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Les incitations à prescrire des génériques en Europe sont légitimes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Des génériques à foisonAlors que les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (anciennement Cour de justice des Communautés européennes), dans une affaire opposant l’Association of the British Pharmaceutical Industry et la Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency, laissaient penser que les incitations à prescrire des génériques imposées par les organismes sociaux des États membres pourraient ne pas être autorisées par le droit européen, la Cour en a décidé autrement dans un arrêt du 22 avril 2010 (n° C-62/09).

Pour les représentants de l’industrie pharmaceutique anglaise et pour la Commission européenne, la directive européenne 2001/83 s’opposait « à ce qu’un organisme public faisant partie d’un service national de santé publique mette en place un système qui offre des incitations financières à des cabinets médicaux afin que les médecins exerçant dans ces cabinets prescrivent un médicament spécifiquement désigné, et ce même si l’objectif de ce système est de réduire les dépenses publiques globales en matière de médicaments. » Mais plusieurs gouvernements, dont celui de la France, prônant l’intérêt économique des génériques, cette directive ne visait pas les autorités nationales compétentes en matière de santé publique et qu’elles n’avaient été prises que pour « garantir l’accès pour tous à une quantité suffisante de médicaments à un prix raisonnable ». La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) devait donc trancher.

La CJUE rappelle que l’« article 94, paragraphe 1, de la directive 2001/83 interdit d’octroyer, d’offrir ou de promettre aux personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments une prime, un avantage pécuniaire ou un avantage en nature à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable et n’aient trait à l’exercice de la médecine ou de la pharmacie », mais ce « dans le cadre de la promotion des médicaments » par l’industrie elle-même. Un tiers indépendant, même en dehors d’une activité commerciale ou industrielle, n’est pas plus autorisé à faire la promotion d’un médicament. Par contre, les campagnes approuvées par les autorités compétentes des États membres sont, elles, permises par le droit européen. C’est dans ce même esprit qu’il faut considérer que les incitations financières à la prescription de médicaments ne sauraient viser les autorités nationales en charge de la santé publique, même s’il est question de rationalisation des dépenses publiques. « D’une manière générale, la politique de santé définie par un État membre et les dépenses publiques qu’il y consacre ne poursuivent aucun but lucratif ni commercial. Un système d’incitations financières tel que celui en cause au principal, relevant d’une telle politique, ne saurait donc être considéré comme s’inscrivant dans le cadre de la promotion commerciale de médicaments. »
Les seules limites à ces dispositifs sont que les systèmes d’incitations financières mis en œuvre par les autorités publiques s’appuient sur des critères objectifs et qu’aucune discrimination ne soit opérée entre les médicaments nationaux et ceux provenant d’autres États membres. Il faut aussi que les autorités nationales en charge de la santé publique adoptant un tel système d’incitations le rendent public et mettent « à la disposition des professionnels de la santé et de l’industrie pharmaceutique les évaluations établissant l’équivalence thérapeutique entre les substances actives disponibles appartenant à la classe thérapeutique faisant l’objet dudit système. »

Pour autant, ces incitations ne semblent pouvoir être des obligations, le médecin devant pouvoir garder son libre arbitre et apprécier la situation au cas par cas. « Un médecin prescripteur est tenu, d’un point de vue déontologique, de ne pas prescrire un médicament donné si celui-ci ne convient pas au traitement thérapeutique de son patient, et ce nonobstant l’existence d’incitations financières publiques à la prescription de ce médicament. » Pour la Cour, dans le cadre de leur mission de contrôle et de surveillance de l’activité des médecins, « les autorités publiques ou les organisations professionnelles délégataires sont habilitées à dispenser aux médecins des recommandations en matière de prescription de médicaments, sans que de telles recommandations puissent affecter de manière préjudiciable l’objectivité des médecins prescripteurs […] ».

