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Une démarche qualité opposable aux professionnels de santé ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les médecins piégés par les référentielsLes démarches qualité sont familières aux médecins et aux autres professionnels de santé depuis de nombreuses années. Qu’il s’agisse de la certification ISO 9001 des ophtalmologistes ou de l’implication de nombreuses autres spécialités dans l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), de nombreuses pistes ont été explorées et ont conduit à une meilleure analyse des risques et à un accroissement de la qualité de prise en charge des patients. Les anesthésistes-réanimateurs, conscients des enjeux et confrontés à des affaires exagérément médiatisées, se sont eux aussi très vite intéressés à ces questions, au point d’obtenir une réduction significative de la mortalité dans les blocs opératoires et dans les unités de réanimation.

De toutes ces démarches qualité naissent de très nombreux documents de travail qui aident les uns et les autres à améliorer leurs pratiques. Et voilà que ces pièces sont détournées et utilisées de façon abusive par des organismes ou des tutelles pour en faire des bases de références réglementaires. C’est Marc Dahlet, président du groupe de travail sur le référentiel EPP « Tenue du dossier d’anesthésie » qui tire la sonnette d’alarme et donne l’exemple d’une telle dérive dans Les infos de Collège — Lettre de liaison du Collège français des anesthésistes réanimateurs nº 27 de juillet 2009.

Suite au décès inexpliqué d’un patient, une agence régionale de l’hospitalisation (ARH) « a déclenché une enquête administrative dans laquelle le référentiel EPP “Tenue du dossier d’anesthésie” été utilisé pour émettre des appréciations ». Il a été reproché à l’anesthésiste de ne pas avoir effectué une consultation préopératoire conforme en tous points au référentiel. Un staff et une revue de morbi-mortalité (RMM) insuffisants ont aussi été utilisés pour mettre en cause le praticien. Le référentiel, établi dans le cadre d’une démarche qualité, a donc servi de pièce à charge dans une enquête administrative.

Marc Dahlet explique que ce n’est pas la première fois que la Haute Autorité de santé (HAS) ou une autre institution est tentée d’utiliser les documents de travail relatifs à l’EPP comme des recommandations, voire même des références réglementaires. Il rappelle que, pour lui et les professionnels qui les rédigent, les documents de démarche qualité (référentiels EPP, méthodes d’audit, RMM, etc.) ne sont pas opposables et ne doivent pas être confondus avec des règlements. Des « utilisations à contre-sens » de ces documents pourraient, selon lui, « enrayer très rapidement le système de démarche qualité si elles se multiplient ».

Ce que semble malheureusement oublier ce médecin, c’est que les recommandations de la HAS n’ont pas été présentées à leurs auteurs comme pouvant devenir opposables aux praticiens. Le terme même de “recommandations” laissait penser que cela ne serait jamais le cas, jusqu’à ce que le Conseil d’État en décide autrement. Fort de cette expérience, il est facile de comprendre que les institutions tentent de renouveler l’expérience. D’autant que le fait que les recommandations soient devenues opposables n’a en rien enrayé la volonté de nombreux praticiens de participer à la rédaction de ces nouvelles contraintes. Les auteurs de référentiels, médecins ou autres professionnels de santé, doivent être conscients, lorsqu’ils participent à l’élaboration de référentiels, de manuels, de protocoles ou d’autres documents de ce type, qu’il se pourrait que des juges ou des conseillers d’État ne voient pas ces documents comme de simples aides, mais bien comme des pièces à charge, car tout peut être bon pour indemniser une victime…

Recommandations du Conseil de l’Union européenne relatives à la sécurité des patients, y compris la prévention des infections associées aux soins et la lutte contre celles-ci

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Sécurité des patientsLe Conseil de l’Union européenne a formulé, le 9 juin 2009, des recommandations relatives à la sécurité des patients, y compris la prévention des infections associées aux soins et la lutte contre celles-ci (2009/C 151/01). C’est au nom de l’article 152 du traité disposant que l’action de la Commu­nauté, qui complète les politiques nationales, porte sur l’amélioration de la santé publique, la prévention des maladies et des affections humaines et l’élimination des causes de danger pour la santé humaine, que le Conseil de l’Union européenne (UE) a réalisé ce travail.

