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Surpoids, obésité et évolution législative

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Surpoids et obésité ne pèsent pas lourds face à l'industrie agroalimentaireLes intérêts de l’industrie pharmaceutique ne sont pas toujours les mêmes que ceux de l’industrie agroalimentaire si l’on en croit l’enquête réalisée tous les trois ans depuis 1997 par un grand fabricant de médicaments. Cette « enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité » a pour intérêt d’utiliser une méthodologie qui n’a pas varié au fil du temps, rendant les résultats aisément comparables d’une enquête à l’autre. L’étude a été menée sur une auprès d’une population de 20 000 foyers représentant des ménages ordinaires français d’un grand institut de sondage et excluant les sujets vivant en institution, en foyer, en résidence en communauté, ou sans domicile fixe. Les 25 286 personnes de plus de 18 ans de ces foyers ayant répondu au questionnaire qui leur a été envoyé par La Poste correspondent à un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, vivant en ménage ordinaire, hors institution.

Entre 1997 et 2009, la taille moyenne des Français de plus de 18 ans a augmenté de 0,5 cm (168,5 cm), alors que le poids moyen dans le même temps s’élevait de 3,1 kg (72 kg). Le taux de Français considérés comme obèses est passé de 8,5 % à 13,7 % et la proportion de personnes en surpoids de 61,7 % à 53,6 % dans le même temps. Ces pourcentages équivalent à presque 6,5 millions d’obèses et à plus de 14 millions de Français en surpoids. De génération en génération, on devient obèse de plus en plus tôt, tandis que la région Nord — Pas de Calais est la plus touchée, loin devant la région Provence — Alpes — Côte d’Azur (PACA) dont la population semble être la plus mince du territoire national.
Sachant que l’indice de masse corporelle élevé est pour l’Organisation mondiale de la santé, l’un des huit facteurs responsables à eux seuls de plus de 75 % des cas de cardiopathie coronarienne, principale cause de mortalité dans le monde, on pourrait croire que les pouvoirs publics mettent tout en oeuvre pour faire évoluer la législation afin de lutter contre l’obésité et le surpoids. Cela ne semble pas être le cas à la lecture du communiqué de l’UFC-Que choisir qui dénonce la « mise au pas » de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) dans le projet de loi de modernisation agricole.

Si cette loi est votée en l’état, l’INPES, qui dépend jusque-là du ministère de la santé, serait aussi placé sous la tutelle de ministère de l’agriculture, obligeant les communications de cet organisme à être validé par le Conseil national de l’alimentation donnant ainsi à l’industrie agroalimentaire « un fort droit de regard institutionnel sur les campagnes de prévention officielles ». Est-ce la proximité des grands dirigeants de cette industrie avec le sommet de l’État qui explique une telle manoeuvre ? Pas seulement si l’on se souvient de l’abandon par la majorité des parlementaires des mesures concernant l’alimentation et l’obésité dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Tout comme pour le tabac, des intérêts industriels et commerciaux semblent influencer le choix des élus bien plus que la santé publique…

Autorisation de partir en vacances pour les médecins

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Des vacances sur autorisationUn projet de décret relatif à la continuité des soins en médecine ambulatoire est actuellement en discussion. Il prévoit de nouvelles formalités administratives obligatoires pour tous les médecins libéraux qui souhaitent s’absenter plus de six jours, et ce, deux mois avant leur départ en vacances ou pour intervenir dans un congrès international afin d’y faire rayonner le savoir médical français. Plus de départ à la dernière minute pour bénéficier d’une offre attrayante et pas question d’aller parler à la place d’un confrère malade, les praticiens “libéraux” vont devoir tout planifier…

Pourquoi un tel projet de décret ?

L’obligation de continuité des soins n’est pas nouvelle. Elle correspond aux articles 47 et 48 du code de déontologie médicale (article R 4127-47 et R 4127-48 du code de la santé publique), intitulés « Continuité des soins » et « Continuité des soins en cas de danger public ». Ces textes imposent que quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée et que le médecin ne peut pas abandonner ses malades en cas de danger public, sauf sur ordre formel donné par une autorité qualifiée, conformément à la loi.
Jusqu’à ces dernières années, rares avaient été les médecins condamnés pour avoir dérogé à cette obligation, mais les choses sont en train de changer progressivement.

Tout d’abord, en raison de la démographie médicale, trouver un remplaçant devient plus difficile. Dans des régions où de nombreux praticiens ont pris leur retraite et où les jeunes diplômés hésitent à venir s’installer en raison d’une charge de travail écrasante associée à de nouvelles contraintes administratives incessantes, ou tout simplement du risque de se faire agresser ou brûler leur véhicule, le nombre de praticiens susceptible d’assurer les gardes de nuit et de week-end a fortement diminué. Et même sans parler des gardes, le simple exercice journalier peut ne plus être le fait que d’un praticien pour un territoire très vaste. Tant et si bien que quand le praticien prend ses congés et qu’il n’est pas en mesure de trouver un remplaçant, seuls les services publics de proximité sont à même d’offrir une continuité des soins. Le problème est que les pouvoirs publics, sous couvert de sécurité pour ne pas parler des raisons économiques, ferment ces services de proximité ou qu’ils ne trouvent pas un médecin pour accepter les charges que représente un poste dans une structure hospitalière secondaire. Dans de telles conditions, il peut arriver que des territoires entiers soient privés de recours.
Plutôt que de se donner les moyens d’assurer un service public de proximité, les pouvoirs publics ont compris qu’il était plus simple et moins coûteux d’utiliser l’obligation de continuité de soins des médecins libéraux pour les contraindre à assurer les gardes visant à pallier la carence des services de l’État. Au nom de cette continuité des soins, un couple de médecins a, par exemple, été mis en demeure de ne pas partir en vacances ensemble par le maire d’une commune rurale. Pendant que la mari partait en vacances, sa femme devait, selon l’élu, assurer les gardes et vice-versa. Résultat, le couple de médecins a déménagé et le maire a dû se mettre en quête de nouveaux praticiens. Pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise, les élus songent à supprimer la liberté d’installation et même à contraindre les praticiens à s’installer à la campagne et, surtout, dans les banlieues “difficiles”. Le couple n’aurait ainsi pas pu déménager aussi facilement et les textes auraient été utilisés pour contraindre cette famille de praticiens à prendre ses vacances séparément…

