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La médecine de proximité du futur

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Chercher sur une carteComme prévu, le président de la République, quelques jours après la remise du rapport d’Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité, est allé participer à une table ronde dans le Calvados à ce sujet. Animée par le député Claude Leteurtre, ces échanges ont permis au chef de l’État de répondre aux questions d’un jeune médecin généraliste tout juste diplômé, d’une infirmière libérale ayant occupé des fonctions syndicales, d’un médecin de famille plein d’esprit et d’une mère de famille, usager du système de santé comme il en existe des millions. Parfaitement mise en scène, cette réunion qui n’avait rien de spontané a permis de dresser la feuille de route des mesures que le Président entend demander à son gouvernement de prendre dans les semaines qui viennent.

C’est très clairement le rapport d’Élisabeth Hubert qui va servir de base à l’évolution de la médecine de proximité et tout doit aller très vite. Une loi devrait être votée avant la fin du premier trimestre 2011 dans ce domaine. Même si le temps de la concertation n’est pas terminé, il touche à sa fin. Pour que le calendrier soit tenu, les premières décisions vont être prises dans les semaines qui viennent.
À écouter le chef de l’État, la médecine de proximité semble se résumer à deux acteurs : le médecin généraliste et l’hôpital. L’un et l’autre se raréfiant dans les campagnes ou des les banlieues, pour des raisons souvent très différentes, on comprend facilement qu’il faille réagir, mais pourquoi ce silence sur les autres spécialistes de proximité ? Alors que l’ordre des médecins et la justice tendent à relativiser la notion d’omnipraticien pour optimiser la qualité des soins offerts aux patients, le pouvoir politique semble au contraire accorder toutes les vertus au généraliste omniscient. Il est vrai qu’après le couac de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1), mieux vaut brosser les spécialistes en médecine générale dans le sens du poil et ce n’est sans doute pas un hasard si la question de leur rémunération a été au centre des débats.

Si le président de la République a insisté sur le fait que le paiement à l’acte ne serait pas abandonné, il a montré sa volonté de voir les choses évoluer en matière de rémunération des professionnels de santé et tout particulièrement des praticiens. En plus de l’apparition de forfaits, il est question d’indemniser le travail qui est considéré comme une mission de service public. Pour Nicolas Sarkozy, une consultation de diagnostic ne devrait pas être payée de la même façon qu’une consultation visant à renouveler un traitement. Autre exemple : le temps consacré à des actes de prévention devrait être pris en compte dans la rémunération. Pour le président, les tarifs ne devraient plus être négociés tous les cinq ans à l’occasion de la reconduction de la convention entre les praticiens et l’assurance-maladie, mais évoluer au fil du temps. Les modalités d’une telle évolution restent néanmoins très floues, ce qui a de quoi inquiéter les médecins, d’autant que le chef de l’État reconnaît qu’ils sont habitués à entendre de belles paroles venant des politiques.

Le sujet de la formation des étudiants en médecine a aussi été abordé. Elle va être réformée pour faire une place plus grande aux stages chez le généraliste libéral. À cette occasion, les externes et les internes devraient avoir la possibilité de retrouver un peu d’humanité, selon le président de la République. Cela devrait aussi leur offrir la possibilité de se familiariser avec les nombreux formulaires et tâches administratives qui prennent près de 30 % du temps de travail des médecins de proximité et de beaucoup d’autres. À ce propos, le Président a annoncé qu’il avait chargé le ministre de la santé, Xavier Bertrand, de mettre en place avant la fin de l’année une « instance permanente de simplification » entre les représentants des médecins libéraux, l’assurance-maladie et l’État. Pour Nicolas Sarkozy, cette “paperasserie” est due à la solvabilisation de la clientèle des praticiens par l’assurance-maladie, à l’image de celle dont souffrent les agriculteurs depuis que des systèmes de subventions leur ont été proposés. Malgré tout, les premiers formulaires “inutiles” devraient disparaître début 2011.

