Les médecins généralistes interdits de Cs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La médecine libérale dans un cul de sacLa Cour de cassation a tranché le 8 avril 2010 : en l’état actuel du droit, même si la médecine générale est devenue une spécialité à part entière depuis 2004 et que de nombreux praticiens ont fait qualifier leur diplôme comme tel auprès de leur conseil de l’ordre, les médecins généralistes n’ont pas le droit d’utiliser la lettre-clé Cs (pour consultation spécialisée) pour coter leurs actes. Ils doivent continuer à utiliser pour le remboursement Sécurité sociale la lettre-clé C et le tarif à 22 euros qui s’y attache. Il en va de même pour les lettres-clé V et Vs (pour les visites à domicile).

Dans son arrêt (pourvoi n° 09-13772), la Cour de cassation a décidé qu’un médecin généraliste n’exerçait pas, à titre exclusif, une spécialité relevant des termes prévus par la convention nationale signée entre les médecins et l’assurance-maladie ou par les nombreux autres textes relatifs à la qualification des praticiens. Que le médecin est fait valider son diplôme comme qualifiant pour la spécialité de médecine générale n’y change rien.

Voilà qui ne devrait pas satisfaire ces praticiens qui espéraient une reconnaissance juridico-financière de leur “nouvelle” spécialité. Ils leur restent à s’en remettre au chef de l’État qui, au lendemain d’élections régionales qui n’ont pas été favorables au parti dont il est issu et sans doute après en avoir analysé les résultats par catégories socioprofessionnelles, a affirmé que la médecine de proximité était l’une des priorités de la politique qu’il entendait mener dans un futur proche.

La médecine générale est actuellement en crise, tout comme les autres composantes de la médecine libérale. Le burn-out des praticiens, le choix du salariat ou de modes d’exercice alternatifs et une démographie savamment orchestrée depuis de nombreuses années pour aboutir à une pénurie de médecins censée générer des économies de santé en réduisant l’offre ou en obligeant au transfert des tâches (plus que des compétences) vers des professionnels paramédicaux ou de la santé commerciale (comme les opticiens ou les audioprothésistes) à moindre coût expliquent en grande partie la frustration qui s’exprime actuellement si l’on en croit nombre de généralistes ou de spécialistes.

Jean-Luc Maupas explique, dans le bulletin d’information de janvier 2010 du conseil départemental de l’ordre des médecins de Seine-Maritime qu’il préside, que depuis 1997 « le nombre de nouveaux inscrits choisissant l’exercice salarié a dépassé celui des jeunes confrères optant pour l’exercice libéral, exercice séculairement dominant en France. » Il contacte aussi qu’en 2009, le tableau départemental, comme le tableau national de l’ordre des médecins, montre que cinq nouveaux inscrits seront rémunérés par un salaire et un seulement par des honoraires. Pour lui, « C’est, à l’évidence, un véritable changement de la pratique médicale qui, sans infléchissement choisi ou imposé, fait penser que le XXIe siècle sera celui du salariat médical dominant et, peut-être, qui sait, un jour exclusif. » À l’opposé des discours des principaux syndicats de médecins qui donnent l’impression de vouloir défendre l’exercice libéral, ce constat d’instances ordinales semble résigné et fataliste. Il s’accompagne d’ailleurs d’un appel aux médecins salariés pour qu’ils s’investissent plus au sein de l’ordre, sans doute pour pallier le désintérêt qu’ont montré les libéraux pour les élections ordinales, à l’image de celui des Français pour les élections régionales. Beaucoup ont l’impression d’être coupés de décisions nationales plus politiciennes qu’en prise directe avec les réalités de leur vie quotidienne. La crise de confiance est réelle.

Dans ces conditions, des praticiens en viennent même à se demander dans quelle mesure le rapport confié par le chef de l’État au président du conseil national de l’ordre des médecins sur une réforme de l’exercice libéral, surtout après avoir imposé la présence au sein du groupe de travail chargé de le rédiger de Christian Saout, n’est pas là pour éloigner un peu plus les futurs médecins du choix de l’exercice libéral. Remplacer des libéraux, souvent dociles, mais parfois frondeurs, par des praticiens salariés au service exclusif d’une politique sociale, est un rêve pour beaucoup. Peu importe que les régimes qui ont choisi cette voie n’aient pas fait leurs preuves, seule compte parfois l’idéologie, la volonté d’affirmer son pouvoir ou la démagogie…

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