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La Corse n’oubliera pas Tchernobyl

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Nuage corsePas question pour l’Assemblée de Corse d’oublier la catastrophe de Tchernobyl et de faire comme-ci le nuage de particules radioactives, qui a survolé l’Île de beauté en faisant d’elle l’une des régions occidentales parmi les plus exposées, en avril et mai 1986, n’avait pas eu de conséquences sur la santé de ses habitants sans en avoir des preuves scientifiques impartiales.

C’est ce qui ressort d’une motion adoptée par la collectivité territoriale de Corse à l’occasion de sa 2e session ordinaire, réunie les 6 et 7 octobre 2011. Cette motion avec « demande d’examen prioritaire » a été déposée par la Commission “Tchernobyl” à la suite de la décision de non-lieu de la cour d’appel de Paris, le 7 septembre 2011 concernant l’unique volet judiciaire de ce qui est, pour beaucoup, un scandale sanitaire de plus.

Pour l’Assemblée de Corse, la décision de la cour d’appel de Paris a été prononcée « alors même que l’on demeure dans l’attente des résultats de deux démarches de nature scientifique visant à établir la vérité : d’une part l’expertise ordonnée par le juge d’instruction, et d’autre part l’enquête épidémiologique diligentée à l’initiative de » cette même assemblée. « À travers cette demande de non-lieu, on a voulu manifestement imposer une vérité judiciaire au moment où la vérité scientifique était à portée de main ».

Les élus corses s’accordent à dire que « les informations déjà acquises – à travers notamment un premier rapport divulgué il y a peu – cette vérité scientifique semble aller dans un sens diamétralement opposé à celui emprunté par la cour d’appel de Paris ». Pour eux, il s’agit là d’une démarche politique et non d’une démarche judiciaire dont ils remettent en cause l’indépendance dans cette affaire. Ils entendent dénoncer cette situation lors d’une conférence de presse “internationale” qui devrait se tenir prochainement dans la capitale.

Dans le même temps, l’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité le rapport du président de son conseil exécutif relatif au « financement de l’enquête épidémiologique relative aux conséquences du passage du nuage radioactif de Tchernobyl en Corse ». Ce rapport explique les motivations à l’origine de cette enquête épidémiologique, la principale étant « la carence des réponses des autorités publiques au moment des faits, que ce soit dans l’information et la mise en œuvre de contre-mesures, conjuguées à l’insuffisance des enquêtes chargées d’établir le niveau de contamination et son impact pathologique, ont contribué à générer doutes et inquiétudes au sein de la population. »

400 000 euros ont été débloqués pour financer une enquête « destinée à apporter un éclairage objectif et précis sur l’impact sanitaire de cette catastrophe nucléaire dans l’île et confiée à un organisme indépendant par appel d’offres européen. » Elle a quatre objectifs principaux : analyser la prévalence des pathologies thyroïdiennes survenues dans la période postérieure au passage du nuage radioactif ; évaluer l’impact de ce nuage sur la catégorie la plus vulnérable, les enfants âgés de moins de six ans au moment des faits ; définir et mettre en œuvre un registre des cancers ; étudier des facteurs spécifiques de vulnérabilité tels que le statut tabagique et la carence en iode de la population.

On n’a jamais autant parlé d’un nuage sous le soleil corse.

Une France sans nuage

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Nuage radioactifLes frontières naturelles ou politiques de notre territoire n’ont pas empêché les légions romaines, les Huns ou les Vikings de fouler nos verts pâturages. La ligne Maginot, elle-même, n’a pas réussi à repousser l’envahisseur teuton. Mais en 1986, un gouvernement a réussi à interdire l’entrée du territoire à un nuage radioactif venant de Tchernobyl ! Il aura suffi de quelques décisions dans les salons feutrés de la République pour que cette page de l’Histoire de la France soit écrite. Les salades, les champignons, le lait français n’ont pas été contaminés par les retombées, évitant aux forces vives de l’agriculture et du commerce nationales quelques mois sans profits. Des élus courageux ont su dire “non” à ce nuage sournois qui avait réussi à faire interdire la consommation de ces produits dans les pays voisins de l’Hexagone au nom de la santé publique. Il y a quelques siècles, ce phénomène aurait été qualifié de miracle et les décideurs sanctifiés, mais, de nos jours, il n’est question que de la gestion responsable d’un nuage de particules radioactives francophobes que les autorités ont menée avec brio…