L’autre raison qui pousse les autorités à renforcer les obligations en matière de continuité de soins est simple. Les ministres et autres élus n’ont pas apprécié que l’on ait pu leur reprocher la gestion de la canicule de 2003. Tout le monde se souvient que l’été 2003 a vu le taux de mortalité des personnes âgées monter en flèche en raison d’une vague de très fortes chaleurs au mois d’août. À cette période, le gouvernement était en vacances, comme une très grande partie de la population active au rang de laquelle figurent les médecins. Les élus tardant à revenir de leur villégiature, un médecin hospitalier, qui soit ne prenait jamais de vacances, soit les avait prises en juillet ou prévoyait de les prendre en septembre, a fait la Une des journaux pour dénoncer la situation décrite au paragraphe précédent. Comme il n’était pas question de laisser la polémique grandir sur la carence des services publics et le manque de moyens alloués aux hôpitaux de proximité, les praticiens libéraux ont très vite été montrés du doigt. Si ces derniers n’avaient pas été en vacances, tout cela ne serait pas arrivé ! De là est venue l’idée politique de réglementer le départ en congés des soignants libéraux. Le conseil national de l’ordre des médecins, après avoir reconnu ces mesures comme justifiées suivant ainsi la volonté gouvernementale, se trouve aujourd’hui débordé par les mesures proposées.

Le projet de décret

Le projet de décret est ainsi formulé :

« Chapitre VI — Continuité des soins en médecine ambulatoire

Art. R 6316-1. À défaut de remplaçant, pour remplir son obligation de continuité de soins, tout médecin avertit, au moins deux mois à l’avance, le conseil départemental de l’ordre des médecins de ses absences programmées de plus de six jours ou d’une durée inférieure, mais incluant un jour suivant ou précédent un jour férié.
Il communique le nom du confrère susceptible de prendre en charge ses patients.
Le conseil départemental de l’ordre des médecins s’assure qu’aucune difficulté de prise en charge des patients ne peut naître du fait d’une présence insuffisante des médecins libéraux en activité sur le territoire, et après avoir rappelé aux médecins leurs obligations déontologiques et recherché des solutions pour renforcer leur présence, il informe le directeur général de l’agence régionale de santé de la situation. »

Les conséquences du décret

Il est facile de comprendre que ce n’est pas pour lui souhaiter de bonnes vacances que le directeur général de l’agence régionale de santé (DGARS) prendra contact avec le praticien désirant s’absenter, mais bien pour le lui interdire en demandant au besoin sa réquisition si les menaces ne suffisent pas. On peut aussi penser qu’il pourrait être question d’obliger un remplaçant à venir assurer cette continuité, d’où l’intérêt des pouvoirs publics de laisser travailler le CNOM à un nouveau statut pour les médecins remplaçants, simplement pour donner un cadre mieux adapté à de nouvelles contraintes. De telles pratiques de coercition ne vont avoir pour effet que de détourner un peu plus les praticiens de l’activité libérale, mais peu importe, d’autres décrets dans le futur imposeront sans doute à une partie des étudiants obtenant leur thèse d’exercer dans ce que l’on continuera toujours à appeler le secteur “libéral”, et ce, uniquement à des tarifs fixés par l’assurance-maladie, le secteur à honoraires différents (secteur 2) ayant été supprimé depuis longtemps. Le discours officiel veut que le DGARS se contentera de rechercher des solutions en recourant à une mutualisation des moyens publics et privés, mais comment être dupe…

Le CNOM, contraint de sauver les apparences de peur de voir sa légitimité une nouvelle fois remise en cause par sa base, a émis un avis défavorable à ce projet de décret, le 25 septembre 2009 et s’en fait l’écho dans sa lettre d’information du 6 novembre 2009. Il demande que l’on évite d’imposer de nouvelles « formalités inutiles et vexatoires » aux praticiens et de « faire clairement apparaître que la réglementation n’a pas pour objet de remettre en cause les congés des praticiens, mais de permettre aux patients un accès aux soins en leur absence lorsque les praticiens n’ont pu trouver par eux-mêmes une solution, en raison notamment d’une pénurie médicale dont ils ne sont pas responsables. »

Ce projet de décret est caricatural d’un grand nombre de décisions prises par les autorités au quotidien dans le domaine de la santé. Le CNOM attire d’ailleurs l’attention sur un autre projet de décret, celui-ci porte sur le contrat santé-solidarité dont l’objectif est de lutter contre les déserts médicaux qui s’apprête lui aussi à faire peser d’autres « contraintes intolérables et absurdes ».
Reste à savoir l’impact qu’auront les avis du conseil de l’ordre, et surtout la communication qui est faite autour d’eux, sur des pouvoirs publics habitués à ne plus suivre les remarques d’un organisme qu’ils considèrent comme un vassal. Sous cette forme où sous une autre, l’esprit de ces projets de décret finira bien par être imposé à des médecins qui n’ont pas la cohésion nécessaire pour faire valoir leur point de vue.

 

Les amendements proposés au PLFSS 2010 à l’Assemblée nationale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Assemblée nationale et PLFSS 2010Les débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2010 ont débuté le 27 octobre 2009. Les députés ayant déposé 382 amendements à l’heure où cet article est publié, il n’est donc pas question d’être exhaustif, mais de relever des éléments pouvant intéresser plus particulièrement les professionnels de santé ou la santé publique. Ce qui est relatif à l’assurance vieillesse n’est pas abordé.

De nombreux députés, constatant sans doute que les politiques menées jusqu’à présent n’ont pas empêché le déficit de la Sécurité de se creuser, aimeraient voir la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) augmenter de 0,20 ou 0,25 %. Des députés estiment que cette augmentation ne pénaliserait guère le pouvoir d’achat, « alors que dans le même temps, il est proposé de nouvelles taxes, l’augmentation du forfait journalier, la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail, etc. »
D’autres députés préféreraient voir s’accroître la contribution sociale généralisée (CSG).

