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Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Europe à la loupeMême si de plus en plus de citoyens des pays membres de l’Union européenne se demandent si ceux qui les dirigent tiennent vraiment compte de leur avis, la Commission européenne a compris depuis longtemps qu’il fallait au moins sauver les apparences grâce à ce qu’elle appelle des “consultations”. Elle offre ainsi la possibilité à ses ressortissants de s’exprimer sur les textes qu’elle envisage de proposer au Parlement et au Conseil de l’Union européenne. Les professionnels de santé et tous ceux qui s’intéressent à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union n’ont d’ailleurs plus que quelques jours pour donner leur opinion sur la prochaine réforme de la directive relative à ce sujet prévue pour la fin de l’année.

La Commission européenne a fixé au 20 septembre 2011 la fin de la consultation qu’elle a lancée sur la modernisation de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles (directive 2005/36/EC). Cette consultation est ouverte à tous et la Commission insiste sur le fait que « les contributions des particuliers, des organisations professionnelles, des administrations nationales et des autorités nationales compétentes sont particulièrement bienvenues ». Ces contributions serviront ensuite à la rédaction d’un « livre vert » censé servir de base au projet de réforme.
Cette directive intéresse, entre autres, les titres de formation de médecin donnant accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base et de médecin spécialiste, et les titres de formation d’infirmier responsable de soins généraux, de praticien de l’art dentaire, de praticien de l’art dentaire spécialiste, de vétérinaire, de sage-femme et de pharmacien détenus par les ressortissants des États membres. Si elle fait l’affaire de certaines universités, de cabinets de recrutement, des professionnels de santé eux-mêmes en fonction du lieu où ils exercent et de régions rurales de pays comme la France qui ont compris tous les avantages qu’ils pouvaient tirer de ce texte, elle fait aussi l’objet de nombreuses critiques et crée des conditions concurrentielles internationales qui ne sont pas toujours dans l’intérêt de la santé publique ou de la qualité des soins, suivant les points de vue. C’est dans ces conditions qu’une réforme que de nombreux acteurs, dont les autorités de santé de plusieurs pays européens, ont appelé de leurs voeux une réforme et ils ont été entendus par la Commission, même si la façon dont elle est présentée peut surprendre.

Pour la Commission européenne, « la réforme du système de reconnaissance des qualifications professionnelles en vue de faciliter la mobilité est l’une des actions prioritaires de l’Acte pour le marché unique élaboré par la Commission. Afin de préparer cette réforme, la Commission souhaite consulter les parties intéressées sur les moyens d’atteindre trois objectifs : renouveler les façons d’aborder la mobilité ; s’appuyer sur les structures existantes et de moderniser la reconnaissance automatique. »

C’est le 7 novembre 2011 qu’une conférence publique concernant la modernisation de la directive sur les qualifications professionnelles sera organisée par la Commission européenne.

Donner son avis est indispensable pour les instances dont dépendent les professionnels de santé concernés par une telle consultation. Le conseil européen des ordres des médecins (CEOM) travaille sur le sujet depuis bien longtemps et une réunion informelle a eu lieu le 6 septembre, en Estonie, à ce propos.
Né de la Conférence internationale des Ordres et des organismes d’attributions similaires (CIO), le Conseil des Ordres ne se contente pas d’attendre les consultations de la Commission pour rappeler aux décideurs les positions défendues par les Ordres qu’il représente et pour faire des propositions visant à une meilleure cohérence professionnelle à l’échelon européen et à la promotion de l’exercice d’une médecine de qualité, respectueuse des intérêts des patients.
La charte européenne d’éthique médicale, adoptée en juin 2011, est le dernier exemple des efforts faits par le CEOM pour montrer qu’il existe une déontologie et des valeurs communes à tous les praticiens européens.

À une époque où de nombreuses décisions prises à Bruxelles et à Strasbourg ont un impact direct sur l’exercice des professionnels de santé de chacun des pays membres, même si les gouvernants aiment à rappeler que la santé est une compétence nationale dans certaines circonstances, il n’est plus possible de se contenter d’actions nationales. Il faut juste espérer que les instances qui ont décidé de coopérer entre elles ne reproduiront pas au niveau européen ce qui leur arrive de faire à l’échelle de leur territoire : ajouter toujours un peu plus de contraintes aux professionnels dont elles ont la charge.

