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Pas question d’exposer des cadavres à des fins commerciales

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Crâne plastinéLa société Encore Events a organisé dans un local parisien, en février 2009, une exposition appelée « Our Body, à corps ouvert » présentant des cadavres humains « plastinés », ouverts ou disséqués, installés, pour certains, dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant ainsi le fonctionnement des muscles selon l’effort physique fourni. Cette technique développée depuis la fin des années 70 par un médecin allemand, Gunther von Hagens, permet la conservation des tissus humains à l’aide de polymères. Des restes de personnes décédées traités à l’aide de ce procédé ont été exposés pour la première fois en 1995 et, depuis, des évènements du même type ont été organisés un peu partout dans le monde. Lyon et Marseille ont d’ailleurs déjà accueilli les corps plastinés. Rien ne laissait donc présager les mésaventures qu’ont eu à subir les organisateurs de l’exposition parisienne.

Deux associations, alléguant que un trouble manifestement illicite au regard du code civil, du code de la santé publique et du code pénal, et soupçonnant par ailleurs au même titre un trafic de cadavres de ressortissants chinois prisonniers ou condamnés à mort, ont demandé en référé la cessation de cette manifestation. Cette procédure s’est soldée par une interdiction de poursuivre l’exposition des corps et pièces anatomiques litigieuse, bien que les associations n’aient pu faire la preuve de l’origine illicite des corps utilisés.

Pour la société mise en cause, l’exposition avait pour objet d’élargir le champ de la connaissance, notamment grâce aux techniques modernes, en la rendant accessible au grand public de plus en plus curieux et soucieux d’accroître son niveau de connaissances. Un parallèle avec les momies a été fait et pour celle-ci aucune différence objective ne peut « être faite entre l’exposition de la momie d’un homme qui, en considération de l’essence même du rite de la momification, n’a jamais donné son consentement à l’utilisation de son cadavre et celle, comme en l’espèce, d’un corps donné à voir au public a des fins artistiques, scientifiques et éducatives ».

Après un passage par la cour d’appel, c’est la Cour de cassation qui a eu à se prononcer sur cette affaire (pourvoi no 09-67456), le 16 septembre 2010. Plutôt que de s’intéresser aux momies ou à la licéité, la Cour en est restée au respect du code civil. Pour elle, « aux termes de l’article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence », cette exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaissait donc bien cette exigence.

Le même jour, le comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé a rendu public son avis no 111 sur les problèmes éthiques posés par l’utilisation des cadavres à des fins de conservation ou d’exposition muséale. Pour ce comité : « Le consentement d’une personne à donner son corps à la science après son décès (pour des raisons anatomiques et pédagogiques) ne saurait être confondu avec un cautionnement de sa mise en scène post-mortem à des fins commerciales. Il n’y a pas d’éthique sans consentement mais le consentement ne suffit pas à donner à une action sa légitimité éthique. La dignité du défunt vaut d’être prise en considération.[…]
La mise en avant d’une visée soi-disant anatomique et pédagogique peut s’interpréter comme une tentative de minimisation de la dimension lucrative et médiatique de ce type d’exposition. Elle constitue une forme d’exploitation du corps des morts à visée commerciale qui contrevient à l’esprit de la loi française.
La régulation des pratiques en matière d’exposition du corps des morts doit intervenir autant dans le domaine des expositions publiques que privées. Si l’utilisation des corps au motif d’un prélèvement d’organes ou d’une autopsie est indispensable et répond à des attentes sociales fortes et légitimes, en revanche, à quelque degré que ce soit, l’exhibition du corps d’un mort relève d’une tradition révolue. »
Si cet avis est tranché pour ce qui est de la plastination, des têtes maories ou des ossements préhistoriques, il semble beaucoup plus évasif concernant les momies conservées au Louvre. Si le peuple égyptien demandait leur restitution pour pouvoir les replacer dans des sépultures, et non pour les exposer dans un musée, on voit mal les arguments que pourraient invoquer le musée ou les autorités de tutelle pour refuser à la lecture de l’avis du CCNE.

Une chose est sûre : les cadavres plastinés ne sont pas près de trouver le repos en France.

Prisonnier et régime alimentaire

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Régimes alimentaire et carcéralOn est très loin de l’eau et du pain sec dans les prisons européennes du XXIe siècle. Malgré tout, c’est le régime alimentaire qui vient de porter un coup au régime pénitentiaire. Un prisonnier bulgare diabétique, mis en détention pour avoir proféré des menaces de mort à l’encontre de trois personnes, vient de faire condamner son pays par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour ne pas avoir pu disposer d’un régime alimentaire adapté à son état de santé. Ce n’est pas la seule chose dont cet homme se soit plaint puisqu’il a été démontré que des médicaments périmés lui ont été fournis pour se soigner.

Le 8 janvier 2009, la cinquième section de la CEDH (requête no 37449/02) a décidé que ce type de comportement à l’égard d’une personne incarcérée violait l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui stipule que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » La Cour rappelle que le troisième rapport général du comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants précise que « Le service de santé pénitentiaire doit être en mesure d’assurer les traitements médicaux et les soins infirmiers, ainsi que les régimes alimentaires, la physiothérapie, la rééducation ou toute autre prise en charge spéciale qui s’impose, dans des conditions comparables à celles dont bénéficie la population en milieu libre. Les effectifs en personnel médical, infirmier et technique, ainsi que la dotation en locaux, installations et équipements, doivent être établis en conséquence. Une supervision appropriée de la pharmacie et de la distribution des médicaments doit être assurée. En outre, la préparation des médicaments doit être confiée à un personnel qualifié (pharmacien, infirmier, etc.) » et reste dans la ligne des jurisprudences précédentes en reprenant dans sa décision la notion que « L’État doit veiller à assurer de manière adéquate la santé et le bien-être des prisonniers, notamment par l’administration des soins médicaux appropriés. »

Deux éléments sont intéressants à noter : pour la Cour, une polypathologie (diabète, hypertension artérielle, maladie ischémique du coeur et fibrose pulmonaire dans le cas décrit précédemment) n’est pas incompatible avec un séjour en prison à condition que le détenu puisse bénéficier d’un suivi de santé régulier et être au besoin placé dans une unité médicale adaptée ; le fait que le prisonnier ait suivi une grève de la faim durant son incarcération n’entre pas en compte dans la dégradation de son état général, contrairement au fait qu’il n’ait pas pu respecter son régime alimentaire !