Le Conseil de l’UE rappelle que l’ « on estime que, dans les États membres, de 8 à 12 % des patients hospitalisés sont victimes d’événements indésira­bles alors que des soins de santé leur sont dispensés » et que « le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a estimé que, en moyenne, les infections associées aux soins (IAS) affectent un patient hospitalisé sur vingt, c’est-à-dire 4,1 millions de patients par an dans l’Union européenne, et qu’elles provoquent chaque année 37 000 décès. »

Si la santé des patients est mise en avant, le Conseil de l’UE n’oublie pas de préciser que ces évènements indésirables représentent « un fardeau économique élevé ».

Il convient d’informer les Européens sur les mesures relatives à la qualité et à la sécurité des soins et sur les systèmes de réclamation et de recours. Il est nécessaire d’identifier les erreurs, au niveau individuel comme au niveau des établissements, pour en tirer les conséquences en utilisant, par exemple, les dossiers médicaux informatisés et les prescriptions électroniques. Les agents antimicrobiens doivent être utilisés avec prudence et le recours aux infectiologues plus fréquent.

Pas question pour autant de fâcher les membres de l’Union, le Conseil de l’UE rappelle que « l’action de la Communauté dans le domaine de la santé publique devrait respecter pleinement les responsabilités des États membres en matière d’organisation et de four­niture de services de santé et de soins médicaux ».

 

 

Haute Autorité de santé et Alzheimer

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Indépendance médicale et AlzheimerLa lettre d’information no 15 (janvier/février 2009) de la Haute Autorité de santé s’intitule « Améliorer la prise en charge des personnes âgées ». La Haute Autorité de santé (HAS) insiste dans ses colonnes sur le rôle prépondérant qu’elle est amenée à jouer dans le plan « bien vieillir » mis en place par l’État. Les décisions qui sont prises actuellement sont cruciales puisqu’en 2040, 25 % de la population française aura plus de 65 ans.
Outre une recommandation sur la prévention des chutes et l’élaboration d’un programme d’évaluation et d’amélioration des prescriptions médicamenteuses concernant les personnes âgées, la HAS s’est investie à produire des avis sur les traitements anti-Alzheimer. Il faut dire que 800 000 personnes sont actuellement touchées par cette maladie dans l’Hexagone et que l’État a lancé un autre plan à ce sujet. La HAS y joue là aussi un rôle capital en pilotant la mesure 15 du plan Alzheimer, soit l’amélioration de la prescription médicamenteuse dans ce domaine. Elle participe aussi à l’amélioration du dispositif d’annonce du diagnostic.
L’intérêt de la HAS pour cette maladie n’est pas nouveau puisqu’en mars 2008 elle avait publié des recommandations de bonnes pratiques concernant son diagnostic et sa prise en charge et qu’en novembre de cette même année elle avait réévalué, sous un angle médico-économique, les médicaments indiqués dans son traitement. Ses travaux ne s’arrêtent pas là et la lettre d’information d’indiquer : « À noter également, la parution prochaine d’une liste des actes et prestations (LAP) décrivant avec précision le parcours de soins des personnes admises en affection de longue durée (ALD) au titre de la maladie d’Alzheimer. Un guide ALD médecin sur la prise en charge de ces patients devrait également être édité. »
Pour ses dirigeants, le programme de travail 2008 de la HAS « a témoigné d’un fort engagement de l’institution au service de la qualité de la prise en charge des personnes âgées. » Tout semble idyllique…

Il semble pourtant qu’il pourrait exister une ombre à ce tableau. Et c’est sur Internet que l’on peut trouver un éclairage différent sur la HAS et l’Alzheimer. Le collectif Formindep qui milite pour une formation et une information médicales indépendantes au service des seuls professionnels de santé et des patients a, en effet, publié un article intitulé « Des recommandations professionnelles peu recommandables ». D’après l’enquête réalisée par les membres de ce collectif, il existerait des conflits d’intérêts majeurs entre l’industrie pharmaceutique et les experts travaillant pour la HAS à l’élaboration des recommandations de bonnes pratiques. La recommandation « Prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées » semble, par exemple, poser problème.

