qu’il n’obtiendrait pas le soutien du ministre de la santé, il a lui aussi préféré démissionner le 29 juillet 2011. C’est un infirmier normand qui a pris sa suite, Didier Borniche, issu lui aussi du bureau élu en 2009. Ce changement de présidence a semble-t-il suffi pour que la Bred accepte de donner un sursis au bureau décimé du CNOI et que Xavier Bertrand estime que ce dernier avait encore un avenir.

On aurait pu croire que la déontologie n’avait pas de prix, surtout à l’heure où les problèmes de transparence et de conflits d’intérêts ont montré les dégâts qu’ils étaient susceptibles de faire. L’exemple de la cotisation de l’ordre des infirmiers prouve que les pouvoirs publics ne voient pas les choses ainsi. Sachant qu’ils ne seront pas interdits d’exercice, pourquoi les infirmiers céderaient-ils ? Faut-il leur en vouloir de refuser de cotiser pour un ordre qui finira, à l’image des autres ordres des professions de santé, par leur imposer de nouvelles contraintes, sous peine de sanctions, en fonction des desiderata politiques du moment ? Quant à la justice ordinale, chacun sait qu’elle est bien souvent “surprenante” et que sa transparence mériterait d’être grandement améliorée, ceci expliquant sans doute aussi que des milliers d’infirmiers, trop éloignés des cercles d’initiés, n’aient pas envie d’y être soumis.

Nombreuses sont les professions de santé qui n’ont pas encore de code de déontologie et d’ordre professionnel, la création chaotique de celui des infirmiers n’est vraisemblablement pas l’exemple à suivre…

Fin du parcours de soins en Slovaquie

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique Evolution

Parcours du maladeEn Slovaquie, habituée à un système de santé étatisé hérité de son passé au sein de l’ancien « bloc de l’Est », il n’était pas question jusque-là pour un patient d’aller voir directement un médecin spécialiste s’il voulait être remboursé par l’assurance-maladie publique. Quant aux patients disposant d’une assurance privée complémentaire, c’est vers un médecin agréé qu’ils avaient l’obligation de se tourner pour que les dépenses engagées soient prises en charge. C’est à ce parcours de soins coordonnés, présenté en France comme une source d’économies de santé ces derniers temps, que le gouvernement slovaque vient de renoncer. Plutôt que de rembourser deux consultations (une chez le généraliste et une chez le spécialiste) et d’obliger les malades à perdre plusieurs heures dans la salle d’attente d’un médecin surchargé au risque de voir la propagation des virus et autres germes facilitée, les autorités slovaques ont décidé de modifier leur loi relative à l’assurance-maladie afin que l’accès direct au spécialiste puisse être pris en charge sans restriction.

Le ministre de la santé, Ivan Uhliarik, a justifié cette décision en expliquant que le parcours de soins coordonnés était une exigence absurde, pouvant conduire parfois des patients à renoncer à se faire soigner faute de pouvoir perdre une demi-journée entre le cabinet du généraliste, puis celui du spécialiste. Le gouvernement slovaque a choisi de faire confiance aux patients en leur permettant, en fonction des symptômes qu’ils présentent, de s’orienter directement vers le spécialiste qui leur semble être le mieux à même de les prendre en charge.

En France, le parcours de soins coordonnés a été instauré ces dernières années afin de « rationaliser les différentes interventions des professionnels de santé pour un même assuré », comme le précise la Direction de l’information légale et administrative. « Le respect de ce dispositif par l’usager de la santé conditionne la prise en charge normale de ses dépenses de santé par la sécurité sociale ». À part pour quelques spécialités, comme l’ophtalmologie, et sous certaines conditions (pour des problèmes de santé bien précis et non pour toutes les pathologies, comme le patient le croit parfois), l’accès direct aux spécialistes par le patient, pourtant libre de choisir son médecin, implique qu’il est moins bien remboursé. Il est obligé de passer par son médecin spécialisé en médecine générale afin que ce dernier l’adresse à un médecin spécialisé en autre chose… Une logique très loin d’être évidente quand on prend la peine d’étudier les arguments de ceux qui dénigrent ou, au contraire, qui défendent le parcours de soins coordonnés. Une pratique qui a toutefois conduit le système de soins anglais au bord du gouffre, obligeant les pouvoirs publics britanniques à revoir en profondeur la prise en charge des patients.

Rationalisation des soins ou libre choix du patient ? Reconnaissance du rôle fondamental du médecin spécialisé en médecine générale ou démagogie des pouvoirs publics à l’égard des généralistes pour mieux contrôler une profession tout entière ? Excellent moyen de faire des économies de santé ou subtile façon de décourager des malades à consulter ? Qu’en pensez-vous ?

