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Réforme de la biologie médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le Conseiller général des établissements de santé Michel Ballereau a remis, le 23 septembre 2008, son rapport sur la réforme de la biologie médicale à la ministre de la santé. Selon la synthèse de ce travail, « Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a montré, en 2006, que la qualité moyenne des laboratoires de biologie médicale était bonne mais avec quelques insuffisances, plus particulièrement sur des laboratoires à faible activité. Par ailleurs, la structure des laboratoires français de biologie médicale n’a pas progressé aussi vite que l’évolution des connaissances scientifiques et des technologies l’aurait exigé et certains ont une activité trop faible pour être solides et capables de s’adapter aux techniques d’analyses les plus modernes, tout en dégageant le temps nécessaire à la prestation intellectuelle toujours plus importante, partie intégrante de l’examen de biologie médicale ».Laboratoire

Ce rapport met en avant l’aspect médical de cette spécialité qui ne doit pas se contenter de remettre quelques feuilles de résultats sans explication en échange d’une prescription qui ne s’accompagne quasiment jamais d’informations. Elle doit rapprocher cliniciens et biologistes afin qu’ils travaillent de concert. Une analyse biologique hors de son contexte clinique n’a que peu de valeur. Il en va de même de tout examen pratiqué sans une connaissance parfaite des circonstances qui amènent à sa réalisation. Les médecins spécialistes ne sont pas de simples techniciens, mais des praticiens à part entière qui doivent participer activement à l’amélioration des soins.
Belle déclaration d’intentions qui devrait s’adresser à tous les confrères des médecins biologistes qui ne seraient sans doute pas mécontents de voir arriver tous les patients avec un courrier leur expliquant la raison des prescriptions. Le code de déontologie impose ce type de correspondance, mais tout un chacun sait qu’il n’est quasiment jamais respecté, dans un sens comme dans l’autre…

Ce qui est assez surprenant, c’est qu’après avoir réaffirmé l’aspect médical de cette spécialité, la synthèse du rapport propose une réforme marquant « le passage d’obligations de moyens à des obligations de résultats tournées vers le patient ». Une nouvelle fois, un haut fonctionnaire, pourtant médecin à l’origine, veut obliger une science qui n’est pas exacte à des résultats… Heureusement, ce fantasme semble ne pas concerner les résultats médicaux en eux même, mais plutôt le cabinet médical qui passerait d’un régime de normes à une accréditation du type de celles qui ont été mises en place pour les établissements de santé. Un système de certification ISO, du type de celui mis spontanément en place par les ophtalmologistes dans un souci d’amélioration de la qualité de la prise en charge du patient, n’a pas été retenu en raison de l’importante part technique de la biologie médicale. Cette accréditation serait obligatoire. La synthèse du rapport n’aborde ni le coût d’une telle accréditation pour les professionnels, ni le temps consacré par ces derniers à répondre à de nouvelles obligations administratives et qui sera perdu pour la prise en charge des patients.
Toute aussi surprenante l’idée de diminuer le prix des actes de biologie au regard de l’automatisation des analyses et de la standardisation de l’interprétation si on estime que le médecin est là pour apporter son expérience et faire appel à ses longues années de formation.