Voilà qui devrait donc conforter certains gouvernements de l’Union dans leur politique économique de santé. Cet arrêt ne peut que renforcer un peu plus la légitimité des contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) sur laquelle le Conseil d’État devrait bientôt se prononcer : une bien mauvaise nouvelle pour leurs détracteurs…

L’Union européenne enquête sur le marché des génériques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Plus de contrôle pour les soins de santéC’est le 12 janvier 2010 que les autorités de l’Union européenne (UE) ont décidé de s’intéresser de plus près aux rapports existant entre les grands laboratoires pharmaceutiques et leurs “concurrents” spécialisés dans la fabrication des génériques bon marché. Il se pourrait, en effet, qu’une certaine connivence se soit instaurée entre ces acteurs de l’industrie pharmaceutique si l’on en croit les conclusions d’une enquête approfondie menée par la Commission européenne dans ce secteur où la transparence ne semble pas toujours être au rendez-vous. Les grands laboratoires qui mettent au point les molécules princeps, protégées par un brevet durant une période donnée, pourraient avoir tendance à payer les fabricants de génériques pour qu’ils retardent l’arrivée sur le marché de leurs copies lorsqu’ils y sont enfin autorisés. De telles pratiques se feraient, bien entendu, au détriment des consommateurs, privés de médicaments à moindre coût limités durant une période plus longue que celle prévue par la législation relative aux brevets. Réelle volonté de défense de l’accès aux soins et transparence dans le secteur de la santé ou simple rideau de fumée politique, les instances européennes font preuve ces derniers mois d’un esprit fort critique à l’égard de l’industrie pharmaceutique. À une époque où les budgets se resserrent et où Internet aide les citoyens à déjouer bon nombre de tentatives de désinformation, il est possible que les doutes sur des manipulations relatives à la pandémie de grippe A(H1N1) ne soient pas étrangers à ce nouvel état d’esprit

Autre sujet d’intérêt pour les responsables européens, les récents travaux de l’European Healthcare Fraud & Corruption network (EHFCN), réseau européen s’intéressant à la fraude et à la corruption dans les soins de santé, qui ont fait l’objet d’un rapport intitulé The financial cost of Healthcare fraud, ce qui en français peut se traduire par « Le coût financier de la fraude dans les soins de santé ». Selon ces données, la fraude et les erreurs d’organisation dans le domaine des soins de santé représentent un montant de 180 milliards de dollars par an, soit 5,59 % des dépenses mondiales annuelles de santé. Grâce à cet argent, il serait possible en un an d’approvisionner en eau propre et sûre tous ceux qui en ont besoin de par le monde, de contrôler le paludisme en Afrique, de vacciner 23,5 millions d’enfants de moins d’un an contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche (qui tuent chaque année 2,5 millions d’entre eux) et de quadrupler le budget annuel de l’Organisation mondiale e la santé et de l’Unicef…
Ce sont sur des chiffres solides que se sont basés les enquêteurs de l’EHFCN, aidés par du personnel de chez MacIntyre Hudson LLP et du centre de lutte contre la fraude à l’université de Portsmouth, pour calculer cette estimation annuelle des fraudes qui ne sont pas mises au jour par les différents organismes qui en sont victimes. Le montant des fraudes détectées n’a pas été pris en compte, puisqu’elles font, pour la plupart, l’objet de procédures de recouvrement. Il est intéressant de noter qu’il a parfois fallu beaucoup de persévérance aux auteurs du rapport pour arriver à leurs fins, car les dirigeants des organismes spoliés n’ont pas toujours intérêt à ce que l’ampleur des fraudes soit estimée. Il en va de la crédibilité de leurs services de contrôle et de la qualité de leur travail.

Le constat est sans appel : tous les pays sont concernés. Qu’il s’agisse d’arrêts de travail injustifiés, de médecins ou de patients faisant de fausses déclarations à leur assurance-maladie pour être abusivement remboursés, d’opticiens falsifiant les résultats de leurs examens de vue, les fraudes sont polymorphes. En Europe, ce sont 56 milliards de dollars qui disparaissent ainsi chaque année, au détriment de l’assurance-maladie et des autres organismes. De tels chiffres prouvent à quel point il est nécessaire de renforcer les contrôles si l’on veut éviter que plus de 5 % des budgets annuels de santé ne servent à autre chose qu’à améliorer la qualité des soins et des prestations fournies.

Astreinte à domicile, pointage et médecin hospitalier

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Pointage de l'astreinte du médecin hospitalierCela fait bien longtemps que le pointage n’est plus l’apanage des salariés de l’industrie ou de l’hôtellerie, les médecins et les chirurgiens des hôpitaux publics y sont soumis lorsqu’ils sont d’astreinte. Contrairement aux administratifs qui en sont le plus souvent dispensés, les praticiens doivent horodater leurs passages, remplir des formulaires ou compléter des registres, car lorsqu’il s’agit d’astreinte, contrairement à ce qui se passe parfois pour les heures supplémentaires, la rigueur est de mise.