Dernier point abordé ici : la délégation des actes de soins qui devrait être encouragée dans les semaines qui viennent pour répondre à la forte demande des professionnels paramédicaux. La notion de décret de compétences va vraisemblablement disparaître à l’occasion de la loi qui devrait être votée début 2011. Il est aussi question d’envisager qu’un professionnel libéral puisse travailler sous la responsabilité d’un autre libéral et de mettre en place une nouvelle entité juridique pour favoriser l’éclosion des maisons pluridisciplinaires. La volonté de faire réaliser des consultations par du personnel paramédical est nette. Que les paramédicaux libéraux n’aient pas plus envie que les médecins de s’installer dans des zones où règnent l’insécurité ou qui sont désertées par les services publics importe peu ; que des pans entiers de leur formation soient à revoir pour répondre aux nouvelles missions qu’on souhaite leur confier, pas plus. Que la qualité des soins puisse en pâtir, toujours aucune importance. Il est juste question d’utiliser le problème de la démographie médicale pour réaliser des économies de santé sur le tarif des actes remboursés… Et n’y a-t-il pas un petit côté démagogique à entendre le chef de l’État dire qu’il souhaite un pays où tout le monde est tiré vers le haut, où les aides-soignantes peuvent devenir infirmières, où les infirmières peuvent devenir médecins, où les médecins généralistes sont devenus des spécialistes en médecine générale ? Un discours similaire a celui de la directrice générale de l’organisation des soins à l’occasion d’une journée sur les protocoles de coopération entre professionnels de santé. Une remarque s’impose : s’il est question de tirer vers le haut les paramédicaux et les généralistes, il n’est jamais fait état d’offrir des possibilités de progression aux médecins des autres spécialités. Il est plus souvent envisagé des mesures visant à restreindre leurs prérogatives ou à leur imposer de nouvelles contraintes…

Plus qu’une médecine de proximité, c’est une santé de proximité qui semble se profiler. Si médecin est encore le métier qui a le plus de prestige aux yeux des Français, comme l’a rappelé Nicolas Sarkozy, il n’est pas évident qu’avec les réformes qui s’enchaînent, il le reste dans les années à venir. Certains préféreraient sans doute d’ailleurs lui voir se substituer le métier d’avocat…

 

Extrait de la table ronde organisée à Orbec (14) sur la médecine de proximité
à l’occasion de la visite du chef de l’État, le 1er décembre 2010

Intervention du Dr Stephanie, spécialiste en médecine générale, médecin de famille

L’intégralité de la vidéo peut être visualisée sur le site de l’Élysée.

La semaine de la médecine de proximité

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Médecin de proximitéC’est par une visite du Chef de l’État, le 1er décembre 2010, dans un « pôle de santé libéral et ambulatoire » du Calvados que cette semaine politique de la médecine de proximité va arriver à son terme. Une table ronde sur le sujet au cours de laquelle les conditions d’exercice des métiers de la santé, les difficultés posées par la démographie médicale en zone rurale et l’exigence d’accès aux soins seront notamment abordées.