« La définition du laboratoire de biologie médicale, qu’il soit hospitalier ou libéral, change dans la réforme proposée. Cette définition impose au laboratoire de biologie médicale de participer à l’offre de soins et elle permet l’existence de laboratoires multisites sur un territoire de santé. Il en résulte une plus grande liberté d’organisation du biologiste et la fin de règles telles que le rattachement du biologiste à un site (ex laboratoire) ». Il ne fait pas de doute que c’est un pur hasard si ce rapport va exactement dans le sens du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires »… C’est aussi en toute indépendance que ce travail alloue aux directeurs généraux des futures agences régionales de santé (ARS) des pouvoirs importants dans le secteur de la biologie médicale. Les investissements seraient sous leur surveillance et les délocalisations pourraient être interdites. Il s’agit là de mesures administratives tendant vraisemblablement à s’opposer à la volonté des instances européennes de voir le capital des sociétés médicales s’ouvrir à tous les investisseurs. En 2006, la Commission européenne avait déjà rappelé à l’ordre l’Hexagone « en raison de l’incompatibilité avec la liberté d’établissement établie par l’article 43 du traité CE de restrictions en matière de détention du capital d’une société exploitant des laboratoires d’analyse de biologie médicale par un non-biologiste (limitation à un quart au maximum des parts sociales pouvant être détenues par un non-biologiste) et de l’interdiction faite à une personne physique ou morale de détenir des participations dans plus de deux sociétés constituées en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale. La Commission considère que ces restrictions limitent les possibilités de partenariat, notamment avec des personnes morales d’autres États membres et la liberté d’établissement en France de laboratoires établis dans d’autres États membres et ne satisfaisant pas aux critères posés par la législation française ». Le conseil national de l’ordre des médecins sera-t-il satisfait par ces mesures ? Il est lui aussi très hostile aux idées européennes d’un capital ouvert, mais de là à souhaiter le renforcement du rôle de l’Administration…

La réforme proposée tient compte de l’arrêté du 21 juillet 2008 fixant les critères permettant de vérifier les conditions d’autorisation ou d’agrément des laboratoires établis hors de France dans un État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen puisque ces derniers vont pouvoir réaliser des analyses sur des prélèvements effectués en France, pour le compte de patients français.

Enfin, Michel Ballereau insiste sur un point sur lequel Droit-medical.com revient fréquemment : « en l’absence de cadre européen spécifique, la santé est considérée le plus souvent sous l’égide de règles économiques pures, qui sont inadaptées à certaines situations ». Sur un plan national, qui lui ne manque pas de cadre, l’auteur du rapport propose un montant d’économies dans le domaine de la biologie médicale d’environ 100 millions d’euros net, sur trois années consécutives.

Sécurité sociale et Cour des comptes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

AugmentationLe rapport de la Cour des comptes intitulé « Sécurité sociale 2008 » a été publié et ses conclusions ne pouvaient pas mieux tomber pour le législateur. Les membres de cette institution estiment que l’État devrait exercer des contraintes plus importantes sur l’assurance-maladie et sur les professionnels de santé afin d’obtenir une véritable maîtrise des dépenses de santé. C’est par le plus grand des hasards que de telles mesures sont prévues dans l’avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2009…

Il est utile de préciser les principaux points repris dans la plupart des médias. Le déficit qui serait plus important que prévu. Selon le rapport : « Les vérifications effectuées par la Cour dans le cadre de la certification des comptes du régime général l’ont conduite à constater qu’au regard du référentiel comptable en vigueur, le déficit de l’exercice 2007 est sous évalué de près d’1 Md€ en raison d’irrégularités comptables portant sur trois opérations de l’exercice 2007 ». Plutôt que d’insister sur la présence d’irrégularités dans les comptes d’un organisme qui gère les remboursements des assurés, il semble plus médiatique de mettre en avant une soi-disant gabegie due aux professionnels de santé. Ces irrégularités impliquent que la Cour des comptes n’a pas certifié, comme l’an passé, une partie des comptes de la Sécurité sociale… Le déficit d’ensemble du régime et des fonds s’établirait à 11 milliards d’euros pour 2007, contre 10,2 milliards en 2006 selon les comptes rectifiés par la Cour des comptes. Ce qui fait une augmentation de 7,8 % sur un an, et non les 16,6 % si l’on s’en tient aux chiffres annoncés par l’assurance-maladie. Il est intéressant de noter que ce déficit était de 14,4 milliards d’euros en 2005. 