Le grand public découvrait à peine Internet quand, le 26 avril 1986, le réacteur flambant neuf d’une centrale nucléaire ukrainienne partit en fumée. Pas de réseaux sociaux, pas d’accès à des sources d’information indépendantes, seuls les journaux télévisés de deux grandes chaînes de l’époque (le 19/20 de FR3 n’a commencé que le 6 mai 1986) et les grands quotidiens, habitués à taire grands et petits secrets d’État, étaient là pour apporter la bonne parole à une population naturellement inquiète. Les fidèles de la grand-messe du 20 heures ne pouvaient pas douter du professionnalisme de journalistes tels que Marie-France Cubadda ou Jean-Claude Bourret pour TF1, Bernard Rapp ou Claude Sérillon pour Antenne 2, sur les plateaux desquels les experts gouvernementaux se succédaient pour expliquer que tout allait bien.

Dans un pays dont les dirigeants successifs avaient fait le choix du nucléaire et souhaitaient vendre sa technologie, pas question de penser que cette énergie pouvait comporter des risques pour le territoire national. D’autant plus que la France n’était (et n’est toujours) pas un pays où l’on pouvait imaginer que des malfaçons touchent une centrale nucléaire, comme c’était le cas pour la centrale de Tchernobyl. Impossible aussi de croire qu’une série d’erreurs humaines puissent entraîner la destruction de toutes les coques de protection mises en place et que la santé de tout un chacun puisse être menacée à 2000 kilomètres du lieu d’une telle catastrophe alors que la centrale la plus proche de Paris ne s’en situe qu’à quelques dizaines de kilomètres. Tout cela ne pouvait arriver (n’arrive et n’arrivera) qu’aux autres. C’est ce que se sont sans doute dit, en toute bonne foi, les ministres de l’époque.

D’ailleurs, la cour d’appel de Paris vient de leur donner raison. C’est en toute logique qu’elle a prononcé un non-lieu, le 7 septembre 2011, dans la seule affaire dans laquelle ce fameux nuage faisait de l’ombre au seul responsable poursuivi : le professeur Pierre Pellerin, 88 ans, ancien responsable du service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI). Un homme courageux qui a dû se rendre au tribunal n’ayant pas la chance de pouvoir rester chez lui faute d’être atteint d’anosognosie, mieux conservé en cela que le premier ministre de l’époque, Jacques Chirac, à qui l’on reprochait d’avoir dit que les retombées radioactives épargnaient la France. Il n’est pas nécessaire de poursuivre une enquête qui n’aboutira à rien puisque les analyses scientifiques, en France, ne permettent pas d’établir un lien entre le passage du nuage radioactif et des maladies de la thyroïde, comme le soulignaient les recommandations du Parquet.
Face à une telle injustice, ne faut-il pas conseiller au professeur Pellerin de porter plainte à l’encontre de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui en 2006 a publié des cartes montrant les zones du territoire national les plus exposées aux retombées de césium 137 ? Ne faut-il pas encourager ce scientifique à traîner en justice l’endocrinologue corse qui a osé suggérer une augmentation du nombre de cas de pathologies de la thyroïde après 1986 sur l’île de Beauté, particulièrement touchée ? Tout comme les laboratoires Servier ont réussi à faire condamner l’éditeur du Docteur Irène Frachon pour la couverture du livre dans lequel elle dénonçait le scandale du Mediator, Pierre Pellerin pourrait sans doute obtenir justice…

Mais en attendant, il faut rendre hommage aux hommes et aux femmes qui géraient les affaires de la France à cette époque, car ils ont su faire preuve de sang-froid face à ce nuage s’échappant d’un brasier atomique. Il est important de citer quelques-uns de ses élus que l’on ne remercie pas assez souvent : François Mitterand, alors président de la République ; Jacques Chirac, premier ministre, comme cela a déjà été dit ; Michèle Barzach, ministre de la santé ; Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur et bien d’autres ministres ou secrétaires d’État, comme Alain Juppé, Michèle Alliot-Marie, Gérard Longuet, André Santini et tous les autres.

Il faut se réjouir que, dans cette affaire, il n’y ait aucun responsable et aucun coupable, juste des “présumées” victimes. Il est vrai qu’après l’affaire du sang contaminé et de ses « responsables, mais pas coupables », qui avait touché le gouvernement sortant (celui de Laurent Fabius, auquel appartenaient Georgina Dufoix et Edmond Hervé), une nouvelle mise en cause du pouvoir politique aurait été des plus malvenue. Elle n’aurait pas empêché les uns et les autres de poursuivre leur carrière au plus haut niveau, mais elle aurait pu entamer la confiance sans faille qu’ont les citoyens en leurs dirigeants.

