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Tâches, compétences et protocoles entre professionnels de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Accord passé entre deux personnes

L’article 51 de la loi no 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite HPST, a permis l’élaboration de protocoles entre professionnels de santé. Ces professionnels de santé peuvent, à leur initiative, désormais s’engager dans une démarche de coopération ayant pour objet de transférer entre eux, des activités ou des actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès des patients. Une idée séduisante pour certains médecins qui ne voient là qu’« un transfert de tâches » leur permettant de mieux gérer leur temps tout en gardant la main sur les actes qu’ils acceptaient ainsi de déléguer. Une aubaine pour de nombreux professionnels paramédicaux qui voient surtout là « un transfert de compétences » qui va leur permettre de réaliser à moyen terme des actes jusque-là effectués par les professions médicales.

Un nouveau protocole pour la sécurité des professions de santé

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Agressions des professionnels de santéCe ne sont pas moins de trois ministres, celui de l’intérieur, celui de la justice et celui de la santé, qui étaient réunis place Beauvau à Paris, le 20 avril 2011, pour signer un protocole national pour la sécurité des professions de santé. Pendant pour les professionnels de santé libéraux du protocole santé sécurité signé en 2005 qui avait pour but d’améliorer la sécurité des établissements hospitaliers publics et privés, ce document n’a été signé par les ordres professionnels, seuls les principaux syndicats ayant répondu à cet appel. Il ne faut pas y voir là un désintérêt des Ordres pour la sécurité des professions de santé, comme le montrent des actions telles que l’observatoire de la sécurité des médecins mis en place par le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) depuis 2004, mais bien un nouvel épisode de la lutte de pouvoir que se livrent Ordres et syndicats et dont savent fort habilement tirer partie les pouvoirs publics.

On ne peut que regretter qu’il ait fallu attendre que les résultats 2010 de l’observatoire de la sécurité des médecins montrent une hausse sans précédent des actes de violence à l’égard des médecins, tout comme d’autres études ont fait état de constatations identiques pour les professionnels de santé dans leur ensemble, et que les médias consacrent quelques reportages au phénomène pour que des mesures soient annoncées. Ne s’agit-il d’ailleurs pas là que d’un simple effet d’annonce lorsque l’on sait que le protocole signé pour les établissements de santé en 2005 n’a pas empêché la forte augmentation des déclarations des médecins et des autres personnels de soin exerçant dans ces lieux ? C’est à l’usage et au quotidien que les libéraux jugeront ces mesures diverses et variées.

Il est question d’une « boîte à outils adaptée aux réalités du terrain » et de de « solutions surmesure pour chaque type de situation » si l’on en croit les déclarations officielles : mise en place d’interlocuteurs dédiés au sein des commissariats et des brigades de gendarmerie, policiers et gendarmes pouvant réaliser à la demande des professionnels des diagnostics de sécurité, procédures de signalement simplifiées (comme des boîtiers de géolocalisation) sont au nombre des solutions proposées.

Plus que des mesures visant à empêcher les agressions, il semble surtout qu’il s’agit de donner l’impression aux professionnels de santé qu’ils pourront être secourus quand celles-ci auront eu lieu, ou que leurs auteurs pourront être poursuivis, comme en témoigne l’incitation faite aux élus locaux par le ministre de l’intérieur « à développer leur système de vidéoprotection de manière à couvrir, autant que possible, les abords des cabinets médicaux et paramédicaux ou des pharmacies ».
Plus qu’aux professionnels de santé auprès duquel les ministres ont voulu faire passer un message, c’est auprès des forces de l’ordre qu’il est souhaitable que l’information soit transmise. Entre les discours prononcés dans les salons feutrés parisiens et la réalité sur le terrain, il y a bien souvent un manque de corrélation. Lorsque le ministre de l’intérieur insiste « sur la nécessité de porter plainte systématiquement en cas de malveillance ou de violence en soulignant que c’est la plainte qui déclenche l’enquête et rend possible les poursuites judiciaires » et qu’il explique que « considérant l’utilité publique des professions de santé, il était possible, dans leur cas, de procéder à des prises de plainte sur rendez-vous ou à domicile », on aimerait le croire. Dans la pratique, les professions de santé qui ont passé du temps, parfois des heures, dans des commissariats au lieu d’être au chevet des patients pour s’entendre dire qu’une simple « main courante » pouvait faire l’affaire ne manqueront pas de sourire en prenant connaissance de ses propos.

