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Les recommandations HAS remises dans le droit chemin

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Jurisprudences

Chemin baliséQui aurait pu croire il y a encore quelques mois que les effets secondaires du Mediator affecteraient le président de la Haute Autorité de santé (HAS) ou, tout du moins, ses décisions ? Qui aurait pu imaginer que les « recommandations » de bonne pratique de cette instance officielle, imposées à tous les médecins dans un but d’uniformiser les dépenses de santé, sous couvert d’améliorer la qualité de la prise en charge en méprisant l’unicité de chaque patient, et reconnues par le Conseil d’État comme opposables aux praticiens, ne s’appuyaient pas toujours sur des fondements scientifiques transparents ? Qui aurait pu douter de la détermination des experts à faire passer l’intérêt des patients avant celui de l’industrie ou d’un besoin de reconnaissance que chacun trouve légitime ? Pas grand monde, si ce n’est quelques rares médecins qui semblent avoir continué à faire leur l’un des préceptes de leur Art, garder l’esprit critique, plutôt que de sombrer dans le conformisme bien pensant par facilité, par compromission ou au nom de la sauvegarde du spectre de notre système de protection sociale…

C’est en 2009, bien avant que n’éclate le scandale du Mediator, que le Formindep, association pour une formation médicale indépendante, a déposé un recours en Conseil d’État contre le refus par le président de la HAS d’abroger deux recommandations émises par ses services, la première concernant le traitement du diabète de type 2 et la seconde la maladie d’Alzheimer, pour non-respect des règles de déclaration de liens d’intérêts des experts les ayant établies. Un combat qui valait la peine d’être mené puisque le 27 avril 2011, le Conseil d’État a annulé la décision par laquelle le président de la Haute Autorité de santé a refusé d’abroger la recommandation intitulée Traitement médicamenteux du diabète de type 2 et l’a contrait à abroger cette recommandation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision. En ce faisant, le Conseil d’État a reconnu que « la recommandation litigieuse a été élaborée en méconnaissance du principe d’impartialité dont s’inspirent les dispositions rappelées ci-dessus [article L 161-44 du code de la Sécurité sociale et L 5323-4 du code de la santé publique, NDLR], en raison de la présence, au sein du groupe de travail chargé de sa rédaction, d’experts médicaux apportant un concours occasionnel à la Haute Autorité de santé ainsi que d’agents de la Haute Autorité de santé et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui entretenaient avec des entreprises pharmaceutiques des liens de nature à caractériser des situations prohibées de conflit d’intérêts ».

Suite à ce camouflet et alors qu’une décision était attendue pour la recommandation Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, le président de la HAS a préféré couper court aux critiques. Dans un communiqué du 20 mai 2011, la HAS précise qu’elle retire cette recommandation de bonne pratique « dans un contexte d’exigence accrue en matière d’indépendance et de transparence des institutions et afin de restaurer la confiance avec les usagers du système de soins ». Prenant acte de la décision du Conseil d’État, la HAS décide par ailleurs de lancer l’analyse de toutes les recommandations élaborées entre 2005 et 2010 pour vérifier qu’elles sont conformes aux règles en matière de déclarations publiques d’intérêt. Cette mission est confiée au groupe Déontologie et Indépendance de l’expertise de la HAS présidée par Christian Vigouroux, conseiller d’État. La HAS suivra les conclusions de cette mission et s’engage à retirer immédiatement les recommandations qui seraient concernées et à réinscrire les thèmes à son programme de travail. » Il est aussi question d’un audit externe de ses procédures de gestion des conflits d’intérêts en 2012.

La décision du Conseil d’État a un autre intérêt, celui de préciser le rôle des recommandations de bonne pratique. Il considère que ces dernières « ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en oeuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ». Il estime aussi « qu’eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».