 

Wikileaks : pots-de-vin et pots à pharmacie

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Reflet sur la vitrine d'une pharmacie slovaqueQui n’a pas entendu parler de l’affaire Wikileaks et de ses centaines de milliers de documents confidentiels de la diplomatie américaine mis à la disposition des médias internationaux, puis du grand public, par Julian Assange ? Les 251 000 câbles diplomatiques révèlent au fil de leur dépouillement bien des secrets. L’un des derniers en date concerne les pharmacies slovaques et vient de l’ambassade des États-Unis à Bratislava, capitale de la Slovaquie, comme l’explique The daily.sk dans son édition en ligne du 5 septembre 2011. Il y est question de l’achat du vote de parlementaires de ce pays par un groupe financier afin que soit adoptée une loi permettant d’ouvrir le capital des officines libérales à des investisseurs ne disposant pas du statut de pharmacien, alors que jusque-là, seule une personne possédant un diplôme d’apothicaire pouvait détenir une pharmacie.

Le groupe financier Penta aurait offert, à partir d’avril 2005, environ 66 000 euros à plusieurs députés indépendants pour les amener à voter pour l’adoption de six textes de loi visant à réformer le système de santé slovaque, selon l’ambassade américaine. Cette dernière s’appuie sur des informations provenant d’une source digne de confiance ayant des liens avec Penta, d’après le câble diplomatique.

Scott Thayer, chargé d’affaires à l’ambassade à cette époque, fait état de conjectures sur ces achats de vote par Penta, société contrôlant indirectement trois des cinq assureurs santé slovaques à cette époque et se tenant prêt à acquérir plus d’une centaine d’officines dans le pays.

Voilà qui arrive à point nommé pour les pharmaciens slovaques qui tentent de s’opposer à cette réforme doit être à nouveau débattue en septembre au parlement. Ils entendent lutter contre la possibilité offerte aux grands groupes financiers de créer des chaînes de pharmacies offrant à leurs clients des primes de fidélité ou des rabais en tout genre. Ils estiment que les exploitants de pharmacie ne doivent être autorisés à n’en posséder qu’une, comme c’est la règle dans la plupart des pays de l’Union européenne. Ils disent craindre pour leur survie et pour la qualité de service offerte aux clients. Un argument que semble confirmer le câble dévoilé par Wikileaks dans lequel il est précisé qu’une telle ouverture du marché des pharmacies viserait à en exclure, à terme, les pharmaciens indépendants.

La société Penta s’est empressée de démentir ces informations. Elle n’a d’intérêts que de 80 pharmacies (sous l’enseigne Dr. Max) sur les 1 800 que compte le pays et dit ne pas vouloir voir disparaître les officines indépendantes.

L’ouverture du capital officinal à des non-pharmaciens est un débat sur lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déjà eu à se pencher (affaires jointes C-171/07 et C-172/07, 19 mai 2009), estimant que c’étaient aux législations nationales que revenait le choix. Au regard des enjeux financiers, il est évident que les uns et les autres ne vont pas manquer de continuer à exercer diverses pressions sur les instances politiques en fonction des intérêts qui leur sont propres. Reste à espérer que les intérêts de la santé publique et des patients ne soient pas oubliés dans tout ça.

Réforme de la loi HPST : grand ménage du Conseil constitutionnel

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Attention censureLa proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, adoptée fin juillet par l’Assemblée nationale et le Sénat, vient de voir plusieurs de ses articles déclarés contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, le 4 août 2011, suite à une saisine émanant de plus de 60 députés appartenant ou apparentés au groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Si le passage du texte concernant la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) n’a pas été revu, il n’en est pas de même de bien d’autres.

C’en est fini, pour le moment, de la législation sur le métier d’assistant dentaire. L’article 14 de la proposition de loi qui prévoyait un cadre légal pour les assistants dentaires a été adopté selon une procédure non conforme à la Constitution et est donc contraire à celle-ci. La profession d’assistant dentaire qui devait consister « à assister le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire dans son activité professionnelle, sous sa responsabilité » ne sera pas officialisée dans l’immédiat et les activités de prévention et d’éducation pour la santé dans le domaine bucco-dentaire restent de la compétence du chirurgien-dentiste.

La présentation des spécialités génériques sous des formes pharmaceutiques d’apparence similaire à celle du médicament princeps n’aura pas franchi non plus le cap du Conseil constitutionnel.
L’article 27, relatif aux conditions d’utilisation du titre de nutritionniste et prévoyant que « Ne peut utiliser le titre de nutritionniste qu’un médecin titulaire de diplômes ou titres relatifs à la nutrition », a été censuré, tout comme l’expérimentation permettant aux sages-femmes de pratiquer l’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse et autorisant les infirmiers à délivrer et administrer des médicaments ayant pour but la contraception d’urgence dans les services de médecine de prévention universitaires et interuniversitaires (art. 41).
Les conditions d’inscription sur la liste nationale des experts en accidents médicaux ne seront pas modifiées par la proposition de loi.

