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Archivage des dossiers d’un médecin décédé : le conseil de l’ordre moins solidaire ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

En dix ans, le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) semble avoir revu à la baisse la notion de « solidarité confraternelle » au sujet de l’archivage des dossiers d’un médecin décédé. En décembre 1999 dans un rapport intitulé Devenir des dossiers médicaux d’un médecin cessant ou ayant cessé toute activité du docteur Jean Pouillard adopté lors d’une session du conseil national de l’ordre des médecins, c’est sur ce principe que l’ordre se basait pour venir en aide à la famille de l’un de ses confrères tragiquement disparus.

Extrait du rapport Devenir des dossiers médicaux d’un médecin cessant ou ayant cessé toute activité de décembre 1999

Le médecin est décédé ou devient brutalement indisponible (maladie, hospitalisation) :

a) la famille du médecin décédé présente la clientèle à un médecin qui s’installe au lieu du cabinet médical existant ou dans la proximité ;

b) la famille du médecin décédé présente la clientèle à un médecin déjà installé dans la commune, lequel devient par contrat le médecin successeur.

Dans les deux cas, il est souhaitable que la famille du médecin décédé informe la clientèle — lettre personnalisée si possible et information sous forme d’annonce publique dans la presse locale — des conditions de continuité d’activité du cabinet médical en précisant (conformément aux termes prévus dans le contrat de cession) que les dossiers des patients sont mis à la disposition du médecin qui en prend possession, lequel s’engage également à transmettre le cas échéant et sans délai, tout dossier d’un patient qui en ferait la demande, au médecin désigné par ce patient, conformément à l’article 6 du code de déontologie : “Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit”.

c) il n’y a pas de présentation à clientèle : la famille a quitté les lieux ou refuse de se charger de la garde des dossiers, le médecin décédé n’a pas d’héritiers, ou est hospitalisé (psychiatrie) sans héritiers.

Il n’en demeure pas moins que les dossiers médicaux doivent être protégés contre toute indiscrétion à l’égard de tiers non-médecins, y compris la famille, qu’ils ne sauraient être transmis à qui que ce soit sans le consentement des patients, et que s’il est difficile de les confier au Conseil départemental auprès duquel le médecin décédé était inscrit, il est également impossible de les confier à un service public départemental d’archives, lequel n’est pas tenu de recevoir des archives médicales.

Dans ces conditions, qui au demeurant sont relativement exceptionnelles, le Conseil départemental reste l’intermédiaire obligé, dans le souci de l’intérêt public et du respect de la confidentialité des données nominatives, pour gérer toute demande de transmission d’un dossier au médecin désigné par un patient. En effet, c’est au Conseil départemental de l’Ordre des médecins, garant de la déontologie et de la solidarité confraternelle, qu’incombe la responsabilité d’assurer le relais et d’épauler les médecins et leurs familles.

En 2009, le discours est plus tranché. Il n’est plus vraiment question de « solidarité confraternelle » et la famille n’a d’autres choix que prendre à sa charge l’archivage des dossiers si l’on en croit le document Dossiers médicaux : conservation et archivage mis en ligne par le CNOM le 19 mai 2009.

Extrait du document Dossiers médicaux : conservation et archivage de mai 2009

En cas d’interruption brutale d’exercice.

Le Conseil départemental apportera son aide à la famille du médecin dans l’incapacité d’organiser lui-même la transmission des dossiers aux médecins désignés par les patients.

Une annonce dans la presse locale informera la patientèle de la fermeture du cabinet, invitant les patients à adresser leur demande au Conseil départemental.

Cependant, l’archivage du reliquat des dossiers restera de la responsabilité de la famille.