Malgré tout, les recommandations de bonne pratique ont encore de belles années devant elles. Beaucoup de médecins en redemandent, car il est plus simple de suivre une recette universelle toute faite que d’élaborer un diagnostic en tenant compte des spécificités de chaque patient, surtout quand cette réflexion chronophage, pourtant salutaire au malade, leur attire les foudres de l’assurance-maladie.
Les professions paramédicales en redemandent elles aussi. À l’heure où la délégation des tâches est portée aux nues, mieux vaut disposer de conduites à tenir élaborées par des experts pour pouvoir jouer au docteur sans trop engager sa responsabilité.
Les juristes en sont friands, habitués qu’ils sont aux normes, les utilisant pour faire condamner, plus souvent que pour défendre, les praticiens faisant preuve de sens critique (ou d’incompétence).
L’industrie les réclame, puisqu’elle ne doute pas un seul instant de réussir à nouveau à influencer d’une façon ou d’une autre leur contenu d’ici quelques mois.
La Sécurité sociale, les complémentaires santé et les décideurs, enfin, qui voient en elles un formidable frein aux dépenses de santé et la mise sous coupe réglée des professionnels de santé.
Médecine et indépendance ne sont décidément pas prêtes à ne plus être antinomiques…

Les recommandations de bonne pratique en médecine ne sont pas données

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Il est recommandé d'aller dans la bonne direction.En plus de s’être intéressé à la façon dont les liens d’intérêt peuvent influencer la rédaction des recommandations de bonne pratique en médecine, Roger Collier, journaliste au Canadian Medical Association Journal (CMAJ), a publié dans le numéro du 22 février 2011 de cette revue un article intitulé Clinical practice guidelines as marketing tools (Les recommandations de bonne pratique clinique comme outils marketing) sur lequel il peut être intéressant de se pencher.

Si, en France, la majorité des recommandations de bonne pratique est élaborée sous l’égide de la Haute Autorité de santé et financée par celle-ci, ce n’est pas le cas pour celles qui sont publiées chaque semaine un peu partout dans le monde. Être réalisées à l’aide de fonds publics pourrait donner l’impression que les recommandations hexagonales ne sont pas biaisées par l’industrie pharmaceutique, mais il faut comprendre que les travaux étrangers servent bien souvent de sources aux experts français, faisant ainsi d’eux, consciemment ou non, des relais d’une information sous influence. S’il est admis que les résultats d’essais cliniques tendent à favoriser ceux qui les financent, cet impact est rarement mis en avant lorsqu’il est question de recommandations de bonne pratique alors qu’elles sont largement utilisées par les médecins, quand elles ne leur sont pas tout simplement imposées. Elles jouent donc un rôle particulièrement important dans la prise en charge des patients.

Publier des recommandations de bonne pratique de qualité n’est pas chose aisée. Il s’agit souvent d’un processus long et coûteux, comme l’explique Roger Collier, processus qui oblige les auteurs qui se lancent dans l’aventure à trouver un financement pour mener à bien leurs travaux et y consacrer le temps nécessaire (de 18 mois à 3 ans, habituellement). En fonction du sujet traité, les besoins ne seront pas les mêmes, mais il arrive souvent que les promoteurs des recommandations soient contraints de se tourner vers l’industrie pour obtenir les fonds suffisants, surtout dans le cas de projets ambitieux portant sur la prise en charge globale de pathologies comme le diabète ou l’hypertension artérielle.

À quoi sert cet argent ? Il faut tout d’abord identifier de façon précise ce sur quoi vont porter les recommandations et identifier les priorités en tenant compte de l’avis des personnes concernées qu’il conviendra de cibler (médecins, patients, administratifs, etc.), effectuer un examen approfondi et systématique de la littérature scientifique sur le sujet choisi en remontant parfois sur plusieurs décennies, évaluer et faire la synthèse des preuves scientifiques ainsi recueillies, convoquer un groupe d’experts pour examiner ces preuves et formuler des recommandations cliniques, présenter ce travail à des experts “indépendants”, publier les recommandations et trouver les moyens de les diffuser pour qu’elles soient prises en compte par le plus grand nombre. Tout ceci a un coût.
Quand on est un médecin salarié et que cela ne pose pas de problèmes à l’organisation dans laquelle on travaille, il est aisé de participer à de tels travaux. Quand on travaille en libéral, le temps consacré à participer à des réunions de ce type est un manque à gagner. Si le promoteur des recommandations n’a pas prévu d’indemnisation, cela peut avoir un retentissement sur le recrutement des participants, voire même sur le fait qu’ils soient tentés d’accepter un financement extérieur pour participer tout de même à ces travaux. Doivent aussi être financés les coûts générés par la bibliographie qui peut nécessiter que l’on fasse appel à du personnel qualifié ; les déplacements et l’hospitalité offerts aux experts lors des indispensables réunions ; l’impression et la reliure des recommandations.