La constitution de sociétés de participations financières de professions libérales de pharmaciens d’officine et de biologistes médicaux ; les règles de prise en compte des regroupements d’officines pour l’application des règles applicables à la création de pharmacies ou le régime d’autorisation des préparations en pharmacie attendront avant d’être clarifiés.
Le domaine de la biologie est très présent dans plusieurs autres articles déclarés non conformes en totalité ou partiellement (domaines dans lesquels le directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail peut prendre des décisions ; rattachement à une même section de l’ordre des pharmaciens de tous les pharmaciens exerçant dans le domaine de la biologie ; compétence donnée aux sections des assurances sociales de l’ordre des médecins ou de l’ordre des pharmaciens pour statuer sur une plainte déposée à l’encontre d’une société qui exploite un laboratoire de biologie médicale ; faculté pour les vétérinaires d’accéder à la formation de spécialisation en biologie médicale ; etc.).

La participation de l’assuré aux frais de transport des enfants accueillis dans les centres d’action médico-sociale précoce et les centres médico-psychopédagogiques ne pourra être limitée ou supprimée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, après que l’article 39 ait été reconnu non conforme à la Constitution.

L’ordonnance nº 2010-18 du 7 janvier 2010 portant création d’une agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ne sera pas ratifiée.

La modification du code des juridictions financières relative aux compétences de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes dans la certification des comptes des établissements publics de santé, ainsi que la modification du code de la santé publique permettant au directeur de la caisse d’assurance maladie de se faire représenter pour assister aux séances du conseil de surveillance des hôpitaux attendront. Il est en de même de la modification portant sur la nomination des directeurs d’établissement hospitalier et les directeurs généraux des centres hospitaliers régionaux ou de celle prévoyant des expérimentations relatives à l’annualisation du temps de travail des praticiens hospitaliers travaillant à temps partiel dans les collectivités d’outre-mer et autres mesures relatives, d’une part, au Centre national de gestion chargé des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, des directeurs des soins et des praticiens hospitaliers et, d’autre part, aux personnels de ce centre national.
La faculté de conclure des accords conventionnels interprofessionnels intéressant les pharmaciens titulaires d’officine et une ou plusieurs autres professions de santé entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les organisations représentatives signataires des conventions nationales de chacune de ces professions est, elle aussi, rejetée.

L’article 30 est le seul, parmi ceux qui étaient remis en question, à ne pas avoir été censuré. Un dossier médical implanté sur un support portable numérique sécurisé devrait donc pouvoir être remis, à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2013, à un échantillon de bénéficiaires de l’assurance maladie atteints d’une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse.

La réforme de la santé au travail cachée dans celle des retraites

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecin de santé au travailQui aurait pu penser que la réforme de la santé au travail, dont on parle depuis plusieurs mois, se cacherait au sein du projet de loi portant réforme des retraites… Loin de la sérénité qui aurait pu être nécessaire à des décisions qui vont engager l’avenir de la médecine du travail, c’est en plein brouhaha social et médiatique concernant les retraites, sans parler des pressions subies par le ministre du travail dans le cadre de ce que l’on appelle l’affaire Bettencourt, que les débats parlementaires concernant la santé au travail ont eu lieu.

Les députés ont adopté le 15 septembre 2010 en première lecture le projet de loi portant réforme des retraites, après l’avoir amendé. Il doit maintenant être examiné au Sénat et rien ne dit qu’il restera en l’état, mais il est néanmoins intéressant de savoir à quoi ressemble le texte après les premiers débats.
C’est dans le cadre de la pénibilité du parcours professionnel, à l’article 25 et subsidiaires, que l’évolution législative relative à la médecine du travail trouve sa place. Il est d’abord prévu la création d’un carnet de santé au travail : il est constitué par le médecin du travail et doit retracer, dans le respect du secret médical, les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail, notamment les mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Ce carnet ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l’intéressé. En cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail. Ce carnet peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur. Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci, toute personne autorisée par le code de la santé publique, peut demander la communication de ce carnet.
Parallèlement à ce carnet, il est prévu que pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue. Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’évaluation des risques, prévue à l’article L 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail. Elle complète le carnet de santé au travail de chaque travailleur. Le modèle de cette fiche est fixé par arrêté du ministre chargé du travail.
Une copie de ce document est remise au salarié à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. En cas de décès du travailleur ou d’incapacité supérieure à un taux fixé par décret, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle il a signé un pacte civil de solidarité ainsi que ses ayants droit peuvent obtenir, dans les mêmes conditions, cette copie.