Malgré ces contraintes, il arrive que des contestations surviennent, amenant même le Conseil d’État à trancher. La décision n° 313463 de ce dernier en est un bel exemple. Il rappelle certaines règles relatives à l’astreinte à domicile que l’on retrouve dans l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes : le déplacement représente toujours du temps de travail effectif ; les déplacements effectués pour assurer la permanence des soins ne donnent pas lieu au remboursement des frais de transport, ni à l’octroi d’indemnités kilométriques ou, enfin, que chaque praticien effectuant une astreinte à domicile enregistre, selon des modalités arrêtées par le directeur sur proposition de la commission de l’organisation de la permanence des soins, l’heure de l’appel reçu au cours de l’astreinte, ses heures d’arrivée et de départ de l’hôpital, le nom pour chaque malade soigné et, par référence à la nomenclature des actes médicaux, l’indication des soins dispensés.

Le directeur d’un établissement hospitalier tient de ses pouvoirs généraux d’organisation du service compétence pour organiser la permanence des soins et déterminer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, les formes selon lesquelles le service fait sera constaté, sans préjudice de la faculté pour les intéressés d’établir, par tout moyen de preuve approprié, qu’ils ont effectivement accompli les services ouvrant droit à rémunération. Il est donc légitime qu’il puisse demander aux praticiens de noter sur un registre leurs déplacements par ordre chronologique et d’y consigner leurs heures d’arrivée, les noms des patients pour lesquels ils ont été appelés puis, une fois les déplacements terminés, les heures de départ de l’hôpital et les actes médicaux effectués. En agissant ainsi, il n’excède pas ses pouvoirs.

Geste magnanime du Conseil d’État envers les médecins et chirurgiens d’astreinte : le fait pour le praticien de n’avoir pas noté systématiquement de manière chronologique ses heures d’arrivée à l’hôpital sur le registre prévu à cet effet et de n’avoir pas toujours inscrit sur ce registre tous les renseignements requis, n’est pas de nature à justifier légalement le refus de l’hôpital de rembourser les déplacements correspondants, alors que ce médecin est d’astreinte et que l’établissement ne conteste pas la réalité de ses déplacements et du temps de travail effectif auquel ils ont donné lieu.

Autre fait marquant pour les praticiens, l’indemnité forfaitaire de déplacement a pour objet d’assurer la rémunération du temps de travail effectif accompli lors d’une période d’astreinte. Être déjà à l’hôpital lorsque le médecin est appelé et n’effectuer aucun déplacement physique depuis un lieu extérieur à l’hôpital n’autorise pas l’administration hospitalière à refuser la rémunération des interventions effectuées à cette occasion.

Autre bonne nouvelle : pas besoin de pointer pour lire Droit-medical.com !

Durée de validité d’une ordonnance de lunettes ou de lentilles de contact

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Variations

Contrairement à une idée reçue, la durée de validité d’une ordonnance de lunettes ou de lentilles de contact, considérées comme des dispositifs médicaux, n’est pas soumise aux mêmes textes que celle concernant les médicaments. Autant pour ces derniers, en fonction de la liste à laquelle ils appartiennent, leurs modalités de délivrance et de renouvellement sont claires et fondées sur le code de la santé publique, autant tel n’est pas le cas pour les lunettes, les lentilles de contact et leurs produits d’entretien. C’est souvent par une extrapolation, non fondée, aux dispositifs médicaux des textes relatifs aux médicaments que des réponses sont fournies par les organismes sociaux aux patients ou aux professionnels de santé en quête d’informations.

Refus de soins et nouvelles propositions du fonds CMU

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Refus de soins et patient CMULe fonds CMU (fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie) a réussi, il y a un peu plus de trois ans, à jeter l’opprobre sur tous les médecins grâce à un testing truffé d’incohérences et d’idées reçues, aux résultats peu fiables, mais repris très vite par les médias et la classe politique. Alors que la loi le permet sous certaines conditions, conseiller au patient de respecter le parcours de soins ou lui demander de bien vouloir mettre sa carte vitale à jour avant de venir consulter ont été présentés comme des refus de soins intolérables au nom d’une déontologie galvaudée et d’un politiquement correct très tendance.  Ce document n’a cessé, depuis sa parution en juin 2006, d’être source de débats et ses suites ont même fait l’objet d’articles dans le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST).