Les médecins hospitaliers tchèques obtiennent plus de 300 € d’augmentation par mois

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Drapeau tchèqueLa pugnacité des 3 800 médecins hospitaliers tchèques qui avaient décidé de démissionner pour partir en Allemagne le 1er mars 2011 a fini par payer. Après que le conseil de l’ordre des médecins de ce pays ait courageusement apporté son soutien au mouvement en appelant tous les praticiens tchèques à soutenir leurs confrères hospitaliers et que les hôpitaux aient commencé à annuler les interventions faute de chirurgiens et d’anesthésistes, le gouvernement tchèque qui affirmait ne pas pouvoir faire d’efforts a compris qu’il valait mieux céder face à la détermination de toute une profession.

C’est le 16 février 2011 que le ministre de la santé, au nom du nouveau gouvernement de centre-droit tchèque, a annoncé une augmentation comprise entre 200 et 320 € du salaire mensuel des praticiens hospitaliers, salaire dont la moyenne, heures supplémentaires comprises, s’élève à 1 977 € par mois, dans un pays où il est de 975 € par mois pour la population générale.
Une décision difficile à prendre à un moment où des mesures ont été prises pour réduire la masse salariale dans le secteur public afin d’endiguer le déficit budgétaire du pays. Face à la menace concrète de paralysie d’une partie du système hospitalier, les pouvoirs publics n’ont pourtant pas eu d’autre choix que de transiger.

Les représentants des 3 800 praticiens hospitaliers (soit 20 % des médecins travaillant dans les hôpitaux tchèques) ont accepté cette offre et ont repris leur lettre de démission.

Au programme du gouvernement tchèque figure une réforme du système de santé, des retraites et des impôts afin d’équilibrer le budget de la nation d’ici à 2016. En 2011, le déficit public devrait se limiter à 4,6 % du PIB, contre 5,3 % en 2010.
L’augmentation du salaire des médecins hospitaliers, qui représente un peu plus de 82 millions d’euros, devrait être financée à l’aide d’une taxe sur les assurances santé et ne sera pas supportée par le budget de l’État.

Cette hausse du salaire mensuel n’a pas que des conséquences nationales, elle a aussi des répercussions internationales et le ministre de la santé slovaque, pays limitrophe qui voit déjà ces praticiens hospitaliers s’exiler en République tchèque où les conditions de rémunération sont meilleures, a annoncé que son pays allait lui aussi devoir augmenter les salaires des médecins travaillant à l’hôpital. Des propositions seront faites en ce sens en mai 2011. Là encore, c’est la piste d’une taxe sur les assurances santé privées qui est envisagée.

La Cour des comptes confirme les critiques du Sénat sur la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1)

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

La grippe porcineContrairement à l’extrême complaisance dont avaient fait preuve les députés vis-à-vis de la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1)v par le gouvernement en 2009, les sénateurs avaient fait preuve l’an passé de beaucoup moins d’égards à l’attention des services de Roselyne Bachelot alors ministre de la santé et de ceux de Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur. Force est de constater à la lecture d’une étude de la Cour des comptes relative à l’utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la pandémie grippale A (H1N1)v que les résidents de la chambre haute du Parlement français ont fait preuve de bien plus de clairvoyance, d’objectivité et d’esprit critique que leurs homologues d’une chambre bien basse à cette occasion.

Même si d’autres affaires et le scandale du Mediator ont chassé des devants de la scène le fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe porcine ou A(H1N1) »v » (pour variant) il n’en est pas moins intéressant de prendre connaissance de ce contrôle de la Cour des comptes que l’on retrouve au sein d’un rapport d’information de la commission des affaires sociales du Sénat rendu public début février 2011.

Une gestion déplorable

Avec le recul, le bilan de la lutte contre la pandémie grippale A(H1N1)v est le suivant : un peu plus de cinq millions de personnes vaccinées (5,36 millions, soit 8,5 % de la population) pour plus de 44 millions de doses de vaccins achetées (sur les 94 millions commandées); 342 décès attribués à la grippe A(H1N1)v ; un coût total estimé entre 700 et 760 millions d’euros (soit entre 4,5 et 5 milliards de francs) ; 48,5 millions d’euros consacrés à l’indemnisation des laboratoires pour avoir annulé les commandes sur un total de 382,7 millions d’euros dévolus aux seuls vaccins.