Conformément à la loi actuelle, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces dernières devront maintenant tenir compte de la pénibilité au travail.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, quant à lui, procède déjà à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l’établissement ainsi qu’à l’analyse des conditions de travail. Il procède également à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposées les femmes enceintes. Il est prévu qu’il procède aussi à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité.

Le médecin de travail n’est plus que l’un des éléments des services de santé au travail avec ce projet. Il est maintenant plutôt question d’équipes pluridisciplinaires.
Les services de santé au travail ont pour mission exclusive : de conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ; de conseiller, notamment dans le cadre de leur action en milieu de travail, les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels et d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi, notamment des personnes âgées et des travailleurs en situation de handicap ; d’assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ; de participer au suivi des expositions professionnelles et à la veille sanitaire et de contribuer à la traçabilité de ces expositions professionnelles.

Dans les services de santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions des services de santé sont exercées par les médecins du travail, en lien avec les employeurs et les salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels.
Pour les services de santé au travail interentreprises, les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail composée au moins de médecins du travail, d’intervenants en prévention des risques professionnels, d’infirmiers et, le cas échéant, d’assistants des services de santé au travail. Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes. Toujours pour les services de santé au travail interentreprises, les missions de service de santé au travail sont précisées, en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d’autre part, après avis des organisations d’employeurs et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
De nombreuses autres mesures pour les services interentreprises sont prévues par le projet de loi adopté à l’Assemblée.

Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé de certains travailleurs (artistes, techniciens intermittents du spectacle, mannequins, salariés du particulier employeur, voyageurs, représentants et placiers) dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le code du travail. Pour les mannequins et les salariés du particulier employeur, des médecins non spécialisés en médecine du travail peuvent signer cette convention.

Il est prévu que ce soit un décret qui détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs comme les salariés temporaires ou les travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie, par exemple.

Dernier point intéressant, un décret pourra fixer les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter à titre temporaire un interne de la spécialité.

Le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a immédiatement réagi au texte adopté, estimant l’indépendance des médecins de santé au travail compromise. La lecture qui sera effectuée au Sénat sera donc décisive.

La révolution du NHS

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un vent nouveau sur la santé anglaiseLe mois de juillet est décidément propice aux révolutions, puisque c’est le 12 juillet 2010 que le nouveau secrétaire d’État à la santé britannique, Andrew Lansley, a présenté au Parlement un projet destiné a changé profondément le National Health Service (NHS). Dans un livre blanc, intitulé Equity and excellence: Liberating the NHS [Équité et excellence : pour libérer le NHS, NDLR], ce membre du gouvernement dévoile les grandes lignes de ce que sera la nouvelle politique de santé outre-Manche.

Contrairement à ce qui se faisait jusque-là, ce n’est plus aux tutelles chargées de tout faire pour obtenir des économies de santé qu’est accordée la confiance, mais aux médecins généralistes proches des patients. En faisant réaliser à la “bureaucratie” actuelle du NHS des gains d’efficacité sans précédent (45 % de réduction du coût de gestion en 4 ans), 80 milliards de livres sterling vont être mis à la disposition des généralistes pour qu’une meilleure prise en charge des malades soit assurée. Plutôt que de consacrer cette somme aux services chargés de réfléchir à de nouvelles mesures censées faire faire de nouvelles économies au système ou aux services servant à contrôler que les mesures précédentes ont bien été respectées, le gouvernement britannique a choisi de l’utiliser à la prise en charge des patients, y compris par le secteur privé.

Les hôpitaux vont avoir le droit d’augmenter leurs activités de consultations privées pour accroître leurs recettes, mais ils se verront aussi contraints de faire plus d’enquêtes de satisfaction auprès des patients et de les informer au cas où une erreur dans la prise en charge a été commise.

Les patients, comme les médecins généralistes, retrouvent une place décisionnaire au sein du système, place qu’ils avaient dû céder ces dernières années aux administratifs de tous poils. Plutôt que de se voir imposé des références opposables ou des parcours obligatoires pour que les soins soient pris en charge, les patients vont avoir leur mot à dire, avec pour nouvelle devise : « Pas de décision à mon sujet, sans moi ».
Les malades vont aussi pouvoir reprendre la main sur leur dossier médical et décider qui peut y avoir accès. Ils pourront le télécharger facilement afin de le mettre à la disposition des médecins, des cliniques ou des hôpitaux de leur choix, voire même d’une association de patients. Les médecins et les malades seront également en mesure de communiquer par Internet pour plus d’efficacité et de facilité.
Un plus grand nombre d’organisations sera susceptible de donner des informations à la portée de tous sur les maladies, leurs traitements ou sur l’hygiène de vie ; ces informations devant répondre à des critères minimums de qualité.
Un budget sera alloué aux patients présentant des affections de longue durée pour qu’ils puissent eux-mêmes choisir leurs soins, contrairement au système actuel encadrant très strictement leur parcours de santé.