S’il est facile de comprendre que les médias avides de sensationnel aient pu oublier le sens critique censé animer le journalisme, il est plus surprenant de penser que les services du ministère de la santé, à la tête duquel officiait Xavier Bertrand à l’époque, ne se soient pas rendu compte du manque d’objectivité et de l’absence de fiabilité de cette « Analyse des attitudes de médecins et de dentistes à l’égard des patients bénéficiant de la Couverture Maladie universelle ». Sans des consignes politiques fortes, comment imaginer que des fonctionnaires compétents aient pu laisser une affaire comme celle-ci prendre une telle ampleur ? La volonté du pouvoir d’affaiblir les médecins et les dentistes, à un moment où de rudes négociations se profilaient dans le but de les “fonctionnariser” un peu plus les praticiens est probable. Le vieux rêve consistant à penser qu’une médecine d’État permettrait de faire des économies de santé est très présent dans les hautes sphères. Que le système français ait été classé comme le meilleur au monde par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a que peu d’importance et le gouffre de la Sécurité sociale semble imposer que l’on privilégie l’économie à la qualité.  Différents rapports et d’autres études, basés sur les mêmes a priori ou sur le rapport du fonds CMU de 2006, se sont succédé depuis, renforçant l’idée que tous les médecins pouvaient être soupçonnés de discrimination, à tel point que même le conseil national de leur ordre a cru bon de céder au politiquement correct en appelant les patients à dénoncer les praticiens suspects. L’assurance-maladie et son personnel zélé dans un tel cas ont, bien entendu, reçu la mission de faire sanctionner les médecins incriminés, en oubliant bien souvent la présomption d’innocence, la même dont jouissent pourtant les assassins multirécidivistes.
Roselyne Bachelot continue sur cette voie puisqu’elle a missionné le fonds CMU pour réaliser le quatrième rapport d’évaluation de la loi CMU en demandant à ce que soit portée une attention toute particulière au problème des refus de soins aux bénéficiaires de la CMU-C. Ce rapport vient d’être transmis au parlement par le gouvernement et il est fort probable que plusieurs nouvelles propositions du fonds CMU soient reprises dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2010.

Quatre propositions concernent particulièrement les médecins et le refus de soins :

— « Donner juridiquement une valeur probante au testing et ouvrir la possibilité de sanction directe par la caisse. » Cette idée n’est pas nouvelle puisqu’elle figurait déjà dans le projet de loi HPST. Une majorité de parlementaires l’ont rejetée à la mi 2009, mais l’avis des élus semblent ne pas avoir été entendu et, aidée sans doute par une nouvelle campagne médiatique arrivant à point nommée, il est vraisemblable qu’elle sera à nouveau présentée aux députés et aux sénateurs, avec en plus une inversion de la charge de la preuve obligeant les cabinets médicaux à enregistrer et à conserver tous les échanges avec les patients afin de pouvoir se défendre ;

— « Adapter le panier de soins en y ajoutant des forfaits de prises en charge particuliers pour des soins non pris en charge par l’assurance maladie. » Les patients bénéficiaires de la CMU-C se verraient offrir la possibilité d’être remboursés de soins qui ne sont pas pris en charge pour les autres assurés, comme les soins de médecine esthétique ou l’adaptation des lentilles de contact, par exemple. Mais instaurer un tel forfait, c’est surtout contraindre les médecins à honoraires “libres” à appliquer un tarif imposé pour des soins habituellement jugés par l’assurance-maladie comme des soins non indispensables. Nicolas Sarkozy a clairement affiché sa volonté de voir disparaître les dépassements d’honoraires des médecins du secteur 2, c’est une façon de les affaiblir un peu plus. C’est aussi une façon de remettre au pas, les médecins secteurs 1 qui trouvent souvent dans la pratique de soins non pris en charge par la Sécurité sociale un complément de revenus les autorisant à continuer à investir dans leur cabinet ou à employer du personnel ;