Voilà qui n’est pas sans poser de nombreuses questions alors qu’il est souvent plus difficile en 2009 qu’en 1999 de trouver un successeur à un médecin décédé. Selon ce document, un conseil départemental est dans l’incapacité d’organiser lui-même la transmission des dossiers : il n’est donc plus « l’intermédiaire obligé dans le souci de l’intérêt public et du respect de la confidentialité des données nominatives, pour gérer toute demande de transmission d’un dossier au médecin désigné par un patient ». On peut s’en étonner, car les données contenues dans ces dossiers relèvent en 2009, comme en 1999, du secret médical. La loi ne prévoit pas que les membres de la famille d’un médecin (vivant ou mort) puissent connaître l’identité de ses patients et encore moins avoir accès à leurs secrets de santé. Il n’y a pas de dérogation au secret médical pour les ayants droit du praticien et c’est heureux. Dans ces conditions, comment envisager qu’une famille puisse assurer elle-même l’archivage et la transmission des dossiers ?Archivage des dossiers d'un médecin décédé et secret médicalLe recours par la famille à un hébergeur ne résoud pas ces problèmes. Si un patient demande, comme la loi du 4 mars 2002 l’y autorise, à avoir accès à son dossier médical, qui va s’assurer que ce dossier ne contient pas des informations données par un tiers qui ne doivent pas être communiquées ? Même en transmettant les demandes à l’hébergeur et en communiquant les dossiers en l’état, qu’en est-il de la responsabilité de la famille ? Pour certains patients psychiatriques ou pour les cas où le médecin a jugé préférable, comme la loi le prévoit, de ne pas révéler un diagnostic dans l’intérêt du patient, on imagine aisément les risques pris par la famille. Seul l’oeil avisé d’un praticien est susceptible à la relecture du dossier, de faire la part des choses.
Rien d’étonnant dans ces conditions que les ayants droit du médecin soient tentés de détruire les dossiers, d’autant qu’ils n’ont souvent pas conscience des risques encourus et passant à l’acte et en signalant un tel sinistre.

On peut comprendre que les secrétariats des conseils départementaux ne veuillent pas avoir à gérer les demandes des patients, travail ingrat et chronophage. On peut aussi voir l’intérêt des mêmes conseils à ne pas vouloir prendre en charge l’archivage de dossiers en raison des coûts élevés de ces procédures et des responsabilités que cela implique. Le choix semble donc avoir été fait de les reporter sur les familles au détriment de l’intérêt public, du respect du droit et de la confidentialité. La notion de « solidarité confraternelle » semble atteindre ses limites lorsque les intérêts de l’institution ordinale sont en jeu. Il serait bon que le législateur s’empare de cette question montrant ainsi aux médecins que la solidarité n’est pas une notion qui n’est utilisée que pour leur infliger sans cesse de nouvelles contraintes…

Autre raison d’espérer une intervention du législateur, le problème de la durée de l’archivage des dossiers médicaux au cabinet n’est toujours pas réglé. Le CNOM le reconnaît et recommande néanmoins un délai de vingt ans, identique à celui imposé aux établissements de santé, mais qui peut paraître bien court à la lecture de l’article intitulé L’archivage du dossier médical au cabinet.

Internet : une source d’information en santé incontournable pour les patients

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Baromètre de l'information en santéIntéressante étude que celle réalisée par IDS santé, Pharmagest inter@ctive et Intermedix, intitulée « Premier baromètre de l’information santé », qui a sondé un échantillon de pharmaciens, de médecins et de patients internautes concernant leurs sources d’information en santé, du 25 mai au 10 juin 2009. Cette enquête ayant été réalisée par l’intermédiaire d’outils informatiques et sur le Web, il n’est pas étonnant de voir Internet arriver en tête des sources d’information en santé pour ces trois groupes d’utilisateurs. Une fois ce biais éventuel par rapport à la population générale intégré, il est instructif de voir comment se comportent ces patients internautes.

Du côté patients, 82 % pensent être en bonne santé. Parmi les 12 % qui estiment ne pas l’être, 66 % privilégient le Web pour trouver des informations sur leurs maux, et plus particulièrement les sites santé (50 %), avant de s’intéresser aux brochures disponibles chez leur médecin (42 %) et loin devant la télévision (28 %) ou la radio (6 %). Cette recherche n’est pas anecdotique puisque 52 % des patients de cette étude qui pensent ne pas être en bonne santé, estiment aussi ne pas être bien informés sur leur maladie ou leur traitement. Cela veut-il dire que les médecins ne remplissent pas leur devoir d’information ? Pas obligatoirement, car s’estimer malade ne veut pas dire l’être pour autant. La mise à disposition de nombreux médicaments en vente libre peut aussi expliquer qu’un patient prenant un traitement n’ait pas obligatoirement reçu des explications d’un professionnel de santé sur son état. Rien de plus facile enfin, pour un patient hypochondriaque de se faire peur en allant surfer quelques minutes sur des pages prétendument médicales…
D’autant que tous patients confondus (s’estimant en bonne santé ou non), cette étude tend à montrer que 80 % d’entre eux s’estiment bien informé sur leur pathologie, 74 % sur leur traitement et 69 % sur leur suivi médical. Là où les praticiens semblent ne pas être à la hauteur de la demande des patients, c’est au sujet des éventuelles interactions médicamenteuses, puisque seuls 33 % des patients se considèrent bien informés.