L’amendement 235 visant à faire augmenter la taxe perçue au profit de la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) dès lors que certaines boissons présente un titre alcoométrique acquis de plus de 1,2 % vol. et inférieur à 12 % vol. a un exposé sommaire intéressant. Pour les députés qui l’ont rédigé, « L’incitation à l’alcoolisation massive par les campagnes publicitaires massives et la modification notable des choix de consommation nous incite à marquer notre plus haute vigilance sur ce type d’entrée dans l’apprentissage de l’alcool.
Chez les élèves de 15 ans, l’expérimentation de l’ivresse est passée de 30 % en 2002 à 41 % en 2006 ; l’ivresse régulière (au moins 10 fois au cours des 12 derniers mois) concerne aujourd’hui 10 % des jeunes de 17 ans. (Baromètre santé INPES ; ESCAPAD – OFDT ; HBSC). Il convient d’étendre et de renforcer cette responsabilité aux sociétés alcooliers dans le cas d’incitation à l’alcoolisation massive par l’accroissement de ce taux. »

Face au lobby de l’industrie agroalimentaire, il est peu probable que l’amendement 350 souhaitant une taxation plus importante de la publicité relative à la junk food (boissons et aliments sucrés, salés ou gras) soit adopté, de même les 85 et 108 favorables à une taxe sur les boissons sucrées gazeuses non alcoolisées. Le lobby du tabac semble, quant à lui, se satisfaire d’une augmentation modérée de ses prix, d’après le député Yves Bur : « Parmi les mesures contenues dans le plan présidentiel qui sera annoncé dans les semaines qui viennent, figure l’augmentation du prix des cigarettes de 6 %.
Cette disposition, que les cigarettiers reconnaissent comme supportable (ce qui donne à penser qu’il est possible d’aller au-delà) aura pour effet d’accroître leurs profits de près de 66 millions d’euros.
Une telle conséquence est doublement inacceptable. D’une part, sur un plan moral, en laissant les fabricants prospérer sur les maladies et les morts qu’engendre le tabagisme. Et d’autre part, sur un plan financier, les finances publiques perdant ainsi une part importante de la revalorisation des prix. » Pour d’autres députés comme François Sauvadet, André Santini, Jean-Christophe Lagarde et Francis Vercamer, mieux vaut préserver la santé des recettes de l’État et ne pas ménager les buralistes : « Une augmentation de 10 à 15 % des prix ne se révélerait pas bénéfique sur le plan économique, car elle entraînera comme en 2003 une baisse des recettes de l’État de deux milliards d’euros environ par an, une augmentation des dépenses publiques et une absence de baisse de la consommation réelle des produits du tabac.
En vue d’éviter qu’une telle hausse fragilise encore davantage l’économie globale et en particulier le réseau des buralistes, premier réseau français de services de proximité, concurrencé par les ventes de produits de tabac sur Internet, par les ventes transfrontalières ainsi que par la contrebande et la contrefaçon […] ». D’autres parlementaires, comme Jacques Remiller ou ceux ayant proposé l’amendement 240 proposent eux aussi des mesures tendant à limiter la hausse du tabac.

L’amendement 255 vise à supprimer l’article du projet de loi « qui prévoit que le surcoût induit par les dépenses exceptionnelles liées à la pandémie grippale ne soit pas pris en compte par le comité d’alerte dans la perspective de l’évaluation d’un risque de dépassement de l’ONDAM ».

Intéressante proposition que celle faite à l’amendement 262. Il y est question de créer une liste des médicaments classés selon leur niveau d’amélioration du service médical rendu (ASMR) pour chacune de leurs indications. Ce palmarès serait sous la responsabilité de la Haute Autorité de santé (HAS) et permettrait aux patients et aux professionnels de santé de se faire une idée de l’intérêt d’un produit pour une pathologie donnée. Les classements ont tous des inconvénients, mais celui-ci est présenté dans un esprit de transparence. Il n’est pas certain que l’industrie pharmaceutique apprécie ce type d’initiative.
Ce souci d’information objective est partagé par l’amendement 259, qui évoque la mise en place d’une « base de données administratives et scientifiques sur les médicaments, destinée à servir de référence pour l’information des professionnels de santé et des administrations compétentes en matière de produits de santé ». Son but est de traduire dans la loi la recommandation de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur « la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments » jugeant indispensable « la création d’une base publique d’information sur les médicaments, indépendante, exhaustive, gratuite, accessible à tous les acteurs du système de santé et interopérable avec les logiciels d’aide à la prescription ».
Pour certains députés, l’évaluation de l’ASMR devrait être améliorée, comme le proposent les amendements 456 et 258. « Aujourd’hui, l’appréciation de l’amélioration du service médical rendu d’un médicament, préalable à la détermination du prix du médicament et de son admission au remboursement par l’assurance maladie de la Sécurité sociale est fondée dans moins de la moitié des cas sur une comparaison avec des “comparateurs”. La plupart du temps, celle-ci ne s’effectue que par une simple comparaison du médicament avec un placebo […] ». Il est question de comparer le nouveau médicament à un autre, actif sur la même pathologie.


Relativement épargnées par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2010 soumis à l’Assemblée nationale par le gouvernement, quelques mois après la mise en place de multiples contraintes s’ajoutant à celles existant déjà, les questions relatives aux médecins et à leurs tarifs ne manquent pas d’être présentes dans les amendements à ce texte.

PLFSS 2010 et Assemblée nationaleLe numéro 146 propose, par exemple, d’évaluer l’intérêt d’un tarif différent pour les consultations médicales à l’issue desquelles aucune ordonnance n’est délivrée au patient. Pour Jacques Domergue, à l’initiative de cet amendement, « Une récente étude de la CNAMTS montre qu’en France, plus de 90 % des consultations de médecine générale débouchent sur une prescription de médicament, contre seulement 43 % aux Pays-Bas. Cette surconsommation de médicaments est regrettable à deux titres : d’une part, parce qu’elle multiplie les risques d’accidents iatrogéniques et d’autre part, parce qu’elle induit des dépenses d’assurance maladie inutiles.
Or, on peut estimer que les praticiens auraient tendance à moins prescrire s’ils pouvaient consacrer plus de temps à écouter les patients et à leur expliquer qu’une prise en charge de qualité ne suppose pas nécessairement des médicaments.
Cependant, le temps passé avec le patient n’est pas suffisamment valorisé par le tarif de base de la consultation de médecine générale (22 euros), qui incite les praticiens à effectuer un nombre élevé de consultations de courte durée. C’est pourquoi il est proposé qu’une réflexion soit engagée sur une meilleure valorisation du temps consacré par le médecin au dialogue avec le patient. » Il semble donc falloir comprendre que les consultations qui ne déboucheraient pas sur une prescription pourraient être mieux rémunérées que les autres.

Le seuil des 70 euros obligeant un praticien à remettre une information écrite au patient lors d’une première consultation est remis en cause. Pour les parlementaires ayant rédigé l’amendement 373, cette information écrite devrait être systématique, avant toute consultation comportant un dépassement d’honoraires.
Pour d’autres (amendement 363, 212, 364), les mécanismes de rémunération individuelle en cas d’atteinte d’objectifs du contrat d’amélioration des pratiques (CAPI) devraient être intégrés dans la convention.