Pour le docteur Valerie Palda, directeur médical du comité consultatif relatif aux recommandations d’une organisation médicale indépendante canadienne, interrogée par Roger Collier, « L’édition n’est pas ce qui coûte le plus cher. Ce qui est le plus onéreux, c’est la revue systématique de la littérature et les réunions ». Pour elle, utiliser l’argent de l’industrie pour ça est acceptable si des garanties sont prises pour éviter les biais liés à ce financement. « Ce n’est pas trop de savoir si l’on peut accepter une aide financière de l’industrie qui importe, mais de savoir si on peut en atténuer l’impact ».

Des médecins, en toute bonne foi, pensent qu’il est possible de mettre ces garanties en place. Selon eux, il suffirait pour cela de bien encadrer l’élaboration des recommandations, de poser une question claire à laquelle on doit s’attacher de répondre sans s’écarter de cette problématique, publier la méthodologie afin que d’autres équipes puissent reproduire les travaux réalisés, de soumettre les recommandations cliniques à des experts indépendants de plusieurs spécialités et à de nombreux organismes de santé pour qu’ils les critiquent et les valident et, enfin, les publier dans des revues, comme le CMJA, spécialisées dans l’édition de ce type de travaux.
D’autres reconnaissent que le meilleur moyen d’éviter toute influence des laboratoires pharmaceutiques, c’est de trouver d’autres sources de financement. Mais cela serait plus facile à dire qu’à faire, s’empressent-ils d’ajouter…

Recommandations de bonne pratique et conflits d’intérêts

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Tout le monde ne jure plus que par les recommandations de bonne pratique… Non content de faire fi de la spécificité de chaque patient, ces guides donnent l’impression qu’il suffit de suivre un protocole, comme un ordinateur suit un programme, pour soigner tous les malades de la même façon. Gros avantage de ces préconisations « à la mode », ils flattent l’ego de ceux qui sont chargés de les rédiger et ils sont devenus un outil idéal pour contraindre les praticiens à « faire des économies ». Bien plus efficaces et bien plus simples à mettre en place qu’un développement professionnel continu qui ne cesse de patiner, ces directives ont les faveurs des pouvoirs publics. Plutôt que d’imposer à un médecin de répondre à ses obligations de formation continue et de lui réapprendre à faire preuve de sens critique et d’objectivité, beaucoup semblent penser, y compris au sein de cette profession, qu’il est préférable de donner des solutions toutes faites aux professionnels de santé. Pas besoin de réfléchir pour les uns, il suffit de s’en remettre aux recommandations pour traiter ; un bon moyen d’imposer ce qui doit être prescrit pour les autres. Que les recommandations ne soient remises que tous les 5 à 10 ans ne choque personne, puisque l’intérêt du patient n’est pas toujours ce qui prime malgré les beaux discours. Qu’un praticien soit sanctionné parce qu’il n’a pas respecté les recommandations n’émeut pas grand monde non plus : pourquoi diable un médecin devrait-il se mettre à réfléchir alors que des leaders d’opinion dédommagés par la Haute Autorité de santé l’ont fait pour lui ? Sans compter que quand des médecins réfléchissent, ils risquent de créer une revue comme Prescrire, de dénoncer des campagnes de prévention controversées ou de ne pas conseiller aux patients de se faire vacciner contre la grippe A(H1N1) au grand dam de la ministre de la santé de l’époque qui suivait les “recommandations” du même type d’experts…Extraire le savoir