Autre enseignement de cette enquête, les institutions et le ministère de la santé ont le plus fort taux de crédibilité. 51 % des patients jugent que les informations mises à leur disposition par ces organismes sont « très fiables » et 42 % « moyennement fiables ». Les émissions de radio, la presse médicale, les sites internet santé et les associations de patients arrivent dans un mouchoir de poche avec des chiffres voisins de 63 % jugeant « moyennement fiables » les informations qu’ils apportent. Les avis sont partagés concernant l’industrie pharmaceutique si l’on en croit cette enquête, avec 25 % de « très fiables » (mieux que les associations de patients), 51 % de « moyennement fiables » et, tout de même, 24 % de « pas fiables ». La palme de l’absence de fiabilité va aux forums des sites Internet (47 % de « pas fiables »).

Tout aussi passionnant, le décalage entre la volonté politique exhibée ces derniers temps (affichage des tarifs pour tous les professionnels de santé en salle d’attente, obligation de remettre une note d’information sur les honoraires, etc.) et les préoccupations des patients eux-mêmes. Ces derniers ne sont que 21 % à attendre des informations sur leurs droits et leurs remboursements de la part de leurs médecins. Le patient semble estimer que le praticien est là pour l’informer sur les soins (63 %) et la maladie (82 %). Cela peut laisser à penser que lorsque l’on est malade, on préfère d’abord savoir comment on peut guérir ou être soulagé avant de savoir comment on va être remboursé ! Les patients estiment, peut-être, que les médecins ont mieux à faire que de s’occuper des tâches administratives ?
Une information sur les génériques et les médicaments en vente libre ne passionne pas non plus les patients.

Le téléphone portable est devenu un élément essentiel de la vie des patients. Il peut servir de relais à une information utile. En tête des demandes en ce domaine vient la géolocalisation (pharmacies les plus proches, pharmacie de garde, etc.), puis apparaissent des services pratiques (rappel pour la prise de ses médicaments, date à laquelle renouveler son ordonnance, etc.). Pour l’information sur leur traitement, les patients préfèrent néanmoins de très loin une fiche d’information remise par leur pharmacien (76 %), plutôt qu’un mail ou un SMS (34 %). Il en va de même pour les informations données par le médecin, puisque seulement 42 % des patients souhaitent recevoir celle-ci par SMS, alors qu’ils sont 88 % à vouloir que le praticien leur remette une fiche d’information sur la consultation, 81 % à espérer trouver des brochures en salle d’attente et 72 % à attendre que leur soit donné le nom d’un site santé certifié.

Les patients font vraiment confiance à leur médecin et à leur pharmacien pour les informer, ainsi qu’aux documents que mettent ces professionnels à leur disposition. Ont-ils vraiment conscience, qu’alors qu’ils restent assez prudents sur la qualité des informations offertes par l’industrie pharmaceutique, les brochures disponibles dans les salles d’attente sont très majoritairement réalisées par les laboratoires ? De nombreux sites santé, y compris ceux ayant reçu le label HON-HAS, sont eux aussi financés par les industriels de la santé ou de l’agroalimentaire. Le savent-ils vraiment ? Les médecins, eux-mêmes, explorent-ils réellement toutes ces brochures ou tous ces sites Internet ?

Explications sénatoriales à l’actuelle démographie médicale et taxe Bachelot

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La taxe Bachelot votée par le SénatLes praticiens sont sans cesse montrés du doigt lorsqu’il s’agit d’expliquer l’actuelle démographie médicale. La stigmatisation est telle que l’on pourrait croire qu’ils sont à l’origine de leur propre déficit. Jacques Blanc, sénateur de la Lozère, appartenant à l’Union pour un mouvement populaire (UMP), lors des débats au Sénat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), lutte contre cette idée reçue et analyse la situation de façon bien différente.