Le CAPI fait, lui aussi, l’objet d’amendements. Les numéros 130 et 213, par exemple, qui propose de pouvoir l’adapter « en fonction des objectifs assignés chaque année à la maîtrise médicalisée des dépenses ». Plus surprenant l’amendement 215 : il se pourrait que tout contrat conclu entre l’assurance maladie et les professionnels de santé soit d’ordre public. « Dès lors, il n’est pas nécessaire qu’il soit soumis aux instances des ordres professionnels de ces différentes professions.
Par le présent amendement, il s’agit donc de mettre un terme aux menaces de l’ordre des médecins, qui, se saisissant des contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) pour émettre des avis défavorables à leur égard, a freiné le développement de ces contrats et, partant, limité considérablement les économies qu’ils occasionnent au profit de l’assurance maladie. »

Pour Jean-Pierre Door et Yves Bur, il faut « adopter des mesures dont les patients puissent ressentir les effets positifs, en particulier dans certaines régions médicalement défavorisées en prévoyant que les médecins exerçant en “secteur 2” doivent exercer au minimum un tiers de leur activité au tarif fixé par la convention. » Pour d’autres parlementaires, 50 % de ces actes doivent être réalisés au tarif opposable (amendement 270 Rect.).
En parallèle, il est proposé de limiter le montant des dépassements à 15 % du tarif opposable pour les actes techniques, par exemple (amendement 424). Autre proposition, que les praticiens libéraux utilisant des équipements soumis l’autorisation de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH) les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d’ alternatives à l’hospitalisation ou d’hospitalisation à domicile, et l’installation des équipements matériels lourds, s’engagent à réaliser 70 % de leurs actes en secteur 1 (amendement 420 2e rect., 491 Rect.).
Les établissements pourraient, eux aussi, se voir contraints à des quotas d’actes à tarif opposable (amendement 393 Rect.), n’ayant d’autre choix que de faire pression sur les praticiens exerçant en leur sein.

De nouveaux modes de prise en charge et de financement par l’assurance maladie des frais d’anesthésie et de chirurgie ambulatoire d’actes chirurgicaux exercés dans un cabinet libéral en dehors d’un établissement de santé pourraient voir le jour. Il est tout particulièrement question de la chirurgie de la cataracte (amendements 369 et 31). La dialyse à domicile n’est pas oubliée (amendement 32).
Inversement, les amendements 91 Rect., 189 Rect. et R101 Rect. prévoient que « Préalablement à toute admission en centres de rééducation fonctionnelle ou en centres de soins de suite et de rééducation, le médecin prescripteur devra adresser à la caisse primaire d’assurance maladie locale une demande d’entente préalable selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. »

Sujet cher aux députés et la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la liberté de prescription est une nouvelle fois remise en question. L’amendement 25 Rect. suggère de contraindre les praticiens à prescrire des génériques, car « trop souvent, les praticiens privilégient les médicaments récents plutôt que les molécules génériquées, bien que leur efficacité thérapeutique soit équivalente. » Ne voulant pas refuser le remboursement de “nouveaux” produits à l’industrie pharmaceutique, même quand ils ne sont pas innovants, il est plus simple d’obliger les médecins à en prescrire d’anciens, alors même que les génériques, en France, sont parmi les plus chers d’Europe (amendement 422 Rect.). Il pourrait même être possible au directeur local de l’organisme d’assurance-maladie de sanctionner les médecins ne se pliant pas à cette “incitation” (amendement 214).
Une idée originale concerne les génériques : « Le conditionnement des médicaments génériques mentionne lisiblement le nom commercial de la spécialité à laquelle ils équivalent » (amendement 129).
Les prescriptions hospitalières font l’objet d’un amendement (92), car « Alors que les dépenses de médicaments au sein des dépenses de soins de ville ont stagné en 2008, les prescriptions de médicaments par des médecins hospitaliers exécutées en ville ont augmenté de 12 %. […] Il est proposé de fixer un taux national d’évolution des dépenses de médicaments des établissements de santé et de sanctionner les établissements dont la prescription dépasserait ce taux. »

Si les sages-femmes ont obtenu le droit de prescrire les contraceptifs locaux et les contraceptifs hormonaux, la surveillance et le suivi biologique sont assurés par le médecin traitant. Il est question de ne plus réserver cette surveillance et ce suivi biologique aux médecins. Pour les parlementaires, « le coût pour la collectivité de la prise en charge médicale par un médecin, pour un même acte, comparé à celui d’une sage femme est plus élevé. »

Comme d’habitude, la liberté d’installation des médecins est, elle aussi, remise en cause, l’amendement 110 visant à n’autoriser les médecins qui s’installent à être conventionnés qu’en fonction d’une convention établie entre chaque caisse régionale d’assurance-maladie et les syndicats de médecins, des syndicats dont la représentativité est pourtant discutée (amendement 144).

L’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) des soins de ville, dont la Cour des comptes a déjà reconnu qu’en l’état actuel de son calcul il ne pouvait être tenu, pourrait en plus se voir amputer d’un milliard d’euros (amendement 280).


Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2010 à l'Assemblée nationaleNombreux sont les sujets qui font aussi l’objet d’autres amendements au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2010.

Une idée originale : « Les piluliers permettant la préparation des doses de médicaments administrés pour les personnes âgées dépendantes à domicile peuvent être préparés en officine, les modalités seront définies par décret pris en Conseil d’État » (amendement 347 Rect.). Autre idée, une prime à l’allaitement puisque l’amendement 179 : « Dans le cas où les parents respectent les recommandations du Plan Nutrition Santé en matière d’allaitement maternel, justifié par un certificat d’allaitement par le médecin traitant ou la protection maternelle et infantile, la majoration de durée d’assurance, attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation, reviendra à la mère. »

Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont au centre de plusieurs propositions. L’amendement 380 Rect. suggère, par exemple, qu’un assuré social bénéficiant d’indemnités journalières consécutives à une maladie ou un accident non professionnel puisse « télétravailler ». Le numéro 200 suggère, quant à lui, qu’afin d’éviter « la multiplication des arrêts de travail du vendredi ou du lundi, il convient de responsabiliser les assurés en instituant une journée de carence d’ordre public, précédant le délai de trois jours à l’expiration duquel les indemnités journalières sont versées. » Le reste des amendements relatifs aux accidents du travail et aux maladies professionnelles ou à leur contrôle fera l’objet d’un autre article pour plus de clarté.

Les transports sanitaires sont dans le collimateur. L’amendement 148 propose de mettre en place au niveau des territoires de santé des centres de régulation, chargés de proposer au patient le mode de transport le plus adapté à son état.

