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Complément alimentaire ou médicament ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Complément alimentaire ou médicament ?Le marché des compléments alimentaires est florissant et tous les acteurs commerciaux du système de santé y ont intérêt. Pharmaciens et laboratoires pharmaceutiques profitent de produits dont le prix n’est pas réglementé par la Sécurité sociale, qui fidélisent souvent des patients âgés prêts à quelques sacrifices pour une prétendue cure de jouvence basée sur des composants dits “naturels”. Quoi de mieux qu’une bonne entente pour se partager les profits d’une mode venue des plages californiennes et qui a mis du temps à s’imposer en France. On imagine mal le conseil national de l’ordre des pharmaciens porter plainte contre un complément alimentaire commercialisé par l’industrie, même si ce produit est discrètement présenté aux professionnels de santé, et par là même aux patients qui leur font confiance, comme présentant des propriétés curatives ou préventives…

Il en va tout autrement quand le complément alimentaire ne vient pas du cercle des initiés et qu’il est, en plus, question de le commercialiser hors des officines. Immédiate levée de boucliers du conseil national de l’ordre des pharmaciens comme le montre la décision reprise au bulletin d’information de la Cour de cassation n° 711 du 15 novembre 2009 (n° de pourvoi 08-83747). Le monopole des pharmaciens est alors en jeu et la dangerosité potentielle du produit mise en avant, à tel point que, même s’il est présenté de la même façon que les produits de l’industrie, il est alors considéré comme un médicament.

« Ne justifie pas sa décision au regard des articles L 4211-1 et L 5111-1 du code de la santé publique la cour d’appel qui écarte la qualification de médicaments par présentation et par fonction appliquée à divers produits composés d’extraits de cartilages ou d’extraits de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, et qui relaxe le dirigeant d’entreprise qui, dépourvu de la qualité de pharmacien, les commercialise, sans, d’une part, rechercher si ces produits ont été présentés comme possédant des propriétés curatives et préventives à l’égard des maladies humaines, d’autre part, vérifier au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques de chaque produit, notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques, établies en l’état de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi, l’ampleur de sa diffusion, la connaissance qu’en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation pour la santé.
Lorsque, eu égard à l’ensemble de ces caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament et à celle de complément alimentaire résultant du décret du 20 mars 2006, il est, en cas de doute considéré comme un médicament. »

Le produit qui n’est pas proposé par l’industrie pharmaceutique devient un médicament par présentation ou par fonction, devant ainsi répondre à des normes strictes et obtenir une autorisation de mise sur le marché, inaccessible à un entrepreneur indépendant ce qui est logique puisque l’on ne badine pas avec la sécurité et la santé publique. Pas question de prendre des risques avec la santé des patients ou avec la santé financière de l’actuel commerce des compléments alimentaires.

Vitamine C : médicament par présentation ou par fonction ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La vitamine C : un maché juteuxSeuls les spécialistes du droit de la santé savent que la vitamine C fait l’objet d’une âpre bataille. Sa vente en grande surface, si elle ne pose aucun problème sous la forme de jus d’orange, a déclenché un nombre inimaginable de procédures lorsqu’elle s’est faite sous la forme de poudre en sachets ou de comprimés effervescents. Pour les uns, la vitamine C, en fonction de la façon dont elle est présentée à la vente, doit être considérée comme un médicament et être réservée au monopole des pharmaciens. Pour d’autres, la mettre en libre service, quelle que soit sa présentation, ne pose aucun problème. La santé est-elle vraiment l’enjeu de ces conflits ? Ou est-ce le profit généré par les ventes d’un produit que tout un chacun connaît et pense être bon pour la santé ?

Le bulletin d’information de la Cour de cassation nº 703 du 1er juin 2009 offre, sous la forme d’une note sous une décision de la chambre commerciale du 27 janvier 2009 (nº de pourvoi 08-10482, 08-10892, 08-10976 et 08-11068), une mise au point sur ce sujet. Elle est d’autant plus nécessaire qu’après les tribunaux nationaux, la justice européenne a été saisie de ces affaires.