Loin des éloges des députés à l’égard des services de l’État et des décideurs politiques, la Cour des comptes dresse, dès le début de son étude, un tableau sans concessions de ce qui ressemble bien à un fiasco : « Au tout début de la crise, le gouvernement a eu comme priorité de réserver des vaccins, ses fournisseurs habituels n’étant pas prêts (Sanofi) ou jugés incertains (Novartis). Il a craint d’être comparé désavantageusement avec le Royaume-Uni, qui était parvenu à mobiliser rapidement le laboratoire pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) afin d’obtenir à partir du mois de septembre des vaccins pour couvrir toute sa population. Avant même d’être en mesure d’analyser la menace, de juger la fiabilité des données alarmistes en provenance du Mexique, d’examiner la pertinence et les modalités d’une campagne de vaccination, le gouvernement avait signé une lettre de réservation à GSK pour 50 millions de doses le 14 mai 2009, moins d’un mois avant la première observation du virus. En fait, sans que les États ne puissent s’y opposer, du fait d’une coordination européenne à peine esquissée, les laboratoires pharmaceutiques sont parvenus à mettre ceux-ci en concurrence et se sont placés en position favorable pour contracter.
Les pouvoirs publics ont ensuite mené dans le secret et l’urgence des négociations sans précédent avec ces laboratoires pharmaceutiques, en privilégiant deux objectifs : d’une part le retrait d’une clause dite « scélérate » de transfert de responsabilité à l’État, d’autre part des engagements sur des calendriers de livraison anticipés afin de soutenir la comparaison avec les Britanniques, alors que ces calendriers n’avaient qu’une valeur indicative et qu’ils n’ont pas été respectés. Ces deux priorités ont amoindri les marges de négociations de l’État qui a cédé sur la contrainte de prix, sur le fait d’effectuer une commande ferme et non par tranches conditionnelles ainsi que sur le conditionnement des vaccins en monodoses et non en multidoses, exigence qui n’a d’ailleurs pas été explicitement formulée.
L’importance qu’a prise la contrainte de calendrier est difficilement compréhensible dans la mesure où l’expertise sanitaire conduisait à affirmer de manière quasi certaine que la vaccination, aussi précoce soit-elle, ne parviendrait pas à obtenir un effet de protection collective pouvant faire barrière au virus, car celui-ci arriverait tôt sur le territoire français.
Ce sont au total 94 millions de doses de vaccins qui ont été initialement commandées par la France. Le volume des commandes de vaccins ne laisse pas d’interroger. La France figure parmi une minorité de pays développés ayant choisi de couvrir toute leur population. […]
À partir de la signature des contrats d’achat, dans les premiers jours de juillet, la stratégie vaccinale n’a fait l’objet d’aucune révision substantielle. En septembre, le gouvernement a décidé le lancement d’une campagne de vaccination visant à couvrir toute la population mais néanmoins facultative, sans prendre en compte ni le tableau d’ensemble rassurant de l’épidémie australe, ni le retournement d’opinion qui s’était opéré en fin d’été. »

Retards, comitologie, gaspillage

Le reste de cette étude est à l’avenant, même si les propos sont plus nuancés dans le corps du document. Offre de vaccination dans les centres largement surdimensionnée, besoins de fonctionnement des centres non anticipés, médecins retraités payés avec six mois de retard, « gaspillage » de quelque 2,7 millions de doses de vaccins (soit près de la moitié de celles utilisées) sont au nombre des critiques. Le plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale, fait de fiches devant servir à aider les responsables à prendre des décisions, est lui aussi critiqué : « La partie vaccination du plan n’était pas celle qui était la plus susceptible de se réaliser, et pour cette raison n’avait pas jusqu’alors fait l’objet d’une attention particulière. Cette fiche présente plusieurs défauts qui l’ont rendue de facto inutilisable : elle n’est pas assez précise dans les détails pratiques (sites de vaccination, organisation de la chaîne de vaccination, constitution des équipes de vaccination, etc.), et n’aide pas à la décision en termes stratégiques, par exemple en indiquant des conditions devant conduire à examiner le principe d’une vaccination de masse. » Pour la Cour des comptes, qui fait aussi des propositions dans ce travail, « la partie « vaccination » du plan pourrait être renforcée, afin d’éviter de devoir procéder en période de crise à des arbitrages qui auraient dû être anticipés, en matière juridique ou financière en particulier, et devrait mentionner les difficultés potentielles d’obtention ou de négociations des commandes de vaccins. »

À la lecture de l’étude de la Cour des comptes, un élément est frappant : la complexité de la chaîne administrative qui engendre des tensions alors même qu’il faut faire face à une crise… Si Claude Allègre parlait de « dégraisser le mammouth » de l’Éducation nationale, la Cour des comptes parle en termes plus feutrés du système censé gérer une telle pandémie et remet en cause l’intérêt d’autant d’agences sanitaires et de comités d’experts : « Ces nombreuses saisines et consultations d’agences, comités et conseils ont en définitive donné l’image d’une comitologie sanitaire trop peu lisible et génératrice de délais dans la prise de décision. » Pas question, par contre, d’avoir la dent trop dure vis-à-vis des administrations. Une nouvelle fois, l’honneur est sauf : « L’effort administratif et humain de gestion de cette longue crise a été considérable […]. »