Concernant la tarification à l’acte pour les hôpitaux, deux points de vue s’affrontent. Il y a ceux qui veulent que cette idée soit tout bonnement abandonnée (amendement 32) et d’autres qui veulent qu’elle s’applique dès 2012, plutôt que d’accepter son report à 2018. Ces derniers notent en effet qu’ « En 2008 un rapport du ministère de la Santé au Parlement sur la convergence tarifaire intersectorielle précisait que le tarif moyen des cliniques est 37 % inférieur à celui des hôpitaux en 2008, après inclusion notamment des honoraires et en se fondant sur la structure d’activité du secteur public » (amendement 395). L’hôpital n’a pas vraiment à être inquiet, car si la convergence tarifaire n’est pas abandonnée, les députés ont prévu toute une série de coefficients correcteurs ou de mesures visant à éviter que l’efficacité exigée du personnel des cliniques privées puisse venir troubler la quiétude du personnel hospitalier du secteur public.

Et l’on reparle d’obliger les sites qui souhaite à obtenir la certification HON-HAS à établir des liens « vers les sites informatiques publics français dédiés à la santé et aux médicaments » (amendement 260 Rect.). Les établissements doivent aussi s’attendre à ce qu’on leur demande à terme de publier des informations imposées par l’union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM), même s’il n’est question que d’une possibilité pour l’instant (amendement 22 Rect., 211 Rect. et 227 Rect.).

Suivre les débats va être sans conteste intéressant, tout comme le passage au Sénat. À suivre…

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2010 à la loupe

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2010 a été rendu public et il est plein de surprises. Ceux qui s’intéressent aux chiffres s’en remettront au texte pour savoir où en sont les déficits, les objectifs de dépenses et les prévisions de recettes. Les autres vont pouvoir découvrir ce que cette première mouture, qui ne fait actuellement que 76 pages, propose. La grippe A, les dépenses de transport sanitaire et les fraudes sont très présentes dans ce PLFSS 2010. Gageons que ce texte comptera bien des articles supplémentaires lorsqu’il sera passé entre les mains des parlementaires.

Refus de soins et nouvelles propositions du fonds CMU

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Refus de soins et patient CMULe fonds CMU (fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie) a réussi, il y a un peu plus de trois ans, à jeter l’opprobre sur tous les médecins grâce à un testing truffé d’incohérences et d’idées reçues, aux résultats peu fiables, mais repris très vite par les médias et la classe politique. Alors que la loi le permet sous certaines conditions, conseiller au patient de respecter le parcours de soins ou lui demander de bien vouloir mettre sa carte vitale à jour avant de venir consulter ont été présentés comme des refus de soins intolérables au nom d’une déontologie galvaudée et d’un politiquement correct très tendance.  Ce document n’a cessé, depuis sa parution en juin 2006, d’être source de débats et ses suites ont même fait l’objet d’articles dans le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST).

S’il est facile de comprendre que les médias avides de sensationnel aient pu oublier le sens critique censé animer le journalisme, il est plus surprenant de penser que les services du ministère de la santé, à la tête duquel officiait Xavier Bertrand à l’époque, ne se soient pas rendu compte du manque d’objectivité et de l’absence de fiabilité de cette « Analyse des attitudes de médecins et de dentistes à l’égard des patients bénéficiant de la Couverture Maladie universelle ». Sans des consignes politiques fortes, comment imaginer que des fonctionnaires compétents aient pu laisser une affaire comme celle-ci prendre une telle ampleur ? La volonté du pouvoir d’affaiblir les médecins et les dentistes, à un moment où de rudes négociations se profilaient dans le but de les “fonctionnariser” un peu plus les praticiens est probable. Le vieux rêve consistant à penser qu’une médecine d’État permettrait de faire des économies de santé est très présent dans les hautes sphères. Que le système français ait été classé comme le meilleur au monde par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a que peu d’importance et le gouffre de la Sécurité sociale semble imposer que l’on privilégie l’économie à la qualité.  Différents rapports et d’autres études, basés sur les mêmes a priori ou sur le rapport du fonds CMU de 2006, se sont succédé depuis, renforçant l’idée que tous les médecins pouvaient être soupçonnés de discrimination, à tel point que même le conseil national de leur ordre a cru bon de céder au politiquement correct en appelant les patients à dénoncer les praticiens suspects. L’assurance-maladie et son personnel zélé dans un tel cas ont, bien entendu, reçu la mission de faire sanctionner les médecins incriminés, en oubliant bien souvent la présomption d’innocence, la même dont jouissent pourtant les assassins multirécidivistes.
Roselyne Bachelot continue sur cette voie puisqu’elle a missionné le fonds CMU pour réaliser le quatrième rapport d’évaluation de la loi CMU en demandant à ce que soit portée une attention toute particulière au problème des refus de soins aux bénéficiaires de la CMU-C. Ce rapport vient d’être transmis au parlement par le gouvernement et il est fort probable que plusieurs nouvelles propositions du fonds CMU soient reprises dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2010.

Quatre propositions concernent particulièrement les médecins et le refus de soins :

— « Donner juridiquement une valeur probante au testing et ouvrir la possibilité de sanction directe par la caisse. » Cette idée n’est pas nouvelle puisqu’elle figurait déjà dans le projet de loi HPST. Une majorité de parlementaires l’ont rejetée à la mi 2009, mais l’avis des élus semblent ne pas avoir été entendu et, aidée sans doute par une nouvelle campagne médiatique arrivant à point nommée, il est vraisemblable qu’elle sera à nouveau présentée aux députés et aux sénateurs, avec en plus une inversion de la charge de la preuve obligeant les cabinets médicaux à enregistrer et à conserver tous les échanges avec les patients afin de pouvoir se défendre ;

— « Adapter le panier de soins en y ajoutant des forfaits de prises en charge particuliers pour des soins non pris en charge par l’assurance maladie. » Les patients bénéficiaires de la CMU-C se verraient offrir la possibilité d’être remboursés de soins qui ne sont pas pris en charge pour les autres assurés, comme les soins de médecine esthétique ou l’adaptation des lentilles de contact, par exemple. Mais instaurer un tel forfait, c’est surtout contraindre les médecins à honoraires “libres” à appliquer un tarif imposé pour des soins habituellement jugés par l’assurance-maladie comme des soins non indispensables. Nicolas Sarkozy a clairement affiché sa volonté de voir disparaître les dépassements d’honoraires des médecins du secteur 2, c’est une façon de les affaiblir un peu plus. C’est aussi une façon de remettre au pas, les médecins secteurs 1 qui trouvent souvent dans la pratique de soins non pris en charge par la Sécurité sociale un complément de revenus les autorisant à continuer à investir dans leur cabinet ou à employer du personnel ;