Voici un extrait de l’intervention au Sénat de Jacques Blanc lors de l’examen de l’article 15 du projet de loi, le 28 mai 2009, en présence de Roselyne Bachelot, ministre de la santé :

« D’une manière générale, un grand nombre de médecins exercent en milieu hospitalier, mais les médecins libéraux sont moins nombreux en zone rurale. Ce n’est pas une critique, c’est un constat.

Par ailleurs, la profession est féminisée à plus de 50 %. Ces femmes, et on les comprend, veulent maîtriser leur emploi du temps, et elles exercent donc souvent à temps partiel.

En outre, il existe des fonctions médicales dans divers secteurs.

Lorsque l’on compare le nombre de médecins en France et dans d’autres pays européens, il faut tenir compte de ces données. En fait, il n’est pas étonnant que l’on manque de médecins dans les campagnes, mais également dans certains secteurs urbains.

Pendant trop longtemps, madame la ministre, vos prédécesseurs ont cru que, en réduisant le nombre de médecins, on diminuerait les dépenses. Or, cette analyse est totalement fausse. C’est comme si l’on prétendait que l’on allait manger plus de pain parce qu’il y a plus de boulangers. Ce n’est pas parce qu’il y a plus de médecins que l’on dépensera plus ! Peut-être même est-ce l’inverse.

Si les médecins ne sont pas assez nombreux, ils sont surmenés. Faute de temps, ils multiplient les actes au lieu de procéder à un examen approfondi. Et ceux qui ont exercé la médecine savent qu’il faut parfois aller vite pour assurer toutes les visites et consultations !

En tout état de cause, mes chers collègues, il faut tordre le cou à cette fausse analyse ! »

Loin de tout clivage politique, cette analyse semble être approuvée par l’opposition puisque Jean Desessard, sénateur de Paris, a systématiquement abondé dans le sens de Jacques Blanc à ce sujet.

Les médecins ne sont donc pas en nombre suffisant en raison de décisions politiques ayant limité le numerus clausus durant de nombreuses années dans l’espoir de réaliser des économies de santé. Le numerus clausus a atteint son plus bas niveau en 1993. Moins de praticiens, cela voulait dire un accès plus difficile aux soins pour les patients et donc moins d’actes à rembourser… Face à ce constat, il est difficile de comprendre pourquoi ce serait aux praticiens de devoir être sanctionnés pour ces choix politiques inappropriés. C’est pourtant ce que les sénateurs viennent de faire en réintroduisant dans la future loi ce que certains appellent la « taxe Bachelot ». Après que la commission des affaires sociales a supprimé les dispositions relatives à la « contribution forfaitaire annuelle », pour les médecins refusant de signer un « contrat santé solidarité » les obligeant à aller exercer une partie du temps dans les campagnes ou les banlieues défavorisées, les sénateurs, à la demande du gouvernement, ont réintégré cette taxe dans la loi.

Il est à noter que cette taxe ne concerne pas que les médecins généralistes, qu’ils soient de premier recours ou non, mais tous les médecins libéraux des zones qui seront considérées comme surdotées. Les spécialistes en accès direct, qui sont amenés à donner les soins de premier recours prévus par la loi, ne peuvent s’estimer à l’abri, les spécialités de second recours, non plus.

Si tout le monde s’accorde à dire que la solution au problème démographique actuel n’est pas d’obliger des hommes et des femmes à aller travailler dans des quartiers ou des régions qu’ils n’auront pas librement choisis, malgré leur statut “libéral”, c’est pourtant la voie de la coercition qui semble s’imposer.

Télémédecine et téléparamédecine payantes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Télémédecine pour les paramédicauxAlors que les premiers textes de loi concernant la télémédecine devraient bientôt voir le jour en France et que le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a fait évoluer ses recommandations à l’attention des praticiens sur l’Internet médical, des sites basés à l’étranger développent des consultations en ligne payantes et en français.

Déjà confrontés au tourisme médical en pleine expansion et au remboursement de ces soins par la Sécurité sociale, les médecins installés en France vont bientôt avoir à affronter une nouvelle “concurrence” qui, là encore, ne sera pas soumise aux mêmes contraintes législatives. La consultation par webcam est en plein essor, comme en témoigne le site Francosante.com. La page d’accueil de ce portail installé au Canada précise que ce service « répond à toutes les exigences techniques et déontologiques des ordres professionnels en matière de conseils santé diffusés en ligne ». Si l’inscription au site est gratuite, il faut acheter un forfait de minutes pour s’entretenir avec les professionnels de santé travaillant pour cet organisme.