Le ministère de la santé devra davantage mettre l’accent sur l’amélioration de la santé publique que sur la gestion courante du NHS. Les autorités locales seront impliquées conjointement au système national de santé dans les actions de lutte contre l’obésité, le tabagisme ou l’alcoolisme. Les campagnes de vaccination seront poursuivies et l’accent sera mis sur le dépistage. Les régions dont la population, souvent défavorisée, souffre le plus de problèmes de santé obtiendront des rallonges budgétaires afin de réduire les inégalités.

Enfin, les performances des équipes médicales et des hôpitaux seront étudiées avec soins et leurs résultats en matière d’infections nosocomiales, de décès, de rechutes ayant nécessité une nouvelle hospitalisation ou d’incidents au cours d’un traitement seront mis à la disposition du public.
Il sera demandé aux patients s’ils estiment que le traitement qui leur a été donné a été efficace et s’il a répondu à leurs attentes. Des réponses dont pourront se servir les autres patients pour choisir où ils désirent se faire soigner ou accoucher, n’étant plus obligé de s’adresser à leur médecin référent, au spécialiste ou à la maternité qu’on leur impose.
Plutôt que sur leur potentiel à respecter certains objectifs économiques, c’est sur l’efficacité clinique de leur travail que les médecins seront jugés. Il en sera de même pour le système de santé dans son ensemble dont les progrès seront appréciés sur la diminution du taux de mortalité pour les maladies curables ou sur l’augmentation des taux de survie à un ou cinq ans chez les patients atteints par un cancer.

Les Anglais ont donc décidé d’abandonner un modèle de santé basé sur des économies de santé programmées par des administrations toutes puissantes qui reniaient sans cesse sur la liberté des patients et des professionnels de santé. Il faut dire qu’après avoir placé leurs espoirs en lui pendant plusieurs dizaines d’années, il était très loin d’avoir fait ses preuves.
Voilà qui pourrait donner à réfléchir à tous ceux pour qui l’actuel NHS représentait un idéal. En France, la déclaration du « médecin traitant », le parcours de soins, le renforcement du pouvoir administratif, les référentiels de bonnes pratiques ou les contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) mis en place très récemment sont directement inspirés du modèle britannique…

 

Dans le livre blanc d’Andrew Lansley, il n’est question que du NHS anglais et non des autres systèmes de santé (écossais, gallois et irlandais) présents au sein du Royaume-Uni. Pour plus de précisions, se référer à l’article intitulé Le National Health Service ou NHS.

Vers un accès du médecin du travail au dossier médical privé de l’employé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un médecin au travailDans un rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) du 25 juin 2010, ce dernier ne s’oppose pas, sur un plan déontologique, à ce que les médecins du travail puissent avoir accès en lecture, comme en écriture, au dossier médical personnel des employés des entreprises pour lesquels ils sont amenés à intervenir. C’est dans le cadre de la réforme annoncée de la santé au travail que le CNOM a adopté des préconisations qu’il souhaiterait voir reprises dans le projet de loi actuellement en chantier.

Pour le conseil de l’ordre, l’accès au dossier médical personnel (DMP) « présente un intérêt indiscutable pour la santé du salarié », même s’il aimerait que des conditions soient posées à cet accès : « Le salarié doit donner un consentement exprès, renouvelé, libre et éclairé au médecin du travail Le consentement ou l’absence de consentement du salarié ne peut, sous quelque forme que ce soit, être porté à la connaissance d’une tierce personne. Tout comportement d’un employeur visant directement ou indirectement à faire pression auprès d’un salarié pour qu’il donne accès à son DMP doit être sévèrement puni.
Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir le respect effectif de l’indépendance professionnelle du médecin du travail.
Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir la confidentialité absolue des données de santé à l’égard des employeurs dès lors que la consultation du DMP par le médecin du travail pourrait le conduire à en reporter des éléments dans le dossier médical de médecine du travail.
Il faut également envisager que le médecin du travail puisse compléter le DMP pour que le médecin traitant du salarié ait connaissance des risques professionnels auxquels est exposé le patient qu’il prend en charge. »