— « Aboutir, dans le cadre des négociations conventionnelles, à une revalorisation des consultations des bénéficiaires de la CMU-C. » Il faut bien donner l’impression qu’au moins l’une des propositions n’est pas défavorable aux médecins, d’autant qu’elle n’a aucune chance d’être acceptée dans un contexte où les économies de santé sont le maître mot des réformes. Le principe de discrimination positive était déjà présent dans l’analyse de 2006. Le médecin pourrait voir son travail mieux rémunéré au prétexte qu’il soigne un patient CMU. Alors que l’on présente la grande majorité des médecins comme cupides au point de pratiquer une discrimination basée sur leurs intérêts financiers, il est proposé de mieux rémunérer les soins pour une partie de la population. N’y a-t-il pas un risque de voir les praticiens avides inverser leur discrimination en faveur des patients CMU-C ? Les auteurs du rapport savent très bien que de nombreux médecins n’agissent pas avec le symbole Euro miroitant dans leurs prunelles, habitués qu’ils sont à faire des actes gratuits ou à moduler leurs honoraires en fonction des difficultés financières des patients, mais bien parce qu’ils sont las d’être confrontés à un « J’y ai droit » méprisant ou à des difficultés pour se faire rembourser les soins qu’ils ont dispensé par l’assurance-maladie ;

— « Introduire un indicateur de suivi des refus de soins dans la loi de finances de l’État ou dans la loi de financement de la sécurité sociale. » Il s’agit là de la seule proposition qui puisse ne pas nuire aux praticiens. À condition, bien entendu, que l’indicateur soit objectif et que les mesures soient réalisées par un ou des organismes réellement indépendants du pouvoir ou du fonds CMU. Une telle analyse pourrait aller à l’encontre des idées reçues et du politiquement correct et redonner son éclat au dévouement dont la très grande majorité des médecins fait preuve à l’égard des patients.

 

Rien d’étonnant à ce qu’aucune proposition ne soit faite pour responsabiliser les patients bénéficiaires de la CMU-C, cela n’a rien de médiatique et ne relève pas du “positivement” correct…

L’adoption du projet de loi HPST est proche : quelques mesures phares prises par la commission mixte paritaire

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le rapport nº 463 de MM. Alain Milon, sénateur et Jean-Marie Rolland, député, concernant le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), fait au nom de la commission mixte paritaire a été publié le 20 juin 2009. Droit-medical.com en a sélectionné quelques éléments de ce texte.

Pas de transition après la disparition des URML

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La fin des unions régionales des médecins exerçant à titre libéral (URML)Le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) prévoit la disparition des unions régionales de médecins exerçant à titre libéral (URML). Ces organismes de droit privé vont être remplacés par des associations loi de 1901, les unions régionales des professionnels de santé (URPS). Mais quid de la transition entre ces organismes ? Elle semble bien mal organisée en l’état actuel du projet de loi…

Jean-Jacques Fraslin, dans un article intitulé « Fin de vie pour Libéralis et la TDU », évoque ce problème. Le II de l’article 27 du projet de loi est ainsi rédigé : « Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est abrogé ». Or, c’est ce titre qui régit les URML. Au moment même où la loi entrera en vigueur, les URML ne seront plus que des coquilles vides, dénuées de toutes attributions et de toute représentativité.
Si une passation de pouvoirs est prévue au titre III de l’article 27, on est en droit de se demander comment elle va pouvoir s’organiser. Il est prévu que « Les conditions dans lesquelles s’opère, après la date d’entrée en vigueur du présent article, le transfert des biens, droits et obligations de chaque union régionale des médecins exerçant à titre libéral à l’union régionale des professions de santé compétente pour les médecins du même ressort font l’objet d’une convention entre ces deux instances. À défaut d’accord, le juge judiciaire est saisi à l’initiative de la partie la plus diligente. Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu à aucune imposition ». Ces dispositions semblent poser deux problèmes. Le premier : comment les URML, privées de leurs missions et des textes validant leur mode de fonctionnement à l’entrée en vigueur de la loi instituant les URPS, pourraient-elles signer une convention ? Le second : la loi prévoyant qu’un décret en Conseil d’État et que des élections sont nécessaires au fonctionnement des URPS, que devient le personnel salarié des URML en attendant la mise en place, qui va certainement prendre plusieurs mois, de cette nouvelle instance ?

Il est intéressant de mettre en parallèle de l’article 27, l’article 19 qui prévoit la transition entre l’organisme gestionnaire conventionnel de la formation médicale continue et celui qui va gérer le développement professionnel continu. Un mécanisme clair a été prévu : « Les conditions dans lesquelles s’opère, après la date d’entrée en vigueur du présent article, le transfert des biens et les droits et obligations contractés par l’organisme gestionnaire conventionnel mentionné à l’article L. 162-5-12 du code de la sécurité sociale à l’organisme gestionnaire du développement professionnel continu font l’objet d’une convention entre ces deux organismes. Si, à cette date, l’exécution du budget de l’organisme gestionnaire conventionnel présente un résultat excédentaire, l’excédent constaté est intégralement reversé aux caisses nationales d’assurance maladie signataires de la ou des conventions mentionnées à l’article L. 162-5 du même code. Si, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, la convention entre les organismes n’a pas été signée, il revient au ministre chargé de la santé d’opérer les opérations nécessaires au transfert.
Ce transfert est effectué à titre gratuit et ne donne lieu ni à indemnité, ni à perception de droits ou taxes, ni à versement de salaires ou honoraires. »

En l’état, le passage de témoin entre les URML et les URPS risque bien d’être hasardeux. Reste à voir ce que la commission mixte paritaire pensera de tout cela. Des modifications sont encore possibles avant l’adoption de la loi.

 

Plus besoin du diplôme de médecin pour exercer

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Si l’article 17 du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) est voté en l’état par le Sénat, il ne sera plus nécessaire d’être interne en formation ou d’être titulaire d’un doctorat en médecine pour exercer !

L’article 17 du projet de loi est ainsi rédigé :

I. – Au début de la quatrième partie du code de la santé publique, sont insérées les dispositions suivantes :

LIVRE PRÉLIMINAIRE

« DISPOSITIONS COMMUNES

« TITRE IER

« COOPÉRATION ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ

« CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 4011-1. — Par dérogation aux articles L. 1132-1, L. 4111-1, L. 4161-1, L. 4161-3, L. 4161-5, L. 4221-1, L. 4311-1, L. 4321-1, L. 4322-1, L. 4331-1, L. 4332-1, L. 4341-1, L. 4342-1, L. 4351-1, L. 4361-1, L. 4362-1, L. 4364-1 et L. 4371-1, les professionnels de santé peuvent s’engager dans une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient. Ils interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ainsi que dans le cadre des protocoles définis aux articles L. 4011-2 et L. 4011-3.