Outre la sécurité des professionnels de santé, c’est la désertification médicale et le maillage du territoire qui sont en jeu pour le ministre de la santé. Il est vrai que l’on peut se demander quelles actions peuvent avoir des mesures incitatives à l’installation dans des zones de non-droit. Sans parler des mesures coercitives évoquées par certains, au prétexte de soigner les personnes âgées dans les départements ruraux, mais élaborées en fait pour obliger les professionnels de santé à visser leur plaque dans certains déserts médicaux, quand on sait que les membres des forces de l’ordre ne pénètrent dans ces mêmes zones qu’armés et à plusieurs ?
Certains regretteront sans doute que ce thème sécuritaire soit mis en avant. Peut-être est-ce parce qu’ils n’ont jamais été victimes d’une agression alors qu’ils allaient porter secours ou prodiguer leurs soins à un patient ?

 

Signature du protocole national pour la sécurité des professions de santé,
une vidéo réalisée par les services du ministère de l’interieur.

Nouvelle mission du pharmacien : ajuster le traitement du patient

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Choisir un médicamentNouvel épisode des transferts d’activités ou d’actes de soins entre professionnels de santé et de la réorganisation de leur intervention auprès du patient prévus par l’article 51 de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) devenu article L 4011-1 du code de la santé publique (CSP), les missions des pharmaciens d’officine correspondants viennent d’être officialisés par un décret paru au Journal officiel du 7 avril 2011.

La notion de « pharmacien d’officine correspondant » est apparue elle aussi avec la loi HPST et a été introduite à l’article L 5125-1-1-A du code de la santé publique. Selon cet article, « les pharmaciens d’officine : […] Peuvent, dans le cadre des coopérations prévues par l’article L 4011-1 du présent code, être désignés comme correspondants au sein de l’équipe de soins par le patient. À ce titre, ils peuvent, à la demande du médecin ou avec son accord, renouveler périodiquement des traitements chroniques, ajuster, au besoin, leur posologie et effectuer des bilans de médications destinés à en optimiser les effets ». Aux côtés du médecin traitant prend donc place le pharmacien d’officine correspondant…

Grâce à ce texte entrant en vigueur dès maintenant, le pharmacien d’officine peut donc se voir confier de nouvelles missions dans le cadre d’un protocole de coopération avec un médecin portant sur un traitement chronique. Il peut « renouveler le traitement et en ajuster la posologie. » Plus besoin de l’avis du médecin pour que le pharmacien dise au patient d’augmenter ou de réduire le nombre de comprimés ou de gélules qu’il doit prendre chaque jour, il suffit pour cela d’une prescription médicale rédigée dans le cadre du protocole qui précise, notamment, les posologies minimales et maximales et la durée totale du traitement comprenant les renouvellements.

En plus de pouvoir « proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes » comme n’importe quel autre pharmacien d’officine, celui qui aura été désigné comme « correspondant » par le patient se voit accordé le droit de réaliser un « bilan de médication » qui comprend « l’évaluation de l’observance et de la tolérance du traitement ainsi que tous les éléments prévus avec le médecin pour le suivi du protocole. Dans ce bilan, le pharmacien recense les effets indésirables et identifie les interactions avec d’autres traitements en cours dont il a connaissance. Il s’assure du bon déroulement des prestations associées. »