S’il n’est pas étonnant que la question du secret médical soit au coeur des débats, car c’est souvent un élément de litiges entre employés, médecins du travail et employeurs, d’autres aspects de la réforme annoncée ont été abordés dans ce rapport.
Pour le CNOM, la délégation de tâches aux infirmiers, censée apporter un bénéfice aux salariés et libérer du temps médical en cette période de disette démographique, pourrait comprendre des actes médicaux « bien identifiés », sur le principe d’un protocole de coopération médecin-infirmier validé par la HAS qu’a déjà instauré la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) dans le monde libéral.
La reconnaissance du statut d’assistant de santé au travail est plébiscitée par l’ordre. « Dès lors que les assistants de santé au travail bénéficieront d’une formation standardisée et validée, au plan national, rien ne s’oppose à ce que la réalisation d’examens non invasifs (spirométrie, audiométrie…) leur soit déléguée sous réserve d’une procédure encadrée par le médecin du travail. » Si les mesures prises pour la médecine libérale inspirent la santé au travail, pourquoi ne pas envisager des assistants de santé dans les cabinets des libéraux ?

Toujours dans la perspective de la réforme de la santé au travail, le CNOM souhaite que les médecins généralistes puissent faire bénéficier d’un suivi médical certaines catégories de salariés qui y échappent à l’heure actuelle (travailleurs à domicile, saisonniers, etc.) » à condition qu’ils interviennent au sein des services de santé au travail, charge à ces derniers de les former et de leur donner les moyens pour que leurs « visites médicales et examens cliniques ne soient pas déconnectés d’une connaissance du milieu de travail et des postes de travail ».

Sans doute échaudé par la réforme de l’hôpital, le CNOM insiste enfin sur la nécessaire indépendance des médecins du travail qui ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail : « Il ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. »

Que restera-t-il de toutes ces préconisations après le passage du texte entre les mains des parlementaires ? Très certainement pas grand-chose si l’on se réfère aux récents textes adoptés par les élus…

Pôles d’activité et délégations de gestion dans les établissements de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les pôles travaillent dans les établissements de santéL’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a remis en février 2010 un rapport intitulé Bilan de l’organisation en pôles d’activité et des délégations de gestion mises en place dans les établissements de santé qui a été publié en mai 2010 par La documentation française.

C’est en 2005 que des ordonnances ont initié une réforme de la gouvernance hospitalière censée donner la priorité au pilotage médico-économique des établissements de santé au moment où la tarification à l’activité (T2A) se mettait en place. Cette réforme est aussi basée sur « le principe de subsidiarité : la transmission de l’autorité et des marges de décision aux échelons les plus proches de la production de soins. » Pour les auteurs de ce rapport, « Cet ample mouvement de décloisonnement des logiques médicales, administratives et soignantes devait concerner aussi bien la gouvernance de l’institution hospitalière, avec la création des conseils exécutifs, que la production de soins elle-même, avec la mise en place des pôles médicaux et médico-techniques, pilotés par des médecins et dont l’assise, plus large que celle des traditionnels services, devait permettre d’améliorer la gestion de l’activité de soins. » Le souhait de décentraliser le pouvoir décisionnaire était au coeur de ce dispositif, avec des équipes de direction devant progressivement concevoir leur intervention comme celle de services supports aux producteurs de soins que sont les pôles médicaux et médico-techniques, très loin d’une volonté politique récente tendant à faire du directeur de l’hôpital l’unique patron de l’établissement.

Entre les intentions et la réalité cinq après leur mise en pratique le constat est quelque peu amer. Faute de délégations de gestion et de moyens et malgré les efforts réalisés par les soignants pour assimiler une nouvelle culture médico-économique, cette décentralisation n’est pas vraiment au rendez-vous. La réforme déçoit : « Convaincus de la pertinence de la réforme de l’hôpital, les nombreux chefs de pôle rencontrés par la mission semblent désabusés et sceptiques sur la sincérité même de la démarche de subsidiarité. »
Si les médecins ont fait des efforts, il semble que, pour les rapporteurs de l’IGAS, ce ne soit pas le cas des équipes directoriales des établissements de santé. « Il reste à engager un important travail d’acculturation de ces équipes, qui se conçoivent encore comme l’état-major de l’hôpital et qui manifestent parfois une grande méfiance à l’égard du corps médical en général. » Difficile de comprendre que, dans le même temps, les autorités ont décidé de ne plus faire de la commission médicale d’établissement (CME) dans les hôpitaux qu’un organe consultatif.
« Plusieurs établissements comme le CH de Carcassonne, celui du Mans, ou de Gonesse, ont réalisé un investissement important dans l’ingénierie de la nouvelle gouvernance avec le recours à des consultants, la mise en place de groupes de travail, l’élaboration de contrats type, l’adaptation de règlements intérieurs, mais le passage à l’acte, au-delà du découpage en pôles, n’a pas été à la hauteur de cet investissement. Diverses raisons ont été avancées par leurs dirigeants : les hôpitaux ont dû mettre en œuvre de nombreuses réformes, dont la T2A, beaucoup doivent améliorer de manière très significative leur système d’informations et leur comptabilité analytique avant d’organiser la délégation, d’autres mènent des projets de construction ou de reconstruction, la plupart enfin connaissent une situation financière déficitaire qui “paralyse” les équipes de direction.
La mission a noté un décalage certain entre l’acculturation des médecins et les réticences des directions. On ne peut plus attendre trop longtemps face au risque de découragement des chefs de pôle. Une DRH, entendue par la mission, reconnaît que les chefs de pôle pourraient finir pas se lasser d’un exercice qu’ils considèrent comme virtuel. »