Les vraies raisons qui expliquent que le vaccin n’a pas été rendu obligatoire

Un autre élément de ce travail est intéressant : la décision prise par le ministre de la santé de ne pas rendre la vaccination obligatoire. « Les arguments invoqués par le ministère de la santé à l’appui de cette décision, qui n’ont pas été rendus publics, ne sont pas de nature à emporter la conviction. Ils auraient même pu faire transparaître des doutes sur la pertinence de la stratégie vaccinale. Il s’agit en premier lieu d’éviter qu’en cas de vaccination de masse obligatoire, la responsabilité d’effets secondaires graves soit reportée sur l’État […] ; le deuxième argument est que la vaccination de 50 % de la population suffit à enrayer une pandémie ; le troisième est de respecter la volonté de ceux qui sont hostiles au principe de la vaccination. » Il est donc clair que les pouvoirs publics craignaient la survenue d’éventuels effets secondaires graves, contrairement au discours officiel destiné à diriger la population vers les centres de vaccination et critiquant les professionnels de santé indépendants qui mettaient en garde les citoyens à ce sujet.
À aucun moment, quelqu’un ne semble se poser la question de savoir si ce n’est pas ce manque de transparence qui est à l’origine de l’échec de la campagne de vaccination ! Plutôt que d’informer loyalement les patients, décision a été prise de cacher des doutes légitimes à l’égard de vaccins développés plus rapidement que d’habitude et dont l’industrie ne voulait pas assumer les conséquences… Comment s’étonner que des professionnels de santé responsables, à qui la loi impose d’informer le patient, aient refusé de cautionner une telle démarche ? Des praticiens ayant compris depuis longtemps qu’il valait qu’ils fassent confiance à leurs sources d’information scientifique habituelles plutôt qu’à des données fournies par les pouvoirs publics, y compris par l’intermédiaire d’un site comme pandemie-grippale.gouv.fr.
Comment s’étonner que des sites Internet sérieux, loin de quelques repères d’illuminés refusant les vaccins par idéologie ou par principe, aient eu tant de succès en n’occultant pas cette notion d’effets indésirables ? Comment s’étonner que des journalistes indépendants, même s’ils n’ont pas été nombreux, aient repris ces informations ? Comment s’étonner enfin que la population n’ait pas adhéré à un discours digne d’un mandarin hospitalier des années 70 en 2009 ?
Bien au contraire, la Cour des comptes semble regretter que le vaccin n’ait pas été rendu obligatoire. « Il est possible que le choix de rendre la campagne de vaccination facultative ait en fait résulté d’une application du principe de précaution relative aux vaccins pandémiques. En effet, le Haut conseil de la santé publique proposait une telle position dans son avis du 26 juin 2009 : « Du fait de l’impossibilité à évaluer la balance bénéfice/risque de la vaccination (incertitude sur la gravité de la maladie, aucune donnée d’efficacité et de tolérance) [le Haut Conseil] estime inopportun, dans l’état actuel des connaissances, que les vaccins pandémiques fassent l’objet d’une obligation vaccinale, tant en population générale que pour les personnes fragilisées ou les personnels de santé ».
Cet avis fournit une explication au fait que la vaccination des professionnels de santé, figurant parmi les personnes les plus exposées à l’épidémie et rendus prioritaires à ce titre, n’ait pas été rendue obligatoire. Cependant, leur exposition générale aux risques épidémiques les soumet à plusieurs obligations vaccinales. En particulier, ceux travaillant dans la plupart des établissements du secteur sanitaire ou médico-social doivent être vaccinés contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe. Il aurait donc été techniquement possible et socialement acceptable de créer une obligation de vaccination contre la grippe A (H1N1)v. Le choix de ne pas le faire, même s’il était justifié par des arguments de fond ou relatifs à la liberté individuelle des professionnels de santé, a véhiculé un message peu motivant pour la population générale, laissant imaginer dès ce stade que l’épidémie n’était donc pas si grave.
Le choix d’une vaccination facultative contre un virus de gravité modérée n’a pas été pleinement cohérent avec l’achat d’un nombre très important de doses de vaccin en préparation d’une campagne de vaccination de masse. »

Des économies sur les acteurs de santé pour mieux payer les avocats et atténuer la responsabilité des laboratoires

Autre point sur lequel il convient d’insister : « De plus, sans l’avouer explicitement, le gouvernement avait l’intention de recourir à des centres de vaccination pour des raisons de coût, ceux-ci permettant de réaliser des économies d’échelle. La vaccination sans examen médical, telle qu’elle figure dans le plan variole ou dans les plans initiaux du gouvernement, coûte très peu. Même lorsqu’un examen préalable systématique est imposé, comme dans le cas de la grippe A(H1N1)v, l’organisation en centres permet de limiter sa durée. Évaluée dans les schémas initiaux à 2 minutes, la durée réelle des examens a été plus proche en moyenne de 5 minutes. Le coût moyen d’une heure de présence en centre d’un médecin étant proche de 50 euros, la partie médicale du coût de la vaccination est de 2,5 euros, auxquels il faut ajouter le coût infirmier de l’acte de vaccination. Cependant, même dans ce cas, le coût de la vaccination demeure maîtrisé, en comparaison avec des consultations en cabinet à 22 euros pour le même acte. À l’occasion du basculement de la vaccination en secteur libéral à partir de janvier, l’assurance maladie a cependant créé un nouvel acte dédié à la vaccination contre la grippe A(H1N1)v, codifié avec la lettre- clé VAC, correspondant à une séance de vaccination spécifique au cabinet ou au domicile du patient, rémunéré 6,60 €. Il semblait donc possible que la médecine libérale puisse effectuer des actes de vaccination pour un coût unitaire bien inférieur au tarif d’une consultation. Or, en pratique, les médecins libéraux ont eu recours à un nombre de vaccins monodoses bien supérieur aux nombres d’actes VAC. Il faut en déduire que la plupart des vaccinations ont pris la forme de consultations classiques, et que la crainte du ministère de la santé était justifiée. Il faut cependant relever que le tarif fixé rémunère mal l’ensemble des prestations demandées, comprenant l’entretien médical, la prescription, la préparation et l’injection du vaccin, le renseignement du bon et du certificat de vaccination. »
Que dire du fait que les professionnels de santé étaient payés au maximum 66 euros de l’heure pour vacciner dans les centres (33 euros pour les médecins retraités et moins pour les infirmiers), les honoraires des cabinets d’avocats engagés par le gouvernement quand il a fallu annuler les commandes de vaccins ont atteint 740 euros de l’heure hors taxes ?