À la lecture de ce décret, bien que la durée totale du traitement et de son renouvellement ne puisse excéder douze mois, des questions se posent tout de même concernant le libre choix du patient. Quid du malade qui souhaite changer de pharmacien correspondant ou du patient qui change de médecin traitant ? Ne va-t-il pas être captif d’un système dont la lourdeur (mise en place d’un protocole entre les professionnels) l’empêchera d’exercer son libre choix à tout moment ?
Qu’en sera-t-il des patients qui ont un médecin prescripteur (qui peut être différent du médecin traitant) et un pharmacien correspondant qui ne réussissent pas à s’entendre pour signer un protocole ? Verra-t-on demain apparaître un texte contraignant tout médecin ou tout pharmacien à accepter la signature d’un tel protocole si le patient le souhaite ? À l’inverse, il pourrait être tentant pour le médecin de « conseiller » le patient sur le pharmacien susceptible d’accepter un protocole et vice-versa.

Des questions se posent aussi sur la tenue à jour du dossier médical du patient. Certes le décret précise que le bilan de médication et l’ajustement de posologie sont transmis au médecin prescripteur, mais qu’en sera-t-il vraiment dans les faits ? On sait la valeur d’une telle disposition dans la pratique quotidienne : rares sont les opticiens qui, ayant adapté la correction portée par un patient dans le cadre de l’article L 4362-10 du CSP, adressent à l’ophtalmologiste un courrier pour l’informer comme la loi les y oblige pourtant.
Même si le décret prévoit que le pharmacien doit mentionner le renouvellement de la prescription sur l’ordonnance et, en cas d’ajustement de la posologie, préciser sur une feuille annexée à l’ordonnance datée et signée, et comportant le timbre de la pharmacie, le nom du médicament qui donne lieu à un ajustement de la posologie ainsi que la nouvelle posologie ou le nom du produit concerné associé éventuellement à une prestation, feuille dont il doit indiquer la présence sur l’ordonnance, que se passera-t-il quand le patient aura oublié son ordonnance au moment de sa consultation ? Pour un médicament faisant l’objet d’un protocole, en cas d’effets indésirables graves nécessitant une hospitalisation, le centre de secours ou le service des urgences devra-t-il, en plus du médecin prescripteur, appeler le pharmacien d’officine correspondant pour s’assurer de la dose quotidienne réellement prise par un patient ?
Enfin, il va être intéressant de savoir si les assureurs en responsabilité civile professionnelle des pharmaciens et des médecins vont prendre en compte ce nouveau risque. Ajuster une posologie, même sous couvert d’une prescription, n’a rien d’anodin. Comment les juges apprécieront-ils le degré de responsabilité du pharmacien d’officine correspondant et du médecin prescripteur liés par un protocole en cas de problème grave ? Des questions qui semblent être pour l’instant sans réponse.

L’Agence européenne du médicament lève le voile

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Comprimés blancsL’Agence européenne des médicaments, encore appelée EMA (ou EMEA) pour European Medicines Agency, est « un organe décentralisé de l’Union européenne (UE) dont le siège est à Londres. Sa principale mission est la protection et la promotion de la santé publique et animale à travers l’évaluation et la supervision des médicaments à usage humain et vétérinaire », comme l’explique le portail de l’UE sur Internet. « L’EMA est chargée de l’évaluation scientifique des demandes d’autorisation européennes de mise sur le marché des médicaments (procédure centralisée). Lorsqu’il est recouru à la procédure centralisée, les sociétés ne soumettent à l’EMA qu’une seule demande d’autorisation de mise sur le marché. » La documentation qui lui est fournie à cette occasion est donc un élément qui peut être particulièrement important lorsqu’un effet indésirable est suspecté par des professionnels de santé. Si certains procédés de fabrication peuvent révéler du secret industriel et ne pas avoir à être exposés aux yeux de tous et tout particulièrement de la concurrence, beaucoup aimeraient que les essais cliniques des molécules demandant leur mise sur le marché fassent l’objet d’une plus grande transparence. Poussée en cela par le Médiateur de l’Union européenne suite à plusieurs refus opposés ces dernières années à des demandes justifiées, l’EMA a annoncé qu’elle rendrait accessible aux professionnels de santé et au public un plus grand nombre de documents en sa possession.