Sur le même principe que l’un de ceux qui régissent la certification des sites santé français HON — HAS, il est mis en avant que les conseils prodigués par les professionnels de santé du site « visent à soutenir et non pas remplacer la consultation d’un médecin et qu’aucun diagnostic ne sera donné en ligne. Tous ces professionnels de la santé sont diplômés d’institutions reconnues et font partie de l’ordre professionnel régissant leur profession ». Voilà qui devrait être intéressant en matière de responsabilité médicale. Quid du patient résidant en France, mal conseillé via l’Internet par un praticien canadien ? Le Canada est un pays qui offre des garanties en matière de droit de la santé, mais rien n’interdit à ce type de services de se développer dans des pays où le droit est bien moins regardant sur le secret médical, sur la responsabilité ou sur les assurances obligatoires des professionnels de santé… Il est même possible que les praticiens nationaux finissent par voir un intérêt à exercer pour de tels sites.

Toutes les spécialités ne sont, bien entendu, pas concernées. L’examen clinique virtuel n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais en attendant qu’il se développe le tourisme médical sera là pour pallier cette limitation. L’accès aux soins est à l’aube d’une révolution qui aura des répercussions insoupçonnées sur le droit de la santé.

Faut-il instaurer une mobilité des praticiens hospitaliers pour pallier le déficit des hôpitaux périphériques ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique sondage

Alors que le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) prévoit une taxe pour les médecins libéraux installés refusant d’exercer une partie de leur temps dans des régions considérées comme déficitaires en praticiens, pourquoi ne pas imaginer obliger les praticiens hospitaliers des centres hospitalo-universitaires (CHU) ou des grands centres hospitaliers régionaux (CHR) à effectuer des vacations dans les hôpitaux des zones difficiles ou les centres hospitaliers de petite taille qui ont du mal à recruter ?

Cabinet du médecin et parties communes d’un immeuble

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Cabinet médical et parties communes d'un immeubleIntéressante note sous le résumé no 440 du bulletin d’information no 699 de la Cour de cassation du 1er avril 2009 pour celui dont le cabinet médical se situe au sein d’un immeuble, surtout s’il le loue. Il peut, en effet, arriver que des patients ou des personnes accompagnant un malade causent des dégradations ou des nuisances au sein des parties communes de l’immeuble où est situé le lieu d’exercice du praticien et la question de la responsabilité de ce dernier a parfois fait l’objet d’âpres débats entre voisins.

Dans son pourvoi no 07-15508, la Cour de cassation s’est penchée sur le cas d’un médecin dont le bailleur a voulu résilier le bail du cabinet alors qu’il avait autorisé le praticien à exercer son Art dans l’appartement loué suite à des troubles constatés dans les parties communes de l’immeuble. Elle a décidé que « Les patients ne constituant pas des personnes de la maison au sens de l’article 1735 du code civil, un médecin, preneur à bail d’un local dans lequel le bailleur lui a donné l’autorisation d’exercer sa profession, ne peut, en l’absence de toute faute qui lui soit imputable, être personnellement tenu pour responsable du comportement de certains de ses patients dans les parties communes de l’immeuble ». En ce faisant elle ne s’oppose pas au fait que le preneur est tenu d’user de la chose louée en bon père de famille et qu’il est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison, mais elle qualifie les patients comme n’étant pas des gens de la maison au sens juridique du terme.

La note du bulletin d’information de la Cour explique qu’« Aux termes de l’article 1735 du code civil, le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires. Le régime de responsabilité du fait d’autrui qui en découle est particulièrement sévère, puisque le preneur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a personnellement commis aucune faute et qu’il répond des dégradations, qu’elles aient été commises volontairement ou non par les “personnes de sa maison”.
La notion de “personnes de la maison” a fait l’objet d’une acception large de la part de la Cour de cassation, qui y a inclus, en dehors des membres du strict cercle de famille et des domestiques demeurant sur place, toute personne hébergée par lui ou l’artisan qu’il avait volontairement introduit pour y exécuter une réparation.
Dans un arrêt du 16 juin 2004 (Bull. 2004, III, no 119), la troisième chambre civile a, en revanche, écarté que pût être considéré comme “de la maison” un invité du locataire qui ne résidait pas, fût-ce temporairement, dans les lieux loués et qui n’y était pas venu à titre professionnel à la demande du locataire.
Se posait la question de savoir si les patients d’un médecin, preneur à bail d’un local dans lequel le bailleur lui avait donné l’autorisation d’exercer sa profession, figuraient parmi les “personnes de sa maison”.
En répondant, dans l’arrêt commenté, par la négative, la troisième chambre civile a refusé de retenir que le lien contractuel qui se noue entre le médecin et la personne qui a choisi de venir le consulter fût équivalent à la relation contractuelle qui unit le locataire au professionnel dont il a sollicité l’intervention à son domicile. Elle a ainsi confirmé sa volonté de fixer des limites à la responsabilité du fait d’autrui susceptible de peser sur le preneur, en particulier lorsque, comme en l’espèce, celui-ci, en raison même de la profession libérale qu’il est autorisé à exercer dans les lieux loués, est obligé d’y recevoir sa clientèle. »