Sur un plan financier, il est évident qu’il y a eu deux poids, deux mesures. Même si les négociations avec les laboratoires ont été menées dans l’urgence et que ces derniers ont réussi à mettre en concurrence les différents États, cela n’explique pas toutes les concessions faites aux fabricants. « L’impossibilité de faire jouer la concurrence entre laboratoires et la position défavorable de négociation dans lesquelles se sont trouvés placés les pouvoirs publics a découlé entièrement de l’objectif de quantités de vaccins que ceux-ci s’étaient assignés. » Au final, en raison des commandes passées puis annulées, chaque dose de vaccin utilisée a coûté au moins 61 euros au contribuable…
De plus, alors que les pouvoirs publics s’en défendaient, un dispositif a bien été mis en place pour atténuer la responsabilité des laboratoires : « Ce dispositif complexe conduit à ce que « si les vaccins sont conformes aux spécifications contenues dans l’autorisation de mise sur le marché » et que des effets secondaires apparaissent néanmoins, la responsabilité en incombe alors à l’État et non aux laboratoires ». Par rapport au droit commun, il revenait donc à obliger l’État à apporter la preuve de la faute. Cette dérogation aurait pu s’avérer lourde de conséquences dans l’hypothèse d’effets indésirables graves ou massifs dont l’origine aurait pu donner lieu à d’infinies contestations. »
Impossible de dire qu’une telle situation était sans précédent et qu’il a fallu trancher dans l’urgence puisque la Cour explique qu’à l’occasion de la grippe aviaire en 2005, les laboratoires avaient déjà usé des mêmes méthodes et avaient réclamé une clause spécifique atténuant leur responsabilité : « Il est à noter qu’une clause de nature assez voisine avait déjà été introduite, dans des conditions d’une régularité d’ailleurs douteuse, dans les marchés conclus en 2005 avec Novartis et Sanofi Pasteur. »

Une promesse de pharmacovigilance bafouée

La campagne de vaccination elle-même a souffert de graves dysfonctionnements et permet de remettre en question les dispositifs mis en place. « En outre, il était clairement établi à la mi-novembre que le virus H1N1 présentait une dangerosité beaucoup plus modérée que celle qui avait été envisagée. Par ailleurs, la campagne de vaccination n’ayant effectivement commencé qu’à cette date, son rythme au cours des premières semaines a vite rendu hors d’atteinte l’objectif d’une couverture quasi générale de la population. »
Le suivi des citoyens en bonne santé à qui l’on a injecté un produit sur lequel il existait des doutes n’a pas été réalisé correctement. « Alors même que la stratégie retenue visait à protéger les personnes les plus vulnérables en les invitant en priorité à venir se faire vacciner, conformément aux indications du comité consultatif national d’éthique (CCNE), il est impossible d’établir des statistiques par groupes, et donc de savoir si les personnes les plus vulnérables ont été vaccinées, ni dans quelles proportions. En d’autres termes, l’indicateur le plus important et le plus pertinent permettant d’évaluer la réussite de la campagne de vaccination n’est pas disponible. »
Alors que des doutes existaient sur de potentiels effets indésirables graves, le système visant à assurer la pharmacovigilance a failli : « En l’état actuel des chiffres, ce sont donc plus de 5 % des bons qui sont inexploitables, affectant d’autant la traçabilité et le suivi statistique de la vaccination. »

À la lecture d’un tel document, tout un chacun est en droit de s’étonner que personne n’ait à répondre de tels agissements et que les responsables de toute cette gabegie puissent continuer à vaquer à leurs occupations officielles sans avoir à se soucier d’être mis en cause. Si seulement il était possible d’espérer qu’ils fassent mieux la prochaine fois…

Obligation de prendre soin de la santé et de la sécurité de ses collègues

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Prévention des accidents de travailLa chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé dans une décision du 23 juin 2010 (pourvoi n° 09-41607) qu’il incombait à chaque travailleur, au titre de l’article L 4122-1 du code du travail, « de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