Autre élément à noter : « Le déficit d’ensemble du régime s’établit à -9,5 Md€ en 2007, en hausse de 8,7 % par rapport à 2006. Il est plus dégradé que les prévisions initiales de la loi de financement pour 2007 (-8,0 Md€), mais en net retrait par rapport aux prévisions rectifiées présentées dans la LFSS pour 2008 (-11,7 Md€). 
L’évolution des résultats par rapport à 2006 traduit des situations contrastées selon les branches : si le déficit de la branche maladie se réduit nettement et si le résultat de la branche famille devient légèrement excédentaire pour la première fois depuis 2003, le déficit de la branche retraite et, dans une moindre mesure, celui de la branche AT-MP enregistrent une forte dégradation ». Il est difficile de croire ce que l’on peut lire ! Le déficit de la branche maladie est en net recul ! Encore une fois, cette affirmation est loin de se refléter dans le discours médiatique.

Il est rare que l’on insiste sur le fait qu’ « En 2007, plus d’une trentaine d’impôts et taxes sont affectés aux régimes de base, hors CSG et autres prélèvements sociaux. Pour cette seule année, quatre nouvelles recettes fiscales ont été affectées, en tout ou partie, à la sécurité sociale ». Quoi qu’en disent les uns, les contribuables, par des taxes directes ou indirectes, sont bien mis à contribution, et ce, sans tenir compte de la diminution des prestations remboursées ou des retenues d’un euro par-ci par-là. Les professionnels de santé font partie des contribuables…

Il y a une autre raison au fait que le déficit de la Sécurité sociale augmente sur laquelle beaucoup restent très discrets : « En 2007, le montant total de l’ensemble des dispositifs d’exonérations a atteint 27,8 Md€, dont 21,2 Md€ ont fait l’objet d’une compensation sous la forme d’une affectation d’impôts et taxes et  3,8 Md€ d’une dotation budgétaire. En 2008, leur coût attendu est estimé par le PLFSS à 32,3 Md€, y compris plus de 4 Md€ au titre des exonérations sur les heures supplémentaires prévues par la loi TEPA ». Il faut comprendre qu’ « Entre 2000 et 2006, le taux de croissance moyen des exonérations générales s’est établi à 9 % par an ». Il est logique de vouloir favoriser l’emploi et les cotisations qui s’en suivront, à condition que l’on en soit pas exonéré. Il faut aussi que ces mesures soient suivies d’effets, ce qui n’est pas le cas selon la Cour des comptes.

Les autres régimes de base ont aussi été étudiés. Pour la plupart d’entre eux, les résultats « sont équilibrés par des financements extérieurs ou par un mécanisme de cotisations d’équilibre des employeurs ». Par exemple, les subventions d’équilibre de l’État, versées à la plupart des régimes spéciaux de retraite, principalement ceux de la SNCF, des marins et des ouvriers de l’État s’élèvent à 3,8 milliards d’euros en 2007.

Enfin, les gouvernements successifs oublient sciemment que « la situation financière des régimes de sécurité sociale pâtit de la persistance de dettes de l’État qui grèvent une capacité de financement déjà mise à mal par des résultats structurellement déficitaires ». Il est vrai qu’il est plus simple de désigner à la vindicte populaire un autre que soi !

Le médecin peut « se plaindre » de la CMU-C

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

S’il est normal d’attacher de l’importance aux plaintes des patients qui estiment être victimes d’une discrimination par certains médecins en raison de leur statut de bénéficiaires de la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C), il est logique d’écouter les praticiens qui s’estiment, eux aussi, victimes du comportement discourtois ou préjudiciable au système de soins de ces mêmes patients. Ce discours choquera sans doute les adeptes du « politiquement correct », mais une vision manichéenne est la preuve d’un manque d’objectivité. 