Cette semaine de la médecine de proximité a commencé le 23 novembre 2010 au 93e congrès des maires de France, durant lequel Nicolas Sarkozy a abordé le thème de la santé à plusieurs reprises. Il a tout d’abord rappelé qu’il avait constaté à son arrivée à la tête de l’État que 69 % des hôpitaux étaient en déficit et que, malgré le mécontentement que pouvait engendrer la fermeture de tels établissements de proximité, il n’y avait d’autre solution que de fermer des établissements. L’excuse de la sécurité des patients n’a pas servi, cette fois, à masquer la principale raison qui explique la disparition de maternités ou de services de chirurgie de proximité : l’aspect économique. Dans un pays dont la dette représente 90 % du PIB, comme serait-il possible d’ignorer une telle donnée ?
Sur le plan de la démographie médicale, le Président a dit qu’il ne comprenait la situation actuelle : « Il n’y a jamais eu autant de médecins dans notre pays, 210 000, et en même temps, on a des régions entières, même pas des départements, qui ont une démographie médicale désertifiée avec certains quartiers de nos villes qui ont une hypertrophie de la représentation médicale. J’ajoute que dans les spécialités, tout le monde va vers les spécialités où il n’y a pas de gardes et on n’a plus de médecins anesthésistes, plus d’obstétriciens et on a beaucoup de difficultés à trouver un certain nombre de spécialités. Là encore, l’État doit vous [les maires de France, NDLR] aider à installer durablement des professionnels de la santé. Nous allons complètement repenser le statut des médecins, repenser leurs rémunérations. La rémunération à l’acte doit rester la base, mais elle n’est pas suffisante. Eux aussi, il faut leur libérer du temps pour des actes médicaux et non pas pour remplir quantité de formulaires qui, par ailleurs, ne servent à rien. Je crois également qu’il faut aller plus loin dans le financement des études des jeunes internes qui s’engageront en échange du fait que l’État ait payé leurs études à s’implanter dans des régions et des départements où il n’y a pas de médecins, sinon on ne va pas pouvoir s’en sortir. »
Des propos qui semblaient montrer que le Chef de l’État avait déjà des idées précises de sa future politique en matière de médecine de proximité trois jours avant qu’Élisabeth Hubert ne lui remette le rapport de la mission qu’il lui avait confié sur le sujet.

Ce n’est que le 26 novembre 2010 que l’ancien ministre Élisabeth Hubert a remis son rapport quant à sa mission de concertation sur la médecine de proximité. Elle y propose de revoir en profondeur la formation des futurs médecins. « En ce qui concerne, en premier lieu, le second cycle des études médicales, il convient de présenter précocement aux étudiants toute la diversité de la pratique médicale, de mettre en œuvre dans toutes les facultés de vrais stages d’initiation à la médecine générale, de faire effectuer aux étudiants des stages hors des CHU, de leur faire découvrir l’activité des autres professions de santé et ainsi faire l’apprentissage du partage des compétences, de modifier les modalités des épreuves classantes nationales. L’internat en médecine générale doit lui aussi être sensiblement modifié en augmentant le nombre de stages effectués chez le médecin généraliste, en créant une année complémentaire de “séniorisation” en formant les internes en médecine générale aux particularités de l’exercice libéral et à la gestion d’un cabinet médical.
Dans le même temps, il est urgent de procéder aux nominations de professeurs de cette spécialité en fonction du rythme prévu par la loi HPST, de rendre attractif le statut de chefs de clinique de médecine générale, de recruter en nombre suffisant les maîtres de stage pour encadrer les étudiants et internes en médecine générale et pour cela, d’améliorer l’attrait de cette fonction.
Mais les réalités du XXIe siècle justifient, aux yeux de la mission, deux autres changements qui seraient, il est vrai, vécus comme une réelle révolution : réduire la durée des études de médecine avant l’internat de 6 à 5 ans et dissocier la fonction d’enseignant de celle de praticien hospitalier. »
Élisabeth Hubert insiste ensuite sur la nécessité de développer la télémédecine et de la mettre au service des patients et des praticiens. Selon elle, « il faut rompre avec le développement anarchique et non coordonné des systèmes d’information aboutissant au fait que, sur un territoire de santé, les politiques d’informatisation sont conçues sans recherche d’interopérabilité entre elles » et que « les informations recueillies doivent servir la santé de chaque patient, permettre de mieux piloter le système de santé et réduire les tâches administratives des praticiens. Ceci impose de lever les obstacles juridiques au développement de la télémédecine, d’en clarifier les conditions de facturation et de faire en sorte que le traitement des données de santé soit réalisé de manière professionnelle. »