Quelles leçons tirer de ce passé ?
Les accidents nucléaires ne peuvent survenir qu’à des milliers de kilomètres de la métropole, l’accident de Fukushima en est la preuve.
Les techniciens français, dont la compétence est reconnue dans le monde entier, sont à l’abri de toute erreur humaine.
Si les autorités japonaises ont été assez naïves pour croire d’une seule coque pouvait permettre de confiner un réacteur, les autorités françaises ne font pas la même erreur. Les centrales françaises sont à double coque et leurs systèmes de sécurité sont à toute épreuve. Les experts sont formels sur ce point, aussi sûrs d’eux que l’était le professeur Pellerin quand il parlait des retombées radioactives.
C’est uniquement grâce à l’efficacité du formidable système de santé français que le nombre de cancers de la thyroïde a augmenté après 1986. Pour les experts de l’Institut national de veille sanitaire (InVS), établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé qui a conseillé le gouvernement au moment de la grippe H1N1, c’est l’évolution des pratiques médicales qui a permis un meilleur dépistage de cette pathologie à l’origine de cette augmentation.
La justice française est des mieux armée et totalement indépendante pour gérer les affaires qui touchent à la santé publique, surtout lorsqu’elles s’accompagnent d’un volet politique.
Il n’y a pas eu de victimes de la catastrophe de Tchernobyl dans l’Hexagone grâce à des décisions gouvernementales, aussi discrètes que courageuses.

Douce France…

L’État et les cigarettes radioactives

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Fumer tueCe n’est qu’en 1995 que la Société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (Seita) a été privatisée. Or, Monique E. Muggli, membre du programme de recherche sur la nicotine, travaillant pour la prestigieuse Mayo Clinic à Rochester aux États-Unis, vient de démontrer que les plus grands fabricants de cigarettes sont conscients que le tabac contient du Polonium 210 depuis la fin des années 60. Que le tabac contienne des produits dangereux pour la santé n’est pas un scoop, mais ce que révèle cette étude, c’est que les grands groupes cigarettiers ont tout fait, sur les conseils de leurs avocats, pour cacher la présence du polonium 210 au sein de leurs productions. Pourquoi cette substance plutôt qu’une autre ? Tout simplement parce que ce radioélément est une substance cancérigène redoutable si l’on en croit les chercheurs.

Contenu dans le tabac, le polonium 210 est aussi présent dans la fumée, pouvant ainsi contaminer le non-fumeur. Pour certains, la quantité de polonium 210 serait trop faible pour nuire à la santé. C’est sans doute pour cette raison que les grands groupes ont caché les résultats de leurs recherches au public… C’est aussi sur le même principe que des filtres spéciaux ont été mis au point par les fabricants pour capter une partie du polonium, avant d’être abandonnés. Ce n’est pas ce que révèlent les chercheurs américains qui travaillaient pour l’industrie du tabac et qui ont témoigné dans plusieurs procès aux États-Unis. Selon Monique E. Muggli, les paquets de cigarettes devraient comporter le sigle réglementaire des produits radioactifs.

Serait-il possible que les dirigeants de la Seita n’aient pas connu les risques liés au polonium 210 ? Serait-il possible que l’État, actionnaire unique pendant de nombreuses années, n’ait pas su que les grands fabricants fussent confrontés à de tels problèmes ? Comment imaginer que des intérêts économiques (emplois, produits de la vente et recettes fiscales) auraient pu ou pourraient conduire des responsables à sacrifier la vie de plusieurs milliers de leurs concitoyens ? Qui pourrait croire cela, surtout lorsque l’on a quelques notions sur l’affaire du sang contaminé ?

La lutte contre les méfaits du tabac est un véritable combat qui s’appuie sur le droit de la santé et le droit à la santé. Le tabac répond à la définition d’une drogue, entraînant une dépendance physique et psychique. Il n’y a pas besoin d’être médecin pour savoir qu’il est impossible ou tout du moins particulièrement difficile de raisonner un drogué. Les fumeurs, qu’ils soient décisionnaires ou non, sont ainsi autant d’alliés pour les fabricants qui ont encore de beaux jours devant eux et qui devraient faire preuve de beaucoup d’imagination pour créer de nouveaux rideaux de fumée pour éviter toute contre-publicité. Parler de liberté face à une drogue est ridicule, n’en déplaise à ceux qui vivent du tabac et à ceux qui en meurent…