EnquêteIl est vrai que l’approche fallacieuse du rapport du Fonds CMU a réussi à faire passer dans les médias, et donc dans l’opinion publique, l’idée que les médecins, tout particulièrement les spécialistes dits à honoraires libres, refusaient de soigner des patients au prétexte qu’ils étaient bénéficiaires de la CMU-C. Le rapport de mai 2006, intitulé « Analyse des attitudes de médecins et de dentistes à l’égard des patients bénéficiant de la Couverture Maladie Universelle », a étonné bon nombre de médecins par son manque de rigueur et d’objectivité et par sa partialité. Sept à huit soi-disant témoignages de praticiens, recueillis sur la base d’informations erronées, servent à condamner toute une profession. Plutôt que de discréditer le Fonds couverture médicale universelle et la caisse primaire d’assurance-maladie du Val-de-Marne qui a apporté son concours à sa réalisation, le battage médiatique a déclenché de virulentes réactions de parlementaires de tous bords contre ce manque d’humanisme des médecins nantis. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, ému par ce tintamarre, a sollicité la toute nouvelle HALDE (haute autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l’égalité) qui s’est hâtée de rendre un avis basé sur l’enquête biaisée et disant qu’il était discriminatoire de refuser de voir un patient CMU-C. La HALDE a donné des conseils au conseil de l’ordre des médecins qui s’est empressé de les suivre pour ne pas être soupçonné de couvrir ces pratiques. Personne pour relever les incohérences de l’enquête, juste quelques remarques timides quant à des difficultés rencontrées par les médecins concernant les CMU-C.
Le ministre a aussi commandé un rapport à Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales et directeur du Fonds CMU sur le sujet. Bien entendu, le directeur de l’organisme à l’origine de l’enquête de départ a cautionné les conclusions erronées et a proposé des sanctions et un contrôle renforcé des médecins… Xavier Bertrand a immédiatement validé ces conclusions. Il n’aurait pas été politiquement correct de donner l’impression de soutenir les praticiens dans une affaire médiatique liée à une possible discrimination.

Des décisions bien hâtives

Est-il objectif de dire que le rapport du Fonds CMU était biaisé et partial ? Il suffit pour s’en convaincre de lire la synthèse officielle de ce document. Les méthodes statistiques utilisées le prouvent : « En appliquant ces méthodes de surreprésentation, on était en mesure d’obtenir, un nombre de testing avec refus supérieur à celui d’un sondage aléatoire simple, ce qui permettait d’enrichir l’analyse » 1. C’est en effet un testing par téléphone, faisant appel à un comédien, qui a été utilisé pour obtenir les statistiques sur lesquelles sont basés les résultats.
« D’autre part, des entretiens avec quelques médecins et dentistes des 6 villes en questions, ont complété la méthodologie de manière à comprendre les logiques à l’œuvre, expliquant les attitudes différenciées des professionnels » 1. Sur les 230 médecins qui ont été testés, seuls 15 ont été interrogés. Parmi ces quinze, seuls 50 % d’entre eux avaient « refusé » de voir un patient, soit 7 ou 8 praticiens pour expliquer le comportement de l’ensemble des médecins français fautifs de refuser un patient… Suivant les conditions, ce n’est d’ailleurs pas une faute de refuser de voir un patient 2, mais le rapport se garde bien de le rappeler, si tant est que ses auteurs l’aient su…
OphtalmologisteDes « vérités » sont énoncées dans ce rapport : « Ainsi, les discriminations médicales, sociales et raciales se renforcent les unes les autres » 3. Ce n’est pourtant pas ce qu’il ressort de la conclusion de ce travail, qui presque à regret, n’a pas réussi à mettre en évidence de discrimination raciale dans ce qui a été considéré comme les « refus » des praticiens. Car lorsque l’on étudie les motifs de ces « refus », certains étonnent.