De par ses obligations déontologiques, le médecin se doit d’accueillir tous patients. Ses voisins ne peuvent donc pas lui reprocher de recevoir des personnes qui ne correspondraient pas au standing de l’immeuble au sein duquel le cabinet se situe. L’élitisme social doit rester à la porte des immeubles bourgeois où exercent des professionnels de santé.

Médecin libéral régulateur au SAMU et responsabilité

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Régulation des appels d'urgenceEn décembre 1996, un médecin libéral, détaché au service d’aide médicale urgente (SAMU) d’une région du nord-est de la France par une association de praticiens libéraux, a commis une faute en traitant un appel, concourant ainsi au décès d’un patient. La famille du défunt et sa caisse primaire d’assurance maladie ont fait condamner le centre hospitalier dont dépend le SAMU à réparer les conséquences dommageables de son erreur. L’établissement hospitalier s’est alors tourné vers l’association des praticiens libéraux, ayant conclu une convention avec le SAMU, pour qu’elle vienne en garantie des condamnations prononcées. Après avoir refusé, l’association avait été condamnée à la demande du centre hospitalier à prendre à sa charge les trois quarts des sommes allouées à la famille de la victime et à l’assurance-maladie. Elle a donc décidé de se pourvoir devant le Conseil d’État.

Celui-ci a rendu sa décision le 14 janvier 2009 (no 296020). Il estime que le contrat liant l’association des médecins libéraux au SAMU fait qu’il n’est pas nécessaire de rechercher si le médecin régulateur libéral devait être regardé comme un agent public ou comme un collaborateur du service public de l’aide médicale urgente. Cette association de praticiens ayant pour objet la réponse à l’urgence, comme il en existe beaucoup en France, est responsable des actes et décisions des médecins qu’elle met à la disposition d’un centre de réception et de régulation des appels et doit garantir le service public hospitalier des condamnations prononcées à son encontre au titre de la faute commise par le médecin d’exercice libéral qu’elle a envoyé pour réguler les appels.

Qu’un médecin remplisse une action de service public au sein d’un établissement hospitalier n’en fait pas pour autant un préposé de l’hôpital.

Rapport confidentiel sur les salaires des médecins

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Presse

Réduire la rémunération des médecinsQue voilà un rapport confidentiel sur le salaire des médecins qui tombe à pic ! Réalisé à la demande du gouvernement, ce rapport rédigé par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pourrait aider à mettre la pression sur les syndicats de médecins libéraux qui ne veulent pas plier dans l’affaire de la nouvelle taxe sur la démographie médicale. Il est d’autant plus facile à utiliser qu’il est confidentiel, ce qui veut dire que seuls les médias proches des milieux politiques pourront y avoir accès. Les fuites dans la presse écrite remplissent déjà plusieurs colonnes, mais deux interprétations différentes circulent.

La version qui devrait faire bientôt la une des journaux télévisés est consultable sur le site Doctissimo.fr, récemment racheté par le groupe Lagardère, réinterprétant l’article des Echos. Premier objectif : jouer sur la division des médecins, en mettant en parallèle les rémunérations des libéraux et des hospitaliers, mais aussi en cherchant à susciter de la jalousie au sein même de l’hôpital en insistant sur les revenus des praticiens ayant un secteur privé. Deuxième objectif : convaincre l’opinion publique grâce à une subtile comparaison avec le salaire moyen des Français et des interrogations sur l’accès aux soins. Dernier objectif : la régulation des dépassements d’honoraires, destinée à faire disparaître le secteur 2 est enfin mise en avant.