— « Aboutir, dans le cadre des négociations conventionnelles, à une revalorisation des consultations des bénéficiaires de la CMU-C. » Il faut bien donner l’impression qu’au moins l’une des propositions n’est pas défavorable aux médecins, d’autant qu’elle n’a aucune chance d’être acceptée dans un contexte où les économies de santé sont le maître mot des réformes. Le principe de discrimination positive était déjà présent dans l’analyse de 2006. Le médecin pourrait voir son travail mieux rémunéré au prétexte qu’il soigne un patient CMU. Alors que l’on présente la grande majorité des médecins comme cupides au point de pratiquer une discrimination basée sur leurs intérêts financiers, il est proposé de mieux rémunérer les soins pour une partie de la population. N’y a-t-il pas un risque de voir les praticiens avides inverser leur discrimination en faveur des patients CMU-C ? Les auteurs du rapport savent très bien que de nombreux médecins n’agissent pas avec le symbole Euro miroitant dans leurs prunelles, habitués qu’ils sont à faire des actes gratuits ou à moduler leurs honoraires en fonction des difficultés financières des patients, mais bien parce qu’ils sont las d’être confrontés à un « J’y ai droit » méprisant ou à des difficultés pour se faire rembourser les soins qu’ils ont dispensé par l’assurance-maladie ;

— « Introduire un indicateur de suivi des refus de soins dans la loi de finances de l’État ou dans la loi de financement de la sécurité sociale. » Il s’agit là de la seule proposition qui puisse ne pas nuire aux praticiens. À condition, bien entendu, que l’indicateur soit objectif et que les mesures soient réalisées par un ou des organismes réellement indépendants du pouvoir ou du fonds CMU. Une telle analyse pourrait aller à l’encontre des idées reçues et du politiquement correct et redonner son éclat au dévouement dont la très grande majorité des médecins fait preuve à l’égard des patients.

 

Rien d’étonnant à ce qu’aucune proposition ne soit faite pour responsabiliser les patients bénéficiaires de la CMU-C, cela n’a rien de médiatique et ne relève pas du “positivement” correct…

La réforme du système de couverture santé américain selon Barack Obama

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Variations

Vu de l’Hexagone, où la Sécurité sociale est érigée en religion qui ne tolère aucune opposition, il est difficile de comprendre ce qui est en train de se passer autour de la réforme du système de prise en charge des soins de santé outre-Atlantique. Pourquoi un tel déchainement ? Que prévoit cette réforme ? Le plus simple est d’aller prendre les informations à leur source. Le point de vue du président Barack Obama est facilement accessible grâce à Internet, ce qui permet d’en extraire les idées phares afin que chacun puisse se faire une idée concrète de ses propositions.

Information médicale, classement des établissements de soins : les mutuelles s’en mêlent

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Information médicale par téléphone par les mutuellesLa Mutualité française a lancé, le 28 mai 2009, « Priorité santé mutualiste ». Il s’agit d’un service téléphonique présenté comme un outil « d’information, d’aide à l’orientation et d’accompagnement sur des questions majeures de santé ». Ouvert à tous dans un premier temps, puis uniquement accessible aux adhérents d’une mutuelle de la Mutualité française et à leur entourage, à partir du 1er octobre 2009, à l’aide d’un code d’accès qui leur aura été fourni, cette offre a plusieurs objectifs et le site Internet de la Mutualité donnent plusieurs exemples pour les illustrer. « Un adhérent d’une mutuelle a un rendez-vous pour une première chimiothérapie et se demande en quoi cela consiste ? Il souhaite en savoir plus sur les risques cardio-vasculaires ? Il recherche un établissement de qualité proche de son domicile qui prenne en charge son cancer ? Il s’interroge suite à l’annonce d’une maladie ? Il rencontre des difficultés sociales ou administratives liées à sa pathologie ? Ou encore il souhaite arrêter de fumer, adopter un bon équilibre alimentaire ? » Axé initialement sur quatre thèmes de santé (le cancer, les maladies cardio-vasculaires, les addictions et le maintien de l’autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap), ce système d’information comptera une nouvelle thématique fin 2009 : la santé visuelle.

Cette initiative semble séduisante, mais ne soulève-t-elle pas des questions de droit et de santé ?