Accélérer les protocoles de coopération entre professionnels de santé et par là même le transfert des actes de soins est un autre axe de proposition d’Élisabeth Hubert, tout comme les regroupements pluridisciplinaires.
Allant dans le sens de ce qu’évoquait quelques jours plus tôt le président de la République, il est question dans ce rapport d’envisager « une refonte totale du système de rémunération des professionnels de santé et en particulier des médecins […] Il n’est plus possible de payer le même prix pour une consultation quelles qu’en soient la complexité et la durée. La grille tarifaire doit donc tenir compte de cette variabilité. Les situations, éminemment complexes, qui imposent l’intervention coordonnée de plusieurs professionnels et des réunions de concertations, seraient quant à elles rétribuées sous la forme de forfaits selon des modalités s’inspirant de la tarification à l’activité telle qu’utilisée en hospitalisation à domicile. Une clarification du régime social et fiscal de ces sommes forfaitaires devra être opérée, leur assimilation aux honoraires conventionnels apparaissant le système le plus simple et le moins pénalisant pour les professionnels.
Par ailleurs, les surcoûts engendrés par les formes d’exercices regroupés, tant dans les MSP que dans les Pôles de Santé, doivent faire l’objet d’un financement spécifique, pérenne compte tenu de l’enjeu organisationnel qu’elles représentent. »

Alors que pour de nombreux médecins, la mission d’Élisabeth Hubert représentait une lueur d’espoir quant à leur malaise vis-à-vis de l’assurance-maladie et des contraintes chaque jour plus fortes qu’elle leur impose, la lecture du rapport devrait très vite les ramener à la réalité : « L’État, garant du bon fonctionnement du système et non gérant du quotidien, doit être seul investi de la décision politique. Cela impose que les organismes payeurs soient, eux, les vrais maitres d’œuvre d’une politique conventionnelle dont les contours et le contenu sont à redéfinir. Quant aux Agences régionales de santé, créées par la loi HPST, il importe d’en renforcer le rôle. »

D’autres propositions viennent s’ajouter aux précédentes, comme celle d’ouvrir les maisons de santé et les pôles de santé pluriprofessionnels en soirée pour désengorger les services d’urgence à l’hôpital. Il est aussi question « d’améliorer la couverture maternité des médecins libéraux exerçant en secteur 1 » et d’« appeler toutes les parties concernées par le sujet de l’assurance vieillesse à prendre leur responsabilité, l’état catastrophique de ce régime faisant peser de lourdes craintes sur les retraites des médecins. »
« La mission s’est aussi penchée sur deux autres objets d’interrogations : le développement professionnel continu (DPC) et la responsabilité civile professionnelle. Il convient de dépassionner ce dernier sujet pour les médecins généralistes au regard du faible nombre de plaintes enregistrées et du montant inchangé des primes d’assurance. Quant au DPC, plus que de réglementations multiples c’est d’autonomie dont ont besoin les professionnels de santé, la confiance et l’évaluation devant désormais être les piliers des relations instituées. »

Dernier point, fondamental celui-là à la veille de la fin de cette semaine de la médecine de proximité : que faut-il entendre par “proximité” ? « Proximité, ne signifie pas disposer à sa porte. Accéder à l’issue d’un trajet de 20 minutes à un lieu où puissent être pratiqués interrogatoire, examen clinique et prescriptions, apparait raisonnable. » Mais que les patients se rassurent, quoiqu’il arrive le rapport parle de la mise en place « des moyens de transport pour se rendre chez le médecin le plus proche »…

La Cs pour les médecins généralistes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un euro de plus pour les généralistesAprès le “non” de la Cour de cassation à la possibilité pour les médecins généralistes de coter Cs (consultation spécialisée), il y a quelques jours, le chef de l’État a dit “oui” le 16 avril 2010. En visite à Livry-Gargan, dans une maison médicale représentant une nouvelle médecine de proximité que Nicolas Sarkozy appelle de ses voeux, le président de la République a annoncé que « la consultation C passera de 22 à 23 euros à la fin de l’année. La décision est prise. D’autre part, les médecins généralistes qui ont été reconnus par leur Ordre comme spécialiste, pourront coter CS s’ils sont spécialistes et reconnus comme tels. Il n’y a aucune raison qu’ils ne puissent pas coter comme des spécialistes. »