L’industrie pharmaceutique a compris depuis longtemps qu’il était vital pour elle de faire entendre sa voix, même sous forme de murmures, dans les réunions où les recommandations de bonne pratique se décident. Influencer des groupes de réflexion, voire même les créer en les finançant, est une chose qu’elle est habituée à faire. Rien de mieux pour cela que de nouer des liens avec les leaders d’opinion qui vont servir d’experts à cette occasion. C’est tout du moins ce que l’on peut penser à la lecture d’un article publié dans le Canadian Medical Association Journal du 22 février 2011, intitulé Clinical guideline writers often conflicted. Roger Collier, un journaliste de cette revue appréciée de ceux qui publient (impact factor de 7,3), y explique qu’il n’y a pas une semaine sans que de nouvelles recommandations de bonne pratique ne paraissent sur la planète. Un fait qui doit avoir son importance puisque le gouvernement américain finance un programme destiné à recenser tous ces guides de bonne pratique de par le monde il n’y en aurait pas moins de 360 en cours de rédaction. On peut s’étonner qu’un état finance un tel programme. Pas vraiment si l’on considère l’intérêt qu’il peut avoir pour la santé publique, mais surtout les enjeux stratégiques et économiques qui peuvent s’y attacher. Publier un référentiel de bonne pratique, c’est se donner la possibilité de voir ce travail devenir la référence pour les milliers de médecins d’un pays, voire même les millions de praticiens qui parlent la langue dans laquelle est rédigé le document. C’est aussi une façon de voir les groupes d’experts des autres nations utiliser ce travail comme base à leurs propres réflexions. D’où l’importance d’une telle veille pour une administration qui a pour objectif de maintenir les États-Unis au plus haut niveau dans tous les domaines.
Un enjeu que des sociétés savantes ont elles aussi compris : la Société américaine de radiologie, par exemple, à une trentaine de ces recommandations de bonne pratique actuellement sur le feu. Des associations de médecins qui sont bien souvent encouragées à agir ainsi par l’industrie, les pouvoirs publics ou les assureurs.

Le docteur Niteesh Choudhry, professeur adjoint à l’université de médecine Harvard de Boston, s’est intéressé aux lignes en petits caractères, censées informer le lecteur sur les liens d’intérêt des auteurs, qui figurent parfois en bas de page de ses recommandations de bonne pratique, au moins de celles publiées dans de grandes revues qui exigent de telles déclarations. Après un examen attentif de ces éléments, il en est arrivé à la conclusion qu’il existait un nombre extrêmement important de rédacteurs de ces recommandations ayant des liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique. Il cite en exemple les recommandations de la Société canadienne de thoracologie sur la gestion de l’asthme chez les adultes et les enfants de 6 ans et plus financées par trois des plus grands laboratoires vendant des médicaments à cet effet dans ce pays.

Pour le médecin « de base », la tâche n’est pas aisée. Déjà occupé à soigner les patients, il n’a souvent d’autres choix que de se fier à ces recommandations. « Compte tenu de la quantité d’informations dans un domaine particulier, aucun médecin ne peut toutes les connaître », explique le docteur Joel Lexchin, professeur à l’université York de Toronto. Que des déclarations de liens d’intérêt soient obligatoires et figurent dans les documents est une bonne chose pour la transparence, mais elles n’empêchent pas les biais. N’étant pas un expert, comment le médecin de famille peut-il apprécier l’impact que peut avoir le lien d’intérêt déclaré ? Il peut n’en avoir aucun, comme il peut être énorme…

Faut-il systématiquement jeter la pierre aux leaders d’opinion ou aux experts qui participent à la rédaction des recommandations de bonne pratique ? Pour Niteesh Choudhry, ils sont nombreux à sous-estimer l’influence que peuvent avoir leurs liens avec l’industrie sur ces recommandations.
Dans une étude publiée dans le JAMA, le docteur Choudhry et ses collaborateurs ont montré de 87 % des auteurs de ces recommandations avaient des liens avec l’industrie et plus particulièrement avec des sociétés dont l’usage des produits était recommandé dans les recommandations auxquels ils avaient contribué dans 59 % des cas. « Nous nous demandons si les universitaires et les médecins sous-estiment l’impact de ces relations sur leurs actions parce que la nature même de leur profession est la recherche d’une information impartiale et objective », indique le document. « Malheureusement, le biais peut se produire à la fois consciemment et inconsciemment, et par conséquent, son influence peut passer inaperçue. »

Niteesh Choudhry s’empresse toutefois de préciser qu’interdire à toute personne ayant des liens d’intérêt avec les laboratoires de prendre part à la conception de recommandations de bonne pratique n’est pas réaliste. Sans compter que l’on peut avoir un lien d’intérêt sans être partial pour autant et que si l’on est un expert, on fait souvent partie de ceux qui sont obligés d’avoir le plus de liens avec l’industrie…
L’idéal serait de pouvoir apprécier quel impact peut avoir un lien déclaré sur la recommandation qui va être faite. Une espèce de recommandation de bonne pratique sur la façon de gérer les liens d’intérêt déclarés par les auteurs de ces recommandations, sans doute…

Les médecins généralistes interdits de Cs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La médecine libérale dans un cul de sacLa Cour de cassation a tranché le 8 avril 2010 : en l’état actuel du droit, même si la médecine générale est devenue une spécialité à part entière depuis 2004 et que de nombreux praticiens ont fait qualifier leur diplôme comme tel auprès de leur conseil de l’ordre, les médecins généralistes n’ont pas le droit d’utiliser la lettre-clé Cs (pour consultation spécialisée) pour coter leurs actes. Ils doivent continuer à utiliser pour le remboursement Sécurité sociale la lettre-clé C et le tarif à 22 euros qui s’y attache. Il en va de même pour les lettres-clé V et Vs (pour les visites à domicile).