« Le principal enseignement de cet arrêt est de tirer les conséquences de la jurisprudence communautaire en précisant les divers critères d’appréciation à prendre en considération pour qualifier un produit de médicament par fonction.

En l’espèce, étaient en cause des produits à base de vitamine C 500 et C 180. Estimant que ces produits constituaient des médicaments et relevaient à ce titre, pour leur distribution, du monopole réservé par la loi aux pharmaciens, la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire a assigné, à la fin de l’année 1996 et au début de l’année suivante, une série de sociétés de la grande distribution, qui commercialisaient ces produits dans la région, afin qu’il leur soit fait interdiction de les vendre. S’en est suivi un long débat sur la qualification des produits litigieux. Ce débat, qui s’est focalisé sur la notion de médicament par fonction, a donné lieu à une première cassation, pour défaut de base légale, par un arrêt de la chambre commerciale du 26 novembre 2003 (Bull.2003, IV, nº 177). Bien que statuant en sens inverse à celui retenu par l’arrêt censuré, en qualifiant les produits litigieux de médicaments par fonction (l’arrêt censuré avait écarté cette qualification), l’arrêt adopté sur renvoi après cassation est lui aussi censuré sur ce point.

La difficulté de cet exercice de qualification vient du fait que la notion de médicament par fonction est entendue strictement, et même de plus en plus strictement, par la jurisprudence communautaire.

Cette notion est issue de la Directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 avril 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques. Cette Directive, qui était applicable à l’époque des faits litigieux, comprend deux définitions de la notion de médicament :
— celle du médicament par présentation (il s’agit de “toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales”) ;
— celle du médicament par fonction (il s’agit de “toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal”).

Ces deux définitions du médicament (qui ont été reprises en substance par la Directive 2001/83/CE du Parlement et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain) ont été transposées en droit interne, de manière purement littérale, à l’article L. 511 du code de la santé publique, devenu l’article L. 5111-1 du même code.

La portée de ces deux définitions du médicament a été précisée par la Cour de justice des Communautés européennes au fil de sa jurisprudence. Alors que celle-ci a donné à la notion de médicament par présentation une large portée, et ce, dans le souci de protéger les consommateurs contre le charlatanisme, elle a, en revanche, interprété strictement celle du médicament par fonction, et ce, pour deux raisons :
— d’une part, afin de concilier les deux objectifs poursuivis tant par la Directive 65/65 que par celle nº 2001/83 (l’objectif de la libre circulation des marchandises et celui de la protection de la santé publique, le premier objectif s’opposant à une interprétation trop large, au nom du second objectif, de la notion de médicament par fonction) ;
— d’autre part, afin de préserver l’effet utile de la Directive 2002/46/CE du Parlement et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires, laquelle comprend une définition de la notion de complément alimentaire à laquelle est associée une réglementation spécifique destinée, elle aussi, à concilier les objectifs de libre circulation des marchandises et de protection de la santé publique.
Cette interprétation restrictive de la notion de médicament par fonction se traduit de deux manières :
— tout d’abord, cette qualification est subordonnée à la prise en compte d’une série de critères, qui se sont dégagés au fil de la jurisprudence communautaire ;
— ensuite, chacun de ces critères est entendu strictement.
Sur le premier point, la Cour de justice a précisé que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, il convient de procéder à un examen global et au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques du produit, dont, notamment :
— sa composition ;
— ses propriétés pharmacologiques, telles qu’elles peuvent être établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ce qui découle généralement de la composition du produit ;
— ses modalités d’emploi ;
— l’ampleur de sa diffusion ;
— la connaissance qu’en ont les consommateurs ;
— les risques que peut entraîner son utilisation pour la santé (ce critère est autonome par rapport à celui des propriétés pharmacologiques).
En l’espèce, l’arrêt attaqué, pour qualifier les produits litigieux de médicaments par fonction, s’était déterminé au vu de leurs seules propriétés pharmacologiques, sans tenir compte des autres caractéristiques de ceux-ci et en écartant même expressément la nécessité d’en tenir compte. Dès lors, cet arrêt encourt la censure pour défaut de base légale, et ce, au double visa de l’article premier, paragraphe 2, de la Directive 65/65 et de l’article L. 511 du code de la santé publique (devenu l’article L. 5111-1 du même code), lequel doit être interprété conformément à ce texte de la Directive, tel que, lui-même, strictement interprété par la Cour de justice.
Cette censure, en tirant les conséquences de la jurisprudence communautaire, permet de dissiper d’éventuels malentendus sur les exigences évolutives, complexes et nuancées de la Cour de justice pour retenir la qualification de médicament.
En effet, pour écarter expressément la nécessité de prendre en compte les autres caractéristiques des produits litigieux (autres que celles tenant à leurs propriétés pharmacologiques), l’arrêt attaqué s’est fondé sur un ancien arrêt de la Cour de justice, le premier arrêt d’une longue série sur la notion de médicament [arrêt du 30 novembre 1983, X…, affaire 227/82].
Dans cet arrêt (point 22), la Cour de justice avait indiqué qu’ “une substance qui possède des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, au sens de l’article premier paragraphe 2, de la Directive 65/65, mais qui n’est pas présentée comme telle, tombe, en principe, dans le champ d’application de la définition du médicament par fonction”.