Des précisions ont été apportées dans la soirée sur le site de la présidence de la République quant à la mise en oeuvre de cette mesure. C’est à partir du 1er janvier 2011 qu’elle devrait être effective. Elle est prévue au règlement arbitral, prévu pour se substituer à la convention entre les médecins et l’Assurance-maladie en raison de l’échec des négociations sur sa reconduction, qui sera remis au ministre de la santé le 20 avril 2010. Début 2011, les généralistes pourront donc inscrire C ou Cs sur les feuilles de soins à leur convenance, les 23 euros s’appliquant à l’une ou l’autre de ces lettres-clé.

Dans le même temps, Nicolas Sarkozy a missionné Élisabeth Hubert pour une concertation sur la médecine de proximité. Selon les services de l’Élysée, « la concertation poursuit trois objectifs. Le premier objectif est de donner un nouvel élan au dialogue avec les médecins. Il y a plus de 210 000 médecins en France. Il est nécessaire et souhaitable d’être à leur écoute, de nouer un dialogue permanent avec eux. Le second objectif est de permettre à tout le monde de s’exprimer : aux syndicats de médecins, mais aussi aux médecins sur le terrain, qui vivent la médecine de proximité au quotidien, aux autres professions de santé qui coopèrent avec les médecins ainsi qu’aux élus et aux patients. Le troisième objectif est de faire des propositions modifiant l’exercice libéral, apportant des réponses concrètes aux évolutions structurelles que connaît la médecine ambulatoire depuis de nombreuses années. » Il est intéressant de noter que « le rapport de la mission Legmann sera versé aux débats de la concertation sur la médecine de proximité » et que la réforme de la médecine libérale passe donc au second plan.

En procédant ainsi, le président de la République se dispense d’une revalorisation de la Cs en elle-même et se contente de régulariser une situation qui n’avait que trop duré depuis la reconnaissance de la médecine générale comme une spécialité, selon plusieurs syndicats de praticiens.

Une nouvelle mission pour la médecine de proximité

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Vers une réforme de la médecine de proximitéCe n’est que quelques semaines après avoir confié au président du conseil national de l’ordre des médecins une mission sur les possibles évolutions de la médecine libérale que le chef de l’État a annoncé avoir décidé d’en confier une autre à Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité. Pour Nicolas Sarkozy, en déplacement dans une maison médicale à Livry-Gargan en Seine-Saint-Denis, à douze kilomètres au nord-est de Paris, lieu même où ont commencé les émeutes urbaines de novembre 2005, et justement au lendemain de la parution des Atlas régionaux de la démographie médicale, « il n’est pas acceptable qu’il y ait des quartiers à sur-densité médicale et des départements entiers à sous-densité médicale ». « Dans un département comme le département de la Seine-Saint-Denis, en 10 ans il y a eu 300 médecins généralistes de moins », et le président de la République de vouloir « apporter des réponses structurelles au malaise de la médecine de proximité ». Il faut dire que la Seine-Saint-Denis n’est plus le havre de paix où aimait venir se reposer Madame de Sévigné…

Choix politique, c’est donc à l’ancien ministre de la santé du premier gouvernement d’Alain Juppé, Élisabeth Hubert, en poste au moment de la fameuse réforme de la Sécurité sociale à coups d’ordonnances, médecin de formation et ancien directeur des Laboratoires Fournier, que le chef de l’État a choisi de s’en remettre pour brosser le tableau de ce qui pourrait bien être la fin de la liberté d’installation. L’enjeu : imposer aux jeunes (et aux moins jeunes) médecins un exercice dans les banlieues, plus encore que dans les campagnes. Appelée de leurs voeux par de nombreux praticiens installés de longue date et proches de la retraite, qui voient là un moyen de valoriser leur cabinet en se moquant bien de l’avenir de leurs jeunes confrères tout juste bon à courber l’échine pour pallier l’incurie de leurs aînés, la suppression de la liberté d’installation ne devrait pas être trop difficile à mettre en musique. Même si le Chef de l’État parle des dégâts causés par le numerus clausus et d’une réforme de la formation des médecins, c’est bien d’un des piliers du système de santé actuel dont il est question et d’une liberté de plus que l’on aimerait voir disparaître.