Censée être gage de qualité, c’est vers un “conseiller” que sont dirigés les appels… Le contenu des réponses de ce préposé est validé par un comité d’experts. Face à des patients fragilisés par une maladie comme le cancer, que peuvent valoir des réponses stéréotypées ? Ont-ils besoin que le colloque singulier avec leur médecin ou avec d’autres professionnels de santé, adapté à leur propre cas, soit complété par des informations standardisées ? Il est vrai que la tendance actuelle est à la délégation des tâches, dont les mutuelles sont très demandeuses. Elle est aussi à la médecine en fiches, laissant penser que tous les patients sont identiques et qu’une démarche uniformisée, moins coûteuse, est susceptible de répondre à tous les cas. Les nombreuses jurisprudences en droit de la santé semblent indiquer que tel n’est pas le cas et que tout est loin d’être aussi simple.
Pour les mutuelles, il n’est pas question pour ce numéro d’être un simple service d’écoute, même si ces malades ont souvent besoin d’être écoutés et rassurés avec de simples paroles compréhensives. C’est bien d’information médicale dont il s’agit.

Dans quelle mesure le secret médical sera-t-il respecté ? La Mutualité française assure que l’anonymat et la confidentialité seront respectés. Comment est-il possible de donner une information médicale à un patient, en lui proposant si besoin de transmettre des documents par boîte postale ou sous forme électronique, sans recueillir des informations propres à l’identifier ? Si une erreur dans l’information délivrée au malade se fait jour, dans quelle mesure la responsabilité du conseiller sera-t-elle engagée, d’autant qu’il ne sera pas en mesure d’identifier l’appelant ? Les conversations téléphoniques seront-elles enregistrées et les numéros d’où appellent les clients de la mutuelle répertoriés pour qu’une traçabilité soit possible ? Que deviendront les documents transmis par les patients ? Il est même proposé à la personne qui appelle de lui adresser des brochures ou de lui envoyer une réponse à une question à laquelle le conseiller ne pourrait pas répondre : difficile dans ces conditions de respecter l’anonymat.
Si les différentes mutuelles disposent d’un service médical autorisé à collecter ce type d’informations, sous la responsabilité d’un médecin qui doit veiller au respect du cloisonnement entre les données de santé personnelles des clients et les services chargés de l’administratif et du remboursement, que penser du fonctionnement d’un organisme comme « Priorité santé mutualiste » ?
Même si le patient, client d’une mutuelle, exerce son libre choix en appelant le numéro mis à sa disposition, qui l’informera du risque encouru de voir être réalisé un éventuel recoupement entre son dossier et son identité ? Il peut être intéressant de savoir qu’un client est fumeur ou qu’il présente des risques cardio-vasculaires.  Certes, les mutuelles ne sont pas des assureurs privés, mais les diverses offres disponibles dans ce domaine laissent parfois penser que les frontières entre ces deux mondes tendent à s’estomper…
Que penser du code d’accès « permettant d’identifier l’appelant comme un adhérent d’une mutuelle de la Mutualité française » ? Individuel, il permet d’identifier chaque client, unique pour une mutuelle donnée ou pour tous les clients de la Mutualité française, il sera vite connu du grand public, diffusé et utilisé par n’importe qui, se substituant ainsi à des initiatives publiques offrant pourtant des garanties de sérieux et d’impartialité, comme Cancer ou Tabac info service.

La Mutualité française propose que son conseiller oriente les patients vers un établissement plutôt que vers un autre à l’aide d’un classement établi grâce à une évaluation de la qualité, basée sur des critères objectifs recommandés par des sociétés savantes indépendantes. Il est intéressant de constater, qu’alors que le médecin du patient n’a pas le droit de lui conseiller un professionnel de santé, un groupement de mutuelles, en se basant directement sur les données de santé d’un patient, peut orienter un malade vers ses centres mutualistes… Dans ces conditions, on comprend que la santé visuelle soit le prochain thème traité par cet organisme. Le marché de l’optique est très concurrentiel et il existe un grand nombre d’opticiens mutualistes sur le territoire français. Il est préférable de s’assurer que les adhérents disposent bien de cette information, même si elle est fournie avec d’autres propositions.