Dans l’affaire portée en cassation, il est question d’une mezzanine récupérée sur un autre site d’exploitation présentant un défaut de stabilité et des oscillations suspectes suite à son remontage alors que des employés étaient amenés à travailler sur et sous cet ouvrage. Pour ne pas avoir pris les mesures qui s’imposaient, un chef magasinier, devenu chef du magasin, s’est vu licencié pour faute grave. La Cour de cassation a estimé que ce licenciement était justifié, car conformément à l’article L 4122-1 du code du travail, cet employé ayant reçu une délégation de pouvoir « à l’effet de prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d’appliquer et de faire appliquer les prescriptions d’hygiène et de sécurité pour le personnel et les tiers dans le dépôt », il aurait dû prendre de mesure pour prévenir un accident, par exemple en interdisant l’accès à cette mezzanine ou en faisant procéder au retrait des marchandises qui y étaient entreposées.
En l’espèce, le chef du magasin s’est contenté de demander un devis au fabricant de la mezzanine pour la mise en conformité de la stabilité de celle-ci. Le montant des travaux ne s’élevant qu’à 180 euros, et bien que le fabricant ait indiqué qu’ils étaient impératifs pour rendre stable l’ouvrage, le responsable du dépôt ne les a pas fait réaliser. Pour lui, « la nature et la modicité des travaux préconisés par le fabricant de cette mezzanine faisaient naître un doute sur le niveau de danger présenté par l’installation défectueuse ».
Pour la Cour, le fait « de n’avoir ni commandé ces travaux de mise en conformité après l’obtention du devis, ni alerté sa hiérarchie sur la non-conformité de cette mezzanine, ni pris de mesure pour prévenir un accident » est bien constitutif de faute grave, d’autant plus s’il a été investi d’une délégation de pouvoir en ce sens. Même s’il ne l’avait pas été, « les manquements du salarié à son obligation de prendre soin de sa sécurité et de celle d’autrui engagent sa responsabilité et peuvent constituer une faute grave ».

Un « salarié investi d’une délégation de pouvoir en matière de sécurité et tenu, à ce titre, de veiller au respect des règles de sécurité dans un établissement, doit prendre toute mesure nécessaire pour assurer le respect de ces règles et prévenir tout accident du travail ; qu’en particulier, en présence d’une installation non conforme aux règles de sécurité, il doit prendre toute mesure nécessaire pour remédier à cette défectuosité et, dans l’attente de la mise en conformité de cette installation, prévenir tout accident en interdisant l’accès à cette installation ».

La prévention est un facteur essentiel en matière de santé et d’accident au travail.

Médecine & Droit — Numéro 102

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Revue  Médecine & Droit - numéro 97Sommaire du numéro de mai — juin 2010

Elsevier — Masson

Droit civil
Quel statut pour les banques de sang de cordon ombilical ?
Laurent Marville, Isabelle Haye, Reinhart Marville Torre, Grégory Katz

Santé publique
Chambres d’isolement en psychiatrie : état des lieux en France
Alexandre Baratta, Alexandre Morali

Exercice professionnel
Le partage du pouvoir entre associés exploitants et non exploitants d’une société d’exercice libéral par actions simplifiée de biologistes médicaux : le piège de la liberté statutaire face aux exigences de santé publique
Valérie Siranyan, Olivier Rollux, François Locher

Le nouveau cadre juridique de la biologie médicale
Marie-Catherine Chemtob-Concé

Droit et médicament
Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques : retour à la causalité
Roger Mislawski

Plus grave que la grippe, l’épidémie mondiale de tabagisme

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les ravages du tabac continuentPour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a une menace bien plus grave que celle due au virus de la grippe A(H1N1) actuellement de par le monde, c’est l’épidémie mondiale de tabagisme. L’OMS vient de publier son rapport 2009 sur le sujet et les chiffres ont de quoi faire frémir. Dans le monde, par exemple, près d’un tiers des adultes sont régulièrement victimes du tabagisme passif, alors qu’il n’existe pas de seuil au-dessous duquel le tabagisme passif est sans danger. 600 000 personnes meurent chaque année du tabagisme passif sur la planète.

Même si ce chiffre progresse, seuls 9 % des pays ont pris des mesures pour que leurs bars et leurs restaurants soient non-fumeurs. 65 pays n’ont rien mis en oeuvre pour lutter contre le tabagisme passif, bien qu’une telle politique ne coûte quasiment rien, surtout comparée à l’achat de vaccins, et assure d’énormes bénéfices.
En tuant ou en handicapant des hommes et des femmes en pleine force de l’âge, le tabac prive souvent de ressources des familles entières, augmente le coût des soins de santé et entrave le développement économique. Pour l’OMS, bien qu’il existe des coûts liés aux programmes de lutte antitabac, ces coûts peuvent être très largement compensés par l’augmentation des taxes sur le tabac — qui se sont montrés très efficaces pour réduire le tabagisme.