Dans son arrêt (pourvoi n° 09-13772), la Cour de cassation a décidé qu’un médecin généraliste n’exerçait pas, à titre exclusif, une spécialité relevant des termes prévus par la convention nationale signée entre les médecins et l’assurance-maladie ou par les nombreux autres textes relatifs à la qualification des praticiens. Que le médecin est fait valider son diplôme comme qualifiant pour la spécialité de médecine générale n’y change rien.

Voilà qui ne devrait pas satisfaire ces praticiens qui espéraient une reconnaissance juridico-financière de leur “nouvelle” spécialité. Ils leur restent à s’en remettre au chef de l’État qui, au lendemain d’élections régionales qui n’ont pas été favorables au parti dont il est issu et sans doute après en avoir analysé les résultats par catégories socioprofessionnelles, a affirmé que la médecine de proximité était l’une des priorités de la politique qu’il entendait mener dans un futur proche.

La médecine générale est actuellement en crise, tout comme les autres composantes de la médecine libérale. Le burn-out des praticiens, le choix du salariat ou de modes d’exercice alternatifs et une démographie savamment orchestrée depuis de nombreuses années pour aboutir à une pénurie de médecins censée générer des économies de santé en réduisant l’offre ou en obligeant au transfert des tâches (plus que des compétences) vers des professionnels paramédicaux ou de la santé commerciale (comme les opticiens ou les audioprothésistes) à moindre coût expliquent en grande partie la frustration qui s’exprime actuellement si l’on en croit nombre de généralistes ou de spécialistes.

Jean-Luc Maupas explique, dans le bulletin d’information de janvier 2010 du conseil départemental de l’ordre des médecins de Seine-Maritime qu’il préside, que depuis 1997 « le nombre de nouveaux inscrits choisissant l’exercice salarié a dépassé celui des jeunes confrères optant pour l’exercice libéral, exercice séculairement dominant en France. » Il contacte aussi qu’en 2009, le tableau départemental, comme le tableau national de l’ordre des médecins, montre que cinq nouveaux inscrits seront rémunérés par un salaire et un seulement par des honoraires. Pour lui, « C’est, à l’évidence, un véritable changement de la pratique médicale qui, sans infléchissement choisi ou imposé, fait penser que le XXIe siècle sera celui du salariat médical dominant et, peut-être, qui sait, un jour exclusif. » À l’opposé des discours des principaux syndicats de médecins qui donnent l’impression de vouloir défendre l’exercice libéral, ce constat d’instances ordinales semble résigné et fataliste. Il s’accompagne d’ailleurs d’un appel aux médecins salariés pour qu’ils s’investissent plus au sein de l’ordre, sans doute pour pallier le désintérêt qu’ont montré les libéraux pour les élections ordinales, à l’image de celui des Français pour les élections régionales. Beaucoup ont l’impression d’être coupés de décisions nationales plus politiciennes qu’en prise directe avec les réalités de leur vie quotidienne. La crise de confiance est réelle.

Dans ces conditions, des praticiens en viennent même à se demander dans quelle mesure le rapport confié par le chef de l’État au président du conseil national de l’ordre des médecins sur une réforme de l’exercice libéral, surtout après avoir imposé la présence au sein du groupe de travail chargé de le rédiger de Christian Saout, n’est pas là pour éloigner un peu plus les futurs médecins du choix de l’exercice libéral. Remplacer des libéraux, souvent dociles, mais parfois frondeurs, par des praticiens salariés au service exclusif d’une politique sociale, est un rêve pour beaucoup. Peu importe que les régimes qui ont choisi cette voie n’aient pas fait leurs preuves, seule compte parfois l’idéologie, la volonté d’affirmer son pouvoir ou la démagogie…

Autorisation de partir en vacances pour les médecins

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Des vacances sur autorisationUn projet de décret relatif à la continuité des soins en médecine ambulatoire est actuellement en discussion. Il prévoit de nouvelles formalités administratives obligatoires pour tous les médecins libéraux qui souhaitent s’absenter plus de six jours, et ce, deux mois avant leur départ en vacances ou pour intervenir dans un congrès international afin d’y faire rayonner le savoir médical français. Plus de départ à la dernière minute pour bénéficier d’une offre attrayante et pas question d’aller parler à la place d’un confrère malade, les praticiens “libéraux” vont devoir tout planifier…

Pourquoi un tel projet de décret ?