« Art. L. 4011-2. — Les professionnels de santé, à leur initiative, soumettent à l’agence régionale de santé des protocoles de coopération. L’agence soumet à la Haute Autorité de santé les protocoles qui répondent à un besoin de santé constaté au niveau régional et qu’elle a attestés.

« Ces protocoles précisent l’objet et la nature de la coopération, notamment les disciplines ou les pathologies, le lieu et le champ d’intervention des professionnels de santé concernés.

« Le directeur de l’agence régionale de santé autorise la mise en oeuvre de ces protocoles par arrêté pris après avis conforme de la Haute Autorité de santé.

« La Haute Autorité de santé peut étendre un protocole de coopération à tout le territoire national. Dans ce cas, le directeur de l’agence régionale de santé autorise la mise en oeuvre de ces protocoles par arrêté. Il informe la Haute Autorité de santé de sa décision.

« Art. L. 4011-3. — Les professionnels de santé qui s’engagent mutuellement à appliquer ces protocoles sont tenus de faire enregistrer, sans frais, leur demande d’adhésion auprès de l’agence régionale de santé.

« L’agence vérifie, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, que le demandeur dispose d’une garantie assurantielle portant sur le champ défini par le protocole et qu’il a fourni les éléments pertinents relatifs à son expérience acquise dans le domaine considéré et à sa formation. L’enregistrement de la demande vaut autorisation.

« Les professionnels s’engagent à procéder, pendant une durée de douze mois, au suivi de la mise en oeuvre du protocole selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la santé et à transmettre les informations relatives à ce suivi à l’agence régionale de santé et à la Haute Autorité de santé.

« L’agence régionale de santé peut décider de mettre fin à l’application d’un protocole, selon des modalités définies par arrêté. Elle en informe les professionnels de santé concernés et la Haute Autorité de santé. »

II. — L’article 131 de la loi nº 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est abrogé.

Selon ce texte, les “compétences” des professionnels ne doivent pas être prises en compte pour qu’ils puissent réaliser ou non un acte de soins. Le terme “compétence” semble avoir volontairement été ignoré, bien qu’il soitt capital puisque c’est ce qui permet à la justice, le plus souvent, de justifier ses décisions en matière d’exercice illégal d’une profession. Cela se comprend lorsque l’on sait que la “compétence” se définit comme l’ « aptitude à agir dans un certain domaine », si l’on en croit le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu.
Le diplôme du professionnel de santé valide des acquis. En plus de s’assurer de l’assimilation des connaissances, tous les diplômes de ce secteur entérinent des stages pratiques permettant aussi d’acquérir de l’expérience, proportionnelle à la durée des stages qui varie en fonction de la profession, bien entendu. Grâce à ce type de diplômes, un citoyen est reconnu comme ayant la “compétence” d’exercer une profession.
Bien pensé, ce système comporte des garde-fous puisque tous les diplômes n’offrent pas la possibilité d’augmenter son domaine de compétence. Une profession qui réussit à faire accepter par l’éducation nationale une formation et un diplôme la validant, n’obtient pas pour autant le droit de réaliser des actes médicaux en rapport. Ces mesures ont été mises en place dans un souci de qualité et sont basées sur un enseignement jugé comme suffisant pour acquérir une pratique donnée. C’est ainsi que fonctionne, actuellement, le système validant les études des professionnels de santé en France.
Les députés semblent avoir décidé qu’il n’est plus nécessaire de tenir compte de l’enseignement dispensé par les écoles et les universités pour laisser un professionnel réaliser des actes aussi “anodins” que ceux qui sont pratiqués par les soignants.

Cet article du projet de loi pourrait faire penser au dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE) mis en place par les pouvoirs publics. Il en est toutefois très éloigné si l’on examine plus en détail les textes. Le candidat à la VAE dépose un dossier de candidature et passe devant un jury afin d’obtenir tout ou partie d’une certification (diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle). Il y a bien un véritable contrôle des connaissances, une sélection des demandeurs et le candidat obtient un diplôme élargissant sa “compétence”. Tel n’est pas le cas de cette idée de protocoles.

Le projet de loi considère qu’il suffit qu’un médecin, par exemple, estime que les connaissances et l’expérience d’un professionnel de santé paramédical sont suffisantes pour réaliser un acte de soins, de façon totalement subjective, pour qu’il puisse proposer un protocole.
Tous les scénarii sont envisageables. Un praticien spécialisé en médecine générale, dont le cousin est infirmier, peut estimer que ce dernier a les connaissances et l’expérience pour réaliser une appendicectomie ou qu’il peut faire des massages mieux qu’un kinésithérapeute. Peu importe d’ailleurs que l’un des deux professionnels de santé proposant un protocole soit médecin, des accords pourront intervenir à d’autres niveaux. Il suffira de convaincre l’agence régionale de santé (ARS) et la Haute Autorité de santé (ou les autorités politiques dont elles dépendent) que des économies pourront ainsi être réalisées pour que le protocole ait des chances d’être validé.

Une fois un protocole signé, il ne pourra pas être reproché aux signataires d’exercer illégalement une profession. Peu importe leur compétence, ils auront obtenu l’autorisation d’agir. Un professionnel de santé qui pourra se prévaloir de connaissances et d’une expérience aura la possibilité, sous couvert d’un protocole et d’une espèce de cooptation, d’effectuer des actes de soins pour lesquels la loi ne lui reconnaissait pas la “compétence” jusque-là.
Plus question de parler d’actes médicaux, même si ce sont principalement ces derniers qui sont concernés, le terme “acte de soins” est mieux adapté pour entretenir une certaine confusion, à moins qu’il ne soit dans l’intention du législateur de voir des actes infirmiers, de kinésithérapie ou d’orthoptie délégués à d’autres professionnels de santé…Connaissances et expérience plutôt qu'un diplôme de médecin

Si on peut penser que ces protocoles seront sous-tendus par l’intérêt des patients, rien n’empêche d’envisager qu’ils puissent facilement être utilisés pour qu’une frange d’une profession nuise à la majorité, en accordant à une autre catégorie de professionnels la possibilité de réaliser des actes échappant jusque-là à leur compétence.
Un esprit retors pourrait penser que c’est une façon de diviser encore plus facilement chaque branche de professionnels de santé et de faire voler en éclats les prérogatives des syndicats. C’est aussi une manière de fractionner la lutte pour protéger les pratiques pour des soins de qualité. Que des inégalités de traitement voient le jour d’une région à l’autre importe peu. Fort du constat qu’il est plus difficile pour une catégorie des professionnels de santé de s’opposer à des décisions disparates issues d’instances régionales qu’à une politique nationale uniforme, sur l’exemple des caisses primaires et de la caisse nationale d’assurance-maladie, on comprend que les élus soient tentés d’avoir un atout de plus dans leur jeu pour affaiblir ce qu’ils perçoivent comme des lobbies.