Le tabac tue plus de 5 millions de personnes par an et ce chiffre devrait continuer à augmenter, malgré des progrès dans la lutte contre les effets délétères de cette astéridée. En 2030, ce sont plus de 8 millions de personnes qui pourraient mourir du tabac, qui représente la principale cause évitable de décès dans le monde.
Sur les 100 villes les plus importantes de tous les continents, seules 25 sont totalement non-fumeurs (les dernières en date étant Rio de Janeiro, Savador de baya et São Paulo). Mais les lobbies sont puissants et aucun progrès n’a été réalisé, en 2008, pour ce qui est d’interdire la publicité.

« Le rapport, qui suit l’évolution de l’épidémie mondiale de tabagisme, permet aux pouvoirs publics et à d’autres parties prenantes de savoir où les interventions factuelles de réduction de la demande ont été mises en œuvre et où il faut progresser davantage. Il fournit, pour chaque pays, des chiffres sur la prévalence du tabagisme et des données sur la taxation des cigarettes, l’interdiction de la publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage, l’aide au traitement de la dépendance à l’égard du tabac, l’application de lois antitabac et le suivi de l’épidémie. »

Tout cela ne devrait pas dissuader les assureurs-vie de continuer à investir dans les entreprises du tabac

Des référés contre la réquisition des médecins pour vacciner contre la grippe A(H1N1)

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Des médecins refusent les réquisitionsDans certaines régions, l’appel au volontariat des médecins a été un échec. C’est le cas dans le Calvados où sur 1 200 courriers adressés aux médecins libéraux, seuls 60 ont répondu à l’appel du gouvernement pour participer à une campagne de vaccination que la grande majorité du corps médical ne cautionne pas, au même titre que certains états européens qui refusent même d’acheter des vaccins. En toute discrétion, les autorités, ne voulant pas reconnaître les raisons de ce manque de mobilisation et ayant besoin de 600 praticiens, ont choisi de ne plus réquisitionner les seuls volontaires, mais d’obliger tous les médecins libéraux à se rendre dans les centres de vaccination.

Après l’Union régionale des médecins libéraux (URML) de l’île de La Réunion qui a appelé à refuser cette campagne de vaccination, alors que les praticiens avaient déjà eu à faire face à la pandémie dans l’hémisphère sud où ils sont situés, c’est l’URML Basse-Normandie qui a choisi de ne pas céder aux ordres de l’administration. Après avoir refusé d’offrir aux médecins de ville la possibilité de vacciner les patients habitués à leur faire confiance, au moment où il est question d’enfin autoriser cette vaccination dans leur cabinet, les pouvoirs publics décident de les contraindre à se rendre dans des gymnases pour vacciner des personnes qu’ils n’ont jamais suivies pour leur injecter un produit avec lequel on a tâtonné jusqu’à ces derniers jours pour savoir combien de doses devront être utilisées. Il est maintenant question de forcer ces médecins à fermer leur cabinet où l’on annonce pourtant que les patients se bousculent…

Dès le 9 novembre 2009, l’URML de Basse-Normandie a examiné de façon attentive les arrêtés préfectoraux à l’origine des réquisitions dans cette région. Elle a estimé qu’en l’état, ces réquisitions ne respectaient pas la procédure réglementaire ou pouvaient être source de confusion. L’URML a donc engagé dès le 10 novembre une procédure de référé en suspension-annulation près le tribunal administratif de Caen.
Plusieurs motifs ont été invoqués, parmi lesquels l’absence de référence au « plan blanc élargi » prévu à l’article L 3131-8 du code de la santé publique sur lequel repose la possibilité pour le préfet de département de réquisitionner dans le cadre de mesures d’urgence en cas de menaces sanitaires graves face à une maladie transmissible ; le fait que le Procureur de la République n’a pas fait partie des destinataires des arrêtés comme la loi le prévoit ; l’absence de précision de la nature de la prestation requise ou, enfin, que le courrier reçu par les praticiens leur demande de se rendre une ou deux heures plus tôt que prévu par les arrêtés dans les centres de vaccination sans préciser si ce temps est rémunéré et qui est responsable si un accident survient durant cette période.

Le juge des référés a rejeté ces premières demandes. Un autre référé a été déposé par l’URML au motif que la carence en volontaires n’a pas été prouvée et que tous les volontaires n’ont pas été sollicités. S’assurer que toutes les procédures sont correctement respectées est le seul moyen de garantir aux médecins que leur responsabilité ne sera pas engagée si des effets indésirables graves finissent par être mis en évidence.