L’obligation de continuité des soins n’est pas nouvelle. Elle correspond aux articles 47 et 48 du code de déontologie médicale (article R 4127-47 et R 4127-48 du code de la santé publique), intitulés « Continuité des soins » et « Continuité des soins en cas de danger public ». Ces textes imposent que quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée et que le médecin ne peut pas abandonner ses malades en cas de danger public, sauf sur ordre formel donné par une autorité qualifiée, conformément à la loi.
Jusqu’à ces dernières années, rares avaient été les médecins condamnés pour avoir dérogé à cette obligation, mais les choses sont en train de changer progressivement.

Tout d’abord, en raison de la démographie médicale, trouver un remplaçant devient plus difficile. Dans des régions où de nombreux praticiens ont pris leur retraite et où les jeunes diplômés hésitent à venir s’installer en raison d’une charge de travail écrasante associée à de nouvelles contraintes administratives incessantes, ou tout simplement du risque de se faire agresser ou brûler leur véhicule, le nombre de praticiens susceptible d’assurer les gardes de nuit et de week-end a fortement diminué. Et même sans parler des gardes, le simple exercice journalier peut ne plus être le fait que d’un praticien pour un territoire très vaste. Tant et si bien que quand le praticien prend ses congés et qu’il n’est pas en mesure de trouver un remplaçant, seuls les services publics de proximité sont à même d’offrir une continuité des soins. Le problème est que les pouvoirs publics, sous couvert de sécurité pour ne pas parler des raisons économiques, ferment ces services de proximité ou qu’ils ne trouvent pas un médecin pour accepter les charges que représente un poste dans une structure hospitalière secondaire. Dans de telles conditions, il peut arriver que des territoires entiers soient privés de recours.
Plutôt que de se donner les moyens d’assurer un service public de proximité, les pouvoirs publics ont compris qu’il était plus simple et moins coûteux d’utiliser l’obligation de continuité de soins des médecins libéraux pour les contraindre à assurer les gardes visant à pallier la carence des services de l’État. Au nom de cette continuité des soins, un couple de médecins a, par exemple, été mis en demeure de ne pas partir en vacances ensemble par le maire d’une commune rurale. Pendant que la mari partait en vacances, sa femme devait, selon l’élu, assurer les gardes et vice-versa. Résultat, le couple de médecins a déménagé et le maire a dû se mettre en quête de nouveaux praticiens. Pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise, les élus songent à supprimer la liberté d’installation et même à contraindre les praticiens à s’installer à la campagne et, surtout, dans les banlieues “difficiles”. Le couple n’aurait ainsi pas pu déménager aussi facilement et les textes auraient été utilisés pour contraindre cette famille de praticiens à prendre ses vacances séparément…

L’autre raison qui pousse les autorités à renforcer les obligations en matière de continuité de soins est simple. Les ministres et autres élus n’ont pas apprécié que l’on ait pu leur reprocher la gestion de la canicule de 2003. Tout le monde se souvient que l’été 2003 a vu le taux de mortalité des personnes âgées monter en flèche en raison d’une vague de très fortes chaleurs au mois d’août. À cette période, le gouvernement était en vacances, comme une très grande partie de la population active au rang de laquelle figurent les médecins. Les élus tardant à revenir de leur villégiature, un médecin hospitalier, qui soit ne prenait jamais de vacances, soit les avait prises en juillet ou prévoyait de les prendre en septembre, a fait la Une des journaux pour dénoncer la situation décrite au paragraphe précédent. Comme il n’était pas question de laisser la polémique grandir sur la carence des services publics et le manque de moyens alloués aux hôpitaux de proximité, les praticiens libéraux ont très vite été montrés du doigt. Si ces derniers n’avaient pas été en vacances, tout cela ne serait pas arrivé ! De là est venue l’idée politique de réglementer le départ en congés des soignants libéraux. Le conseil national de l’ordre des médecins, après avoir reconnu ces mesures comme justifiées suivant ainsi la volonté gouvernementale, se trouve aujourd’hui débordé par les mesures proposées.