Pour les rapporteurs, de nombreuses conditions restent à réunir pour que le système puisse être pleinement efficace. « Malgré ces réserves et un relatif découragement des équipes de pôle rencontrées, les avancées sont réelles et font exclure à tous l’éventualité d’un retour en arrière. La mise en place des pôles a en effet, partout et au minimum, permis de décloisonner les entités traditionnelles, les services, et les cultures professionnelles. » Il est question de croisée des chemins. Reste à espérer que la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) n’aura pas brouillé encore un peu plus les pistes…

Une nouvelle mission pour la médecine de proximité

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Vers une réforme de la médecine de proximitéCe n’est que quelques semaines après avoir confié au président du conseil national de l’ordre des médecins une mission sur les possibles évolutions de la médecine libérale que le chef de l’État a annoncé avoir décidé d’en confier une autre à Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité. Pour Nicolas Sarkozy, en déplacement dans une maison médicale à Livry-Gargan en Seine-Saint-Denis, à douze kilomètres au nord-est de Paris, lieu même où ont commencé les émeutes urbaines de novembre 2005, et justement au lendemain de la parution des Atlas régionaux de la démographie médicale, « il n’est pas acceptable qu’il y ait des quartiers à sur-densité médicale et des départements entiers à sous-densité médicale ». « Dans un département comme le département de la Seine-Saint-Denis, en 10 ans il y a eu 300 médecins généralistes de moins », et le président de la République de vouloir « apporter des réponses structurelles au malaise de la médecine de proximité ». Il faut dire que la Seine-Saint-Denis n’est plus le havre de paix où aimait venir se reposer Madame de Sévigné…

Choix politique, c’est donc à l’ancien ministre de la santé du premier gouvernement d’Alain Juppé, Élisabeth Hubert, en poste au moment de la fameuse réforme de la Sécurité sociale à coups d’ordonnances, médecin de formation et ancien directeur des Laboratoires Fournier, que le chef de l’État a choisi de s’en remettre pour brosser le tableau de ce qui pourrait bien être la fin de la liberté d’installation. L’enjeu : imposer aux jeunes (et aux moins jeunes) médecins un exercice dans les banlieues, plus encore que dans les campagnes. Appelée de leurs voeux par de nombreux praticiens installés de longue date et proches de la retraite, qui voient là un moyen de valoriser leur cabinet en se moquant bien de l’avenir de leurs jeunes confrères tout juste bon à courber l’échine pour pallier l’incurie de leurs aînés, la suppression de la liberté d’installation ne devrait pas être trop difficile à mettre en musique. Même si le Chef de l’État parle des dégâts causés par le numerus clausus et d’une réforme de la formation des médecins, c’est bien d’un des piliers du système de santé actuel dont il est question et d’une liberté de plus que l’on aimerait voir disparaître.

Cette mission « va s’étaler entre le mois de mai et le mois de septembre » et devra « proposer des mesures structurelles de façon à ce qu’il y ait à nouveau des jeunes qui souhaitent épouser la carrière de généraliste ».

Qu’en sera-t-il vraiment ? Il s’agit d’un thème politique récurrent, médiatiquement porteur et relancé chaque année quelques jours après la parution de l’Atlas de la démographie médicale par le conseil national de l’ordre des médecins. La crise de la médecine libérale est profonde et l’on voit que l’on cherche habilement à la dissocier de celle de la médecine de proximité. Reste à voir comment il sera possible d’imposer à des étudiants, au terme de leur long apprentissage durant lequel ils font déjà de nombreux sacrifices, d’aller s’installer dans des banlieues censées devoir être nettoyées « au kärcher » depuis quelques années, sans les détourner un peu plus de l’exercice libéral…

La retraite des médecins compromise ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Des retraités se promènentAlors qu’il est question de discuter d’une réforme des régimes de retraite à l’automne, Gérard Maudrux, président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), organisme imposé aux praticiens conventionnés exerçant en France, a adressé à ses adhérents en ce début d’année un courrier qui donne à réfléchir.