Pour mieux comprendre, il faut s’intéresser à quelques exemples. Le testing a été fait en demandant à l’acteur d’appeler pour prendre rendez-vous pour une simple conjonctivite lorsqu’il téléphonait à un ophtalmologiste, si l’on en croit le rapport. Est-il étonnant que des cabinets d’ophtalmologie aient pu conseiller au patient d’aller voir son généraliste pour une simple conjonctivite ? La Sécurité sociale, les parlementaires soucieux des économies de santé et le ministre recommandent-ils à tous les patients souffrant d’une conjonctivite d’aller directement consulter un spécialiste ? Il n’était pas question d’une conjonctivite chez un porteur de lentilles, puisqu’il est indiqué dans la synthèse du rapport que « Des restrictions ont été également repérées concernant la prescription de lentilles alors que pour d’autres demandes, les mêmes ophtalmologues acceptent les patients (prescription de lunettes ou conjonctivite) ». Les auteurs du rapport reprochent aussi aux ophtalmologistes d’informer les patients CMU-C sur le fait que les lentilles de contact ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale et assimilent cette information (censée décourager le patient à consulter) à un refus de soins.
Ce n’est pas le corps médical qui fixe la « Liste des produits et prestations remboursables » par l’assurance-maladie. Les lentilles de contact et leurs produits d’entretien sont exclus à de très rares exceptions près, ces exceptions n’étant aucunement basées sur des critères sociaux… N’est-ce pas le devoir du médecin d’informer le patient des conditions de prise en charge des soins ? C’est pourtant ce que la loi prévoit dans le code de la Sécurité sociale et le code de la santé publique, sachant que ces dispositions ont même été renforcées récemment au prétexte que les praticiens n’informaient pas suffisamment les patients sur leurs honoraires et leur prise en charge. Le directeur du Fonds CMU et la caisse d’assurance-maladie du Val-de-Marne ne connaissent-ils pas les conditions de prise en charge des lentilles de contact ?

Une enquête biaisée ?

Dans plusieurs cas, les cabinets n’ont été appelés qu’une fois et, tous médecins confondus, une simple « impression de malaise chez la secrétaire » a pu être considérée comme un refus ! Il serait intéressant d’avoir un sondage représentatif digne de ce nom sur le ressenti des secrétaires des cabinets médicaux concernant certains patients CMU-C pour pouvoir interpréter l’ « impression de malaise » de façon objective. Il est difficile de croire que ce personnel fasse partie des nantis, si ce n’est à considérer que toute personne ayant un emploi est de nos jours un nanti, et cela éviterait de s’en remettre à l’interprétation subjective et partiale qui en a été faite. Il se pourrait d’ailleurs que les résultats d’un tel sondage donnent à réfléchir…

La fiabilité des statistiques peut aussi prêter à discussion. Que penser d’une étude qui reconnaît avoir exclu des médecins après que les tirages au sort ayant servi à la rendre soi-disant fiable aient été effectués ? Comment considérer un travail qui repose sur des hypothèses non vérifiées quant à la fréquence des refus pour utiliser un modèle de surreprésentation ? Que dire d’une enquête qui se veut rigoureuse et qui traite les cabinets de groupe comme s’ils ne correspondaient qu’à un seul individu ?

justiceComment serait-il possible qu’un tel rapport puisse être à la base d’une modification législative comme il en est question dans la version non définitive d’un projet de loi obtenue par l’Agence France-Presse (AFP) ? Il serait question de lutter contre la « discrimination », en renforçant les sanctions à l’égard des praticiens qui refuseraient de soigner un patient sans raison valable. Ces sanctions « pourront faire l’objet d’une publication afin de montrer que le refus de soins est un acte grave » 4. On voit bien que la notion de « raison valable » peut être très subjective…

Il est déjà regrettable de constater que de nombreux travaux découlent de ce document. Preuve en est la circulaire 33/2008 de l’assurance maladie qui commence par cette phrase : « S’appuyant sur l’enquête réalisée au mois de juin 2006 par le Fonds de financement de la CMU, Monsieur Jean-François Chadelat a montré que des bénéficiaires de la CMU complémentaire éprouvent encore beaucoup de difficultés pour obtenir des soins ou des produits médicaux ». Il est tout de même heureux de constater que l’objet de cette circulaire est la « prise en charge des réclamations et plaintes formulées par les bénéficiaires de la CMU complémentaire ou par les professionnels de santé ». Il y est même admis qu’un soignant puisse « se plaindre » d’un bénéficiaire de la CMU-C : « Pour mettre fin aux situations de refus de soins, il convient de prendre également en compte les réclamations portées par les professionnels de santé ou établissements de santé à l’encontre des bénéficiaires de la CMU complémentaire ». Les plaintes peuvent porter, par exemple, sur retard injustifié aux rendez-vous, des rendez-vous manqués et non annulés ou des exigences exorbitantes du patient. Plus étonnants, les traitements non suivis ou interrompus sont des griefs admissibles.