Tout ceci pourrait s’avérer très ennuyeux, car les recommandations de bonnes pratiques médicales engagent la responsabilité médicale des praticiens et leur sont devenues opposables

Les femmes suivent mieux les recommandations de bonnes pratiques

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Les femmes médecins suivent les recommandations de bonnes pratiquesUne étude allemande réalisée par Magnus Baumhäkel travaillant dans le service de cardiologie de l’hôpital universitaire d’Hombourg , ville située dans l’est de la Sarre, est publiée dans l’European journal of heart failure. Elle s’intitule Influence of gender of physicians and patients on guideline-recommended treatment of chronic heart failure in a cross-sectional study et met en évidence que des patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique sont « mieux » traités par les femmes médecins que par les praticiens du sexe opposé.

Les données relatives à 1857 patients consécutifs atteints d’insuffisance cardiaque chronique, recueillies par 829 médecins (généralistes, internistes, cardiologues), ont été dépouillées. Il en ressort que les médecins du sexe dit « faible » utilisent plus que leurs confrères les médicaments figurant dans les recommandations de bonnes pratiques. Elles ont aussi tendance à se conformer aux doses recommandées que ce soit chez les patients hommes ou femmes. Les praticiens dotés d’une pomme d’Adam sont enclins à donner moins de médicaments et à les utiliser à des doses plus faibles que celles recommandées lorsqu’ils traitent une femme. Dans tous les cas, les personnes soignées étaient bien traitées, mais il existe une différence quant à la façon dont les recommandations sont suivies par les hommes et par les femmes médecins.
Pour Magnus Baumhäkel, même si cette étude n’est pas transposable aux autres pays, de telles différences devraient pouvoir se retrouver ailleurs dans le monde. Reste à réaliser d’autres enquêtes de la sorte pour valider ces données qui pourraient souffrir de quelques biais.

Faut-il considérer pour autant que suivre les recommandations de bonnes pratiques soit favorable aux patients ? Rien n’est moins sûr, malgré les arguments de ceux qui veulent surtout en faire une source d’économies pour la Sécurité sociale. Dans d’autres pays, de nombreux auteurs s’interrogent sur l’objectivité de certaines recommandations ou des instances jugeant du service médical rendu face à la pression et aux enjeux économiques de l’industrie pharmaceutique. Des voix s’élèvent même au pays des Lumières…

Sources (en anglais) : BMJ 2009;338:b424 ; BMJ  2007;334:171 ; BMJ 2002;324:383.

Les médecins accrédités et les autres…

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Joli toutouLa Haute Autorité de santé (HAS) assure la mise en place et l’organisation de l’accréditation des médecins des spécialités dites « à risque ». Faut-il en conclure que la pratique de quatorze spécialités est plus dangereuse que celle des autres ? Vraisemblablement. Les patients confrontés à la chirurgie orthopédique et traumatologique, à l’échographie fœtale, à la gynécologie-obstétrique, à la chirurgie viscérale et digestive, à la chirurgie générale, à la radiologie interventionnelle, à la chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, à la gastro-entérologie interventionnelle, à l’anesthésie-réanimation, à la réanimation médicale, à la chirurgie plastique reconstructrice, à la chirurgie urologique, à la chirurgie vasculaire, à la chirurgie maxillo-faciale et stomatologique, à l’ORL et la chirurgie de la face et du cou doivent en être conscients.

L’accréditation constitue « une modalité de satisfaction à l’obligation d’évaluation des pratiques professionnelles » (EPP). Elle est particulièrement intéressante pour la HAS puisse qu’elle permet d’alimenter des bases de données servant par la suite à créer des « recommandations », terme politiquement correct pour de nouvelles obligations, pour les médecins. On peut se demander pendant combien de temps encore cette démarche restera simplement volontaire et pourquoi les médecins sont si pressés de prêter main-forte à l’administration pour être soumis à de nouvelles contraintes ? Sans doute parce qu’ils sont incapables de faire respecter au sein de leur profession des règles de bonne pratique sans l’intervention de l’administration. L’incapacité à s’entendre des uns fait le bonheur des autres.