Pour les responsables de cette organisation, cette nouvelle politique répond à une volonté croissante de transparence et d’ouverture des citoyens de l’Union, des valeurs fondamentales qui sont inscrites dans le cadre réglementaire de l’Agence. Si ces principes ne sont pas respectés, il n’est pas possible de savoir sur quelles bases les décisions de l’EMA sont prises et de leur accorder le crédit qu’elles méritent. Néanmoins, afin de protéger les prises de décisions de toute influence extérieure, l’Agence ne publiera les documents qu’une fois la procédure concernant un médicament arrivé à son terme.

Les nouvelles consignes au sein de l’Agence sont de donner accès à tous les documents fournis par les entreprises à moins qu’il n’y ait nécessité de respecter des accords avec des instances de régulation non communautaires ou des organisations internationales, ou qu’il faille protéger la confidentialité et l’intégrité d’une personne physique ou morale. La consultation des documents soumis à l’Agence dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, tels que les rapports d’essais cliniques, est maintenant possible, à condition que le processus de décision concernant cette demande ait été finalisé. Lorsque seules certaines parties d’un document contenant des informations ne peuvent être divulguées, l’Agence expurgera le document à protéger des données personnelles et des renseignements commerciaux confidentiels et offrira l’accès aux parties non confidentielles. Savoir si une information est confidentielle ou non est laissé à la discrétion de l’agence et il est question « de toute information qui n’est pas dans le domaine public ou accessible au public et dont la divulgation pourrait porter atteinte à l’intérêt économique ou la position concurrentielle du propriétaire de l’information » dans les nouvelles directives de l’EMEA. Les notes internes, les documents préparatoires ou tous les documents qui font apparaître un avis à usage interne à l’Agence ne seront pas non plus communiqués.

Par la même occasion, l’Agence européenne du médicament a annoncé qu’elle revenait sur le refus qu’elle avait opposé à des chercheurs danois concernant des résultats d’essais cliniques et des protocoles relatifs à deux médicaments destinés à lutter contre l’obésité. Elle avait jusque-là interdit l’accès à ces documents au motif qu’ils étaient susceptibles de porter atteinte aux intérêts commerciaux des fabricants. Ces données sont désormais disponibles.

Développement professionnel continu et protocole de coopération entre professionnels de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Coopération entre les professionnels de santéDepuis la parution de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) et son article 51, le code de la santé publique prévoit que, par dérogation, les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient. Ils interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ainsi que dans le cadre de ces protocoles.
La loi HPST a aussi prévu que la Haute Autorité de santé (HAS) peut étendre un protocole de coopération à tout le territoire national et que les protocoles ainsi étendus peuvent être intégrés à la formation initiale ou au développement professionnel continu (DPC) des professionnels de santé selon des modalités définies par voie réglementaire.

Le décret n° 2010-1204 du 11 octobre 2010 relatif aux modalités d’intégration des protocoles de coopération étendus dans le développement professionnel continu et la formation initiale des professionnels de santé est paru au Journal officiel de la République française du 13 octobre 2010.
Concernant l’intégration d’un protocole de coopération entre professionnels de santé étendu par la Haute Autorité de santé au développement professionnel continu, il y est précisé que celle-ci peut intervenir selon deux types de modalités : au niveau national, l’objet du protocole de coopération étendu est pris en compte dans les orientations annuelles ou pluriannuelles du développement professionnel continu qui sont arrêtées par le ministre chargé de la santé après avis de chacune des commissions scientifiques indépendantes des professions concernées par le protocole ; au niveau régional, les orientations en matière de développement professionnel continu fixées par l’agence régionale de santé, en cohérence avec le projet régional de santé, prennent en compte l’objet du protocole de coopération étendu si celui-ci n’a pas été retenu dans les orientations nationales prévues au cas précédent.
Les orientations nationales et, le cas échéant, régionales se déclinent en programmes qui sont mis en œuvre par des organismes concourant à l’offre de développement professionnel continu.
Les employeurs publics et privés prennent les dispositions utiles pour inscrire les protocoles de coopération étendus dans le plan de développement professionnel continu des professionnels de santé qui mettent en œuvre ces protocoles.