Le projet de décret

Le projet de décret est ainsi formulé :

« Chapitre VI — Continuité des soins en médecine ambulatoire

Art. R 6316-1. À défaut de remplaçant, pour remplir son obligation de continuité de soins, tout médecin avertit, au moins deux mois à l’avance, le conseil départemental de l’ordre des médecins de ses absences programmées de plus de six jours ou d’une durée inférieure, mais incluant un jour suivant ou précédent un jour férié.
Il communique le nom du confrère susceptible de prendre en charge ses patients.
Le conseil départemental de l’ordre des médecins s’assure qu’aucune difficulté de prise en charge des patients ne peut naître du fait d’une présence insuffisante des médecins libéraux en activité sur le territoire, et après avoir rappelé aux médecins leurs obligations déontologiques et recherché des solutions pour renforcer leur présence, il informe le directeur général de l’agence régionale de santé de la situation. »

Les conséquences du décret

Il est facile de comprendre que ce n’est pas pour lui souhaiter de bonnes vacances que le directeur général de l’agence régionale de santé (DGARS) prendra contact avec le praticien désirant s’absenter, mais bien pour le lui interdire en demandant au besoin sa réquisition si les menaces ne suffisent pas. On peut aussi penser qu’il pourrait être question d’obliger un remplaçant à venir assurer cette continuité, d’où l’intérêt des pouvoirs publics de laisser travailler le CNOM à un nouveau statut pour les médecins remplaçants, simplement pour donner un cadre mieux adapté à de nouvelles contraintes. De telles pratiques de coercition ne vont avoir pour effet que de détourner un peu plus les praticiens de l’activité libérale, mais peu importe, d’autres décrets dans le futur imposeront sans doute à une partie des étudiants obtenant leur thèse d’exercer dans ce que l’on continuera toujours à appeler le secteur “libéral”, et ce, uniquement à des tarifs fixés par l’assurance-maladie, le secteur à honoraires différents (secteur 2) ayant été supprimé depuis longtemps. Le discours officiel veut que le DGARS se contentera de rechercher des solutions en recourant à une mutualisation des moyens publics et privés, mais comment être dupe…

Le CNOM, contraint de sauver les apparences de peur de voir sa légitimité une nouvelle fois remise en cause par sa base, a émis un avis défavorable à ce projet de décret, le 25 septembre 2009 et s’en fait l’écho dans sa lettre d’information du 6 novembre 2009. Il demande que l’on évite d’imposer de nouvelles « formalités inutiles et vexatoires » aux praticiens et de « faire clairement apparaître que la réglementation n’a pas pour objet de remettre en cause les congés des praticiens, mais de permettre aux patients un accès aux soins en leur absence lorsque les praticiens n’ont pu trouver par eux-mêmes une solution, en raison notamment d’une pénurie médicale dont ils ne sont pas responsables. »

Ce projet de décret est caricatural d’un grand nombre de décisions prises par les autorités au quotidien dans le domaine de la santé. Le CNOM attire d’ailleurs l’attention sur un autre projet de décret, celui-ci porte sur le contrat santé-solidarité dont l’objectif est de lutter contre les déserts médicaux qui s’apprête lui aussi à faire peser d’autres « contraintes intolérables et absurdes ».
Reste à savoir l’impact qu’auront les avis du conseil de l’ordre, et surtout la communication qui est faite autour d’eux, sur des pouvoirs publics habitués à ne plus suivre les remarques d’un organisme qu’ils considèrent comme un vassal. Sous cette forme où sous une autre, l’esprit de ces projets de décret finira bien par être imposé à des médecins qui n’ont pas la cohésion nécessaire pour faire valoir leur point de vue.

 

Vers une IVG médicamenteuse plus largement diffusée

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Ivg médicamenteuseC’est le décret n° 2009-516 du 6 mai 2009 relatif aux interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse, publié au Journal officiel du 8 mai 2009, qui fait évoluer la législation française sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG).  Grâce à ce nouveau texte, le président d’un conseil général peut passer convention avec un centre de planification ou d’éducation familiale, un centre de santé ou un praticien pour organiser la pratique d’interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse. Les médecins, les centres de planification ou d’éducation familiale et les centres de santé ayant conclu une convention peuvent s’approvisionner en médicaments nécessaires à la réalisation d’une IVG médicamenteuse, même si le centre ne dispose pas d’un pharmacien.