Gérard Maudrux compare dans cette lettre la mafia des Pays baltes à l’État français. Cette idée lui est venue après avoir participé à un repas au cours duquel un entrepreneur se voyait reprocher d’avoir pris un risque en installant sa société dans l’un de ces nouveaux pays de nord de l’Union européenne, sachant que pour y travailler il était indispensable de verser son obole à la mafia locale. Ce chef d’entreprise aurait répondu : « Effectivement, je dois payer la mafia pour pouvoir travailler, mais je vais t’expliquer comment cela fonctionne en pratique. Tous les mois ils viennent me voir pour me demander si tout va bien, pour savoir s’ils peuvent faire quelque chose pour moi, pour me faciliter la tâche, pour m’aider à augmenter ma production. À l’inverse, vous en France, au lieu de la mafia, vous avez un État, qui vous prend deux à trois fois plus, et qui en échange fait tout ce qu’il peut pour vous empêcher de travailler. »

Il est peu probable que Gérard Maudrux ait relaté de tels propos en croyant à l’angélisme d’une quelconque mafia, mais cette réflexion reflète le ressenti qu’ont de nombreux praticiens à l’égard du système actuel, qu’il soit de retraite ou de soins. Et les médecins ne sont pas les seuls à partager ce sentiment, semble-t-il.
Les charges sociales ne cessent d’augmenter, bien plus rapidement que les revenus malgré une explosion du coût de la vie, bien mal dissimulée par les chiffres officiels, et le système de retraite, imposé au nom d’une solidarité nationale en trompe-l’oeil, ne survivra pas à la pénurie d’actifs prévue dans quelques années.

« Le régime de base est pillé par une compensation démesurée qui va dépasser 65 % de nos prestations (+ 26 % prévu pour cette année), au nom d’une solidarité que l’on a du mal à saisir quand les hommes de l’État, politiques, fonctionnaires, services publics en sont pour la presque totalité dispensés », explique le président de la CARMF. Les prestations diminuent et les coûts augmentent…

Un discours très éloigné du « politiquement correct » habituel. Une raison d’espérer ?

Bien-être et efficacité au travail : le rapport

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le stress au travail« Dix propositions pour améliorer la santé psychologique au travail », tel est le sous-titre du rapport « Bien-être et efficacité au travail » fait à la demande du Premier ministre et qui vient de lui être remis. Document centré sur les entreprises privées et présenté, entre autres, par la directrice générale des ressources humaines de Danone et le président du conseil de surveillance de Schneider Electric, ce rapport arrive à point nommé quelques jours après la courte apparition sur le site du ministère du travail de listes rouge et orange relatives aux mauvaises performances des entreprises de plus de 1 000 salariés en matière de prévention de stress au travail. Radio France Internationale ou le Secours catholique faisaient, par exemple, partie de la liste rouge. Ce “palmarès” a immédiatement fait polémique et a été retiré du site du ministère à la demande de plusieurs dizaines de sociétés figurant en son sein. Seules les entreprises présentes sur la liste verte des « bons élèves », à laquelle personne ne s’est plaint d’appartenir, peuvent encore être retrouvées sur le site gouvernemental.

Suite à ces péripéties, le rapport « Bien-être et efficacité au travail » était donc attendu avec impatience, depuis la mise en place du plan d’urgence sur la prévention des risques psychosociaux, et il est fort intéressant. Dès son avant-propos, le ton est donné : « En France, la fierté du travail bien fait occupe une place importante. » Des propos qui doivent laisser songeurs bien des citoyens…
Réorganisations, restructurations, augmentation des exigences des clients, nouvelles technologies pouvant « cannibaliser » les relations humaines ou certains comportements managériaux font partie des causes de stress au travail pour les auteurs de ce rapport, parmi lesquels ne se trouve aucun médecin de santé au travail. Il faut dire que confier les sujets relatifs à la santé aux médecins, plutôt qu’aux économistes, n’est pas dans l’air du temps, mais peut-être est-ce pour ne pas aggraver le burn-out dont souffre cette profession depuis longtemps, sans que cela déclenche la rédaction du moindre rapport officiel…

Parmi les dix propositions, il convient de relever la deuxième : « La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas : les managers de proximité sont les premiers acteurs de santé. » Tout un programme pour la réforme de la santé au travail en cours de discussion et pour les futurs textes législatifs qui ne manqueront pas de faire suite à toutes ces réflexions…