Autre réinterprétation de l’article des Echos qui devrait faire moins de bruit, celle du Figaro qui commence en reprenant l’information selon laquelle « S’il met l’accent sur les disparités et les incohérences des rémunérations, le rapport ne critique pas le niveau moyen des honoraires des spécialistes. Sur ce point, la France se situe « dans une situation intermédiaire » parmi 13 pays de l’OCDE étudiés [Organisation de coopération et de développement économiques, NDLR], note-t-il. » Cette version évoque aussi les activités annexes vers lesquelles se tournent les praticiens pour augmenter leurs revenus (expertises pour la justice, pour les assurances ou pour les laboratoires pharmaceutiques). On y apprend enfin que le paiement à la performance ne serait pas la solution idéale…

L’article des Echos brosse quant à lui le portrait d’un rapport très loin d’être accablant pour les médecins qui ne sont pas responsables des disparités qui touchent les rémunérations au sein de leur profession. Des solutions sont même proposées pour tirer vers le haut les revenus des praticiens les moins rémunérés afin de rétablir une certaine équité chez des professionnels qui ne comptent pas leurs heures, qui ont de lourdes responsabilités et qui investissent pour venir en aide aux patients qui continuent à leur accorder leur confiance.

Aucun de ces articles ne fait remarquer qu’en plus d’avoir une rémunération qui se situe dans une « situation intermédiaire » parmi 13 pays de l’OCDE, voire « parmi les revenus les plus bas des pays de l’OCDE » pour les généralistes selon Le Monde, les médecins français vivent dans un pays où le taux d’imposition est quasiment le plus élevé, toujours selon les chiffres de l’OCDE. Comparer le bénéfice non commercial (BNC) d’un médecin libéral au salaire d’un hospitalier est ridicule. Les chiffres fournis tiennent-ils compte des charges des uns et des autres ? Les différents articles manquent cruellement de précision à ce sujet. Ces données sont pourtant capitales, car elles modifient aussi complètement les comparaisons possibles entre les spécialités. Les radiologues ont une rémunération plus élevée que les dermatologues peut on lire. Est-ce la comparaison des BNC ? Est-ce après impôts ? Les investissements en matériel et en personnel pour ouvrir un cabinet de radiologie ne sont pas vraiment les mêmes. Les coûts d’entretien et de gestion ne sont pas non plus comparables. Les responsabilités qui en découlent ne sont pas les mêmes… Le chirurgien gagne plus que le gériatre. Est-ce choquant ? Les responsabilités de l’un et de l’autre sont importantes, mais il est bien plus rare qu’un gériatre se retrouve devant un tribunal. Le rapport de l’IGAS ne dit pas qu’il faut sanctionner les chirurgiens, il dit qu’il faut mieux considérer les médecins s’occupant des malades chroniques, ce qui est totalement différent de ce que semble souhaiter faire le gouvernement.

Y avait-il vraiment besoin d’un rapport pour remettre en cause la rémunération des médecins ? Le chef de l’État en a fait l’une de ses priorités. Une des raisons à cela pourrait être celle que développe Mathias Matallah dans son article « Qui veut la peau des médecins secteur 2 ? ». D’autres pistes sont possibles… Permettre aux complémentaires santé de faire de confortables économies, par exemple, puisque ce n’est pas l’assurance-maladie qui supporte le coût des dépassements d’honoraires, contrairement à ce que l’on tente de faire croire aux Français. Masquer les carences de l’État qui n’a plus les moyens d’offrir un service public sur l’ensemble du territoire et qui souhaite transférer cette charge sur les libéraux sans peser sur le budget des mutuelles et des complémentaires santé, adossées aux grands groupes financiers.

 

Mise à jour du 5 février 2009

Le rapport de l’IGAS n’est plus confidentiel et peut être téléchargé sur le site de La documentation française.

L’exercice du médecin hors convention ou non conventionné

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique La forme

Médecin hors convention examinant un enfantLes données concernant l’exercice de la profession de médecin hors du cadre de la convention signée entre certains syndicats médicaux et l’assurance-maladie ne sont pas toujours faciles à trouver. Il existe un tabou à ce sujet et même les médecins qui ont choisi de ne plus être conventionnés n’osent en parler qu’à demi-mot. Il nous est apparu intéressant de faire le point sur ce sujet.