Cette mission « va s’étaler entre le mois de mai et le mois de septembre » et devra « proposer des mesures structurelles de façon à ce qu’il y ait à nouveau des jeunes qui souhaitent épouser la carrière de généraliste ».

Qu’en sera-t-il vraiment ? Il s’agit d’un thème politique récurrent, médiatiquement porteur et relancé chaque année quelques jours après la parution de l’Atlas de la démographie médicale par le conseil national de l’ordre des médecins. La crise de la médecine libérale est profonde et l’on voit que l’on cherche habilement à la dissocier de celle de la médecine de proximité. Reste à voir comment il sera possible d’imposer à des étudiants, au terme de leur long apprentissage durant lequel ils font déjà de nombreux sacrifices, d’aller s’installer dans des banlieues censées devoir être nettoyées « au kärcher » depuis quelques années, sans les détourner un peu plus de l’exercice libéral…

Les médecins généralistes autorisés à vacciner contre la grippe A(H1N1) à leur cabinet sous conditions

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Vaccin contre la grippe et questions au gouvernementC’est à l’Assemblée nationale, le 17 novembre 2009, lors de la séance des questions au gouvernement, que Roselyne Bachelot, ministre de la santé, répondant à une interrogation du député Élie Aboud, a annoncé que les praticiens spécialisés en médecine générale pourraient peut-être, s’ils démontrent leur capacité à le faire, vacciner contre la grippe A(H1N1) dans certains cabinets libéraux. Il faudra néanmoins attendre le mois de décembre pour que cette mesure soit effective.

La question de l’élu de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) de l’Hérault était ainsi formulée :

« La campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) a débuté dans les établissements de santé le 20 octobre. Puis elle s’est élargie avec l’ouverture le 12 novembre de plus de mille centres qui accueillent en métropole et dans les territoires d’outre-mer les personnes les plus exposées et les plus vulnérables.
Cette campagne de vaccination, d’une ampleur inégalée, est une chance, pour chacun d’entre nous, car elle a débuté avant que l’épidémie ne survienne. Les derniers éléments tendent à montrer que le virus poursuit très rapidement sa progression. Près de deux cents cas graves ont été dénombrés à ce jour. La découverte de nouveaux cas en milieu scolaire oblige à fermer cinquante et un établissements. Seize académies sont d’ores et déjà touchées. L’organisation retenue est celle d’une vaccination non obligatoire, sans avance de frais, et pour la très grande majorité de nos concitoyens en centre de vaccination.
Madame la ministre, depuis quelques jours, dans le milieu médical, surtout chez nos amis et collègues médecins généralistes, nous entendons que cette organisation ne serait pas la bonne, en tout cas ne serait pas la meilleure, et qu’une vaccination en cabinet de ville aurait été plus adaptée.
Madame la ministre, vous le savez comme moi, l’adhésion de l’ensemble du monde soignant est absolument indispensable à la formation d’un bouclier devant ce fléau sanitaire potentiel. Face à la complexité, face à la gravité de ce sujet, comment faire pour mutualiser au mieux nos moyens ? »

La réponse de la ministre de la santé :