Cette pratique n’est donc plus réservée aux établissements de santé et aux médecins libéraux ayant conclu une convention avec eux en ce domaine, les centres de planification ou d’éducation familiale, à condition de signer eux aussi une convention avec un établissement de santé, vont pouvoir permettre à plus de jeunes femmes de bénéficier de cette méthode non invasive pour interrompre une grossesse non désirée dans les sept semaines après la date des dernières règles.

Tatouage et piercing : nouvelles règles de bonnes pratiques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Bonnes pratiques du tatouage et du piercingFini le temps des tatouages et des piercings dans des arrières boutiques sombres et insalubres si l’on en croit la loi. Il faut dire que les problèmes infectieux liés à ces pratiques ont conduit de nombreux jeunes (et moins jeunes) aux urgences, avec parfois des conséquences gravissimes. Dans un grand hôpital parisien, il existe même un service spécialisé dans ce type de problèmes.
Deux arrêtés viennent ainsi d’être publiés au Journal officiel du 20 mars 2009. L’arrêté du 11 mars 2009 relatif aux bonnes pratiques d’hygiène et de salubrité pour la mise en oeuvre des techniques de tatouage par effraction cutanée, y compris de maquillage permanent et de perçage corporel, à l’exception de la technique du pistolet perce-oreille et l’arrêté du 11 mars 2009 relatif aux bonnes pratiques d’hygiène et de salubrité pour la mise en oeuvre du perçage du pavillon de l’oreille et de l’aile du nez par la technique du pistolet perce-oreille.

Le code de la santé publique définit maintenant les règles générales d’hygiène et de salubrité applicables à la mise en oeuvre des techniques de tatouage par effraction cutanée, y compris de maquillage permanent et de perçage corporel avec ou avec ou sans pistolet. Même le cas des locaux provisoires tels que ceux aménagés lors de manifestations et de rassemblements est pris en compte par ces textes.

Les locaux du tatoueur doivent impérativement comporter au minimum trois pièces : l’une servant de salle technique où sont uniquement réalisés les tatouages, une autre servant à la stérilisation des instruments et une dernière pour l’entreposage des déchets et du linge sale. Les matériaux utilisés pour le sol, les plans de travail, ainsi que le mobilier doivent être lessivables. Les produits de désinfection ne sont pas laissés au libre choix du tatoueur, mais sont définis par les textes, la procédure d’hygiène des mains y est même détaillée. Gants à usage unique et protocole de désinfection de la peau ou des muqueuses à tatouer sont indiqués.
Si le tatoueur fait aussi les piercings, il devra disposer d’une quatrième pièce, servant de salle technique dédiée uniquement à cette pratique. Les conditions de réalisation de ces gestes sont définies par la loi, tout comme les conditions relatives à l’hygiène et à la désinfection. Les conditions d’utilisation du pistolet perce-oreille (qui sert aussi à percer les ailes du nez) sont elles aussi réglementées.

Il peut être intéressant de rappeler que des dispositions de vigilance existent pour les produits de tatouage. Ces deux dernières années ont vu plusieurs textes réglementer la profession comme le décret n° 2008-149 du 19 février 2008 fixant les conditions d’hygiène et de salubrité relatives aux pratiques du tatouage avec effraction cutanée et du perçage, et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires) et l’arrêté du 12 décembre 2008 pris pour l’application de l’article R 1311-3 du code de la santé publique et relatif à la formation des personnes qui mettent en œuvre les techniques de tatouage par effraction cutanée et de perçage corporel.

Ces textes devraient permettre de lutter plus efficacement contre les échoppes douteuses et les tatoueurs à la sauvette qui font courir des risques à leurs clients. Les professionnels sérieux sont sensibilisés à l’hygiène depuis déjà bien longtemps.

 

L’information continue

Circulaire n° DGS/RI3/2009/197 du 6 juillet 2009 concernant la réglementation relative à la mise en œuvre des techniques de tatouage par effraction cutanée y compris de maquillage permanent et de perçage corporel