Pour ce qui est de l’intégration d’un protocole de coopération entre professionnels de santé étendu par la Haute Autorité de santé à la formation initiale des professionnels de santé, le décret précise qu’elle est subordonnée à la modification préalable des dispositions du code de la santé publique définissant le champ d’intervention de ces professions de santé.
Cette intégration met fin à l’application du protocole. En effet, la loi étant modifiée, les transferts d’activités ou les actes de soins font alors partie du champ d’intervention des professionnels de santé et un protocole dérogatoire n’est plus nécessaire.
Contrairement à ce qui a été mis en place pour les protocoles régionaux, les ordres professionnels peuvent être consultés par le ministre chargé de la santé sur l’intégration d’un protocole de coopération étendu dans les dispositions du code de la santé publique relatives aux professions de santé. Il ne s’agit en rien d’une obligation et le transfert d’actes de soins pourra s’effectuer sans qu’à aucun moment un conseil de l’ordre n’ait été consulté.

Comme l’a précisé Jean-Michel Chabot, conseiller médical de la Haute Autorité de santé, lors de la première journée consacrée à la coopération entre professionnels de santé organisée par le syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), le 18 septembre 2010 à Orly, il devrait falloir attendre au moins un an après la mise en place des premiers protocoles pour que la HAS en étende certains au niveau national, rien ne semblait donc imposer une parution aussi rapide de ce décret. Alors que le développement professionnel continu n’en finit pas de réussir à remplacer de la formation médicale continue (FMC), il est déjà question de lui faire prendre en compte les protocoles étendus. Voilà qui semble montrer une nouvelle fois toute l’importance qu’attache le gouvernement aux transferts d’activités et d’actes de soins entre professionnels de santé.

Des précisions sur la coopération entre professionnels de santé et ses protocoles

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Coopération entre professionnels de santéL’article 51 de la loi 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) constitue une petite révolution dans le monde de la santé. Il prévoit, en effet, que les professionnels de santé peuvent, à leur initiative, s’engager dans une démarche de coopération ayant pour objet de transférer entre eux, des activités ou des actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès des patients. Jusque-là, c’était la notion de “compétences” qui prévalait : un professionnel de santé qui réalisait un acte attaché à une autre profession de santé prenait le risque de se voir condamné, même s’il réalisait cet acte sous la responsabilité d’une personne légalement autorisée à l’exécuter. Cette notion ne disparaît pas, mais elle ne représente plus une limite à la réalisation d’actes de soins réservés à certaines professions. Le pudique « transfert de tâches » évoqué par certains pour ne pas choquer n’est rien d’autre qu’un transfert d’actes médicaux ou paramédicaux. Certes, chacun ne peut intervenir que dans les limites de ses connaissances et de son expérience et les accords entre professionnels de santé devront, dans certains cas, s’accompagner d’un volet formation, mais il n’y a là rien d’insurmontable. L’obligation de mettre en adéquation son contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle, prévue par la loi, ne devrait pas non plus poser un réel problème, à condition de régler une prime plus élevée pour celui qui va se voir confier de nouvelles responsabilités et donc de nouveaux risques de sinistres.

Les textes législatifs existent

Avec l’adoption de la loi HPST, les professionnels de santé, intéressés par ces protocoles maintenant définis aux articles L 4011-2 et L 4011-3 du code de la santé publique, peuvent se lancer dans l’aventure. L’arrêté du 31 décembre 2009 relatif à la procédure applicable aux protocoles de coopération entre professionnels de santé, publié au Journal officiel du 15 janvier 2010, donne même le modèle de protocole à utiliser. Le tout tient en quelques pages et paraît simple. Mais, il n’en est rien. Pour s’en convaincre, il suffisait d’être présent à la première journée consacrée à la coopération entre professionnels de santé organisée par le syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), le 18 septembre 2010 à Orly. Réservée aux adhérents de cette organisation syndicale, la journée était aussi ouverte à la presse. Sur invitation, il était même possible de suivre les débats en direct sur Internet.