Autre élément qui peut surprendre : des médecins tabacologues disponibles par téléphone pour mettre en place un programme d’accompagnement personnalisé et assurer un suivi. Voilà qui est louable, les médecins tabacologues libéraux seront ainsi déchargés de leur travail… Il en est de même pour le programme d’accompagnement personnalisé par téléphone « équilibre alimentaire » et les diététiciens.
D’autant qu’une grande campagne de publicité est prévue à partir du 4 juin 2009, les mutuelles, contrairement aux médecins, ayant le droit d’user de ce moyen pour promouvoir leur information médicale. Elle est « construite autour d’une question clef : “En matière de santé, êtes-vous sûr d’être bien informé ?”. La finalité est de créer un réflexe dans l’esprit du public : je me pose une question sur ma santé ou celle d’un proche, j’appelle Priorité santé mutualiste ».

Avant, quand on avait un problème de santé, on appelait son médecin. Maintenant, on appellera le conseiller de sa mutuelle… Véritable gain de qualité pour le système de santé français ?

Les sénateurs défendent le parcours de soins et l’accès direct aux gynécologues, ophtalmologistes et psychiatres

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Accès direct à certaines spécialités médicalesLors de la mise en place du parcours de soins, les élus de la République avaient pris soins de mettre en place un accès direct, à certaines conditions, aux gynécologues médicaux et chirurgicaux, aux ophtalmologistes, aux psychiatres, y compris pour les patients n’ayant pas déclaré de médecin traitant. Or, de nombreux sénateurs ont constaté que la Sécurité sociale pénalisait, dans plusieurs régions de France, les assurés qui avaient légitimement recours à ces spécialistes en accès direct, en leur appliquant une majoration du ticket modérateur. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales au Sénat, a fait remarquer au ministre de la santé, Roselyne Bachelot, qu’il n’était pas normal qu’alors que depuis la création du parcours de soins, certaines spécialités comme la gynécologie, sont d’accès direct, autrement dit, que les patients peuvent s’y rendre directement sans passer par le médecin traitant et être intégralement remboursés en fonction du ticket modérateur fixé par leur caisse d’assurance maladie, dans la pratique, les caisses, lorsque l’assuré n’a pas déclaré de médecin traitant, appliquent une majoration. Pour plusieurs sénateurs, en pénalisant ainsi les patients, l’assurance-maladie a mal interprété la loi. Ces spécialités étant hors parcours de soins, la désignation d’un médecin traitant n’est pas obligatoire pour obtenir le remboursement intégral.

Jusque-là, la loi, par son article L 162-5-3 du code de la Sécurité sociale, précise seulement que la participation forfaitaire pour chaque acte ou pour chaque consultation pris en charge par l’assurance maladie « peut être majorée pour les assurés et les ayants droit n’ayant pas choisi de médecin traitant ou consultant un autre médecin sans prescription de leur médecin traitant. Un décret fixe les cas dans lesquels cette majoration n’est pas appliquée, notamment lorsqu’est mis en oeuvre un protocole de soins ». Ces dispositions « ne sont pas applicables lorsque la consultation se fait en cas d’urgence auprès d’un autre médecin que celui désigné à l’organisme gestionnaire du régime de base d’assurance maladie, ou lorsque la consultation se fait en dehors du lieu où réside de façon stable et durable l’assuré social ou l’ayant droit âgé de seize ans ou plus » selon le cinquième alinéa de cet article.

Face à ce constat et à l’interprétation erronée faite par la Sécurité sociale, les sénateurs ont voté le 28 mai 2009 un article du projet de loi portant réforme de l’hôpital, et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) prévoyant que le cinquième alinéa de l’article L 162-5-3 du code de la sécurité sociale soit complété par les mots suivants : « ou lorsque l’assuré consulte des médecins relevant des spécialités suivantes : gynécologie médicale, gynécologie obstétrique, ophtalmologie, psychiatrie et neuropsychiatrie sans prescription de son médecin traitant ou sans avoir choisi un médecin traitant. » Ce texte, s’il n’est pas modifié avant que la loi ne soit adoptée de manière définitive, ne laisse plus de place à l’interprétation et obligerait l’assurance-maladie à s’éxécuter.