Mécontent que les médecins s’opposent ainsi aux décisions administratives, le chef du service juridique de la préfecture a réagi en mettant en cause l’éthique des praticiens. Selon lui, c’est pour protéger leurs intérêts privés et laisser ouvert leur cabinet que les médecins de Basse-Normandie agissent ainsi. Après avoir décidé du montant des indemnisations des praticiens réquisitionnés, il est étonnant que les pouvoirs publics se servent de l’argument de leur faible niveau pour fustiger les médecins. Il est tout aussi surprenant de voir l’intérêt public mis en avant par les autorités quand on sait que c’est l’intérêt des laboratoires pharmaceutiques qui a primé quand il s’est agi de signer les contrats relatifs à l’achat de 94 millions de doses de vaccins

Éthylomètre, alcoolémie et pouvoir d’appréciation du juge

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Boire ou conduireLa loi reconnaît aux éthylomètres une marge d’erreur pour mesurer l’alcoolémie des conducteurs. Ce n’est pas pour autant qu’un individu contrôlé peut se prévaloir de cette marge d’erreur pour échapper aux poursuites judiciaires et ne pas se voir condamné, si l’on en croit une décision du 24 juin 2009 de la chambre criminelle de la Cour de cassation (nº de pourvoi 09-81119).

Un automobiliste a été poursuivi pour avoir conduit un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique après que l’éthylomètre dans lequel les autorités lui ont demandé de souffler a révélé la présence dans l’air expiré d’un taux d’alcool à 0,28 mg par litre. La limite autorisée était à l’époque des faits de 0,25 mg par litre et le contrevenant s’est donc retrouvé devant le tribunal qui l’a condamné à 350 euros d’amende et à 14 jours de suspension de son permis de conduire. Or l’article 3 du décret du 31 décembre 1985 définit une marge d’erreur de 0,032 mg par litre pour ce type d’appareil, l’automobiliste a sollicité sa relaxe au bénéfice du doute en soutenant que ses résultats se situaient dans la marge d’erreur.
La cour d’appel de Poitiers a néanmoins condamné le conducteur au motif que les marges d’erreur prévues par les dispositions réglementaires visent les mesures prises au cours des vérifications périodiques des éthylomètres et non lors de contrôles effectués dans le cadre de la constatation des infractions pénales.

La Cour de cassation n’a pas suivi la cour d’appel et elle a décidé que les marges d’erreur peuvent bien s’appliquer à une mesure effectuée lors d’un contrôle d’alcoolémie. Par contre, elle n’a pas cassé l’arrêt de la cour d’appel pour autant en expliquant que « l’interprétation des mesures du taux d’alcoolémie effectuées au moyen d’un éthylomètre constitue pour le juge une faculté et non une obligation ». C’est donc au juge d’apprécier, suivant les circonstances, si la marge d’erreur doit être appliquée ou non. La décision est laissée à sa discrétion…

Des blogs politiques pour préparer les lois sur la santé… et les autres

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Les projets de loi débattus sur InternetL’Internet prend chaque jour un peu plus de place dans la vie des Français. La ménagère de moins de 50 ans et les autres citoyens sont quotidiennement sollicités pour se rendre sur la toile afin d’y trouver des informations. Formidable outil de communication, tous les ministères et les services publics ont ouvert leur site Internet. Il faut dire que, pour l’usager, ces services virtuels ont bien des avantages : ils ne connaissent ni les grèves, ni les 35 heures ; ils permettent à l’administration de rester au contact des populations rurales qui voient les offres publiques de proximité supprimées ou ils évitent à des fonctionnaires d’être maintenu en poste dans des banlieues où les médecins libéraux seront bientôt les seuls à être contraints par la loi d’y travailler au péril de leur vie.

Mais l’intérêt du net pour les pouvoirs publics et les élus va bien au-delà de la simple information pour une raison simple : cet outil de communication est devenu un lieu d’influence. Lentement ce média tend à prendre le pas sur les autres. La presse et l’audiovisuel l’ont compris eux aussi. Tous les « anciens » médias ont leur site en ligne et les hommes politiques leur blog, surtout depuis que de nombreux observateurs s’accordent à dire que la victoire de Barack Obama s’est en grande partie faite grâce au web. Si l’on en croit l’édition électronique du journal le Figaro du 16 mars 2009, « l’Élysée et Matignon veulent regagner du terrain sur le net ». Il est question d’« influencer sans apparaître », d’acheter des mots-clés pour apparaître en tête des moteurs de recherche et d’utiliser les fonds publics pour faire valoir l’opinion des instances dirigeantes au sein de l’un des rares lieux où il existe encore une certaine liberté d’expression pour ceux qui sont hostiles à des réformes voulues par le chef de l’État.

Rien d’étonnant dans ces conditions que les sénateurs « verts » aient choisi le net pour donner l’impression aux citoyens de participer aux débats relatifs au projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Ce blog [fermé depuis, NDLR], hébergé par Google, intitulé « Vos témoignages sur la crise de l’hôpital » affirme qu’il a pour but « de recueillir des témoignages de professionnels de la santé, d’usagers du service public hospitaliers, de militants associatifs ou syndicaux, sur la crise que traverse aujourd’hui le système hospitalier en France. Lieu d’expression et débat, il permettra aux Sénatrices et Sénateurs Verts d’éclairer leurs positions dans le débat sur le projet de loi ». Pas de blog de députés ou de sénateurs par contre pour permettre aux professionnels de santé libéraux de s’exprimer sur le même projet de loi concernant les sujets qui les intéressent… Difficile de se départir du politiquement correct pour ces élus apprentis surfeurs.