Responsabilité et dépistage du cancer de la prostate

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Dépister le cancer de la prostate, à notre époque, relève de l’évidence pour une grande majorité de médecins. Le dosage des PSA (prostate specific antigen) est pratiqué en routine et conduit à la chirurgie de nombreux patients…

Le dépistage d’une maladie est une méthode qui permet habituellement de diminuer la gravité des pathologies prises en charge, de diminuer les effets secondaires en utilisant des traitements moins lourds et de sauver des vies dans un grand nombre de cas. Il peut surtout permettre de substantielles économies de santé. C’est tout du moins ce qui est habituellement reconnu. Il arrive ainsi que des patients mettent en cause la responsabilité de leur médecin pour avoir, selon eux, négligé le dépistage d’un problème de santé moins « grave » qu’un cancer.Problème de prostate

Seulement voilà, concernant le cancer de la prostate, les choses semblent ne pas être aussi simples. En premier lieu parce que les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) ne sont pas favorables au dépistage de cette pathologie ! C’est d’autant plus ennuyeux que ces textes sont devenus opposables aux praticiens 1. Le médecin qui dépiste pourrait avoir du mal à justifier sa démarche si sa responsabilité était engagée dans ce cadre. Il pourrait même être condamné pour avoir effectué ce dépistage.

Pourquoi de telles recommandations de l’HAS ? Pour faire plaisir à l’assurance-maladie en espérant réduire le nombre de chirurgies ou de radiothérapies ? Il est vrai que, pour d’autres maladies, de nombreux médecins se posent la question face à certaines publications dépendant de cette institution. Pour le cancer de la prostate, la réponse vient du corps médical lui-même. Le professeur Thomas Stamey, urologue, professeur de médecine à l’Université Stanford, à l’origine du dépistage utilisant le dosage des PSA depuis qu’il a publié un article dans le Journal of Urology, a reconnu son erreur et a souhaité que ce type d’examen soit abandonné 2. Et c’est loin d’être la seule raison qui pousse une partie des médecins à se montrer très prudente avec le dépistage d’un cancer pour lequel les traitements peuvent comporter de lourds effets secondaires (incontinence urinaire, troubles de l’érection, etc.). Cet élément est d’autant plus important qu’aucune étude ne prouve l’intérêt du dépistage du cancer de la prostate quant à une diminution du taux de mortalité.

La question de la responsabilité du médecin qui effectue le dépistage du cancer de la prostate, surtout si cet examen conduit à une chirurgie mutilante, va commencer à se poser de façon aiguë maintenant qu’un moratoire vient d’être lancé sur le site www.atoute.org. Dépister peut aussi maintenant faire courir un risque au médecin.

 


1 – Lire l’article « Le piège des bonnes pratiques médicales« .

2 – Mitzi Baker. Common test for prostate cancer comes under fire.

 

Comment élaborer un document d’information destiné aux patients ?

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EcrireLa Haute Autorité de santé (HAS) a publié des recommandations pour l’élaboration d’un document écrit d’information à l’intention des patients et des usagers du système de santé. Ce document, destiné aux professionnels de santé et aux Sociétés savantes, est complété par un guide méthodologique permettant de concevoir des documents compréhensibles et accessibles à tous. Des critères d’évaluation ont aussi été mis à dispositions des praticiens pour s’assurer que les fiches qu’ils utilisent déjà sont bien conformes aux nouvelles recommandations. Il convient de rappeler qu’une décision du Conseil d’État a rendu opposables les recommandations de l’HAS aux médecins.

Il n’est pas question pour ces documents de remplacer l’information orale que doit impérativement faire le praticien, comme le prévoit le code de la santé publique. Ils servent à la compléter et à donner une base de réflexion aux patients. C’est une véritable « méthode explicite » que fournit l’HAS. Que ce soit pour le dépistage, pour la prévention, pour les stratégies diagnostiques ou thérapeutiques, pour l’éducation thérapeutique du patient ou pour les soins autoprodigués, toutes les clés pour rédiger le document sont fournies aux professionnels de santé. Rien n’est laissé au hasard : de la préparation à l’évaluation de l’impact, en passant par la conception, le test et la distribution de la brochure, toutes les règles à respecter à ces différentes étapes sont explicitées.

Juristes et médecins se demandent quand apparaîtront les recommandations pour élaborer des recommandations… Associées à un guide méthodologique et à des critères d’évaluation, elles permettraient de soulager la charge de travail de l’HAS.