Le gouvernement ne souhaite pas voir aboutir cette évolution législative et rien ne dit qu’il ne fera pas pression sur la commission mixte paritaire, qui doit encore finaliser la loi, pour que cette disposition soit supprimée. Roselyne Bachelot a expliqué qu’il suffisait que le patient choisisse le spécialiste consulté directement comme médecin traitant pour échapper à cette majoration. Une fois ce choix de circonstance effectué, il lui suffit de demander à changer de médecin traitant par la suite. Lors des débats au Sénat, la ministre de la santé a même proposé que le spécialiste informe le patient de cette possibilité et a rappelé que l’ « on peut changer de médecin traitant tous les jours » !

 

Les transsexuels ne sont plus des malades psychiatriques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Évolution législative de la notion de transsexualitéDans un communiqué de presse intitulé « Signal fort à l’égard des transexuels », le gouvernement par l’intermédiaire de Roselyne Bachelot, ministre de la santé, a fait savoir à l’occasion de la journée internationale contre l’homophobie qu’il saisissait la Haute Autorité de santé (HAS) afin de publier un décret pour sortir la transsexualité de la catégorie des affections psychiatriques de longue durée (ALD 23). Pour les pouvoirs publics, cette discussion vient du fait que « Cette classification […] est vécue par les transexuels de manière très stigmatisante en ce qu’elle introduit une confusion entre trouble de l’identité de genre et affection psychiatrique ».

Il n’est pas question pour autant que les soins relatifs à ce qui est maintenant considéré comme un trouble de l’identité de genre ne soient plus pris en charge par la Sécurité sociale à 100 %, seule la classification de cette affection de longue durée va être modifiée. Le diagnostic et la prise en charge restent toujours du domaine de la médecine sans que, semble-t-il, cela puisse être considéré comme discriminatoire.

Pour le gouvernement, il était nécessaire de diffuser un message fort contre la “transphobie” et de rassurer la communauté lesbienne, gay, bi et transsexuelle (LGBT) qui compte maintenant ouvertement dans ses rangs plusieurs élus de la République. Cette mesure est même présentée comme “historique” par Madame Bachelot, car la France sera le premier pays dans le monde à ne plus considérer les transsexuels comme des malades mentaux lorsque ce décret aura été publié.

Augmentation du prix du lait… maternel

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Avoir du lait n'a parfois pas de prixLe prix du lait humain n’avait pas connu d’augmentation depuis la parution du précédent arrêté relatif à son prix en février 2002. Conformément à l’article R 2323-4 du code de la santé publique, les prix de vente au public du lait de femme recueilli et traité dans les lactariums sont fixés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Avec l’arrêté du 18 mars 2009 relatif au prix de vente et au remboursement par l’assurance maladie du lait humain, publié au Journal officiel du 24 mars 2009, le prix de ce lait recueilli et traité dans les lactariums passe de 62,50 à 80 euros le litre de lait frais ou congelé, soit une différence de 21 %. Pour les 100 grammes de lait lyophilisé, l’augmentation est tout aussi marquée : de 106,11 à 133 euros, soit 20 % de plus.

Le tarif limite de remboursement des organismes de sécurité sociale pour la fourniture de lait humain correspond pour le lait frais ou congelé, comme pour le lait lyophilisé, exactement aux prix de vente.

Le code de la santé publique (art. L 2323-1) prévoit que la collecte du lait humain ne peut être faite que par des lactariums gérés par des collectivités publiques ou des organismes sans but lucratif et autorisés à fonctionner par le représentant de l’État dans le département. Le même article dispose que la collecte, la préparation, la qualification, le traitement, la conservation, la distribution et la délivrance sur prescription médicale du lait maternel doivent être réalisés en conformité avec des règles de bonnes pratiques définies par décision de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Le dernier document de ce type a été publié au Journal officiel du 5 janvier 2008.

Il est important de rappeler qu’il est possible pour une femme de faire don de son lait. Ce don est anonyme et gratuit. Il est utile, tout particulièrement aux prématurés. Avoir du lait n’a parfois pas de prix.

 

Une femme a-t-elle le droit de vendre son lait ?

Pour le code civil, « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial » (extrait de l’article 16-1) et « aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci. » (art. 16-6).

Pour le code de la santé publique, « aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de ses produits » (extrait de l’article L 1211-4).

Par conséquent, en France, une femme n’a pas le droit de vendre son lait. Seul le don à un lactarium, dans les conditions prévues par la loi, est possible.