Par contre, s’il y a un lobby qu’il convient de ménager, c’est bien celui de l’assurance. Le texte donne donc la possibilité aux assureurs de refuser leur garantie aux protocoles qu’ils jugeraient trop risqués, si ce n’est pas assez rentables, sous couvert de juger des connaissances et de l’expérience des intervenants. Intéressante perspective pour les assureurs que celle qui consiste à valider les connaissances et l’expérience des professionnels de santé pour accepter ou non de les garantir…

À un moment où de récents mouvements universitaires ont fait affirmer aux pouvoirs publics qu’il était indispensable que les diplômes délivrés par les universités soient les garants de la qualité d’un enseignement et soient le reflet d’une réelle formation, il serait surprenant que les sénateurs, sur la lancée des députés, fassent fi des titres obtenus pour la réalisation des actes de soins.
Que penser d’un système qui décide de ne plus s’assurer, de façon objective et uniforme, des connaissances et de l’expérience des personnels à qui il confie la santé des citoyens ? Si personne ne conteste que des actes puissent être délégués en raison des problèmes démographiques d’une profession ou d’une autre, faut-il pour autant, mettre à bas un système basé sur la notion de compétence, reconnu pour sa qualité de par le monde ?

Des professeurs des hôpitaux contre la loi Bachelot

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Presse

Un hôpital déserté par ses professeursC’est sur le site NouvelObs.com que l’appel de vingt-cinq professeurs de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a été publié. L’article, intitulé « Contre la mort de l’hôpital public : l’appel des 25 », explique que ces médecins, parmi lesquels figurent de très grands chercheurs comme le Pr Sahel en ophtalmologie, dénoncent le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Ce texte, déjà adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, sera examiné par le Sénat le 11 mai 2009. Pour les auteurs de cet appel, « le maître mot » de ce projet de loi « n’est plus la santé mais la rentabilité ».

À leurs yeux, c’est l’aspect mercantile de la médecine hospitalière qui est privilégié. « La préoccupation centrale n’est plus le malade mais le compte d’exploitation de l’hôpital. » La loi devrait faire de l’hôpital une entreprise dont le patron sera nommé de façon indirecte par le conseil des ministres. À l’image des grandes administrations ou des ministères, l’homme qui sera à la tête de l’hôpital pourra n’avoir aucune compétence dans un domaine où il prendra la décision qui engagera l’ensemble de ses forces vives : le projet médical d’établissement. Ce seul maître à bord « nommera et révoquera les médecins responsables des structures de soins ».

Pour ces hommes de terrain, une tarification identique pour l’hôpital et le privé ne reflète en rien les missions d’un service public assumant des soins pour les pathologies les plus lourdes et offrant une continuité des soins à nulle autre pareille. « Cette loi réduit le qualitatif au quantitatif, le malade au tarif de sa maladie. » Ne se contentant pas de critiquer, ces soignants prennent la peine de faire des propositions pour donner une chance à la santé en France de redevenir l’une des meilleures du monde. S’ils ne sont pas écoutés, la menace est claire : « si cette loi n’est pas amendée, elle s’appliquera sans nous, médecins et chirurgiens de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris » et de demander l’organisation d’États généraux de l’hôpital public.

Une nouvelle manière pour ces leaders d’opinion de répondre à l’obligation d’information qu’on leur a imposée…

 

Mise à jour le 16 avril  2009 à 14 h 22.

Le site LeFigaro.fr publie une réponse de Roselyne Bachelot à l’appel des 25. Elle leur conseille de lire la loi. La ministre a vraisemblablement une lecture différente du projet de loi qu’elle présente. 

Le parlement européen va examiner à la loupe les nanomatériaux

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un nouveau regard du Parlement européen sur les nanomatériauxC’est le 29 avril 2009 que le problème des nanomatériaux est mis à l’ordre du jour d’une séance plénière du Parlement européen. Les députés auront eu tout le temps de prendre connaissance d’ici là du projet de rapport sur les aspects réglementaires des nanomatériaux, publié le 19 janvier 2009, par la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Il s’agit d’une proposition de résolution pour le Parlement.

Les nanoparticules sont habituellement définies comme des éléments ayant une taille inférieure à 100 nm, mais des éléments d’une taille supérieure peuvent aussi entraîner une modification fonctionnelle des propriétés d’un matériau les faisant entrer dans le cadre des nanotechnologies.

Pour ce rapport, les déclarations de la Commission européenne affirmant que la législation en vigueur « couvre, dans son principe, les risques liés à ce type de matériaux » seraient trompeuses, car les services de l’Europe « ignorent en réalité ces risques, car il n’existe pas de données et de méthodes appropriées pour les évaluer ». Selon Carl Schlyter, rapporteur de ce projet, il est nécessaire que le Parlement européen adopte des dispositions visant spécifiquement les nanomatériaux. Sachant que de nombreux nanomatériaux sont déjà sur le marché, il est urgent d’agir. Même si les nombreuses applications des nanomatériaux et des nanotechnologies peuvent offrir des espoirs de progrès pour les patients ou pour les consommateurs, ils sont susceptibles, en raison de leur taille réduite, de présenter des risques inconnus jusque-là avec les produits classiques. Pouvant librement pénétrer dans le corps humain, par exemple, ils pourraient être toxiques, là où leur forme macroscopique ne fait courir aucun risque à leurs utilisateurs ou à l’environnement. Les nanotubes de carbone donneraient des lésions identiques à celles causées par l’amiante, par exemple. L’Europe manque de données fiables concernant les nanomatériaux et les nanotechnologies.

Pour Carl Schlyter, la circulaire REACH et son principe suivant lequel « pas de données, pas de marché » devraient s’appliquer à ces nouvelles formes de matériaux, d’autant que les risques dus à des propriétés encore ignorées des nanomatériaux pourraient déboucher sur des problèmes juridiques à grande échelle.