Les ophtalmologistes et leur syndicat réfléchissent depuis plus de dix ans à la question du transfert des actes médicaux en raison d’une pénurie annoncée de praticiens de cette spécialité chirurgicale dans certaines régions et de l’allongement du temps nécessaire à l’obtention d’un rendez-vous hors des cas urgents. Dès 2003, le professeur Yvon Berland dans son rapport Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences basait une partie de ses conclusions sur l’une des très rares expériences en médecine libérale qui existait à cette époque : une coopération entre ophtalmologistes et orthoptistes dans le département de la Sarthe.
En relisant ce rapport, il est intéressant de noter à quel point les idées ont évolué depuis. Le Pr Berland expliquait, en effet, que « la délégation de compétences pour être efficace et efficiente doit impérativement s’appuyer sur une collaboration étroite entre les différents acteurs. Cette collaboration passe par une unité de lieu d’exercice géographique ou virtuelle (cas de professionnels intervenant en zones démédicalisées et reliées par télé-médecine au cabinet médical) des différents intervenants qui devront être regroupés au sein de structures de soins pluridisciplinaires. » Il insistait sur le fait que « Le médecin qui transfère l’activité médico-technique doit garder la responsabilité de la prescription et des actes » et expliquait qu’ « il serait en effet totalement inopérant de permettre à plusieurs acteurs de niveaux de formation totalement différents de pouvoir directement effectuer les mêmes actes. Très rapidement cela aboutirait d’une part à une concurrence non souhaitable mais également à la multiplication des actes. Les patients pourraient en effet dans un grand nombre de cas aller consulter d’abord un acteur para-médical puis un acteur médical pour le même motif. » En 2010, il est bien question d’un transfert des actes et de la responsabilité qui en dépend. Même le droit de prescription et le principe qui voulait qu’il soit dissocié d’une vente ont été aménagés par le décret n° 2007-553 du 13 avril 2007 relatif aux conditions d’adaptation de la prescription médicale initiale de verres correcteurs dans le cadre d’un renouvellement et aux règles d’exercice de la profession d’opticien-lunetier.

La légalisation du dérogatoire en pratique

Tout d’abord, il ressort des débats que les protocoles pluriprofessionnels et l’article 51 ont été mis en place pour « légaliser du dérogatoire » et passer outre, en toute légalité, les décrets de compétences des professions médicales ou paramédicales pour fluidifier des files de patients ou apporter une offre de soins dans des territoires où elle est insuffisante. Tous ont cherché à convaincre que ceci était possible dans le respect de la qualité des soins et que la volonté de réaliser des économies de santé n’était pas le souci premier de cette réforme.

S'unirConcernant la simplicité des protocoles de coopération, les intervenants issus d’horizons différents (Haute Autorité de santé, Agence régionale de santé d’Île-de-France, Union régionale de médecins, syndicats d’orthoptistes, assurance-maladie) ont tout de même conseillé d’étudier avec attention deux documents récemment mis en ligne par la Haute autorité de santé (HAS) : le premier est consacré aux conditions de succès de la coopération entre professionnels de santé et propose un retour sur les expérimentations menées entre 2004 et 2007 ; le second, réalisé conjointement avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), est consacré à l’élaboration d’un protocole de coopération.
En pratique, seuls les dossiers qui auront été étudiés par l’Agence régionale de santé (ARS) dont ils dépendent et la HAS avant le dépôt officiel d’une demande de validation d’un protocole auprès de l’ARS auront une chance d’être acceptés dans les deux mois prévus par l’arrêté du 31 décembre 2009 cité plus haut. Déposer un protocole sans s’être assuré au préalable qu’il est recevable ne laisse au demandeur que peu d’espoir de le voir accepté.
Il semble aussi très clair pour le représentant de l’ARS et celui de l’assurance-maladie qui étaient présents que, même si la loi n’a rien prévu en ce sens, les services de Sécurité sociale seront consultés à un moment ou à un autre du processus dans une optique d’économies de santé.