Des droits et des devoirs

La lettre no 29 de l’assurance maladie confirme les informations de la circulaire 33/2008 et vient préciser que le refus de remboursement aux professionnels de santé par l’assurance-maladie de soins prodigués à un patient CMU-C est aussi un motif de réclamation légitime.

Après l’importance prise par l’enquête du Fonds CMU, le dernier épisode concernant ce sujet montre bien que la peur du ridicule n’est pas à l’ordre du jour. Un collectif de médecins, estimant que les bénéficiaires de la CMU-C ont bien raison de se plaindre de leurs confrères, vient de saisir la HALDE au motif que cette circulaire et cette lettre seraient discriminatoires à l’encontre des patients CMU-C, en rappelant à ces derniers, qu’en plus de droits, ils ont aussi des devoirs… L’assurance-maladie, qui a collaboré activement à l’enquête du Fonds CMU, va-t-elle être l’arroseur arrosé ? Ne sommes-nous pas là dans une dérive extrémiste ? Il est probable que la pression médiatique fasse à nouveau son oeuvre et que les devoirs de ceux qui bénéficient de soins gratuits du fait de l’effort de la Nation et des droits de ceux qui les soignent passent aux oubliettes. Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, dans une interview en direct des Jeux olympiques de Pékin, a déjà indiqué que cette circulaire n’avait pour but que de préciser le rôle des conciliateurs mis en place avant tout pour recueillir les plaintes des patients et n’a évoqué la « responsabilisation » de toutes les parties que du bout des lèvres.

On peut penser qu’un rapport du type de celui du Fonds CMU et la pression politico-médiatique qui s’en est suivie ne peuvent que créer un sentiment de malaise entre les professionnels de santé et les patients CMU-C. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille exonérer tous les acteurs de la santé d’une tentation discriminatoire. La profession en est consciente et il faut saluer des initiatives comme celle que l’Union régionale des médecins libéraux d’Aquitaine a présenté, le 19 janvier 2008, lors de la journée des Associations de patients organisée à la Maison des Associations de Mérignac-Bordeaux un document intitulé « CMU : pour des soins sans dysfonctionnement Droits et Devoirs ».
Pour cet organisme, il s’agirait de la première charte de « bonne conduite » concernant la couverture médicale universelle (CMU). Elle rappelle les droits et les devoirs de chacun, sans esprit polémique et sans arrière-pensée politique.
Il s’agit d’un travail mené avec des patients, des professionnels de santé et l’assurance-maladie afin que ces trois parties respectent leurs engagements concernant la CMU.
Bel exemple de concertation, sans aucune intervention politique…

 


1 – page 3, de la synthèse officielle du rapport du Fonds CMU.
2 – Lire l’article « Un médecin libéral peut-il refuser de voir un patient ? »
3 – page 6, de la synthèse officielle du rapport du Fonds CMU.
4 – « Santé: plus de pouvoir aux agences régionales et directeurs d’hôpitaux »

 

 

Réflexion sur les rapports, commissions, groupements d’intérêt économique et groupements d’intérêt public en santé et ailleurs…

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

RapportsC’est avec beaucoup d’humour que Dominique Dupagne, médecin maître-toile et webmaster du site Atoute.org, apporte sa vision de l’intérêt des divers rapports, commissions, groupements d’intérêt économique (GIE) ou public (GIP).

L’article intitulé « Comment arrêter le progrès ? » dissèque les mécanismes qui peuvent conduire au blocage de l’innovation, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans bien d’autres. Présentée comme un « tutoriel gratuit à l’usage des administratifs, des gouvernements et des directions », cette réflexion caricature le long chemin qui conduit à un Grenelle. A sa lecture, il est facile de comprendre que l’initiative privée a parfois tout intérêt à ne pas se faire remarquer de l’autorité publique.

Le monde de la santé a toujours été riche des ces artifices, permettant de flatter les uns et de calmer l’ardeur des autres. Le droit en a lui aussi sa part. Le nombre croissant de rapports et de commissions laisse rêveur. Que de papier, que d’énergie dépensée…