La cour d’appel, dans l’arrêt attaqué, en a déduit qu’un produit qui présente une des caractéristiques du médicament par présentation (du fait qu’il possède des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales), mais qui ne peut être qualifié ainsi (dès lors qu’il n’est pas présenté comme tel), constitue nécessairement un médicament par fonction, de sorte qu’il est inutile d’examiner si ce produit présente toutes les caractéristiques de celui-ci.
Cette analyse ne peut être approuvée, et ce, pour deux raisons.
Tout d’abord, si l’on s’en tient à ce seul arrêt X… précité [affaire 277/82], il est difficile d’y voir l’énoncé d’une règle absolue, qui ferait, automatiquement ou systématiquement, tomber un produit, présentant l’une des caractéristiques du médicament par présentation, sous la qualification du médicament par fonction. Ensuite et surtout, si l’on met cet arrêt en perspective avec l’ensemble de la jurisprudence communautaire qui lui a succédé en la matière, force est de constater que celle-ci s’oppose à l’interprétation que la cour d’appel en a donné puisque, par cette jurisprudence, la Cour de justice exige un examen global de toutes les caractéristiques du produit concerné, qui ne se limite donc pas à ses seules propriétés pharmacologiques. La Cour de cassation n’a pas dit le contraire dans l’arrêt du 26 novembre 2003, précité. Dans le prolongement d’un précédent arrêt (Com., 20 février 2000, Bull. 2000, IV, nº 34), elle s’est limitée, dans cet arrêt, à censurer l’analyse consistant à écarter toute qualification de médicament en se fondant uniquement sur des motifs ayant trait à la qualification de médicament par fonction, sans rechercher, et c’est sur ce point qu’intervient la cassation, si les produits litigieux, à défaut de constituer des médicaments par fonction, n’étaient pas susceptibles de tomber sous l’autre qualification de médicament, celle du médicament par présentation, laquelle ne suppose pas l’examen du produit au regard de la série de critères posés par la Cour de justice pour caractériser l’existence d’un médicament par fonction. »

Il n’y a rien de futile dans toutes ces décisions. À une époque où de nombreux compléments alimentaires se vantent de prévenir de plus en plus de maladies, mais ne veulent surtout pas être assimilés à des médicaments pour ne pas voir leur prix fixé et les procédures pour les mettre en vente se compliquer, les enjeux sont énormes. Vendre un complément alimentaire n’oblige pas à de couteuses études pour obtenir une autorisation de mise sur le marché. Jusqu’à aujourd’hui, aucun souci pour les fabricants qui ont compris qu’il fallait réserver ces produits aux pharmaciens.  Tout est fait pour que ce produit, très rentable, puisse être déjà amorti et avoir généré de gros bénéfices avant que l’on puisse se rendre compte qu’il est nécessaire de changer sa composition en raison de l’effet cancérigène de certains de ses composants…