Autre élément intéressant : la loi a prévu qu’un protocole ayant fait ses preuves dans une région puisse être secondairement généralisé à l’ensemble du territoire national, sans préciser la durée au bout de laquelle le protocole serait évalué. Pour le conseiller médical de la HAS, ce délai serait au minimum d’un an.
Pour ce qui est de l’avis conforme donné par la HAS, elle entend continuer à privilégier la qualité avec l’aide des collèges professionnels, qui réunissent à parité hospitaliers et libéraux, pour valider ou non les projets de coopérations. Il a été aussi question des unions professionnelles régionales pour donner un avis sur les protocoles avant qu’ils ne soient acceptés, mais pas des sociétés savantes, des syndicats ou du conseil de l’ordre des professions qui en disposent.

Un levier pour dynamiser d’autres éléments du système de santé

La télémédecine et de nouveaux modes de rémunération sont indispensables à la mise en place de certains protocoles et l’article 51 représente une réelle opportunité de voir les choses évoluer à ce propos. La formation doit évoluer, elle aussi, à un rythme plus soutenu et le passage à une filière du type LMD (licence, master, doctorat) au sein d’universités de santé pour tous les professionnels de santé doit être accéléré, avec même une première année santé commune à toutes ces professions, en élargissant ainsi la première année de santé. Le développement professionnel continu doit aussi prendre en compte les protocoles de coopération afin de s’adapter aux nouvelles opportunités ainsi créées.

Tout devrait aller très vite, maintenant, puisque la directrice générale de l’offre de soins (DGOS), Annie Podeur, souhaite voir les premiers protocoles de coopération entre professionnels de santé mis en place avant la fin de l’année 2010. Pour cela, il est question, par exemple, de la publication du nouveau décret relatif à la formation des orthoptistes avant la fin de l’année, les décrets relatifs au développement professionnel continu devant être, quant à eux, publiés le mois prochain.

Médecine & Droit — Numéro 100-101

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Revue Médecine & Droit - numéro 97Sommaire du numéro de janvier — avril 2010

Elsevier — Masson

 

Éditorial

Frédérique Lesaulnier, Philippe Biclet

 

Note de l’éditeur

 

Éditoriaux

Des voies nouvelles pour le droit. Convergence ou confluence ?

Jean Michaud et Jean-Henri Soutoul

 

Éthique

Du paternalisme à l’autonomie des patients ? L’exemple du consentement aux soins en réanimation

Suzanne Rameix

 

Bioéthique

Les clonages

Jean Michaud

 

Médecine et précaution : pas si simple

George David

 

Protection de la personne

La jeune fille et le mort. Du droit de connaître ses origines et des moyens de l’obtenir

Pierre Catala

 

Réflexions autour de l’anonymat dans le traitement des données de santé

Sophie Vulliet-Tavernier

 

Sur l’opportunité d’instituer une exception d’euthanasie en droit français

Bérengère Legros

 

Responsabilité civile

Modalités, preuve et contenu de l’information que le médecin doit donner à son patient

Pierre Sargos

 

Expertise — Droit pénal

La réforme de l’irresponsabilité dans le nouveau code pénal : faut-il s’en réjouir ?

Carol Jonas

 

Bioéthique

2004–2009 : révision de la loi de bioéthique en France, quels enjeux, quels débats ? Assistance médicale à la procréation, gestation pour autrui, transplantation

Gabrielle Bertier, Emmanuelle Rial-Sebbag, Anne Cambon-Thomsen

 

Responsabilité civile

La réparation des préjudices : aspects juridiques

Marie-France Steinlé-Feuerbach

 

Protection de la personne

La réparation psychique

Carole Damiani

 

Santé publique

Protocoles contre la douleur : la loi nous aide-t-elle ?