« […] D’abord, je veux redire ma confiance dans les capacités professionnelles des médecins généralistes qui sont évidemment tout à fait aptes à faire une vaccination antigrippale dans leur cabinet. Ce n’est pas la compétence des médecins qui est en jeu. Je n’ai aucune méfiance vis-à-vis d’eux. C’est simplement une question de logistique, parce que ce vaccin présente un certain nombre de caractéristiques. D’abord, il sera livré sur une période de quatre mois qui nous impose un ordre de priorité. Ensuite, il est livré en flacons multidoses, destinés à vacciner dix personnes. Il doit être conservé dans des conditions de froid bien précises, comme tous les vaccins, et une fois le flacon entamé, il doit être utilisé dans les vingt-quatre heures. À partir de ces déterminants, vous comprenez pourquoi la vaccination n’est possible que dans des centres dédiés. C’est tout à fait compréhensible. Comment livrer, puisque l’on ne peut pas aller acheter ce flacon chez son pharmacien individuellement ? Comment, évidemment, cinquante mille cabinets de médecins généralistes avec des moyens logistiques que je n’ai pas ? Comment s’assurer des bonnes conditions de conservation ? Une fois un flacon entamé, si le médecin ne s’en sert pas, il devra le jeter, s’il ne travaille pas, par exemple, le lendemain. À partir de là, la seule organisation vaccinale possible était celle d’une organisation collective. Nous en avons discuté avec les médecins. Ils en étaient d’ailleurs tout à fait convaincus. Alors maintenant, et c’est leur rôle, il faut rester mobiliser pour traiter les malades qui sont atteints par la grippe. Ils doivent garder leur capacité de mobilisation, convaincre leurs patients qu’ils doivent se faire vacciner et nous pourrions, dans des conditions ciblées, en décembre, étendre la vaccination à certains cabinets libéraux. Maintenant, la balle est dans leur camp pour nous montrer qu’ils en ont la possibilité. »

Cet échange, entre deux élus du même mouvement politique, devant les caméras de l’Assemblée nationale reflète-t-il réellement le désir d’une majorité de médecins généralistes et une confiance retrouvée des professionnels de santé à l’égard du vaccin contre la grippe A(H1N1) ? Rien n’est moins certain, même si c’est l’impression que l’on cherche à donner.
Alors que ce vaccin est présenté comme une forme un peu différente du produit utilisé contre la grippe saisonnière, on peut s’étonner que sa distribution et son administration posent autant de problèmes logistiques. Entre le moment où le vaccin a été acheté et celui où il est livré, il est étonnant que les pouvoirs publics n’aient pas pu organiser sa distribution auprès des pharmacies, au moins pour qu’ils puissent y être achetés par les médecins libéraux (généralistes, pédiatres, gériatres, etc.) Réquisitionner les professionnels de santé ne pose aucun problème, pourquoi en serait-il autrement des moyens logistiques ?
L’éventualité d’une vaccination en cabinet est soumise à conditions. Tous les cabinets ne pourront pas la proposer. Voilà le meilleur moyen pour diviser un peu plus une profession qui n’a de cesse de se déchirer. À moins que ce ne soit pour se ménager la possibilité de mettre ces conditions en avant si le nombre de cabinets souhaitant diffuser le vaccin s’avérait être aussi faible que le nombre de personnes qui se présentent auprès des centres de vaccination actuels. Cela pourrait être enfin un bon moyen d’éviter au gouvernement de porter seul la responsabilité de l’échec d’une campagne de vaccination auxquels les citoyens n’adhèrent pas, malgré une campagne médiatique sans précédent pour un vaccin.

Une très grande partie des Français n’a pas confiance en ce vaccin, tout comme un nombre important de professionnels de santé. Il n’est pas certain que ces nouvelles manoeuvres suffiront à faire oublier à cette majorité de citoyens les doutes légitimes qui pèsent sur un produit aussi controversé.

 

Mise à jour, le 18 novembre 2009, 20:40

Interrogée au cours du journal télévisé de 20 heures sur France 2, ce 18 novembre 2009, Roselyne Bachelot, ministre de la santé, a déclaré que ce n’est qu’en 2010 que pourrait intervenir une vaccination dans les cabinets libéraux, si elle intervient…

Mise à jour, le 19 novembre 2009, 18:00

Invitée par Christophe Barbier sur LCI, Roselyne Bachelot déclare « […] quand nous aurons procédé à la vaccination de la population [dans les centres actuels, NDLR], nous étudions la possibilité avec les médecins, dans une deuxième phase, au printemps, qu’ils puissent continuer la vaccination dans leur cabinet. »