René Duclos, Coralie Duquesne

 

Gouvernance et éthique cliniques : deux outils complémentaires pour une meilleure coordination des soins et des traitements

Valérie Siranyan, Marc Chanelière, François Locher, Claude Dussart

 

Ouvrages parus


Agenda

Protocole de coopération entre professionnels de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Depuis l’adoption de la loi 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), le code de la santé publique à son article L. 4011-1 prévoit que par dérogation à plusieurs articles du code de la santé publique, les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération, sous la forme de protocoles, ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient. Le modèle à utiliser pour établir de tels protocoles a été publié au Journal officiel.

Une démarche qualité opposable aux professionnels de santé ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les médecins piégés par les référentielsLes démarches qualité sont familières aux médecins et aux autres professionnels de santé depuis de nombreuses années. Qu’il s’agisse de la certification ISO 9001 des ophtalmologistes ou de l’implication de nombreuses autres spécialités dans l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), de nombreuses pistes ont été explorées et ont conduit à une meilleure analyse des risques et à un accroissement de la qualité de prise en charge des patients. Les anesthésistes-réanimateurs, conscients des enjeux et confrontés à des affaires exagérément médiatisées, se sont eux aussi très vite intéressés à ces questions, au point d’obtenir une réduction significative de la mortalité dans les blocs opératoires et dans les unités de réanimation.

De toutes ces démarches qualité naissent de très nombreux documents de travail qui aident les uns et les autres à améliorer leurs pratiques. Et voilà que ces pièces sont détournées et utilisées de façon abusive par des organismes ou des tutelles pour en faire des bases de références réglementaires. C’est Marc Dahlet, président du groupe de travail sur le référentiel EPP « Tenue du dossier d’anesthésie » qui tire la sonnette d’alarme et donne l’exemple d’une telle dérive dans Les infos de Collège — Lettre de liaison du Collège français des anesthésistes réanimateurs nº 27 de juillet 2009.

Suite au décès inexpliqué d’un patient, une agence régionale de l’hospitalisation (ARH) « a déclenché une enquête administrative dans laquelle le référentiel EPP “Tenue du dossier d’anesthésie” été utilisé pour émettre des appréciations ». Il a été reproché à l’anesthésiste de ne pas avoir effectué une consultation préopératoire conforme en tous points au référentiel. Un staff et une revue de morbi-mortalité (RMM) insuffisants ont aussi été utilisés pour mettre en cause le praticien. Le référentiel, établi dans le cadre d’une démarche qualité, a donc servi de pièce à charge dans une enquête administrative.

Marc Dahlet explique que ce n’est pas la première fois que la Haute Autorité de santé (HAS) ou une autre institution est tentée d’utiliser les documents de travail relatifs à l’EPP comme des recommandations, voire même des références réglementaires. Il rappelle que, pour lui et les professionnels qui les rédigent, les documents de démarche qualité (référentiels EPP, méthodes d’audit, RMM, etc.) ne sont pas opposables et ne doivent pas être confondus avec des règlements. Des « utilisations à contre-sens » de ces documents pourraient, selon lui, « enrayer très rapidement le système de démarche qualité si elles se multiplient ».

Ce que semble malheureusement oublier ce médecin, c’est que les recommandations de la HAS n’ont pas été présentées à leurs auteurs comme pouvant devenir opposables aux praticiens. Le terme même de “recommandations” laissait penser que cela ne serait jamais le cas, jusqu’à ce que le Conseil d’État en décide autrement. Fort de cette expérience, il est facile de comprendre que les institutions tentent de renouveler l’expérience. D’autant que le fait que les recommandations soient devenues opposables n’a en rien enrayé la volonté de nombreux praticiens de participer à la rédaction de ces nouvelles contraintes. Les auteurs de référentiels, médecins ou autres professionnels de santé, doivent être conscients, lorsqu’ils participent à l’élaboration de référentiels, de manuels, de protocoles ou d’autres documents de ce type, qu’il se pourrait que des juges ou des conseillers d’État ne voient pas ces documents comme de simples aides, mais bien comme des pièces à charge, car tout peut être bon pour indemniser une victime…